Musique
La dure à cuire #55
Les tristes confessions de Janet Devlin
Cela fait des mois que j’essaye d’écrire un article sur cette artiste.
Des mois que je ne parviens pas à mettre des mots sur ce que sa voix et ses textes me font ressentir, sans savoir comment lui rendre justice. Comment de simples mots tapés sur mon ordinateur pourront décrire cette personne ?
Sa voix brise le cœur, fait monter les larmes, et d’une certaine manière, nous fait sourire… comme face à la promesse d’un monde meilleur.
Découverte il y a maintenant 10 ans dans l’émission X Factor, Janet Devlin est une chanteuse et songwriter d’origine irlandaise. C’est ainsi qu’il y a 10 ans, le monde a pu découvrir une adolescente à l’apparence fragile, à la voix d’ange, aux émotions à fleur de peau, sur une reprise d’Elton John, « Your Song ». Continuer la lecture
Damon Albarn et l’importance du voyage
L’exil est parfois une étape obligatoire pour les êtres vivants. Quoi de mieux pour se confronter au réel ? Se déplacer d’un territoire à une autre demande de l’investissement moral. L’écoute, le dialogue et la curiosité sont souvent à favoriser.
Si un homme apprend énormément au sujet des bienfaits du voyage, c’est bien Michel de Montaigne (1533-1592).
Faire des voyages me semble un exercice profitable. L’esprit y a une activité continuelle pour remarquer les choses inconnues et nouvelles, et je ne connais pas de meilleure école pour former la vie que de mettre sans cesse devant nos yeux la diversité de tant d’autres vies, opinions et usages. -Extrait de Les Essais
Le philosophe, une fois atteint de maladie, entame des pérégrinations en Europe. Il tient même un journal, ayant un intérêt plus médical que littéraire. Aujourd’hui, un autre artiste sort de ses terres natales, en quête de nouvelles créations : Damon Albarn.
En Islande, il se concentre sur un ensemble de morceaux formant The Nearer the Fountain, More Pure the stream flows. L’œuvre sera la démonstration de l’importance des voyages. Entouré des centaines de volcans et de gigantesques glaciers, l’Anglais honore un pays à la nature grandiose. Pour ce faire, il apparaît aux côtés de moult musiciens performants, aussi bien des violonistes qu’un saxophoniste. Initialement, ce nouveau disque est pensé pour être une pièce orchestrale dépeignant les paysages islandais. La crise covid et l’enfermement déclenchent l’écriture de cet projet, de quoi chanter de légères paroles.
Le leader de Blur est également en deuil, son ami Tony Allen nous ayant quitté l’an passé. Sa renaissance s’exprime en musique. L’ouverture de Royal Morning Blue illustre en partie ce constat : Rain turning into snow.
Son couplet final fait penser à une lutte, l’humain contre un vide permanent. Comme si nous étions toujours en recherche de contact social. Damon Albarn livre une autre raison de voyager : vivre des expériences parmi plusieurs personnes ! Partager ses savoirs n’a rien d’insensé. L’enfer n’est pas les autres.
Alors voyagez ! Comment comprendre les notions de liberté et d’égalité, si l’on voit uniquement le monde à travers nos traditions et croyances ? Fuguer amène bel et bien à se connecter vers d’autres réalités. Du haut de sa tour, Damon Albarn ne se plaint pas bêtement de la disparition d’un ancien monde (Once, there was cinema, and we had parties. And the light at the top of the tower could reach Argentina). Il joue un air latino, content de troquer sa souffrance contre la poésie.
brunoaleas – Photo ©Matt Cronin & Nathan Prince
BadBadNotGood en place publique
Encore un article engagé ?! Soyons francs. Nous vivons un moment historique qui sera conté dans les manuels scolaires… même si l’envie d’oublier est tentante. Les mesures sanitaires dictent l’avenir de nos sociétés. Il est presque impossible d’éviter le sujet aux diners de famille, en terrasse ou face à son médecin.
Il y a quelques semaines, BadBadNotGood dévoile ‘Signal from the Noise’. Je n’ai effectué aucune recherche quant au message des séquences filmées. De cet article résulte mon humble interprétation. La vidéo de leur morceau semble refléter les changements de notre quotidien.
Duncan Loudon filme un homme qui s’attache un casque à la tête. Serait-ce la figure de l’artiste drogué par sa propre musique ? Qui sait ? En tout cas, il trace à la craie son espace de jeu, situé sur une place publique. L’individu est quasiment incompris par la société. Ensuite, un policier intervient pour l’interrompre et l’éloigner. Notre protagoniste continue pourtant d’exercer son art.
Ce clip est sûrement la meilleure métaphore des derniers évènements européens. Des Gilets Jaunes violentés par les forces de l’ordre. Des mesures sanitaires empêchant tout un chacun de vivre. Des politiciens qui ne donnent jamais la parole aux citoyens, vu que le referendum est un concept inimaginable en Belgique. En d’autres mots, le clip expose un manque de contact, une invisible communication. Comme si le cinéaste mettait en image un grand malaise. Celui ressenti par moult artistes, séparés de leur public. Ces séquences amènent également à une autre problématique.
L’épidémie a été l’accélérateur d’une organisation policière du monde qui était déjà en germe. Le fait que tout se passe à distance, le télétravail, le télé-enseignement : tout cela est homogène avec la vision du monde des puissances dominantes. Je ne crois pas que cela constitue un contrôle absolu de nos vies par l’informatique. C’est plutôt un monde où les rapports sociaux n’impliquent plus le partage d’un même espace. Or, la politique nécessite des rencontres entre des gens qui vivent dans des espaces et visibilités séparés. L’utopie dominante n’est pas tant le contrôle que le fait que chacun soit bien à sa place : l’enseignant, l’élève, et ainsi de suite. -Le philosophe Jacques Rancière (Les Inrocks, n° 1316)
Que ce soit à travers des spectacles, ou bien même sur les bancs d’écoles, des professions rendent les interactions indispensables. Le journalisme pratiqué sur Teams est une vaste blague. Des leçons données par e-mail ne riment à rien. L’être humain a besoin de partager son humanité.
En outre, si on ne critique plus notre système en place publique, autant laisser nos dirigeants foncer dans le mur. Il n’est jamais trop tard pour réfléchir sur ces questions… les images de ‘Signal from the Noise’ parlent d’elles-mêmes.
Non à une société où l’on a besoin d’un ticket pour assister à un concert. Non à une réalité dans laquelle le droit de manifester est bafoué. Ne plus exister dans un lieu commun relève de la dystopie. Même si nos causes sont vides de sens, nos expressions artistiques illustrent souvent nos convictions et couleurs politiques… parfois, cela vaut tout l’or du monde.
Mon conseil ? Il n’y a pas de bonne façon de faire quoi que ce soit. –Duncan Loudon
brunoales – Photos ©Duncan Loudon
Blood Red Shoes – Ø
Blood Red Shoes est cet énième duo rock qui a la classe. Plus le temps passe, plus il s’agit de savoir garder la force des premiers albums. Nos jouvenceaux n’ont rien perdu de leur énergie. Continuer la lecture
Peet à l’Ancienne Belgique
Le mec remplit la salle. Le mec maîtrise la vibe. C’est un mec, man. Peet enflamme l’Ancienne Belgique pour un concert de plus d’une heure… on ne pouvait pas nier l’évènement !
Malheureusement, je n’étais point à la capitale ce soir-là. Heureusement, le spectacle est diffusé en direct sur les réseaux.
Quelle joie de retrouver ce trublion du 77 ! Les morceaux de Pierre Mignon sont adaptés d’une toute autre façon, face à son public. Le saxophone enrichit ses mélodies. La batterie frappe au grès des invités : Swing, Morgan et Zwangere Guy. L’artiste laisse ses potos se lâcher, comme un Damon Albarn honorant ses collaborations au sein de Gorillaz.
L’univers de Peet se synthétise sur la scène bruxelloise. Un humour qui conte le quotidien des vingtenaires, lorsque ça pulse. Les doutes exprimés sur des sonorités plus planantes. Les spectateurs chantent alors ses paroles décomplexées et dansent grâce à un saxophoniste endiablé !
Le rap est frais. L’ambiance est folle. L’évolution de Peet a de quoi émerveiller. Il ne s’abandonne pas à la pauvreté des basses d’une trap dispensable (là où Vald s’est piégé). Au contraire, ses musiciens donnent une autre couleur à ses productions.
Son amour pour la musique en devient encore plus puissant ! Bref, Peet a mis de la sueur dans le tempo, c’est maintenant que tout commence.
brunoaleas – Photo ©Zozulya Daniil
La dure à cuire #54
Frappé en Afrique
Qui a parlé d’acheter un billet d’avion pour l’Afrique ?
Foutaise ! La musique est la porte menant à de nouvelles perceptions.
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Pourquoi Nevermind plaît aux mélomanes ?
Si tu pouvais voyager dans le passé, quel groupe voudrais-tu voir en concert ?
Cette question m’est posée lors du premier confinement. Inutile de réfléchir. Je réponds sans hésiter : Nirvana. Se prendre un mur du son qui décoiffe, telle est la sensation recherchée. Le trio américain synthétise mon amour pour les mélodies enragées.
Soufflons ensemble les 30 bougies de Nevermind, histoire d’en comprendre la force.
Nous sommes en 1991. Nirvana a déjà signé un premier album chez Sub Pop. La major Geffen les repère ensuite et souhaite produire leur prochain projet. Les musiciens se lancent dans l’aventure. Ils se préparent alors à enregistrer ce qui est contraire aux codes musicaux. L’artiste Waxx énonce quelques-unes de leurs méthodes. L’enregistrement de certains titres se déroule en une prise. Chaque riff doit être simplifié au maximum. La bande désire utiliser le moins d’instrument possible. Les paroles se focalisent énormément sur une jeunesse mise à l’écart, au sein du pays.
Pasquale Caruana témoigne de son amour pour l’œuvre grunge. Il ne s’embrouille pas à décrire les détails de son mixage. Le génie de Nevermind apparaît ailleurs.
Au niveau du son, sa dynamique fait son charme à l’époque. Les passages doux-violents de ‘Smell Like Teen Spirits’ en sont la preuve. Par rapport aux productions sonores, ça sonne bien, mais ça ne retient pas mon attention… je suis séduit par les compositions.
Chaque chanson s’enchaîne à merveille. -Pasquale Caruana, ingénieur du son
Le Liégeois cite les délires nirvaniens. La ligne de basse et l’effet chorus de ‘Come As You Are’. La merveilleuse ballade qu’est ‘Lithium’. Les guitares assassines de ‘Territorial Pissings’. ‘Something In The Way’, aux antipodes du premier morceau.
La magie de l’opus opère encore aujourd’hui. Les titres de Nirvana n’ont pas pris une ride. Pourquoi l’expérience est toujours aussi intense ?
J’admire Kurt Cobain. Entre autre pour la sincérité de sa musique et la simplicité de ses compositions. Nevermind est un parfait exemple de minimalisme.
Je retrouve cet esprit chez Alice In Chains. Ils ont livré de simples compositions, des accords très basiques, généralement à 3 sons tonique-tierce-quinte. De temps en temps, des power chords, ou de rares accords enrichis, mais toujours parfaitement placés. Ces musiciens n’ont pas cherché à impressionner avec des soli de malades ou en jouant des accords impossibles. C’est du ressort des grands maîtres, ce qu’ils ne sont pas. Il ne s’agit pas de virtuoses, mais d’excellents artisans. -Vincent Halin, ancien rédacteur chez JCCLM
La pureté guerrière de Nevermind reflète son importance. Son influence artistique est considérable (The Wytches, God Damn, etc.). Elle apporte également une incroyable énergie aux adolescents, toute génération confondue… ce qui en fait de loin, un classique indétrônable.
brunoaleas – Photo bannière ©Nirvana & ©brunoales
La dure à cuire #53
Et la reprise musicale fut…
Lors de la réouverture de La Zone (Liège), une sensation particulière a dû traverser bon nombre de sauvageons autour de moi. La rage de vivre est parfois indescriptible. La soif d’adrénaline est tout à fait compréhensible. Ce soir-là, tout un chacun a sué de la tête aux pieds, en écoutant des morceaux punk/metal. Ce soir-là, la joie a explosé à travers la danse et les chants.
Down To Dust à La Zone (04/09/2021)
Les mesures covid de notre gouvernement nous plongent dans une espèce de science-fiction sans nom. Mais durant l’évènement musical, tout le monde était dans un Ailleurs.
Il est temps de comprendre que les artistes ne sont pas de simples vendeurs de rêves. Cette expression est assez ignoble et n’est qu’un dixième de leur objectif. Les artistes permettent d’accéder à de nouveaux questionnements, à de nouvelles perspectives sur notre monde. Certes, certains croient que les artistes ne servent qu’à divertir… néanmoins, d’autres déclarent fermement qu’une société sans culture est vouée à mourir.
Liège bouillonne et bouillonnera encore de créativité ! De jeunes groupes naissent pour revenir à ce que nous aimons : s’évader d’un système anxiogène ! Empty Head, Karma Nova et Naked Passion ne se gêneront pas pour défiler dans les salles liégeoises. Dès lors, comment partager toute son énergie sur scène ?
Notre but en live n’est pas de recréer nos morceaux tels quels. Nous voulons profiter de la magie du concert pour traduire l’énergie qu’il y a dans nos titres. Chaque membre apportera de l’authenticité et de la spontanéité dans son jeu, vu que l’improvisation n’est pas proscrite sur scène. Puis, le groupe est d’accord sur le fait qu’il est important de repenser notre style de musique, une fois en spectacle. -Gilles Vermeyen
Le jeune chanteur/guitariste de Sonic Tides va bien plus loin dans son raisonnement. Il expose un point important du quatrième art.
Quelle est la raison première de notre implication musicale ? C’est de faire du live.
Pour nous, c’est ultra important. C’est notre motivation principale : jouer un max, en essayant d’emmener les spectateurs pendant un instant, avec nous, dans notre univers. C’est l’essence même des musiciens : transmettre et encapsuler une émotion, une ambiance, ou un état d’esprit dans une chanson.
Ensuite, c’est communiquer et susciter cet état d’esprit au public, en concert. Peu importe si cela signifie assourdir leurs oreilles avec des larsens désagréables et angoissants, ou si c’est jouer sur une basse dynamique avec des harmonies vocales douces et mélancoliques !
Si son argumentaire vous paraît trop flou, savourez « Throught My Bones ». Ce morceau est calibré pour la scène. A la fois ravagée et relaxante, la chanson fera bondir tout mélomane.
DRAMA – Photos ©DRAMA (La Zone, 04/09/2021)