La haine n’engendre que la haine. Serait-ce réducteur de résumer ainsi le Joker de Todd Phillips (Very Bad Trip, War Dogs) ? Le long métrage réussit à sublimer cet adage.
On peut très vite douter qu’une énième adaptation du Joker délivre un propos intelligent. Joaquin Phoenix, avec ses 23 kilos en moins, ou New York devenu le Gotham des damnés…
Déjà assez de points pour attirer le public ?
Aaaaaah ahahaha aaaaahaha. Ce rire saccageur équivaut à « oui ». Vous le comprendrez dès les premières scènes du film: le Joker n’est que malheurs dont on a pitié. Il n’a pas pioché les bonnes cartes. Malgré son surnom d’Heureux, nulle vie en rose de son côté. Sa misère, il la subit comme de nombreux oubliés de la société. Le spectateur assiste alors à la descente en enfer d’un personnage brûlant déjà depuis belle lurette.
Douloureux est le visionnage, jouissive est l’évolution de notre anti-héros. Avant de devenir le rival de Batman, Arthur Fleck essaye de s’en sortir. Ses lésions crâniennes provoquent un rire imprévisible et éprouvant à regarder. Ses agressions s’enchaînent et son entourage s’en moque ouvertement. La folie du clown se sent presque à chacun de ses échecs. Si le ridicule ne tue pas, notre martyr prouve petit à petit le contraire.
L’interprétation de Joaquin Phoenix devient un modèle pour chaque personne embrassant le délire comme voie échappatoire. Quant à l’œuvre dans sa globalité, elle démontre qu’il suffit d’un auteur et d’un acteur de qualité pour proposer un art atypique des standards hollywoodiens.
Les studios nous ont suivis et nous ont laissés faire exactement ce que nous voulions. Joker est un personnage complexe dont les origines n’avaient jamais été contées. C’était assez libérateur car il n’y avait pas de frontières et de règles. -Todd Phillips (Le Soir)
Manifeste politique ou non, Joker remet en question la virulence de nos déclarations et actes. Quand la bestialité l’emporte sur l’homme, il faut tout redéfinir, de notre environnement à notre condition humaine.
Drama