Film

Le Deuxième Acte

4 persos. 1 resto. 1 histoire commune. Il n’en faut pas plus pour Quentin Dupieux. Il a déjà assez pour délirer. Le Deuxième Acte regorge de répliques reflétant l’impertinence créative du réalisateur. Quel bien fou ! Le Français n’en est pas à son premier film choral. Incroyable Mais Vrai entrecroise déjà de curieux protagonistes.

Pour cette treizième œuvre, le cinéaste dépeint un scénario assez banal. Florence est déterminée à présenter l’homme de ses rêves, David, à son père Guillaume. Cependant, David ne partage pas les sentiments de Florence. Dès lors, il concocte un plan pour la dissuader de son affection en la poussant vers son ami Willy.

Encore une fois, je tire mon chapeau. Non pas pour l’effet poupée russe déployé à l’écran, illustrant une histoire dans une histoire. Non pas pour le minimalisme assumé de Quentin Dupieux (peu de décors et personnages, film à la durée très courte, etc.).
Saluons plutôt sa critique d’une société à la fois conformiste et pathétique… car tout le monde y passe ! L’intelligence artificielle. Les acteurs-violeurs. Les artistes moralisateurs et leur hypocrisie.
Bref, Le Deuxième Acte offre un moment de répit. Cette bouffée d’air frais est bien plus subversive que n’importe quel yes man hollywoodien respectant je-ne-sais quel quotas ethnique. Parlons-en. Cette exécrable méthode est taillée pour s’acheter une bonne conscience.
Oui, on peut rire de tout. Sauf que l’humour noir ne peut satisfaire tout le monde. Chaque individu est sensible à sa manière. Et non, la censure n’est pas un nouveau phénomène.

La liberté d’expression, c’est un immense débat. On avait tendance à dire qu’avant c’était mieux, qu’on pouvait dire plus de choses. C’est totalement faux. Renaud avait ses chansons censurées à la radio. Coluche s’est fait virer d’Europe 1. La censure, il y a en toujours eu, il y a en a partout. Tout le monde peut être plus ou moins touché par la censure. Il ne faut pas faire de généralité. Elle peut venir de n’importe où.Jérémy Ferrari

Je partage l’avis de l’humoriste. Ne voyons pas la censure tel un obstacle. Si les artistes souhaitent rester authentiques, autant considérer les censeurs à l’instar de brebis égarées. Le défi est à surmonter, comme le fait Dupieux.
Alfred Hitchcock avait tout compris. Via Psycho, son honorable thriller, il détourne le code Hays, une censure mise en place par l’institution Motion Pictures Producers and Distributors Association (1934-1966). Selon darchinews, la loi interdisait l’apparition de violence, les scènes à connotations sexuelles, ou les antihéros à l’écran. Le Maître du Suspense filme alors une violence et nudité suggérées. Un tueur poignarde une jeune femme sous la douche. Pour éviter qu’on la voit nue, les spectateurs n’aperçoivent pas un plan rapproché. Hitchcock découpe le corps en une série de gros plans, évitant soigneusement la poitrine. Il en va de même pour le couteau touchant la peau de la femme. Le plan fut coupé dans le but de ne pas voir l’arme rentrer dans le corps.

Actuellement, certains artistes se plaignent pourtant d’un climat tendu. Je comprends. Parfois, des voix s’élèvent pour un rien. Emotions et déraisons guident trop d’idiotes personnes.

Depuis les attentats de Charlie Hebdo, force est de constater que la liberté de création est de plus en plus mise en péril.Bastien Vivès

Effectivement, lors de cet attentat, un cap brutal fut franchi. Mais faut-il abandonner ? Faut-il s’avouer vaincu ? Comme si le dissensus valait moins que la doxa… la vie est trop courte pour se laisser malmener. Les caricaturistes de Charlie Hebdo ne méritaient pas de mourir. S’il faut se battre pour qu’on réfléchisse ensemble sur la pratique de l’humour noir, battons-nous.
Le Deuxième Acte est un film au propos intelligent. En cassant le quatrième mur, les personnages questionnent directement notre bienséance, ou plus précisément, le politiquement correct. A nous de savoir ce qui nous dérange, la raison de notre malaise.

brunoaleas

Porco Rosso

En Italie, durant l’entre-deux-guerres, Marco Pagot, un ancien pilote émérite de l’armée royale italienne, se voit transformé en cochon. Il se reconvertit ensuite en chasseur de primes sous le nom de Porco Rosso. Vivant sur une île déserte perdue dans l’Adriatique, il écoute à la radio son air préféré, ‘Le Temps des Cerises’, en lisant une revue de cinéma. Un jour, les Mamma Aiuto, des pirates de l’air, comptent attaquer un paquebot transportant de l’or. Marco décide d’intervenir pour sauver un groupe d’écolières à bord. S’ensuivent une série d’aventures, de combats aériens et de rencontres avec d’autres personnages hauts en couleur. Le film explore des thèmes tels que la bravoure, l’amitié et l’amour.

La transformation de Marco en Porco

Le réalisateur Hayao Miyazaki choisit de ne pas donner une explication à cette transformation. Néanmoins, les circonstances de la transformation de Marco sont celles évoquées dans la scène clé du film, où Porco raconte une histoire à Fio pour l’endormir. En faisant cela, l’auteur nous invite à imaginer notre propre interprétation des causes de cette transformation.

Dans une interview de 1992, Miyazaki partage des éléments intéressants qui permettent de plus ou moins comprendre les raisons de cette transformation.
Pourquoi donc avoir choisi un cochon comme personnage principal ? Pourquoi illustrer le symbole du capitalisme ? Il l’explique franco.

Il [le cochon] nous ressemble beaucoup ! Quand on est jeune, on est plein d’espoir et l’on pense que l’on sera un héros. Avec l’âge, on se rend compte que l’on n’a pas accompli ce but à cause de l’orgueil, des caprices, des désirs, du goût de la possession.

Revenons à l’instant précis de la transformation. Marco est pilote d’hydravion durant la Première Guerre mondiale. Un jour, avec ses camarades aviateurs, ils se retrouvent à livrer une bataille féroce au-dessus de la mer Adriatique. Durant cette bataille, il perd son équipe ainsi que son ami d’enfance, Berlini. Il se refuse à accepter la perte de son ami qui venait de se marier. C’est à cet instant qu’il a une vision.

Dans cette étrange vision, il contemple les avions ennemis et amis monter au ciel pour rejoindre une étrange procession composée d’avions tombés aux combats. Ce cortège funèbre est si important qu’il forme une véritable Voie lactée.
Quant à Marco, malgré le fait qu’il souhaite échanger sa vie avec celui de son ami, le sort ne le permet pas. Il survit alors à cette terrible bataille. Cet épisode traumatisant peut être considéré comme le tournant de sa vie.

En me référençant aux diverses interviews du cinéaste, concluons une hypothèse. La transformation de Marco en Porco Rosso cause en lui une prise de conscience brutale. En d’autres mots, mourir pour son pays n’a pas de sens. Marco était bel et bien porté par un idéal : tuer et mourir pour son pays. Selon moi, en observant tous ces avions, il s’est rendu compte que toute cette violence n’avait pas de sens.

Porco et Miyazaki

Lors d’une interview, après la sortie du film, Miyazaki décrit clairement Porco Rosso : C’est un film né seulement d’une passion. Puis, il confirme une précision. C’est son seul et unique film personnel. C’est un film qu’il a principalement fait pour lui. Ainsi, il est normal de voir des similitudes entre le personnage principal et le réalisateur.

Le choix de l’Italie sous Benito Mussolini n’est pas non plus anodin. Rappelons que l’artiste était marxiste. Faire en sorte que l’intrigue ait lieu dans l’Italie des années 1929, laisse de la place pour parler du fascisme. Cette thématique est initialement abordée en toile de fond. Le voile est levé lorsque Porco prononce une phrase devenue culte : Je préfère encore être un cochon décadent qu’un fasciste.

Un film aux multiples facettes

Porco Rosso n’est pas simplement un film qui explore l’être humain. C’est aussi un film d’action, d’aventure et d’humour.

L’humour se note à travers le Boss et le gang des Mamma Aiuto. Ces pirates de l’air, plus maladroits que menaçants, rajoutent une touche d’humour à cette œuvre. Que ce soit par leur comportement burlesque ou le fait qu’ils n’arrivent jamais à leur fin, cette bande peu chanceuse arrive majestueusement à faire rire le spectateur.

Le film aborde également la situation des femmes dans l’Italie du début du XXe siècle. On y voit des femmes qui rejoignent les usines pour travailler. Ces dernières sont une main d’œuvre à bas coût. En 1929, l’Italie, tout comme le monde entier, vit une crise économique à la suite du krach boursier de 1929. Miyazaki, via le personnage de Paolo Piccolo, met en évidence l’exploitation des femmes durant cette période. Paolo justifie l’emploi des femmes à la place des hommes par des considérations économiques. En effet, il exploite les femmes car ces dernières perçoivent un salaire moindre par rapport aux hommes pour le même travail. Il prend prétexte de la crise économique pour justifier cette pratique prédatrice, mais en réalité, on est dans la continuité de l’exploitation du prolétariat.

Fortuné Beya Kabala

Le Comte de Monte-Cristo

Un miracle advient ! Un film français est un souffle épique ! Le Comte de Monte-Cristo est réalisé par Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière. L’adaptation du classique de la littérature force le respect. Les cinéastes s’éloignent quelques fois du roman. Mais, ils présentent toujours un protagoniste qui renaît de ses cendres. Edmond Dantès, jeune marin, débarque à Marseille pour s’y fiancer avec Mercédès Herrera. À la suite d’un exploit en pleine mer, on lui promet la place de capitaine. Trahi, il est dénoncé comme conspirateur bonapartiste. Il est alors enfermé au château d’If. La souffrance est au rendez-vous. Son mental sombre petit à petit. Soudain, il s’évade et prend possession d’un trésor caché sur l’île de Montecristo. Il va désormais se venger et retrouver ses accusateurs.  

Comment ne pas ressentir un ennui profond devant une histoire de vengeance ? L’œuvre propose une relecture foutrement bien filmée, affichant des actrices et acteurs talentueux.

Laurent Lafitte incarne la crasse. Ce procureur du roi symbolise un adage clair et net : la fin justifie les moyens. Encore une fois, l’artiste n’a rien à prouver. Son dédain, mépris et indifférence frôlent l’excellence. Son personnage s’observe comme un être abject qu’on aimerait condamner dans les flammes de l’Enfer.

Anaïs Demoustier joue Mercédès, une dame fascinante. Elle semblait être la dernière lueur d’espoir d’Edmond. Malheureusement, lors de son retour à la civilisation, il découvre qu’elle est mariée à un homme peu vertueux.
Lire Dumas, c’est découvrir les nombreuses nuances des passions et relations humaines. Face à sa bien-aimée, Edmond se perd dans la confusion et le doute… des sentiments vécus tout au long de notre vie. Le caractère universel de l’œuvre se résume bel et bien aux dialogues entre Mercédès et Edmond.

Enfin, Pierre Niney porte le rôle principal de main de maître. J’aurais souhaité le voir partager plus de moments avec l’abbé Faria, son mentor et aide divine. Alexandre Dumas rédige des instants poétiques, d’une sagesse folle, lors de leur rencontre à la forteresse. Le film met de côté ces passages si beaux.
Le scénario demeure tout de même pertinent. La transformation d’Edmond en Monte-Cristo. Ses alliés et ennemis. Sa soif de justice. Tant d’éléments font de ce personnage l’un des meilleurs, toute fiction confondue !

Monte­-Cristo n’est pas un Robin des bois, c’est quelqu’un qui a tout l’argent du monde, mais il ne le donne pas. Il le consacre à sa vengeance. C’est un héros totalement moderne dans cette dimension individualiste, égoïste. Matthieu Delaporte

brunoaleas

Pauvres Créatures

Yórgos Lánthimos… we don’t need no education. We don’t need no thought control. No dark sarcasm in the classroom. Teacher, leave them kids alone. Hey, teacher, leave them kids alone. All in all, it’s just another brick in the wall. All in all, you’re just another brick in the wall.

brunoaleas

Moonlight

Qui se souvient de Moonlight ? Ce drame américain récompensé par l’Oscar du meilleur film, en 2017. A mon avis, pas grand monde… les humains oublient plus qu’ils ne respirent. Ne soyons pas méprisants ! Une question me vient à l’esprit lorsque je pense aux propos du long métrage. Quel est le rôle des cinéastes ? Abderrahmane Sissako certifie son idée sur le sujet. Le réalisateur mauritanien l’exprime sur le plateau de Médiapart.

Le rôle d’un cinéaste, de tout artiste, est de se projeter loin dans le monde. Savoir ce qui arrive dans un pays, continent.

Barry Jenkins s’inscrit-il dans cette mission d’anticiper les faits et événements ? Le réalisateur de Moonlight décrit des situations précaires, tendues, extrêmes, c’est-à-dire, le quotidien d’un jeune Afro-Américain, près de Miami. Comment ? En illustrant trois périodes cruciales d’une vie. Barry Jenkins explore le présent sans poser un ridicule jugement quant aux futurs de ses personnages. De l’enfance à l’âge adulte, le protagoniste est notre serpent s’incrustant là où personne ne souhaite sa venue. Ni sa mère, ni ses camarades de classe. Chiron est régulièrement martyrisé. Mais à aucun instant, il va se plaindre.


A Liberty City, la vie est rude. Surtout si nous nous révélons être bien plus différents des autres. Mais quand tout semble perdu, quand tout semble illusoire, une lueur d’espoir n’est jamais très loin. Qui est la lumière de Chiron ? Juan. Incarné brièvement par Mahershala Ali, le personnage prend le gosse sous son aile. Non pas pour le former à être le prochain dealer du coin… mais pour jouer un mentor bienveillant.

Alors, qui se souvient de Moonlight ? Sans doute, les plus cinéphiles d’entre nous. Cependant, même si ma mémoire n’est pas la plus vive au monde, je me souviendrai toujours de l’œuvre pour un point émouvant. Il s’agit des sages paroles prononcées par Juan.

A un moment, c’est à toi de décider qui tu veux être. Ne laisse personne décider à ta place.

Le plan final devient alors mémorable. Comme si Chiron fut toujours éclairé par Juan. Ce clair de Lune est si chaleureux. Il suffit parfois d’une personne pour que nos vies soient bouleversées du jour au lendemain. J’en suis convaincu. Et si Barry Jenkins l’était aussi ?

brunoaleas

Augure

‘augure’ :  personnage important qui se croit en mesure de connaître et de prédire l’avenir, de faire des pronostics. Le Larousse ne ment jamais. Mais peut-on se tromper sur l’idée d’un film ? Sûrement. Lorsque je découvre le film de Baloji sur grand écran, je me trouve semi-subjugué. Les décors, les costumes, les panoramas et bien sûr les évènements mystiques illustrent une œuvre colorée où ressentir un trip psychédélique n’est pas à proscrire. Baloji est cinéphile.

Mon enfance à Liège, aux côtés d’une grande communauté italienne, a fait de moi un fan absolu de cinéma italien, de la famille des grands ‘i’, comme Pasolini, Fellini, Antonioni. Leur onirisme me parle. –Baloji

Sa passion, on la saisit pleinement à la vue des rites, du désert et de clans filmés soigneusement. Quelles en sont les conséquences directes ? L’envie de contempler un univers partagé entre naturel et surnaturel. Mention honorable aux magnifiques costumes accrochant notre regard du début à la fin.

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Au départ, nos yeux suivent le trajet de Koffie. Il est maudit dès l’enfance à cause de ses tâches de naissance. Le jeune homme revient au Congo pour rendre visite à sa famille, accompagné de son épouse enceinte. L’Afrique apparaît tribale, animiste, où de nombreux cultes doivent être respectés. Koffie met les pieds là où on l’accepte difficilement. Les points de vue basculent d’une personne à l’autre, afin d’apercevoir ce que le cinéaste appelle les vrais victimes de son histoire.

Ses propos ne me choquent pas. Cependant, je ne valide pas sa pensée. Quand Baloji s’exprime lors d’interviews, il explique précisément les images de son film. D’après lui, la personne à plaindre n’est pas Koffie. Les personnages les plus à plaindre sont les protagonistes décidant de rester en Afrique. Ces femmes et hommes n’ayant pas le luxe de quitter leur terre natale… c’est pourquoi, le jeune réalisateur définit Koffie comme un privilégié.
Ne serait-ce pas trop prétentieux de sa part ? Que signifient ces termes ?! Selon l’artiste, si Koffie réalise des va-et-vient, c’est qu’il est extraordinairement chanceux. En d’autres mots, si Koffie vit chez les Occidentaux, il n’est qu’un homme différent des siens. Baloji s’engouffre dans une généralisation hâtive. Même si son message clair à ses yeux, il passe à côté de la plaque. Quitter sa terre est chose aisée… qui ose le prétendre ?! Trouver un job à l’étranger, est-ce complexe, vraiment ?! Croiser des racistes, est-ce une bénédiction ?! Ne plus revoir sa famille pendant de longues années, un paradis pour tant de personnes… mais bien sûr…

Vous l’aurez compris, Augure est fort au niveau formel. Quant au fond, le propos derrière les métaphores de l’artiste, il est impossible de le deviner. Je me renseigne souvent sur les coulisses d’un film. D’habitude, j’aime découvrir l’envers du décor, ce ne fut pas le cas pour l’œuvre du jeune sophiste.
Baloji ne laisse pas aux spectateurs l’opportunité de déceler sa pensée profonde. Puis, tant mieux. Si c’est pour avaler ses paroles… non merci. L’exil d’une personne n’est jamais comparable à celui d’une autre.

brunoaleas

La Zone d’Intérêt

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme, Hedwig (Sandra Hüller, rôle principal de la Palme d’Or, Anatomie d’une chute), s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.

C’est au bord d’une rivière que s’ouvre La Zone d’Intérêt. Le commandant Höss passe une agréable journée avec sa famille. La journée a d’abord commencé avec un déjeuner sur l’herbe puis la joyeuse famille est allée se baigner dans le lac. Enfin, il était temps de plier bagage car un orage s’était déclaré.

Avant d’aller voir ce film, je ne connaissais rien du synopsis ni du thème abordé. Donc, j’ai été encore plus frappé par le fait que nous sommes entrainés progressivement dans l’horreur la plus glaçante. Ce qui est le plus fascinant dans ce film, c’est le fait que le réalisateur Jonathan Glazer ne fait jamais rentrer la caméra dans le camp de concentration. Tout au long du film, le spectateur ne verra que la parfaite vie de famille de Rudolf Höss de l’autre côté du mur qui jouxte celui d’Auschwitz-Birkenau.

Le retour à la réalité

Ici encore, tout se passe en subtilité. Le basculement vers l’horreur se fait étape par étape. On aperçoit d’abord cet imposant mur puis des internés du camp, et finalement la fumée sortant de l’effroyable cheminée. Dans un premier temps, on fait appel à notre vue puis à notre ouïe et enfin, à l’odorat. Et, c’est pour ce dernier sens que la réalisation s’est sublimée. En effet, comme dans un cinéma nous ne pouvons pas sentir les odeurs, Jonathan Glazer fait appel à une personne en particulier. Ce choix n’est pas anodin. Dans le film, la mère d’Hedwig vient rendre visite à la famille pour un moment. Elle ne reste que quelques instants au sein de la maison Höss car, contrairement aux autres, elle n’arrive pas à passer outre le fait que des personnes soient exterminées juste à côté. Chaque nuit, lorsque les corps sont brulés et que la fumée commence à s’échapper de la cheminée, une odeur horrible s’empare de toute l’habitation. On ne peut plus faire abstraction de la réalité. Et c’est, selon moi, le fait d’être incapable de fuir la réalité qui lui fait fuir la maison.

L’éléphant dans la pièce

L’expression anglophone the elephant in the room désigne un problème manifeste que personne ne souhaite mentionner.

Le mal est banalisé dans le quotidien de la famille Höss. L’exploitation des internés du camp de concentration est vue comme du simple travail. Ils travaillent comme jardinier, comme femme de ménage ou nounou. Mais, rien n’est dit explicitement. Pour les jardiniers, on devine qu’ils viennent du camp à leurs vêtements caractéristiques. Pour les femmes juives, qui s’occupent des tâches ménagères, ce sont les menaces de Mme Höss en l’encontre de leurs vies qui nous mettent la puce à l’oreille.

En prenant la partie de raconter la Shoah à travers les yeux du bourreau, Jonathan Glazer décide de relater l’horreur sans montrer le camp. Mais, la nature a horreur du vide et l’imaginaire du spectateur parvient à faire surgir de l’ombre l’éléphant dans la pièce.

Fortuné Beya Kabala

Anatomie d’une chute

Le 30 aout 2023, le 4e long métrage de Justine Triet, Anatomie d’une chute sort au cinéma. Depuis sa sortie, le film a remporté pas moins d’une vingtaine de prix, dont la Palme d’or au dernier Festival de Canne. Cet article ne sera pas une critique de ce film, mais l’anatomie de sa réussite.

Avant de débuter l’analyse, rappelons de quoi parle le film. Anatomie d’une chute est un film de procès dans lequel une femme se retrouve accusée du meurtre de son compagnon. Tout au long du film, il y a des allers-retours entre le futur et le présent dans le but de comprendre l’état du couple au moment de la mort du compagnon en question.

Un film de procès

C’est un film de genre et, a priori, le spectateur connait la rengaine. Mais, c’est ici que le film décide de le surprendre en lui montrant très tôt que les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît. Arthur Harari, co-scénariste du film, confirme ce choix au micro de Guillaume Erner. Ce parti pris est un élément qui peut expliquer ce succès. En effet, le but n’est pas de trouver le coupable de ce meurtre, mais comprendre comment cela a pu arriver.

Ce procédé me rappelle celui utilisé dans le film Saint Omer d’Alice Diop. Que nous affiche la réalisatrice ? La culpabilité n’est pas le centre de l’intrigue. La réalisatrice tente de nous expliquer les raisons complexes qui poussent une mère à mettre fin à la vie de son nouveau-né.

Un film de couple

Lorsque l’on se renseigne sur les raisons du succès du film, beaucoup de personnes disent aimer le film car il parle d’un couple. Et, il est question de domination et du partage équitable de responsabilité dans le couple. Une fois de plus, la thématique n’est pas particulièrement originale, mais Justine Triet décide de bousculer le spectateur dans ses certitudes. En effet, lorsqu’il s’agit de domination ou d’une relation non- équitable, dans un couple hétérosexuel, la femme est souvent la victime de la relation. Mais ici, c’est l’inverse ! Simon est celui qui estime être lésé dans la vie de couple. Et, toute la scène de la dispute illustre le mal-être de ce dernier.

Je pense que le fait de ne pas dépeindre un schéma classique de domination peut avoir contribué au succès du film. Comme expliqué plus haut, Anatomie d’une chute a pour prétention d’inviter le spectateur à se rendre compte de la complexité dans les choses simples de la vie.

La polémique

En mai 2023, Anatomie d’une chute est récompensé de la Palme d’or. Justine Triet profite de cette exposition pour critiquer la réforme des retraites. Ce discours ne plaît pas car la Première ministre de l’époque, Elisabeth Borne, déclare, dans la foulée, qu’elle n’irait pas voir le film.

Après cet épisode, Anatomie d’une chute n’a pas été choisi pour représenter la France lors de la cérémonie des Oscars alors que le film était le grand favori. Certains expliquent ce choix par le fait que Justine Triet avait critiqué le gouvernement. Quant à la commission du CNC, chargée de désigner le film français qui concourra aux Oscars, elle affirme qu’il n’y a pas eu de pression lors de cette décision.

Malgré la qualité indéniable de ce film, il me semble très probable que cette polémique ait contribué au succès de cette œuvre. Effectivement, on imagine bien que la curiosité a été la raison pour laquelle une partie du public est allée voir ce film. Les gens ont certainement voulu voir le film de la réalisatrice qui a osé critiquer la politique du gouvernement français. De même, certains ont voulu voir le film qu’Elisabeth avait refusé de voir.

Fortuné Beya Kabala

Stand by Me

Le critique Jean-Philippe Guerand ne tient pas sa langue dans sa poche. Il diagnostique sévèrement un film : Avec la banalisation du fantastique et la généralisation des effets spéciaux, le cinéma moderne a perdu une partie de son âme en troquant l’innocence des pionniers contre une technologie hypersophistiquée. Nous sommes en 1992. L’œuvre jugée mauvaise se nomme Candyman.

Ces paroles résonnent encore. Observez l’ignominie visuelle qu’est Flash, réalisée par Andrés Muschietti. C’est pourquoi, faire un bon dans le temps, puis, comprendre le succès des classiques du cinoche, n’est pas insensé.
Les années 80 ne me fascinent pas du tout (à bas le disco, s’il vous plaît). Pourtant, les spectateurs découvrent 
Stand by Me à cette époque… étudions son cas, et la raison pour laquelle il apparaît, encore aujourd’hui, comme un film franchement bien écrit.

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Direction l’Oregon. On y suit quatre garçons d’une douzaine d’années. Ils partent à la recherche d’un corps… celui d’un enfant de leur âge, Ray Brower. Les jeunes aventuriers souhaitent passer dans les journaux grâce à leur découverte.

Une fois embarqué parmi cette bande, il est impossible d’abandonner l’écran. Comment vont-ils s’en sortir dans la nature ? Ce pauvre Ray est si facile à retrouver ? Qui veut vraiment passer dans les journaux ? Mais surtout, qui sont réellement ces gamins ? Cette aventure n’est qu’un prétexte pour étudier ces personnages. Lorsqu’on s’en rend compte, le scénario brille de plus belle. Stand by Me dévoile diverses fêlures. Le petit frère en deuil. Le faux vaurien voulant s’éloigner de tout le monde. Le fanatique de guerre. Ces quelques exemples nous plongent dans un monde sans artifices foireux, sans fond vert abusif, sans attitude superficielle.

On transpire tout au long du parcours pour savoir quel final nous attend. D’ailleurs, ce final détermine la beauté de l’œuvre. De fait, les dernières paroles de notre narrateur provoque une envie : pleurer à chaudes larmes. La réalisation de Rob Reiner donne à réfléchir. L’amitié est amour. Mais n’oublions pas que nos similitudes ne définissent pas entièrement nos amis. Nos différences réunissent du monde !

En juin, les citoyens belges se rendront aux urnes pour élire leurs représentants au fédéral, à la région et à l’Europe. Stand by Me peut réellement s’interpréter comme une certaine prise de conscience, tant sa fin est d’une sagesse extrême.
Que désirons-nous pour l’Autre ? L’œuvre semble développer un message clair et net : il faut d’abord travailler sur soi-même pour vivre en société.

brunoaleas

TOP FILMS 2023

Le Chat Potté et Le Garçon et le Héron l’ont comme thème centrale. Dans un univers chatoyant, les héros la rejettent, essayent de la comprendre et finissent par l’accepter. Vous sortirez joyeusement chamboulés du visionnage de ces deux films, où la mort après tout, reste une belle aventure.

Interdit aux chiens et aux Italiens. Derrière chaque immeuble, chaque mine, chaque usine, chaque  armoire se trouve la vie et la mort de milliers personnes. Ce ne sont pas des choses inanimées mais animées par l’histoire de chaque Humain ayant contribué à leurs existences.

Falcon Lake. Une ode aux doux fantômes parcourant nos vies.

Hunger Games : la Ballade du serpent et l’oiseau chanteur. Lorsque la fin est injuste, choisie de manière malsaine, elle devient source de haine. La mort n’est pas un problème mais bien une manière utilisée pour faire naître crainte et peur au creux des personnes.

La mort est en nous. Elle est là présente, bien vivante. Nous ne faisons que la nier en espérant qu’elle ne viendra pas toquer à notre porte, alors qu’elle est depuis notre naissance bien installée dans notre maison. Les films sont là pour nous rappeler de l’embrasser, de l’aimer et de surtout ne pas oublier sa profonde humanité. –Mouche

TOP 5

  1. Le Chat Potté 2 : La Dernière Quête – Joel Crawford et Januel P. Mercado

  2. Le Garçon et Le Héron – Hayao Miyazaki

  3. Interdit aux Chiens et aux Italiens – Alain Ughetto

  4. Falcon Lake – Charlotte Le Bon

  5. Hunger Games : la Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur – Francis Lawrence

J’ai décidé cette année de créer un top exclusivement dédié aux films d’animation de l’année, simplement parce que je me suis rendu compte qu’ils étaient ceux qui m’avaient le plus marqué.
Nous avons eu droit à de belles production cette année. Pixar et Miyazaki ont fait leur grand retour, mais pourtant, c’est Dreamworks et Sony qui ont conquis mon cœur cette année.

Le Chat Potté, sorti en décembre de l’année précédente, m’a véritablement époustouflé. C’est un film quasiment parfait à mes yeux, regroupant absolument tout : une action décoiffante, des blagues hilarantes, une animation fulgurante, et en plus, une histoire fascinante et très intelligente.

Spider-Man 2 est aussi excellent que son prédécesseur. On a vraiment hâte de voir la suite pour vivre l’expérience complète du scénario, qui se conclut ici de manière abrupte.

Miyazaki nous a offert une nouvelle œuvre, très personnelle et peu innovante, comme s’il faisait un bilan de sa carrière. Mais quand on a un univers et une carrière comme celle de Miyazaki, on ne peut que tomber sur un chef-d’œuvre d’imagination, un vrai rêve éveillé à l’écran.

Je n’ai pas grand-chose à dire sur Super Mario Bros., si ce n’est que le défi de créer un film divertissant qui rend hommage aux mascottes est bien réussi.

En fin de liste, on retrouve étonnamment le Pixar de l’année. Le studio est habitué au haut du classement, mais Elémentaire, malgré la multitude d’idées à la seconde que son identité graphique dévoile, n’arrive pas à proposer un scénario stimulant. On plonge rapidement dans des clichés trop vus et un scénario si prévisible qu’on croirait qu’il a été copié-collé d’une vieille formule pour écrivain sans inspiration. –Pierre Reynders

TOP 5

  1. Le Chat Potté 2 : La Dernière Quête – Joel Crawford et Januel P. Mercado

  2. Spider-Man : Across the Spider-Verse – J. Dos Santos, K. Powers, J. K. Thompson

  3. Le Garçon et Le Héron – Hayao Miyazaki

  4. Super Mario Bros. – Aaron Horvath et Michael Jelenic

  5. Elémentaire – Peter Sohn

L’année 2023 a été une année riche en superproductions hollywoodiennes. Mais, pour moi, 2023 rime avec Margot Robbie. Elle a été la reine incontestable ! Cependant, les choses n’ont pas si bien commencé pour la Barbie. Début 2023, Babylon débarque dans les cinémas belges. Quelques semaines après le lancement du film, les nouvelles ne sont pas bonnes pour le film de Damien Chazelle. Malgré les belles critiques, les salles ne se remplissent pas. Pourtant, Babylon est un film formidable ! Les décors sont incroyables, le scénario est parfait et que dire de la musique, une merveille. Finalement, plus de peur que de mal car le film est un succès et réalise plus de deux millions d’entrées en France.

Est-ce que je vous ai dit que Margot Robbie était l’actrice de cette année 2023 ? Après Babylon, l’actrice américaine s’attaque à un autre mythe et cette fois-ci, c’est la fameuse poupée Barbie ! Mais, comment parler de Barbie sans parler d’Oppenheimer ? Aussi curieux que cela puisse paraitre, il y a eu un duel acharné entre le film de Christopher Nolan et celui de Greta Gerwig. Hasard du calendrier, les deux productions sont sorties le même jour et cet hasard a donné lieu à ‘Barbenheimer’.

Comment parler de cinéma sans parler de Joaquin Phoenix ? Il est devenu, depuis ces dernières années, un grand nom des superproductions américaines. Et, 2023 ne fait pas exception car nous avons pu le voir, en cette fin d’année, dans Napoléon réalisé par Ridley Scott. Malheureusement, ce film ne figurera pas dans mon top de cette année. Néanmoins, Joaquin Phoenix sera dans cette liste car il a le rôle principal dans Beau is afraid. Ce film est réalisé par Ari Aster et produit par A24. Après avoir eu ces informations, vous comprenez directement qu’on est face à un film ‘spécial’. Allez juste voir le film car la langue française ne contient pas de mot assez précis pour qualifier cette création !

Parlons cinéma belge. Cette année, on a eu de belles pépites comme la série 1985. Côté film, Wil de Tim Mielants a plus particulièrement retenu mon attention. Un film que je conseille à tout un chacun car il explore la nature humaine en période de guerre. Tout au long de l’histoire, on suit l’évolution de deux jeunes hommes durant l’occupation allemande lors de la Seconde Guerre mondiale. J’ai été fortement marqué par ce film car il dépeint la vie des civils pendant la guerre et laisse de côté les évènements liés au déroulement de la guerre. –Fortuné Beya Kabala

TOP 5

  1. Babylon – Damien Chazelle

  2. Beau is afraid – Ari Aster

  3. Wil – Tim Mielants

  4. Oppenheimer – Christopher Nolan

  5. Barbie – Greta Gerwig

En 1895, le cinématographe nait en France. Qui dépose son brevet ? Les frères Lumière. Le cinématographe fonctionne grâce à une manivelle. On utilise un film perforé de 35 mm de largeur passant par un obturateur à une vitesse de 16 images par seconde. L’objet fonctionne comme une machine à coudre. Des images apparaissent alors avec fluidité à l’écran. Dès ce moment, les frères Lumière partage une vraie révolution pour le monde de l’art.

Aujourd’hui, le cinéma s’est exporté à l’international. En Italie, Nanni Moretti continue son parcours engagé et crie toujours avec autant d’espoir. Quant au cinéma asiatique, il est fascinant. Pensons à des figures comme Takeshi Kitano, Hirokazu Kore-eda, ou tout simplement l’oscarisé, Bong Joon-ho.

Mentions honorables aux films animés et inclassables parmi les autres titres. Ces œuvres méritent indubitablement la première place : Suzume, Le Garçon et Le Héron, Le Chat Potté 2, ElémentaireSpider-Man : Across the Spider-Verse.

Qu’en est-il en France ? Certains projets font pitié. A titre d’exemples : les Asterix & Obelix devenus des pages publicitaires, Dany Boon et son jeu insipide, ou quelques films de batailles conçus par des personnalités fantasmant une France d’un autre temps. Heureusement, des auteurs expérimentés continuent d’épater nos yeux. Citons deux artistes aux films rafraichissants.
Le premier se nomme Michel Gondry. Il opère un retour réussi via une ode à l’imagination, une lettre d’amour à l’esprit d’inventivité,
Le Livre des Solutions. Le second s’appelle Quentin Dupieux. Il sort un film par an. Cette fois, son moyen métrage, Yannick, m’émeut totalement. Pour son propos sur le monde artistique, et sa manière de le juger. Pour son écriture comique assez directe et ses acteurs efficaces. Vous découvrirez de bons vivants à l’écran, des comédiens sur scène démontrant leur faiblesse face à un spectateur qui ose prendre la parole, pour ensuite créer son univers. –brunoaleas

TOP 5

  1. Yannick – Quentin Dupieux

  2. Le Livre des Solutions – Michel Gondry

  3. Aftersun – Charlotte Wells

  4. Les Bonnes Etoiles – Hirokazu Kore-eda

  5. Vers un Avenir Radieux – Nanni Moretti

Illustration ©Antoine Wathelet

Le Garçon et Le Héron

Le drame, puis la disparition. Mahito doit quitter Tokyo pour partir vivre à la campagne, après avoir perdu sa mère lors d’un incendie. Le jeune garçon s’installe avec son père dans un vieux manoir situé sur un immense domaine. Il y rencontre un héron cendré. L’animal apparaît tel un guide et l’aide au fil de ses découvertes, une fois à l’intérieur d’un monde défiant nos lois et raisonnements.

Ne pas comprendre. Ressentir. Voici comment résumer Le Garçon et le Héron, dernier film en date du cinéaste japonais, Hayao Miyazaki. Nos yeux prennent le temps de s’habituer à un décor vert et ensoleillé, à des personnages aimant vivre, à une histoire bercée par une perception infantile. Que ne faut-il pas oublier ? Nous suivons les aventures de Mahito. Lorsqu’il débarque à la campagne, un nouveau chapitre s’ouvre à lui. Accepter son deuil. Accepter une nouvelle famille. Accepter.

Il ne s’agit pas de deviner si nous observons des rêves ou la réalité… quand Mahito suit le héron, c’est pour laisser jouer son imagination à 200%. Nous l’accompagnons sur son chemin. Faire table rase de nos connaissances devient une évidence. Une tour, si énigmatique, se transforme alors en refuge, où se croisent des personnalités du passé, des mirages éternels et des visages inoubliables.

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L’œuvre dévoile aussi une autre force du réalisateur passionné par la beauté de la nature. L’image parle d’elle-même. Le Garçon et le Héron illustre de vrais tableaux où les scènes s’enchainent pour déployer la maestria de l’artiste. L’animation est toujours aussi folle. Tant au début du long métrage, où flammes et vitesse se mêlent pour provoquer une prouesse technique, tant à sa fin, lorsque les cieux, la terre, l’espace s’ouvrent à un univers surnaturel, lumineux, cruel, mais aussi fragile. Devant ces constatations, une question demeure. Qu’est-ce qui intéresse Hayao Miyazaki ? En 2003, il partage une réponse claire et nette.

Les vrais paysages m’inspirent, les maisons banales, les êtres humains que je rencontre. Ce n’est pas en regardant des photos ou des films que j’ai appris mon métier. Ce n’est pas en regardant le cinéma qu’on devient cinéaste, c’est en observant la réalité du monde autour de soi.

Le douzième film du maître de l’animation est une réussite. En ces temps troubles, où les guerres se déroulent toujours à quelques kilomètres, l’œuvre épouse une vision sereine de la vie, surtout, à propos de notre envie de survivre. Même si nous perdons des proches chaque année, ils ne sont jamais très loin pour offrir leur flambeau… afin d’embrasser la dureté de l’existence.

brunoaleas

Les Bonnes Etoiles

Tout le monde a ses raisons, prononce Jean Renoir. Ce n’est pas parce que tout le monde a ses raisons que ces raisons sont équivalentes, complète François Bégaudeau. Ces mots rappellent un fait intemporel. Il n’existe pas de manuel expliquant comment être de bons parents. Hirokazu Kore-eda, s’il ne le pense pas, le démontre via Les Bonnes Etoiles.

L’histoire débute en suivant So-young. La jeune femme ne souhaite plus s’occuper de son bébé et le laisse dans une boîte prévue pour accueillir les enfants abandonnés. Elle se ravise rapidement et retourne chercher son bébé. Mais elle rencontre Sang-hyun et Dong-soo. Les gaillards lui proposent alors de vendre illégalement son enfant.

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Le thème n’est pas simple à aborder. Les évènements illustrés par Les Bonnes Etoiles attirent notre attention sur le trafic d’enfants en Corée du Sud. Ensuite, l’œuvre questionne nos responsabilités. Des parents doivent-ils laisser leur enfant à d’autres, lorsqu’ils vivent des situations misérables ? Ou doivent-ils coûte que coûte élever leur progéniture ?

Les protagonistes ne donnent pas de réelles réponses. Ils suivent leur instinct. Ils ne sont point présentés comme des criminels. Chacun essaye de survivre dans un monde où la survie ne devrait pas être la première préoccupation des plus petits. C’est pourquoi, en voyant l’état de So-young, les camarades prennent la route pour offrir un cadre familial digne de ce nom à son bébé.

Le réalisateur japonais ne coche pas la case dépression. Il dépeint des personnages sans vouloir exploiter un pathos explicite, sans afficher des caractères mielleux qui sonneraient faux. Les dialogues se suffisent pour comprendre la détresse de tout un chacun. L’ambiance ne se définit pas par des musiques pesantes et omniprésentes. Mais bien par des silences longs, véritables cachets pour décrire le mal-être d’une société.
Quand des parents abandonnent leur enfant, l’entraide est un signe divin.
Les Bonnes Etoiles l’annonce dès ses premières scènes émouvantes. A la fin de l’histoire, une et une seule question se pose. Qui assume encore ses actes, quand la société n’offre plus aucune perspective d’avenir ?

brunoaleas