Film

Unicorn Wars : guerre au pays de Bambi

Et si les licornes n’étaient pas ces magnifiques créatures magiques, inoffensives ? Avec Unicorn Wars, Alberto Vazquez vient bousculer notre conception de ces créatures féeriques.

Le paradis perdu

L’histoire se passe dans un monde où une guerre terrible oppose les licornes aux ours en peluche. Selon la propagande des oursons, à l’origine, licornes et oursons vivaient en paix dans la forêt magique. Mais un jour, les licornes ont pris les armes contre eux à cause de la jalousie suscitée par la connaissance que les oursons ont acquit au fur et à mesure de l’histoire. À l’issu de terribles batailles, les maléfiques licornes gagnent et chassent les ours en peluche de la forêt magique.

La contre-offensive

Le film débute dans le Camp Joli Cœur, lieu où la compagnie d’oursons, formée par le sergent Gros Câlin, prépare la contre-offensive. Au premier abord, ce camp ressemble au monde des Bisounours. Cependant, tout change lorsqu’on aperçoit écrit sur la plaque d’entrée : Honneur, douleurs et bisous. Dès cet instant, le spectateur comprend qu’il n’est pas devant un film d’enfant.

L’histoire se concentre sur le développement de deux frère, Dodu et Célestin. À travers le regard de ces deux ours en peluche, nous suivons la préparation de la compagnie à l’art de la guerre.

Un film pour enfants interdit aux enfants

Unicorn Wars est typiquement le film qu’un parent, peu attentif, peut aller voir avec ses enfants. En effet, l’affiche ne fait pas spécialement peur et donne peu d’information sur l’œuvre en soi. La réalité est tout autre car Alberto Vazquez signe une réalisation qui est plus proche d’un film d’horreur que de Bambi.

Hormis le sang qui est très présent, notons également qu’il règne une atmosphère drôle et malsaine. C’est illustré notamment par le fait que la relation entre les deux frères est tantôt fraternelle, tantôt flirt avec l’inceste. De l’autre côté, la devise une bonne licorne est une licorne morte m’a personnellement fait rire.

Hormis le style de dessin très beau, le point fort du film réside dans son humour. Le réalisateur en use de manière particulière. Il mélange l’humour noir à un humour plus grotesque, et cela donne des répliques à mourir de rire.

La nature profondément cruelle des êtres

Au-delà de son monde haut en couleur, à l’instar d’un film Barbie, Unicorn Wars nous compte le récit d’une lutte entre deux camps qui ont une haine infinie les uns contre les autres. Cette haine conduit ces deux races à n’aspirer qu’à une chose, éradiquer l’autre.

Et pour y parvenir, chaque camp n’hésite pas à user de récits de propagande pour alimenter et justifier la haine de l’autre. Finalement, via Unicorn Wars, Alberto Vazquez livre un conte aux couleurs chatoyantes qui sonne comme un terrible rappelle que la haine pervertit même les meilleurs.

Fortuné Beya Kabala

Aftersun

Cette année, nous parlons peu du septième art. Mais un film retient l’attention. Bien plus qu’une production Marvel lancée par des scénaristes arriérés. Aftersun est une expérience cinématographique assez mémorable. Pourquoi ? Pour qui ? Pour tout le monde. Les films d’auteurs sont à surveiller. La première œuvre de Charlotte Wells ne fait pas figure d’exception. Elle s’adresse à un public prêt à trembler d’émotions.

Sophie se remémore ses vacances sur la côte turque avec son père, Calum. Elle s’amuse en faisant du karaoké, en se baignant. A cette période de l’histoire, elle se situe entre l’enfance et l’adolescence. Elle partage avec son père bonheur et conflit. À travers ses souvenirs, elle semble chercher des réponses. Les spectateurs deviennent ses yeux. Les yeux d’une jeune fille qui semble passer à côté d’un évènement tragique, d’un souvenir à la fois doux et amer.

d625a9a9-beca-40b4-8a1d-88beb9906c24

Aftersun est une expérience naturiste. Je ne choisis pas ce mot au hasard. Le Larousse vient à la rescousse. Naturiste signifie une tendance à prendre la nature pour seul guide dans son comportement, sa manière de s’alimenter, de vivre. La caméra filme chaque action en prenant en compte l’ennui, la spontanéité et complicité des protagonistes. Les décors nourrissent un imaginaire paradisiaque, quelquefois trompeur. De fait, Calum perturbe durant certaines scènes. Lorsque l’œuvre arrive vers sa fin, vous devinerez sûrement pourquoi ce père souffre d’un mal-être visible depuis nos sièges, invisible pour la petite Sophie. La relation père-fille apparaît alors comme un énorme point d’interrogation. A la fin de l’aventure, que reste-t-il ? Une question. Pourquoi ce long métrage est intense à regarder ?

Ma personnalité et celle de mon père sont la base de celles de Calum et Sophie. Mais est-ce que tout ceci s’est produit, est-ce que j’ai vécu ces vacances ? Non.Charlotte Wells

Nul besoin de voyager vers des galaxies pour décrire les failles des êtres humains. La mise en scène de la cinéaste est inspirante. Parfois, il suffit de puiser dans notre passé pour pondre un objet artistique poignant.

brunoaleas

Call Me by Your Name

Tu pleureras ; de tes lèvres montera le nom de l’ami que tu abandonnes et souvent ton pied s’arrêtera au milieu du chemin. Mais, moins tu auras envie de partir, plus tu dois penser partir.

Ces paroles viennent d’Ovide. Et s’il avait raison ? Existe-t-il un art d’aimer ? Faut-il le respecter ? Call Me by Your Name s’affranchit de ces questions. L’œuvre présente deux hommes, deux âges, deux personnages. L’un est fougueux et charmant (Elio, Timothée Chalamet), l’autre est séduisant et curieux (Oliver, Harmie Hamer).

Elio vit au sein d’une famille cultivée. Elle accueille Oliver, un Américain qui découvre les richesses de la Méditerranée. Il est censé aider le père du jeune adulte dans ses recherches archéologiques. La rencontre de nos deux acteurs bouleverse l’ambiance du film. Ils incarnent provocation, séduction et sensualité (tout en sueur !).

call_me_1-1024x683

Il ne s’agit pas de dominant ou dominé. Ce film n’impose aucune règle dans leur relation. Nos protagonistes font l’expérience de l’hédonisme dans une Italie excessivement idyllique. Trop beau pour être vrai, comme cette histoire de fusion. Rien n’arrête leurs initiatives, même si elles sont secrètes.
Les bonnes mœurs apparaissent toujours comme un mur dans nos mentalités. Pourtant, les amoureux parviennent à évoluer main dans la main. Elio symbolise véritablement la jeunesse dans sa forme la plus aventureuse. Oliver voit une opportunité de goûter un fruit inoubliable. Rien ne semble superficiel. Sauf que le temps ne sauve rien. Tout a une fin.

Un monologue offre une séquence mémorable. Face à son fil, le père d’Elio adopte une vision optimiste. Il comprend la souffrance du garçon vivant une douloureuse rupture. Sa sincérité fait mouche : Aujourd’hui, tu es triste, et tu souffres. Ne te débarrasse pas de ces sentiments, ils s’en iraient avec la joie que tu as ressentie. Ses mots feront méditer bon nombre d’entre nous. Au lieu de sombrer dans un fatalisme, il joue l’érudit. Pourquoi ? Car les expériences amoureuses nous appartiennent. Personne ne peut détruire le goût d’un baiser, une joie d’antan, une chaleur inestimable.

Le final de l’œuvre ne laisse point indifférent. Les larmes d’Elio… quelle scène, quels frissons ! Le voici séparé d’Oliver, pour de vrai. Que reste-t-il ? Sûrement le souvenir d’un été où aucun code ne dictait aucune action, où chaque folie guidait chaque décision. Ces souvenirs brûlent chez l’adolescent, comme chez les spectateurs. Personne ne peut éteindre ce feu sacré.

brunoaleas

Mon voisin Totoro

Quand on adore une œuvre, il arrive d’exagérer ses propos, d’encenser certains auteurs. Sans mesure. Sans nuance. Je fais attention à relativiser, à garder un esprit critique, sans avoir la prétention d’étiqueter chaque coup de cœur comme génialement original. Il existe bel et bien des exceptions d’artistes trop talentueux, aux productions indémodables. Citons Ennio Morricone pour la musique ou Albert Camus en littérature.

Ces dernières années, plusieurs personnalités, comme Makoto Shinkai, transforment les dessins animés en bijoux pour les yeux. Mais franchement, qui règne en maître sur le cinéma d’animation ? Un seul nom me vient en tête. Hayao Miyazaki est, de loin, un poète de l’image dont l’art surpasse les surprises d’autres auteurs.
Par le passé, je définissais Xavier Dolan comme étant un poète du grand écran. Par contre, il n’est pas comparable à Miyazaki. Ce dernier surprend et chamboule nos attentes. En plus d’animer des imaginaires extraordinaires, il propose des histoires prenantes, émouvantes et foncièrement pertinentes. Le réalisateur québécois, lui, joue de diverses manières en partageant la plupart du temps un montage très accrocheur. Ses techniques sont fascinantes : jeu avec les flous, déformer la taille des plans, magnifier les lumières chaudes, etc. Cependant, ses récits ne sont pas toujours les plus intéressants. Quant au cinéaste japonais, il fait appel à notre enfance et, surtout, à la beauté d’imaginer des univers extrêmement poétiques.

Une-scene-de-Mon-voisin-Totoro-527360

Le paradis réside dans les souvenirs de notre enfance. Nous étions protégés par nos parents et étions innocemment inconscients de tant de problèmes qui nous entouraient. -Hayao Miyazaki

Mon voisin Totoro illustre cette philosophie. Il rappelle à quel point les enfants voient un tas de choses, des choses impossibles à deviner pour les adultes. L’histoire se focalise sur deux sœurs, Mei et Satsuki. Elles s’installent avec leur père dans une maison à la campagne, tandis que leur mère doit se soigner ailleurs. Nos jeunes protagonistes découvrent alors un monde magique peuplé d’étranges créatures. Ces entités ne sont pas dangereuses. Elles enveloppent les spectateurs dans un cocon dont il ne peut se défaire.

Comment sommes-nous transportés ? Le film est bercé par une musique provoquant plusieurs émotions, de la joie à l’émerveillement. Joe Hisaishi signe des compositions pour magnifier les moments doux, où petits et grands respectent et remercient la Nature. Comme si les forêts et champs ne faisaient qu’un avec les personnages. Comme si rien n’était perdu tant que les éléments naturels veillent sur eux.

Mon voisin Totoro est une sucrerie visuelle. De nombreuses scènes dévoilent des dialoguent emplis de bienveillance, d’amour sincère. Hayao Miyazaki expose des tableaux, proches de respectueuses toiles impressionnistes, remplissant nos mirettes d’étoiles… mais, répétons-le, ses scénarios permettent de plonger vers une ambiance unique en son genre.

brunoaleas

Oppenheimer

Christopher Nolan, el famoso fétichiste de la pellicule, revient en force ! Le cinéaste propose un film de trois heures centré sur un personnage historique. Pas n’importe lequel. Cet homme bouleverse et influence encore nos réalités. Robert Oppenheimer est certes fascinant, mais aussi détestable. Intelligent. Vif. Curieux. Le physicien réunit divers scientifiques au désert de Los Alamos afin de créer les trois premières bombes atomiques de l’Histoire…

Le réalisateur semble à nouveau écrire une lettre d’amour à la Science. Interstellar projette les spectateurs vers un espace fantasmé, tandis que son dernier long métrage se focalise sur des faits réels. Plusieurs figures apparaissent, de Werner Heisenberg à Albert Einstein. Pour la plupart, ils soulèvent une question très intéressante : à quel prix partager nos connaissances ?

oppenheimer_5

En pleine guerre, Oppenheimer choisit de travailler avec les services militaires, d’autres savants refusent ce type de collaboration. Serait-ce là une démesure déjà trop prononcée pour notre Prométhée en herbe ? Qui sait ? Je n’ai jamais ressenti autant de dégoût pour des intellectuels si déconnectés, si naïfs, si dangereux… parfois, il faut se détacher de ses émotions pour contextualiser un évènement historique. Retenons une citation d’Einstein, des mots que j’aurais aimé adressé aux participants du Projet Manhattan : La peur bloque la compréhension intelligente de la vie.

Malgré mon aversion pour Oppie, le film est plutôt magistral. Images frénétiques. Chaos. Propulsions. Explosions. Lumières. Puis, la mise en scène, qu’elle soit explosive ou verbeuse, est sublimée par son travail sonore. Bruits et ambiances offrent un rythme accrocheur. Pensons à la scène où le protagoniste fait un discours sous moult applaudissements étouffants, voire anxiogènes. Merci à Ludwig Goransson. Cette sorte de messie compose quelques morceaux reposant le cerveau… car si l’œuvre est réussie, dévoilant un Nolan plus cru qu’auparavant (une scène de sexe est vraiment détonante), comment nier qu’elle fut une rude épreuve visuelle ?! Trop d’informations sont à ingurgiter ! C’est pourquoi, je ne contemplerai pas ce film une deuxième fois. Je préfère voir le réalisateur aux commandes de fictions extraordinaires, comme Le Prestige.

Christopher Nolan filme le temps, une matière inépuisable et inspirante. Le temps bouffe Prométhée. Le temps est souvent notre ennemi. Laissons-le aux mains de la communauté scientifique, qu’elle puisse juger la folie des Hommes.

brunoaleas

Beau is afraid : comédie cauchemardesque

Beau is afraid est le troisième long métrage d’Ari Aster (Midsommar, Hérédité). Tantôt drôle, tantôt perturbant, le film nous conte les peurs de Beau.

Le film débute avec un écran noir inquiétant. Le spectateur comprend rapidement qu’il est en train d’assister à la naissance du personnage principal. Tout de suite après, nous nous retrouvons une quarantaine d’années plus tard avec Beau (Joaquin Phoenix) face à son psychiatre.

Les choses s’emballent lorsque Beau doit rentrer chez lui. Sur le chemin du retour, il assiste à des scènes loufoques : la ville est dans un état post-apocalyptique, un étrange personnage tatoué de la tête aux pieds l’attend devant l’entrée de son immeuble pour l’agresser physiquement. Dès cet instant, le spectateur se questionne pour savoir si tout ceci est la réalité ou le fruit de l’imagination de l’étrange Beau ?

Tout partout, et en même temps

Ari Aster construit son film en trois grosses parties. Chaque partie peut être considérée comme un voyage dans les tréfonds des traumas de son protagoniste. Chaque élément garde une certaine cohérence et on peut apercevoir un fil conducteur jusqu’à l’issue de la première partie. Dès l’entamé de la deuxième partie, le spectateur est littéralement noyé par les informations. Le réalisateur utilise cette partie (la plus longue des trois autres) pour remonter aux origines des traumas de Beau. L’exercice qui, initialement, ne semble pas périlleux, se transforme en une séance de psychanalyse incompréhensible. En effet, nous embarquons dans des scènes qui sont à la fois drôles, étonnantes, sans queue ni tête et malaisantes. Pensons au moment où le film se transforme en un tableau de peinture vivant.

SWGLUN4MMRBSVD7DTYTLNLAZO4©La Libre Belgique

Un peu trop long ?

Depuis ces dernières années, il y a une surenchère sur celui ou celle qui réalisera le film le plus long. Beau is afraid n’échappe pas à ce phénomène. Cette longueur est paradoxale car on ressent une impression d’inachevé à la fin de la projection. Ce sentiment s’amplifie par le fait qu’on reçoit énormément d’informations durant tout le film, sans pour autant comprendre où tout cela conduit.

Freud is everywhere

Aster n’hésite pas à faire appel aux théories du plus connu des psychanalystes, Sigmund Freud. Tout au long du voyage de Beau, celui-ci se confronte au complexe d’Œdipe. Effectivement, Beau semble vivre une relation très glauque avec sa mère. Cette dernière a une emprise très malsaine sur lui.

La sexualité est également un sujet récurrent dans l’intrigue. Malheureusement, le cinéaste n’exploite pas en profondeur les symboles freudiens. Il se contente de simples évocations qui parfois tournent à la caricature. La scène dans laquelle Beau découvre l’identité de son géniteur l’illustre parfaitement. Freud a théorisé le concept du ‘ça’ qui renvoie notamment aux pulsions sexuelles. Le réalisateur le caricature un peu lors de la conclusion de cette thématique dans son œuvre, car il dépeint le père de Beau sous forme d’un phallus géant. Il assume certainement ce choix pour rajouter un élément d’absurde lié au côté comique du film. Cependant, cela demeure frustrant de ne pas avoir une explication plus complexe des angoisses sexuelles de son personnage principal.

Heureusement, Joaquin Phoenix, coutumier du rôle du gars pas bien dans sa tête, livre une performance hors norme. Il réussit, magistralement, à transmettre aux spectateurs la confusion qui règne dans sa tête. Finalement, Beau ne serait-il pas un Joker qui tente de comprendre sa folie ?

Fortuné Beya Kabala

Athena

À quel point un film peut-il être prophétique ? Cherche-t-on vraiment l’envie d’observer une réalité alternative, quand on va au cinéma ? En tout cas, Romain Gavras, il y a un an, réalise un film qui restera dans les mémoires des plus cinéphiles d’entre nous. Il y développe ce que la rage des banlieues. A savoir, des jeunes se regroupant pour venger la mort d’un de leur frère.
Romain Gavras prend la température et sent cette pulsion de mort qui plane sur certains territoires français. Faut-il applaudir le cinéaste pour avoir produit Athena, œuvre dont les images dépassent la fiction ?

Je fais référence à l’affaire Nahel, où un policier exécute un adolescent, comme si de rien n’était. Cette tragédie s’apparente vraiment aux propos du long métrage. Actuellement, nous sommes en droit de nous questionner. Comment expliquer que les justiciers de la paix exterminent la jeunesse ? Quel futur proposer à nos enfants, si ces gardiens massacrent des innocents ?

Il est temps de remettre l’église au milieu du village. Nous avons besoin d’artistes comme Romain Gavras. En plus d’épater via des techniques cinématographiques totalement bluffantes -mouvements de caméra imprévisibles, direction d’acteurs ultra crédible- il soigne à l’écran le pire scénario possible. Les failles du système se résument à la mort d’un jeune homme et les conséquences du drame provoquent une sorte de guerre épique. Romain Gavras expose la violence depuis plusieurs années mais cette brutalité donne à réfléchir.

Quand l’Etat abandonne certains lieux de France, il n’y a plus aucune surprise à voir apparaître autant de saccages dans les rues du peuple. Le cinéaste pointe du doigt une tragédie qui n’a rien d’illusoire, Athena étant désormais comparable aux dégâts laissés à Nanterre, Lille et j’en passe. Il dénonce ni la barbarie des policiers, ni l’absence de politiciens, mais plutôt une haine ambiante, incontrôlable, dont l’origine se dévoile une fois nos yeux rivés vers les dernières séquences.

Le réalisateur oppose, certes, 2 camps, la justice et les banlieues. Cependant, il ne prends pas parti et laisse le spectateur deviner ce qu’est la racine du mal. Au final, le maux de nos sociétés s’appelle l’ignorance. Ignorer notre pouvoir d’action. Ignorer notre force de frappe. Ignorer notre échelle de valeur.

Lorsqu’on explore une tragédie, l’idée, c’est de ne pas avoir des gentils d’un côté et des méchants de l’autre. Les situations sont toujours plus complexes. Le film n’est pas très bavard, on est plus dans l’action et la frénésie du moment et les acteurs ont réussi à ignorer cette complexité. Tout est dirigé par le destin : il y a un mal fait au début du film et à partir de ce mal fait, c’est le destin qui vient tout ravager. Si le film pouvait se résumer en une phrase ou un tweet, ce ne serait pas intéressant.Romain Gavras

Le maire de Trappes, excellent orateur, décrit des jeunes Français exaspérés par un fonctionnement étatique complètement déconnecté de la réalité. Il réagit aux propos de Gérald Darmanin, un ministre au vocabulaire fasciste, un homme ne souhaitant pas comprendre ses citoyens.

Je ne justifie en aucun cas le fait de brûler des voitures, détruire des écoles, casser des vitrines puis, voler les commerçants, pour crier haut et fort ses idées. Parfois, j’aimerais valider ces actes vu qu’un vie ne mérite pas d’être enlevée après un contrôle de police sans péril… toutefois, cette réflexion est plutôt amorale. Je préfère privilégier le dialogue, les manifestions sereines et solidaires. Or, n’admettons pas que ces saccages viennent de nulle part. L’Histoire jugera les vrais coupables de cette tragédie sans nom. Et Romain Gavras sera salué pour ses talents artistiques.

brunoaleas

Tirailleurs : le récit d’une vie

Le 4 janvier dernier sort dans les salles Tirailleurs, produit entre autres par Omar Sy et réalisé par Mathieu Vadepied. Mon attention se porte initialement sur ce film, car d’aussi loin que je me souvienne, je n’avais jamais entendu parler d’un film sur la vie des tirailleurs sénégalais. Concernant les tirailleurs, il est d’emblée important de préciser un point historique : tous les tirailleurs ne venaient pas du Sénégal. Les tirailleurs sont assimilés à ce pays car les premiers tirailleurs enrôlés venaient précisément du Sénégal.

D’un point de vue général, le film est assez beau et les décorations nous font réellement voyager entre la France et le Sénégal.

Tirailleurs de Mathieu Vadepied

Un titre trompeur et polysémique

Le titre choisi est intéressant à plusieurs égards. Selon moi, l’emploie du pluriel permet de souligner le fait que l’identité des tirailleurs était multiple. Dans le film, cette diversité de nationalité est illustrée par le fait que plusieurs langues sont parlées par les soldats africains. La scène de l’arrivé de Bakary Diallo (Omar Sy) au front, nous permet de nous rendre compte que Bakary ne sait pas communiquer avec ses compagnons d’infortune car il parle peul (langue d’Afrique de l’Ouest) mais pas les autres.

Ensuite, une fois de plus, ce choix nous renseigne également sur le fait que l’histoire ne va pas se focaliser uniquement sur une seule personne. Tout au long du film, nous suivons l’évolution de Bakary mais également celui de Thierno (Alassane Diong).

Enfin, avec un tel titre, il est normal que le spectateur s’attende à voir un récit sur la vie des tirailleurs. Or, dès les premières minutes du film, le réalisateur nous fait comprendre que le sujet ne sera pas l’histoire de ces Africains enrôlés de force mais, celui d’un père et d’un fils loin de leurs terres. Ainsi, le titre anglais Father and Soldier est plus fidèle au scénario du film.

Est-ce qu’un enfant tue des hommes ?

Durant le film, nous contemplons l’évolution de la relation entre Thierno et Bakary. Au début, l’histoire se base sur le point de vue de Bakary. Néanmoins, plus Thierno s’éloigne de son père, plus l’histoire se focalise sur lui. Cet éloignement atteint son point culminant, lorsque Thierno répond Est-ce qu’un enfant tue des hommes ? à la phrase Tu n’es qu’un enfant de son père. A ce moment précis, l’attention n’est plus portée sur le père. Nos yeux sont rivés sur son fils.

La scène de la tentative d’évasion du camp illustre parfaitement la fin de l’influence de Bakary sur Thierno. En effet, après une brève altercation, Bakary pense avoir convaincu Thierno de le suivre dans son plan. Cependant, ce dernier va très vite déchanter quand il s’apercevra que son fils, profitant de la situation, décide de rester.

Un film presque parfait

L’œuvre coche malheureusement des points négatifs. Certaines scènes peuvent paraître trop longues et sans intérêts pour l’intrigue. Certains personnages manquent de profondeur. C’est particulièrement le cas pour le Lieutenant Chambreau (Jonas Bloquet). Ce perso est très important quant à l’évolution de la psychologie de Thierno. Néanmoins, ses apparitions dans le film sont très peu convaincantes. Pour les spectateurs, il passe pour un personnage secondaire.

Tirailleurs est un bon film racontant la vie d’un père, tirailleur sénégalais, et de son fils durant la guerre. Le réalisateur décide de reléguer la guerre en second plan. Il se concentre sur ceux qui sont entrainés dans ce conflit contre leur volonté. Ainsi, ce film n’est pas un film sur la guerre, ni sur les tirailleurs sénégalais, mais le récit d’une vie.

Fortuné Beya Kabala

TOP FILMS 2022

Le cinéma français brille énormément en cet An de grâce. De pertinentes propositions artistiques foisonnent. Prenons Quentin Dupieux et Céline Devaux. Ils apparaissent comme un fer de lance d’une génération à l’inventivité folle, à l’humour pointu et réfléchi.
Quant aux USA, Joe Biden doit remercier les Daniels. Ce duo de choc (bien connu pour la conception de clips totalement barjos) réalise le meilleur film de l’année… la meilleure pièce technique. Everything Everywhere All at Once contient tout ce que je recherche dans un film : un scénario sagace, des acteurs crédibles, un univers à la fois loufoque et fascinant. Ses concepteurs maîtrisent d’ailleurs un thème de bout en bout. A l’écran, on observe le respect apporté au métavers (une prouesse, n’est-ce pas Marvel ?). Daniel Kwan et Daniel Scheinert filment une famille, plus précisément les troubles d’une mère face à sa fille, pour ensuite créer la plus grande folie visuelle de ces dernière années. Chapeau !

Le projet des Daniels semblait gagner la première place du classement. Une dernière sortie ciné change la donne. Philosophons. La liberté est impossible à définir. Le cinéaste Luca Guadagnino dépeint des personnages libres de vivre leurs pulsions. Qu’elles soient primaires, sexuelles ou existentielles, ces pulsions reflètent aussi une société incapable d’accepter les différences. Si via Call Me by Your Name, les corps se mêlaient à une chaleur italienne, cette fois, le réalisateur colle les chairs au milieu des campagnes américaines. Bones and All est une œuvre d’une extrême beauté. Que retenir d’autre ? La cruauté de son propos obsède beaucoup trop. Le film illustre l’impossible acceptation d’êtres sanguinaires. Même si ses deux protagonistes, Timothée Chalamet et  Taylor Russell, suivent une éthique détestable, il n’empêche qu’ils incarnent notre peur… peur de se faire rejeter.
Leurs actes sont inobservables. Leurs pensées sont amorales. Pourtant, ils s’aiment. Tout porte à croire qu’ils se cherchent dans un microcosme fermé d’esprit. Mais comment prendre parti pour ces jeunes gens ? Bravo Guadagnino, me voici sans réponse. –Drama

TOP 5

  1. Bones and All – Luca Guadagnigno

  2. Everything Everywhere All at Once – Les Daniels

  3. Incroyable mais vrai – Quentin Dupieux

  4. Ennio – Giuseppe Tornatore

  5. Tout le monde aime Jeanne – Céline Devaux

Depuis mon enfance, je ressens toujours la joie à l’idée de rentrer dans une salle obscure. Rien n’a changé. C’était mon excursion préférée. J’aimais et j’aime toujours cette sensation de magie que me procure le cinéma. C’est un endroit hors du temps, hors du monde, qui me transporte la durée d’un film vers un autre univers. Je ne suis pas passive à regarder des images qui défilent. Je suis actrice invisible. Je me balade, observe et vis l’histoire se déroulant sous mes yeux.

Cette année, le grand écran m’emmène dans une Russie étrange. Je me fait ballotter, secouer par des histoires dures aux humains abîmés par la vie. Tout ça dans rythme tantôt paisible, tantôt effréné. Je ne ressors pas indemne de ce voyage. Bloquée dans mon siège, je me demande ce qui avait bien pu se passer ? Petrov m’avait transmis sa fièvre.

Puis, lorsque j’ai pu me lever et changer de salle, j’arrive dans un monde où je pouvais faire Tout partout et les deux à la fois. Je me transforme en ninja aux techniques de combat épiques pouvant passer d’univers à univers. Le rythme est vif, l’humour savamment orchestré, les mondes fous et colorés. C’est les yeux grands, psychédéliquement ouverts, que je termine ce film.

Quand ma vue se rétablit, je passe Trois mille ans à attendre, poétiquement, une histoire d’amour fine, profonde, philosophique dans un décor aux douces senteurs orientales, chargé d’histoire et de magie. Soudain, sans crier gare, l’amour se présente et nous changeons de salle ensemble ! Prit d’une folie, aussi incroyable mais vraie, nous achetons une maison malicieuse et étrange. Nous y rigolerons beaucoup, mais avec un goût amer. Un tunnel bien sarcastique nous enverra mine de rien vers nos vices.
Un Maestro touchant, déterminé, drôle, talentueux viendra nous sauver avec ses musiques de films inégalées ! Ennio, merci de nous avoir sorti de là !

J’espère que 2023 me transportera autant. Je vous laisse. 2022 se conclut doucement mais quelques films attendent encore d’être vécus. A bientôt pour de nouvelles aventures cinématographiques ! –Mouche

TOP 5

  1. Everything Everywhere All at Once – Les Daniels

  2. La Fièvre de Petrov – Kiril Serebrennikov

  3. Trois mille ans à t’attendre – George Miller

  4. Incroyable mais vrai – Quentin Dupieux

  5. Ennio – Giuseppe Tornatore

Illustration ©Antoine Wathelet

Bo Burnham : la génération de la fin du monde (4/4)

Il y a plus d’un an déjà, j’entamais cette rétrospective. Je détaillais à quel point les balbutiements de Bo Burnham sur Internet en disaient déjà beaucoup sur ce qu’il était destiné à devenir. D’un adolescent vidéaste parmi tant d’autres, il s’est hissé au rang d’artiste internationalement reconnu grâce à son style singulier. Alliance du drame et de la comédie, du spectacle de stand-up et du concert, en découle une sauce unique qui colle parfaitement aux enjeux de la génération Z.

En 2019, on parle peu de Bo Burnham. Ses deux derniers spectacles sortis sur Netflix ont eu un succès certain, mais son nom ne sort pas de communautés précises. C’est le genre d’artiste « perle » qui a énormément de potentiel, mais dont le message n’arrive pas aux oreilles du grand public. Un film sorti en 2018, Eight Grade, l’occupera un temps. Bien que celui-ci ressemble à l’artiste par ses thèmes et comprend un scénario de qualité, on ne retiendra pas Bo Burnham pour ce film. Les fans attendent un spectacle de stand-up depuis trois ans.

Mais que Burnham ait prévu un retour ou pas, en 2020, ce rêve devient impossible. Le virus et avec lui le confinement se répandent dans le monde entier, et avec lui confusion, perte de repères, et surtout impossibilité de se produire sur scène pour qui que ce soit. Mais alors que les scènes ferment, les yeux de chacun sont rivés vers Internet, seule fenêtre vers le monde.
C’est dans ces conditions compliquées que Bo Burnham sort son spectacle le plus iconique, et celui qui fera de lui un grand nom : Inside.

Tout ou presque a été dit sur le spectacle. Une critique a même déjà été faite sur ce site. Il figurait même comme meilleur film de l’année dans un des tops de 2021. Ne nous fatiguons pas à détailler comment le film-spectacle-concert est un pur éclair de génie, aussi bien sur le plan du scénario que de la réalisation, en plus d’être une véritable prouesse technique d’un seul homme. Mais posons-nous plutôt la question : qu’est devenu Inside en 2022 ? Qu’en avons-nous retiré ?

Si une chose est évidente, c’est que l’œuvre est bien plus témoin de son époque qu’on aurait pu le penser. Elle n’est pas qu’un portrait de son époque, elle est, ironiquement, « enfermée » dedans. Les thèmes d’Inside, qu’on pensait durer après le confinement, sont morts avec lui. Pourtant, cette comédie avait tout du manifeste révolutionnaire. Critique directe du capitalisme, remise en question de notre lien aux médias et à l’art, le tout dans et avec le berceau culturel de la génération Z : Internet.

Le plus gros souci est que la « génération de la fin du monde » ne l’as pas vraiment été. Le confinement était une occasion parfaite de remettre en question les racines les plus profondes de notre société. Le vide culturel de 2020-2021 aurait pu faire d’Inside une œuvre colossale en importance, mais ce ne fut pas le cas. Le « retour à la normale » du post-confinement s’est fait un peu trop littéralement, et trop de choses sont restées similaires. Y compris celles que critiquaient le spectacle.

Inside est un témoin précieux de son époque si particulière, mais c’est aussi la triste trace d’un coup raté. Et si personne ne désire l’apocalypse, une partie de notre monde aurait sans doute dû mourir avec Inside, le confinement, et la pseudo « génération de la fin du monde ».

L’optimiste dira qu’il reste de nombreuses catastrophes à venir qui seront peut-être le levier du changement, et peut-être que d’autres Inside restent à venir. Une suite, il y en a eu une, plus ou moins. Cet été, Bo Burnham sort sur Youtube une nouvelle heure de contenu, les Inside Outtakes. Un ensemble de scènes coupées, de morceaux non-terminés écrits et réalisés en même temps que le film originel. Les Outtakes sont excellentes. Elles mettent en perspective une œuvre qu’on pensait déjà complète. Plusieurs morceaux sont mémorables comme l’incroyable The Chicken, ou The Future. Mais aucun de ces textes n’est politiques, ils parlent moins du confinement. S’ils en parlent, la pertinence en est moindre puisque celui-ci n’est plus là. En somme, Inside en tant qu’œuvre incroyable laisse un goût un peu amer de retour à la normale trop littéral. Néanmoins, l’artiste, si en phase avec son temps, a encore des tours dans son sac. Et Dieu sait quelles surprises il nous réserve dans sa carrière future.

Raturix

Le déni cosmique est-il réel ? Part 2

Le huitième film d’Adam McKay est éminemment politique. Il y dépeint des êtres incapables d’enclencher leurs méninges face à la plus grande catastrophe mondiale. L’Absurdité remplace la Raison. Quand même la présidente américaine (Meryl Streep) nie le danger imminent, que reste-t-il ? Diviser pour mieux régner. Il existe alors 2 clans qui se forment : les personnes surveillant le ciel et l’arrivée de la comète, et les aveugles qui n’adhèrent pas aux observations de 2 scientifiques. Le personnage de Jennifer Lawrence n’aura d’ailleurs aucune crédibilité sur un plateau TV. Comme si la polémique l’emportait sur tout type de raisonnement fiable et rigoureux. Le cinéaste pousse le genre de la parodie à son extrême. Sans ambiguïtés, son œuvre dévoile des débiles profonds intéressés par leurs seuls intérêts. De ces constatations découlent la problématique du long métrage : comment penser au bien commun alors que personne ne sait unir ses forces ?

Un mouvement international réfléchit sur la question. Extinction Rebellion (XR en abrégé) sensibilise les publics face aux questions écologiques. Ses participants pratiquent la désobéissance civile. Plus précisément, l’action directe non-violente pour contraindre les gouvernements à agir face à l’urgence climatique (cibler des acteurs économiques, bloquer un site industriel, etc.).

1172927

D’après eux, qui doit changer les démocraties gangrénées par le capitalisme ? Nul autre que le peuple. En Belgique, les demandes de ses membres affichent le désir d’installer une assemblée des citoyens. Elle doterait nos régions et communautés des ressources et de l’autorité nécessaires pour assurer une transition maîtrisée vers une société post-croissance équitable.

Notre mouvement a clairement démocratisé l’action politique. Les citoyens et citoyennes qui nous rejoignent ne ressentent plus le besoin de passer par les structures syndicales, associatives, particratiques classiques. (…) la principale médiation à laquelle je suis attaché aujourd’hui, c’est de pouvoir reconstruire collectivement un pouvoir d’agir. (…) Le fait de pouvoir se réapproprier cette capacité d’action, et de ne pas attendre d’une institution ce qu’elle ne donnera pas, est crucial face à l’enjeu climatique. Boris Libois, tête pensante de XR Belgique

Malgré les initiatives de XR, une impression demeure : nous écoutons moult réflexions, et peu de résolutions suivent… avouons que le déni est cosmique ! Je pleure des larmes de croco. Notre confort prime sur les préoccupations de Dame Nature. Hélas, l’enjeu est de sortir de ses habitudes dans le but de laisser un monde meilleur à nos enfants. Un discours banal, mais délaissé, voire ignoré. Heureusement, quelques bonnes nouvelles sont à prendre en compte : le panda n’est plus une espèce menacée selon le gouvernement chinois, la France souhaite sortir du plastique jetable d’ici 2040, le Portugal met fin aux centrales à charbon, Séville se fournira en électricité avec… des oranges ! Ce ne sont peut-être pas les éoliennes ou les piles recyclables qui sauveront l’humanité, mais l’humain est encore porteur de belles prouesses.
Mais pour combien de temps ? Il n’y a pas de planète B.

brunoaleas – Illustration ©Don’t Look Up

Le déni cosmique est-il réel ? Part 1

Don’t Look Up est œuvre ultra actuelle. Ses thématiques s’inscrivent dans notre époque totalement absurde. Une ère où on préfère assourdir les cris écolos, installer des antennes 5G, conquérir l’espace, etc. Adam McKay, lui, illustre l’humanité et sa démesure. La bêtise humaine ne se limite pas qu’à nier l’arrivée imminente d’une comète capable d’éteindre la vie sur Terre. Elle renforce l’ego et la cupidité de la présidente américaine, des magnats de la technologie et des médias grand public.

Dès lors, Leonardo diCaprio et Jennifer Lawrence évoluent là où tout le monde s’exprime, mais où personne ne s’écoute. Leurs personnages livrent un constat clair et net : les humain ont 6 mois afin de réagir face à la menace spatiale. Vains sont leurs avertissements. Inutiles sont leurs coups de gueule. Ces 2 figures scientifiques découvrent des univers de plus en plus superficiels. Des plateaux TV où la polémique remplace l’information. Des politiciens malhonnêtes préoccupés par une campagne électorale. Une population guidée par le Saint Divertissement.

Comment articuler les messages politiques d’un tel film ? Comment apporter le miroir maléfique de nos sociétés aux spectateurs ?
Il suffisait de jouer sa première comédie écologique, selon DiCaprio.

don-t-look-up-lawrence-leonardo-dicaprio

Ca fait des dizaines d’années que je cherche un film abordant nos enjeux climatiques, mais c’est difficile car on est tous un peu perdus quant aux solutions. C’est le seul sujet au monde qui concerne la population entière, et c’est trop dur d’en parler. Mais Adam a trouvé une formule pour enclencher la conversation. La science offre les faits, mais l’art nous permet de digérer les émotions qu’ils provoquent. -Leonardo DiCaprio (Metro Belgique, décembre 2021)

Certaines comédies aident à comprendre nos drames. Notre dangereuse comète porte un nom : l’urgence climatique. La température moyenne de la Terre n’est pas stable. Elle varie avec le temps. Il faut qu’elle ne puisse plus augmenter, histoire de ne pas défoncer nos écosystèmes. Le journaliste scientifique Vivien Lecompte résume les pires scénarios. Dans un monde compris entre 3 et 4°C de réchauffement, le niveau de la mer pourrait s’élever de plus d’un mètre en 2100. Quelle en serait la principale cause ? La fonte des glaciers, des calottes glaciaires (Groenland et Antarctique). Si le réchauffement atteint +4,5°C, près de la moitié des espèces présentes sur la Terre pourraient disparaître, tout particulièrement la flore.
Ces dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. D’où l’efficacité et l’importance du film : DiCaprio et Lawrence alertent des puissants aussi aveugles que sourds, à comparer à nos gouvernants. Ces derniers préfèrent s’inscrire sur TikTok, plutôt que de se soucier des usines à charbons ou des déchets nucléaires !

Devant ces tristes prévisions, il y a de quoi baisser les bras… les classes dirigeantes se foutent de sauver un cours d’eau ou un village d’indigènes. Après la théorie, vient l’action. Saurons-nous si le déni est cosmique ? Suite au prochain épisode.

brunoaleas Illustration ©Don’t Look Up