Le 30 aout 2023, le 4e long métrage de Justine Triet, Anatomie d’une chute sort au cinéma. Depuis sa sortie, le film a remporté pas moins d’une vingtaine de prix, dont la Palme d’or au dernier Festival de Canne. Cet article ne sera pas une critique de ce film, mais l’anatomie de sa réussite.
Avant de débuter l’analyse, rappelons de quoi parle le film. Anatomie d’une chute est un film de procès dans lequel une femme se retrouve accusée du meurtre de son compagnon. Tout au long du film, il y a des allers-retours entre le futur et le présent dans le but de comprendre l’état du couple au moment de la mort du compagnon en question.
Un film de procès
C’est un film de genre et, a priori, le spectateur connait la rengaine. Mais, c’est ici que le film décide de le surprendre en lui montrant très tôt que les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît. Arthur Harari, co-scénariste du film, confirme ce choix au micro de Guillaume Erner. Ce parti pris est un élément qui peut expliquer ce succès. En effet, le but n’est pas de trouver le coupable de ce meurtre, mais comprendre comment cela a pu arriver.
Ce procédé me rappelle celui utilisé dans le film Saint Omer d’Alice Diop. Que nous affiche la réalisatrice ? La culpabilité n’est pas le centre de l’intrigue. La réalisatrice tente de nous expliquer les raisons complexes qui poussent une mère à mettre fin à la vie de son nouveau-né.
Un film de couple
Lorsque l’on se renseigne sur les raisons du succès du film, beaucoup de personnes disent aimer le film car il parle d’un couple. Et, il est question de domination et du partage équitable de responsabilité dans le couple. Une fois de plus, la thématique n’est pas particulièrement originale, mais Justine Triet décide de bousculer le spectateur dans ses certitudes. En effet, lorsqu’il s’agit de domination ou d’une relation non-équitable, dans un couple hétérosexuel, la femme est souvent la victime de la relation. Mais ici, c’est l’inverse ! Simon est celui qui estime être lésé dans la vie de couple. Et, toute la scène de la dispute illustre le mal-être de ce dernier.
Je pense que le fait de ne pas dépeindre un schéma classique de domination peut avoir contribué au succès du film. Comme expliqué plus haut, Anatomie d’une chute a pour prétention d’inviter le spectateur à se rendre compte de la complexité dans les choses simples de la vie.
La polémique
En mai 2023, Anatomie d’une chute est récompensé de la Palme d’or. Justine Triet profite de cette exposition pour critiquer la réforme des retraites. Ce discours ne plaît pas car la Première ministre de l’époque, Elisabeth Borne, déclare, dans la foulée, qu’elle n’irait pas voir le film.
Après cet épisode, Anatomie d’une chute n’a pas été choisi pour représenter la France lors de la cérémonie des Oscars alors que le film était le grand favori. Certains expliquent ce choix par le fait que Justine Triet avait critiqué le gouvernement. Quant à la commission du CNC, chargée de désigner le film français qui concourra aux Oscars, elle affirme qu’il n’y a pas eu de pression lors de cette décision.
Malgré la qualité indéniable de ce film, il me semble très probable que cette polémique ait contribué au succès de cette œuvre. Effectivement, on imagine bien que la curiosité a été la raison pour laquelle une partie du public est allée voir ce film. Les gens ont certainement voulu voir le film de la réalisatrice qui a osé critiquer la politique du gouvernement français. De même, certains ont voulu voir le film qu’Elisabeth avait refusé de voir.
Fortuné Beya Kabala