Ennio Morricone : 60 years of Music

60 ans de musique… Essentiellement de musiques de films.

En effet, qui n’a jamais écouté Ennio Morricone, n’a jamais vu les classiques du Cinéma occidental (en particulier européen). On pourrait aller jusqu’à dire qu’Ennio Morricone a créé le concept même de « bande originale ». Il n’est pas le premier à s’y être exercé, mais il est le premier à avoir sublimé l’exercice. D’autres ont suivi naturellement.

Bien qu’il continue d’augmenter sa filmographie (ndlr : récemment avec The Hateful Eight, de Quentin Tarantino. Je vous invite d’ailleurs à lire la critique de Cymophan à ce sujet), le Maître accorde sa préférence à la direction d’orchestre. C’est ainsi que nous avons saisi l’opportunité d’aller le voir à l’œuvre, en concert.

Sa précédente tournée « My Life in Music » avait des odeurs de crépuscule. Concerts annulés ou reportés. En cause, initialement un mal de dos qui deviendra plus tard une thrombose…

Heureusement, un répit lui a été accordé, et nous avons pu assister à un concert magistral au palais 12 du Heysel à Bruxelles, le 3 février 2015 (le show était, à l’origine, programmé le 24 octobre 2013).

Revisitant ses œuvres les plus célèbres, pour le plus grand plaisir des fans, même des plus incultes.

La présence de la Diva Susanna Rigacci est comme une cerise sur le gâteau. Son interprétation de « L’Estasi Dell’Oro » (« Ecstasy of Gold », tiré du film non moins grandiose : Il Buono, Il Brutto, Il Cattivo, plus connu en français sous le titre, Le Bon, La Brute et le Truand), symbolise un peu le point d’Orgue du spectacle. Ce morceau est d’ailleurs rejoué en rappel presque à chaque concert.

Le 20 Février 2016, pour la tournée « 60 years of Music », Monsieur Morricone se produit à nouveau au plat pays. Cette fois, c’est le Sportpaleis d’Anvers qui l’accueille. Nous ne pouvions manquer cela! Cette tournée est annoncée comme étant différente des précédentes. Nous pourrons écouter ses nouvelles œuvres. La sortie récente du dernier Tarantino (dont le seul intérêt est justement la participation d’Ennio Morricone… J’aime la critique facile et gratuite) lui donne l’occasion de diriger ses nouvelles pièces en public.

Quel délice.

Mes compagnons et moi-même aurons régulièrement la chair de poule.

La musique d’Ennio Morricone est subtilement saupoudrée d’envolées lyriques flamboyantes qui vous submergent. Et c’est encore plus vrai en concert.
Ajoutez à cela que, pour beaucoup d’entre nous, ces musiques rappellent aussi des œuvres cinématographiques majeures. Vous seriez, très certainement, plongé dans une atmosphère pouvant provoquer l’effet « Madeleine de Proust ».

Ce concert du Sportpaleis était sublime. Susanna Rigacci fait montre d’un talent exceptionnel et d’une technique incroyable. En la regardant, en l’écoutant surtout, j’ai mesuré à quel point le chant est le sommet de l’expression musicale. L’instrument le plus mystique, le plus précis, et le plus magique. On ne triche pas avec le chant. On ne se cache pas.

Ennio Morricone a, comme tous les génies, toujours su choisir ses collaborateurs. Il a longtemps travaillé avec la Soprano Edda Dell’Orso, mais aussi avec le virtuose de la Flûte de Pan Gheorge Zamphir, notablement. Il a collaboré avec Sergio Leone, Pier Paolo Pasolini, Giuseppe Tornatore, Roland Joffé, Brian De Palma, Georges Lautner pour les réalisateurs…

Son approche de la composition était assez novatrice (Elle l’est toujours, mais c’est moins flagrant aujourd’hui, tellement il a inspiré d’autres artistes).

Sans rentrer dans des développements de théorie musicale, Ennio Morricone est un champion de « variation sur un même thème pour orchestre ». Par exemple, le thème joué par les violons, pendant que le reste de l’orchestre accompagne, sera repris par les cuivres, alors qu’à leur tour les violons accompagnent, ensuite ce sera le tour du piano, et ainsi de suite.

Ennio Morricone joue aussi beaucoup sur les décompositions d’accords par différents instruments. Là où le violon jouera la tonique de l’accord, le violoncelle jouera la tierce, la trompette la quinte, et la guitare la 7ème, par exemple.

Enfin (et surtout), il est à l’écoute de la nature, dont il s’inspire judicieusement. Les différents bruits, bruissements, bruits de vent, cris d’animaux sont une source inépuisable dans laquelle le compositeur va se servir. Il a déclaré, dans une interview accordée à L’express :

(…) Même le banal tapotement d’un stylo sur une table, isolé de son contexte, peut se réincarner en musique. Le cri du coyote, si on l’écoute bien, est éminemment musical. Pour le traduire en musique dans Le Bon, la brute et le truand, j’ai demandé à deux chanteurs de crier ensemble, puis j’ai mixé leurs deux voix en ajoutant de l’écho. (…)

Il y a peu de « spectacle » lors de ce genre de concert. ce n’est pas pour cela qu’on se déplace. Les concerts s’écoutent, et se ressentent dans le chair (les poursuiteurs sont au chômage, les lampistes au repos, les danseuses au vestiaire, et le Signor Morricone ne fera pas de « Stage-Diving »).

J’encourage tous les amateurs de musique, qui n’en auraient pas encore eu l’occasion, à assister au concert d’un orchestre philharmonique. Le son produit par 6 violons, 4 contrebasses, plus de 70 choristes, un piano, des dizaines de cuivres et de bois, une basse électrique, une guitare électrique, une batterie, des percussions, un piano, une Harpe, une Soprano… C’est véritablement envoûtant. (par contre, je n’encourage pas les cinéphiles à aller voir le dernier Tarantino… D’ailleurs je n’encourage pas les cinéphiles, tout court).

Sans vouloir faire l’oiseau de mauvaise augure, si vous en avez la possibilité, allez voir Ennio Morricone, tant qu’il est encore parmi nous.

C’est un des compositeurs contemporains les plus intéressant et productif, bien qu’il se considère comme un « chômeur » en comparaison avec Johan-Sebastian Bach.

Et oui, seulement 60 ans de musique.

Vincent Halin

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