La Zone d’Intérêt

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme, Hedwig (Sandra Hüller, rôle principal de la Palme d’Or, Anatomie d’une chute), s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.

C’est au bord d’une rivière que s’ouvre La Zone d’Intérêt. Le commandant Höss passe une agréable journée avec sa famille. La journée a d’abord commencé avec un déjeuner sur l’herbe puis la joyeuse famille est allée se baigner dans le lac. Enfin, il était temps de plier bagage car un orage s’était déclaré.

Avant d’aller voir ce film, je ne connaissais rien du synopsis ni du thème abordé. Donc, j’ai été encore plus frappé par le fait que nous sommes entrainés progressivement dans l’horreur la plus glaçante. Ce qui est le plus fascinant dans ce film, c’est le fait que le réalisateur Jonathan Glazer ne fait jamais rentrer la caméra dans le camp de concentration. Tout au long du film, le spectateur ne verra que la parfaite vie de famille de Rudolf Höss de l’autre côté du mur qui jouxte celui d’Auschwitz-Birkenau.

Le retour à la réalité

Ici encore, tout se passe en subtilité. Le basculement vers l’horreur se fait étape par étape. On aperçoit d’abord cet imposant mur puis des internés du camp, et finalement la fumée sortant de l’effroyable cheminée. Dans un premier temps, on fait appel à notre vue puis à notre ouïe et enfin, à l’odorat. Et, c’est pour ce dernier sens que la réalisation s’est sublimée. En effet, comme dans un cinéma nous ne pouvons pas sentir les odeurs, Jonathan Glazer fait appel à une personne en particulier. Ce choix n’est pas anodin. Dans le film, la mère d’Hedwig vient rendre visite à la famille pour un moment. Elle ne reste que quelques instants au sein de la maison Höss car, contrairement aux autres, elle n’arrive pas à passer outre le fait que des personnes soient exterminées juste à côté. Chaque nuit, lorsque les corps sont brulés et que la fumée commence à s’échapper de la cheminée, une odeur horrible s’empare de toute l’habitation. On ne peut plus faire abstraction de la réalité. Et c’est, selon moi, le fait d’être incapable de fuir la réalité qui lui fait fuir la maison.

L’éléphant dans la pièce

L’expression anglophone the elephant in the room désigne un problème manifeste que personne ne souhaite mentionner.

Le mal est banalisé dans le quotidien de la famille Höss. L’exploitation des internés du camp de concentration est vue comme du simple travail. Ils travaillent comme jardinier, comme femme de ménage ou nounou. Mais, rien n’est dit explicitement. Pour les jardiniers, on devine qu’ils viennent du camp à leurs vêtements caractéristiques. Pour les femmes juives, qui s’occupent des tâches ménagères, ce sont les menaces de Mme Höss en l’encontre de leurs vies qui nous mettent la puce à l’oreille.

En prenant la partie de raconter la Shoah à travers les yeux du bourreau, Jonathan Glazer décide de relater l’horreur sans montrer le camp. Mais, la nature a horreur du vide et l’imaginaire du spectateur parvient à faire surgir de l’ombre l’éléphant dans la pièce.

Fortuné Beya Kabala

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