Interview

Glass Museum Interview

ILS RESPIRENT MUSIQUE

Antoine Flipo et Martin Grégoire, les membres de Glass Museum, nous ont confessé de profondes pensées. Leur adoration de la musique, leurs goûts musicaux ou encore le jazz sont au centre de l’interview. Ce talentueux duo de Louvain promet!

De nos jours le public qui écoute du jazz est un public très particulier et unique en son genre?

Antoine : Ça dépend parce qu’en fait, on s’en rend compte qu’il y a une certaine « démocratisation du jazz » comme dirait Martin (rire). Aujourd’hui, le jazz part un peu dans tous les sens et du coup, c’est beaucoup plus accessible pour un public beaucoup plus large. On est amené à jouer devant différents types de personnes. Autant on a fait des cafés concerts où c’était plutôt des vieilles personnes qui appréciaient notre musique,  autant on a déjà fait des festivals avec des publics de tout âge. Pour nous, le public ne se restreint pas.

Qu’est-ce que tu entends par « le jazz part dans tous les sens »?

Antoine : Avant le jazz était assez élitiste. Il fallait avoir une certaine connaissance pour apprécier le jazz parce que c’est une musique assez compliquée qui nécessitait un savoir de base pour pouvoir l’aimer dans sa complexité. Tandis que maintenant, ce genre de musique se définit comme une musique qui fait passer des émotions. C’est au final une musique de dialogues. Quand on joue ensemble, on fait pas forcément du jazz, mais il y a quand même un dialogue qui se crée entre nous deux et on retrouve énormément cela dans des vieux groupes de jazz.

Martin : Je pense que le fait que le jazz s’inspire de plus en plus du rock et de l’électro, montre que des gens qui n’en écoutaient pas, vont alors s’y intéresser. Ça peut se noter par une première porte d’un groupe jazz au sens large, comme Snarky Puppy ou BadBadNotGood qui font un jazz proche du rock et qui sortent de l’aspect traditionnel du genre. Ces types de groupes vont amener la curiosité du public à écouter du jazz brut parce que c’est une voie d’accès plus libre.

Je suppose qu’Internet aide beaucoup à rendre plus accessible cette musique.

Antoine : Oui c’est certain. Ça s’avère être vrai beaucoup plus chez les jeunes que chez les personnes un peu plus âgées.

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N’avez-vous jamais pensé choisir un chanteur ou une chanteuse pour vos chansons?

Antoine : Jamais.

Martin : C’était vraiment naturel dès qu’on a commencé à faire de la musique à deux. On avait commencé à « jamer » et à aucun moment on s’est posé la question de mettre un chant. Par contre, on a déjà pensé vouloir faire une collaboration avec un violoncelliste ou encore avec un trompettiste. On est super ouvert à plein de collaborations et si on était amené à ajouter un chant, ce serait toujours dans cette optique de collaboration, mais pas dans notre projet même. Dans nos styles respectifs, les choses font qu’on aime avoir énormément d’espace pour s’exprimer un maximum.

Antoine : je pense que si on devait ajouter un chant, on ferait alors un autre projet.

Martin : Ce serait une autre manière de composer et de réfléchir la musique.

Antoine : Le chant c’est nous qui le faisons.

C’est joli. Qu’est-ce qui vous motive le plus à faire de la musique?

Antoine : Martin dirait: « Les meufs. ».

(rire)

Martin : Le plaisir simple de faire de la musique est motivant parce que j’ai toujours aimé en faire. J’aime bien être derrière ma batterie et faire des concerts. C’est ce que je préfère faire et je me sens bien sur une scène. Alors que je me sens très mal à parler sur une scène, les approches productives et créatives qui se dégagent en studio et sur scène sont hyper enrichissantes, ce qui nourrit mon bonheur.

Antoine : Moi je pense que j’en ai toujours eu besoin. C’est comme si t’avais besoin de faire du sport…

Martin : Comme on respire.

Antoine : Ouais c’est ça.

Une passion.

Antoine : C’est quelque chose que tu développes très tôt. C’est un besoin au final. Je me lève le matin et joue de la musique, tout comme le soir. J’entends la musique chaque jour. Je ne suis que musique! (rire) Je ne sais pas imaginer ma vie sans musique parce qu’elle fait partie de moi maintenant. Depuis que je suis tout petit, j’ai tout de suite accroché à ça. C’est devenu une passion, c’est devenu un besoin. Physique et émotionnel.

(rire)

Martin : Sinon au niveau des meufs c’est clair que…

(rire)

Est-ce que vous essayez de dépasser certains modèles de la musique, des artistes inoubliables?

Martin : Ce serait prétentieux de vouloir prétendre dépasser quelque chose parce que je pense que « créer » passe par une série d’influence, de recyclage d’idées et de groupe qu’on aime bien. On a pas la prétention de vouloir innover ni le jazz ni le rock.

Antoine : Ah je sais pas…

Martin : On a envie de faire un truc différent. On a envie que les gens nous voient en concert. Ce qui est intéressant dans ce projet-ci, c’est que la formule est assez originale au niveau du son.

Antoine : Ce qu’on fait a déjà été entendu mais en Belgique, il n’y a pas beaucoup de groupes avec un duo formé juste d’un pianiste et batteur. Même si tu n’aimes pas spécialement ce type de musique, il te reste en mémoire si tu n’as pas vu ça ailleurs.

Martin : A notre niveau, ça ne fait qu’un an qu’on joue et on est encore un groupe qui se fait connaître. On ne peut pas encore dire qu’on a été influent sur une scène. Glass Museum est encore en développement. Un groupe qui est influent sur un style propre, est un groupe qui a déjà fait quelques albums et qui est assez entendu à travers le monde. C’est ainsi qu’il pourra influencer d’autres artistes.

J’ai noté que vous pouvez jouer assez rapidement et ralentir la cadence très aisément. Est-ce qu’il y a des artistes qui se rapprochent de ce que vous faîtes?

Antoine : Gogo Penguin ou encore Tigran Hamasyan s’y rapprochent. Ce sont deux de nos influences importantes. Quand on a commencé à jouer, on s’est basé là-dessus parce que c’était un style qui nous convenait tous les deux. Au fur et à mesure, on se décroche petit à petit de ce style pour construire quelque chose de beaucoup plus personnel.

Martin : Je suis tout à fait d’accord. Tu peux aussi associer ça au free-jazz même si on est pas vraiment des amateurs de free-jazz. Personnellement, je suis suis un très grand fan de math rock. C’est un style rock où au niveau des compositions, c’est un peu barré et ça peut partir dans tous les sens.

Les sons sont quand même bien calculés dans le math rock, non?
Il n’y a rien qu’à penser à Foals.

Martin : Foals est déjà plus droit. C’est vrai que c’est un style de musique assez coordonné.

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Avez-vous eu du mal à commencer à faire du jazz vu que c’est un genre qui a la réputation de demander beaucoup de travail?

Antoine : Aucun de nous deux n’a vraiment étudié le jazz. Quand on a débuté, on ne s’est pas dit : « On veut faire du jazz. ». On veut faire de la musique. Après quelques concerts, des gens se sont dits qu’on participait à « un réseau jazz ». On nous a juste posé une étiquette.

Martin : Les gens aiment bien définir des styles.

Antoine : On n’avait pas du tout l’envie de faire du jazz au départ. On veut juste faire de la musique via quelque chose de différent.

Martin : Et rigoler quoi.

(rire)

Martin : On s’est juste dit qu’on allait prendre un piano et une batterie pour faire des jams et pour s’amuser.

Si vous deviez ne prendre qu’un seul album avec vous dans une île déserte, lequel choisiseriez-vous?

Martin : Je prendrais le premier album éponyme de SBTRKT.

Antoine : Je n’ai pas vraiment de réponse mais pour l’instant, j’opte pour un album que j’écoute cette semaine et qui se nomme Elaenia de Floating Points.

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DRAMA
Interview faite le 23/02/17
Photos ©DRAMA – Kultura, le 23/02/17

Mølk Interview

Un air stoner sonne à Liège. Molk participe à ce mouvement explosant le nombre de décibels ingérés via une agressivité sonore. DRAMA rencontre le quatuor et discute de sujets variés : mythologie, Quentin Tarantino, Hank Moody, sexe et drogues au rendez-vous !

D’où vient le nom « Mølk » ? Qu’est-ce que cela signifie ?

Yoni : J’ai un peu proposé l’idée parce qu’avant c’était un autre nom. En gros, c’est le nom d’un sacrifice datant de l’Antiquité. C’est un truc bien joyeux. Le sacrifice se nommait Mølk et des humains, du bétail ou encore les premières récoltes étaient sacrifiées au Dieu Moloch. C’était bien festif, joyeux et stoner comme nom de groupe.

Max : Même si au final, c’est un nom qui n’a rien à voir avec le stoner.

Le dessin qui représente une bête sur la pochette de votre premier EP y fait référence ?

Max : Ouais, c’est bien une représentation de Moloch.

Yoni : C’est un espèce de taureau avec beaucoup de bras, qui tient un couteau et un bébé.

Max : C’est l’équivalent de Dionysos de la mythologie grecque.

Les dessins sont vraiment bons en tout cas. Je ne sais pas qui les fait mais franchement ça pète.

Yoni : C’est la copine de Ben qui s’occupe des dessins.

J’adore la chanson « Barbarian ». Comment est née cette chanson ?

Max : Si je me rappelle bien, « Barbarian » est née à une répétition où on faisait juste un jam qui a donné un morceau aux sons aléatoires et efficaces. Je voulais que ce soit bourrin. J’imagine que j’étais en train d’écouter Black Sabbath juste avant, du coup le morceau se rapproche de « Children of The Grave ». Pour ce qui est des paroles, on les a écrites le jour même avant d’enregistrer le morceau en studio. Par contre, je sais vraiment pas pourquoi ça s’est appelé « Barbarian ». Je crois qu’on était tous bien allumé et on a trouvé que ce nom collait bien.

Elle est très dynamique et démarre bien l’album.

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Qu’est-ce qui vous inspire lors des compositions de vos chansons ?

Max : Globalement, on a tous des inspirations différentes dans le groupe. Personnellement, quand j’écris les paroles ou compose la musique, l’inspiration relève de ce que je ressens sur le moment. C’est vraiment basée sur des émotions qui sont assez personnelles. Il n’y a pas d’idée précise, ça peut être tout et n’importe quoi. Pour la suite, je pense qu’on va se lancer dans beaucoup de trips sous acides. (rire)

Yoni : Moi j’aime bien Jésus.

Aaaaah ! (rire)

Maxime, tu chantes et prends la place de l’ancien chanteur. N’est-ce pas trop difficile d’assurer ce rôle ?

Max : Ce qui est surtout difficile, c’est de devoir adapter ma voix au travail procuré par l’ex-chanteur Yannis, alors que je n’étais pas chanteur. Ça passera mieux pour la suite. Je suis plutôt content du résultat donné sur le tout nouvel ep. Sur scène, il faut juste savoir prendre confiance en soi et faire en sorte d’avoir l’habitude de toujours jouer de la même façon, que ce soit sur scène ou entre-nous. Il faut que ça ait de la gueule.

Yannis est vraiment parti pour toujours ?

Max : Oui, il a terminé.

Yoni : Il fait Tarzan.

(rire de Max)

Max : Il fait Tarzan dans la jungle pour le moment. Il est tranquille et se fait plaisir en Amérique du Sud. On va continuer sans lui et avec la formation qu’on a pour le présent.

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Il faut répondre du tac au tac au sujet de ce que vous préférez le plus dans ce que je vous propose :

Blonde ou brune ?

Yoni : Blonde.

Ça peut concerner les femmes comme le type de bière.

Yoni : Blonde d’office. (rire)

Max : « Brune » pour les femmes, « blonde » pour la bière… Nan en fait, « noire » pour la bière. Pour ma pisse, je la préfère blonde que brune, c’est plus encourageant.

Ben : « Brune » pour les meufs et « blonde » pour la bière.

Max : Original. (rire)

Lemmy ou Slash ?

Yoni : Lemmy.

Max : Lemmy.

Ben : Lemmy.

Californication ou Sons of Anarchy ?

Yoni : Je n’ai jamais vu Californication

Max, t’es un fan de séries, je le sais.

Max : Californication forever !

La dernière saison ne t’as pas déçue ?

Max : Si justement. J’ai été vachement déçu par rapport aux quatre premières saisons qui m’ont complètement plus. Le scénario était vraiment terrible et intense à crever. La cinquième se perd un peu et la sixième est juste drôle mais on perd de l’intérêt à l’histoire. Je trouvais marrant de voir Hank avec son un fils dans la septième. Par contre, elle perd son côté humoristique parce que Hank devient vraiment un mec vachement calme. Bref, les quatre premières sont vraiment bien mieux que celles qui ont suivies. La fin de la série, elle, méritait une huitième saison, même si elle n’était pas si mal en soi.

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Gros son ou grosse bite ?

(rire)

C’est un dilemme de fou !

Yoni : Gros son.

Han.

Max : Gros son.

Ben : Gros son.

Yoni : Parfois, ça fait plus plaisir que d’avoir une grosse bite.

Aaah là j’ai la larme à l’œil. On voit les passionnés de musique.

Max : C’était pour savoir si on préfère le sexe ou la musique ?

Ouais ouais.

Max : Comme Lemmy disait : « Un bon plan cul ça dure une demie heure et un bon concert une heure et demie. ». Alors autant choisir la musique.

Pas faux.

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Avant que « Back in Jail » commence, on a droit à la voix de Samuel L. Jackson de Pulp Fiction qui fait son sermon avant de tuer. Pourquoi avoir choisi ce passage de film et de l’avoir inclut dans cette chanson ?

Max : Même si ça a déjà été entendu, vu que Pulp Fiction est mon film préféré, je me suis dit que le passage en rapport avec Ézéchiel passait bien avec l’intro de ce morceau. D’autant que les paroles de notre chanson parle de gangster et de la prison en général. Même si Pulp Fiction ne traite pas spécialement de prison, on y retrouve les thèmes liés aux gangsters. Je trouvais que cet instant du film se mêlait bien avec les paroles. Le bruit du flingue démarre bien aussi avec l’intro du morceau.

C’est classe. Allez-vous pouvoir participer au Graspop un de ces quatre ?

Yoni : On a un nouvel album qui est en cours de route et dès qu’il sera fini, on va pouvoir l’envoyer à différents festivals et à de grosses salles. C’est prévu et en tout cas postulé.

Max : Ça ne m’étonnerait pas qu’on finisse par y jouer parce qu’on a fait pas mal de dates en Belgique. Maintenant qu’on a une toute nouvelle formation de groupe, on va essayer d’enregistrer un vrai premier album doté de 13 titres. On va alors partir pour de plus longues tournées et dates en Belgique. A mon avis, il y a moyen de passer au Graspop même si on va essayer de se focaliser sur des festivals comme le Desert Festival ou tous les festivals de stoner qui sont plus à notre sauce. Au sinon, le Graspop est également tentant. Ce serait terrible d’y jouer.

Que vous évoque Jésus Christ C’est La Musique ?

(rire)

Yoni : C’est compliqué. T’as deux heures devant toi ?

Ouais ! Vous pouvez jouer votre imagination si vous le voulez.

Yoni : En même temps, je suis né dans l’église. J’ai toujours associé Jésus à la musique parce que j’ai fait l’Académie mais mes premiers concerts… (rire)

Max : Vas-y Jésus, parle.

Yoni : Mes premiers concerts se sont produits les dimanches matin à l’église. Du coup, je trouve que Jésus Christ C’est La Musique est un parallèle assez logique.

C’est beau et émouvant.

(rire)

Max : J’ai pas du tout le même parcours malgré mon magnifique catéchisme et tout ce qui va avec, ce qui est surement révolu depuis un sacré bout temps. J’ai pas de grands souvenirs liés à mon enfance qui font référence à tout ça, du coup je sais pas trop quoi y penser. Tu m’aurais dit Satan C’est La Musique, j’aurais pu comprendre certaines choses… Je m’en tirerai en disant que ça doit être une blague, une espèce de « private joke », que tu as choisie.

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DRAMA Photos ©Alexis Docquier (Légia, 08/12/2016) / Interview faite le 08/12/2016

Great Mountain Fire Interview

UNE CLAQUE D’AUTODIDACTES

La convivialité et la bonne humeur régnaient dans le local des Great Mountain Fire, avant leur concert, au Reflektor, lorsque Drama était avec eux pour un entretien spécial JCCLM. Cette interview brasse des sujets voués à attirer l’attention de tout mélomane: style, acoustique, scène, originalité, écriture, etc.

Comment est né Great Mountain Fire ?

Alexis : Avant, on avait un autre groupe. Ça fait longtemps qu’on joue ensemble. On a eu plusieurs projets avant Great Mountain Fire. Puis, tout est venu à nous lors de l’enregistrement de Canopy. A la base, Great Mountain Fire était le nom d’une chanson qu’on devait mettre dans cet album et après, on a décidé de ne pas la rajouter dessus. On a juste garder le nom de cette chanson pour nommer notre groupe. C’était une chanson qu’on avait écrit sous la forme d’un cadavre exquis. Au sinon, on joue depuis qu’on est jeune. On a commencé d’abord vers 12 ans puis vers 17 et 18 ans.

Thomas : En gros, Great Montain Fire est né à Linkebeek, un bled à côté de Bruxelles. Le groupe est né dans une petite vallée. Aujourd’hui, il a dix ans. C’est un p’tit ket qui continue de courir sur la route. (rire)

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Entre vos albums Canopy et Sundogs, il y a 4 ans d’écart. Est-ce que vous avez continuer à pratiquer la musique non-stop ou avez-vous juste fait une grande pause ?

Thomas : Après Canopy, on a fait sa version acoustique. Ça été une autre aventure. Avec Canopy, on a tourné 1 an et demi, 2 ans. On a tourné quelques mois sa version acoustique. Puis, ça été le moment de sortir de nouvelles choses.

Alexis : Il y a eu 3 ans d’écart.

Thomas : En fait, parfois on s’en rend pas compte que le temps de sortir un disque prend autant de temps que de l’écrire. C’est juste une question technique. Canopy a été un peu créé différemment vu qu’on avait déjà tout à portée de main. On a envie que le temps d’écart entre les opus soient plus courts dans le futur.

Avez-vous découverts de nouveaux artistes qui vous ont inspiré, pendant ces années là ?

Thomas : On en découvre tout le temps.

Alexis : Pour répondre à ta question de base, il n’y a pas eu de pause. On a au moins passé un an et demie à composer et il y avait plus ou moins une cinquantaine de maquettes. On en a retenu onze sur le disque. Si tu veux, le temps de l’écriture a mis plus de temps qu’il n’y parait forcément.

Thomas : Canopy était notre premier album donc on avait envie de le défendre, d’aller à l’étranger et de rencontrer de nouvelles personnes. On s’est un peu laisser partir là-dedans. Puis on s’est dit qu’on devait un peu se poser. Mais j’ai l’impression que beaucoup de groupes laissent 3 à 4 ans entre deux disques car ça laisse le temps de grandir aussi. Faire un disque, ça demande du temps et avoir un peu d’isolement, ça aide. On essaye de faire plus vite parce que c’est agréable aussi. Après 80 dates, t’as envie d’autres choses en tant que musicien.

Pour ne pas faire dans la routine…

Thomas : Voilà, c’est ça.

Quel est votre meilleur souvenir sur scène ?

Thomas : Il y en a beaucoup.

Alexis : On a fait un festival en Suisse qui s’appelle Paléo. On a joué là à une heure de l’après-midi…

Thomas : Nan, 1h du mat’.

Alexis : Aaah oui pardon, à 1h du mat’. C’était parti d’une panne de van. Un pneu de notre van avait crevé sur la route. Du coup, on a eu droit à un énorme temps d’attente puis, on est arrivé là complètement fatigué. Une fois arrivé là-bas, avec rien sauf une seule chaise, c’était impossible de faire une sieste. Avant de jouer un concert, il faut garder une certaine énergie donc tu ne peux pas dépenser ton énergie comme dans une journée normale où petit à petit il est 6h puis 7h et où t’as le temps de recharger. Là, on ne pouvait pas recharger avant minuit.

Thomas : On avait jouer après Bloc Party.

Alexis : Il y avait un des synthés qui avait valsé sur scène car il y avait des phénomènes d’ondulations.

Thomas : Paléo est vraiment un festival de dingues. On est arrivé là avec le tapis rouge. On a joué tard avec des gens qui avaient envie de faire la fête et ça tombait bien vu que nous aussi on en avait envie. Bref, il y avait une symbiose de fou car tous ceux qui voulaient faire la fête étaient là.

N’aviez-vous pas trop de pression de jouer après Bloc Party ?

Alexis : Ce n’était pas la même scène.

Alexis : Il y a toujours la pression lorsque tu passes après de gros artistes.

Je n’aime plus trop le son de Bloc Party. Leur dernier album me fait mal. Je sais pas si c’est à cause de la carrière solo du chanteur qui s’est tourné vers un genre beaucoup plus électro, amenant de nouvelles approches au groupe, ou si c’est parce que Bloc Party a changé de batteur, mais franchement, je ne trouve plus aucun intérêt à les écouter.

Alexis : C’est vrai. Maintenant, on peut pas nier qu’en live ça envoie du décibel.

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Il ne faut pas interpréter ce que je vais vous dire comme un reproche. Votre musique me fait penser à celle de Pink Floyd et de Tame Impala. Est-ce que vous n’avez jamais eu peur de faire un son qui ressemble à un autre déjà trop entendu ?

Alexis : Bien sûr !

Thomas : On a des morceaux où on ne réfléchit pas et où l’on s’empêche de les sortir. Parfois, même si une de nos chansons est top, on ne la sort pas car elle ressemble déjà à une autre. On a nos gardes fous à ce niveau là. Après, il y a une part de vérité dans les sorties de morceaux et s’ils ressemblent à d’autres sons, c’est pas grave. On a toujours eu envie de faire de nouvelles choses qui puissent auss nous surprendre nous-même. Quand on fait des choses trop proches d’autres, ça nous emmerde. Ça ne m’étonne pas que tu voies des liens entre nous et ces groupes. Par exemple, Pink Floyd était notre première référence. On écoutait tous ce groupe. A 12 ans, découvrir et écouter Pink Floyd, c’était incroyable. 20 ans plus tard, ça reste quand même dans nos racines.

Il est normal d’observer que dans l’Art, tout le monde se copie vu que chaque jour il y a de nouvelles créations. Ça doit être une sacrée préoccupation de se dire : « Au final, je ne suis qu’une copie d’autre chose. »

Alexis : Ça c’est une hantise mais je sais qu’on peut pas tout contrôler. Tu peux pas faire une chose nouvelle sans coller de références. Ce qui est hyper dur, c’est d’être à la fois mélomane, c’est-à-dire un type qui adore la musique et on l’est tous ici, et en même temps musicien, en faisant passer un bout de ton cerveau à l’autre. Le vrai musicien, un peu fou, isolé et qui écoute rien, a de la chance quelque part, parce qu’il est pas là-dedans. Ça reste un système hyper relatif. Quand on a un son qu’on aime bien, alors ça nous suffit. Après si certains sons se rapprochent du style de Tame Impala, c’est du aux phasers ou encore aux delays courts. C’étaient des choses qui étaient à la mode il y a quelques années et qu’on a reçu. Puis, pour en revenir à Pink Floyd, ce n’est pas le seul groupe à utiliser une guitare dans une reverb. Par contre, je comprends la raison pour laquelle tu nous connectes à eux, rien que dans notre composition psychédélique qui voyage beaucoup. Certains morceaux n’ont pas de structure A/B, A/B, si tu vois ce que je veux dire.

Thomas : Je trouve que c’est un compliment quand tu nous compares à ces groupes et en rien un reproche.

J’avais montré la question à un ami (Cymophan) et il m’avait conseillé de faire gaffe avec ce genre de question parce que parfois, selon lui, les artistes aiment proposer quelque chose qui leur semble original. En ce qui me concerne, je n’aime pas utiliser le mot « originalité ».

Thomas : Parfois, les personnes ne parlent pas de morceaux « originaux » ou des références liées à ce même morceau, ça leur passent par au-dessus aussi.

Pour moi, « être original » ne veut rien dire.

Alexis : En effet, ça veut rien dire. C’est relatif. C’est toujours relatif à quelque chose.

Thomas : Il n’y a qu’à penser aux milliards de groupes et de morceaux qui paraissent sur la Terre et qu’on ne connaît pas. On ne connaît que le dixième de ce qui existe aujourd’hui. Il y a des gens qui font des trucs supers et que personne n’écoute…

Alexis : Je pense qu’il y a des artistes qui détestent être comparés car ça frotte leur ego. Il faut juste s’en rendre compte. A l’époque de Canopy, certains magazines belges disaient de nous qu’on était les Phoenix belges. C’est une façon pour les gens d’avoir une sorte de repère comme un code couleur.

Thomas : C’est une porte d’entrée.

Et vous, ça vous va ?

Tommy : Ce qui nous va surtout, c’est d’avoir été comparé à d’autres groupes et pas à un et un seul groupe. Évidemment, je pense qu’on ressemble un peu à ce qui peut tourner actuellement, vu qu’on fait partie d’un embranchement musical, d’une époque et société particulières. Tout ne relève que de l’inconscient. On est juste inspiré par les mêmes personnes. Tous les jeunes groupes ont été inspirés par les mêmes thèmes et gros courants. Ce qui est cool, c’est d’apporter par la suite, son « schmilblick », sa pierre, sa « définition de », sa propre direction, en d’autres mots, ce qu’on cherche tous. Ce qui est vrai, c’est qu’être le plus loin des autres, c’est le plus important.

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Est-ce qu’on aura droit à un album unplugged de Sundogs ?

(rire d’Alexis)

Thomas : On a déjà fait des versions unplugged en radio mais on ne pense pas faire ça pour cet album. Jouer des unplugged, ça nous plait assez bien. C’est chouette de partager la musique de manière super simple, ce qui existe beaucoup moins aujourd’hui. C’est très électrique de se retrouver à jouer de cette façon pour des gens de notre âge. Présenter d’autres facettes, c’est agréable aussi. On n’est pas du tout contre mais l’idée de Sundogs était reliée à une tournée, à des concerts et à toutes nos autres idées. On préféré créer et continuer notre route plutôt que de perdre un an pour une version unplugged.

C’est vrai que ça demande quand même du travail.

Alexis : On n’a pas le niveau des réels musiciens. On est plutôt autodidacte, du coup on fait ce qu’on peut. On n’aurait pas la capacité spontanée de prendre tout un arrangement acoustique. On n’est pas des techniciens…

Tommy : On l’a fait.

Alexis : Ouais, on l’a fait. C’était un solide défi. On était centré sur l’écriture des partitions. C’était une belle expérience.

Thomas : On avait l’impression qu’en Belgique, il n’y avait pas vraiment d’artistes qui avaient fait d’unplugged et après avoir vu les séries MTV qui en mettaient en honneur, on a alors trouvé ça musicalement intéressant de faire cela. C’est parfois un peu risqué de s’exposer ainsi mais ça révèle juste l’écriture de la chanson.

Alexis : Mais genre aux Francofolies, c’était une catastrophe.

Pourquoi ?

Alexis : En fait, il y a un tel enjeu technique pour faire sonner des instruments acoustiques et spéciaux comme des sitars ou un harmonium, que le temps imparti est un vrai obstacle. On revenait du Paléo, on avait bien la tête dans le cul. (rire)

Tommy : On était même 12 musiciens sur scène.

Alexis : Oui, c’était tout un bazar bien compliqué.

Antoine : On a vécu en l’espace de 12 heures, notre pire et notre meilleur moment en concert.

Alexis : C’était embarrassant.

Antoine : Avec du recul, je trouvais ça assez sympathique.

Tommy : Par rapport à l’acoustique, on a fait le Cirque Royal qui a été pour nous, l’osmose de l’acoustique. On a vraiment eu toute la journée pour s’installer là-bas et on avait bien tripé. Il y avait également un super piano sur scène.

Thomas : On a eu aussi un échange de fou aussi avec des musiciens géniaux. On était vachement libre.

Y a-t-il des choses que vous avez toujours rêver de faire en tant qu’artiste ? Par exemple, Muse a toujours voulu aller faire concert dans l’espace. Et vous ?

(rire)

Alexis : Le rêve de Muse, c’est un rêve capitaliste!

Thomas : On a toujours voulu se cloner et faire une méga, méga big band. Avec 4 Tommy, 4 Antoine, 4 Alex, 4 Moe, 4 Thomas.

Antoine : Pour ce qui est de faire un concert dans une zone géographique particulière, on avait tripé sur des déserts.

Connais-tu Young The Giant ?

Antoine : Non.

C’est un groupe qui s’est amusé à tourner des vidéos où ils exécutent leurs chansons, en version acoustiques, dans des endroits atypiques. Ils ont joué notamment au sommet d’une montagne, près d’un lac ou encore dans un désert. Je vous conseille de les écouter, c’est pas mal.

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Antoine : Cool, ça doit surement donné une émotion par chanson.

Alexis : Ça me fait penser à Antoine qui a eu la chance d’entendre un super bel écho dans un cratère de volcan. C’est un écho hyper défini.

Tommy : C’était parti d’une flatulence.

(rire)

Antoine : Je me suis retrouvé au milieu d’un cratère de volcan et entouré de parois de montagnes, il y avait un écho naturel et merveilleux. Je m’étais pris une grosse claque.

L’as-tu enregistré ?

Antoine : Oui je l’ai enregistré, j’ai une trace. Faire de la musique là-dedans, ça doit être merveilleux et splendide. L’écho se propage comme dans un amphithéâtre.

Alexis : L’écho forme une espèce de rond parfait.

Antoine : Ça donne un effet de malade. En gros, je pense que si on joue là-dedans, ce sera un peu le bordel mais ça peut être très intéressant à exploiter.

Alexis : Ce qui nous intéressait avec Sundogs, c’était d’enregistrer des instruments dans des lieux spécifiques qui donnent une couleur sonore. On peut y retrouver de nombreux claviers, des voix ou des sons de synthés qui ont été enregistrés dans un couloir ou encore un hall spécial. Il y avait donc des répercussions très précises. L’enregistrement doit savoir imprimer la façon dont on se sert de l’espace.

Tommy : Je me souviens qu’en acoustique, une batterie extérieure avait finalement un son très mate. C’était vraiment tout le contraire de ce que l’on pouvait pensé.

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DRAMA – Photo : Alexis Docquier (Reflektor, le 01/12/16) / Interview faite le 01/12/16

Tiers Monde Interview

LE LYRICISTE DU HAVRE

A l’occasion de son concert à Liège, le 16 décembre dernier, Tiers Monde a accepté une interview pour jcclm. Nous avons abordé plusieurs thèmes comme ses textes ou encore ses futurs projets.

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Dans tes chansons, tu utilises énormément de punchlines et pourtant, on dirait que tu refuses justement cette course à la punchline pour être le meilleur.
Alors au final, quelle signification ont-elles dans tes textes ?

Au départ, « faire des punchlines » m’a toujours donné l’impression que ça me rendait fort. Je respecte énormément les rappeurs qui ont beaucoup de punchlines. Malheureusement, je trouve que plus tu en mets dans le morceau, moins il y a d’esprit dans le morceau. Il y a moins de profondeur, ou même moins d’émotions. Donc, c’est vrai que j’essaye souvent de trouver un juste milieu dans mes sons pour transmettre de l’émotion plutôt que d’être là à faire le spectacle, tu vois ? Pour moi, mettre trop de punchlines, c’est un peu comme les troupes de basket qui font le spectacle (Harlem Globe Trotters). Il faut trouver un juste milieu. Je pourrais comparer ça aussi à un match de boxe. Quand tu arrives au combat, tu ne dois pas mettre que des gros coups, d’abord tu en mets des petits et t’essayes de travailler le truc. Je suis dans cette optique là, c’est-à-dire garder l’esprit dans mes sons.

Tu utilises pas mal de références qui viennent de plusieurs horizons. Tu peux passer du manga à l’histoire, puis repasser par le foot et j’en passe. Comment t’organises-tu pour travailler ?

Je m’organise pas moi. (rire) Non, en fait c’est souvent des choses que je croise dans mon quotidien, je regarde énormément de reportages, de matchs de foot ou de dessins animés. Récemment, j’ai repris la lecture. Ça faisait longtemps que j’avais arrêté et malgré les apparences, je me remets à lire doucement. Des choses du quotidien me donnent des idées. Je me dis que telle chose peut rimer avec telle autre ou que je peux faire une blague avec ça, etc. Ou alors, j’essaye de trouver ce qui se rapproche de mon thème. Mais y a pas vraiment d’organisation de travail, j’essaye juste d’avoir plus de rigueur en terme d’horaire, de bosser musicalement le matin et lyricalement l’après-midi. C’est la seule organisation que j’ai.

Tu utilises beaucoup de métaphores dans tes textes. Rien que le son « Babel » est basé sur une métaphore en réalité, celle de la tour de Babel. Ça apporte quoi à tes textes pour toi ? Quelle est l’importance de toutes ces métaphores ?

C’est un kiffe parce que je suis quelqu’un qui a appris à aimer la langue française. A l’époque, j’écoutais des morceaux de rap comme ceux de Iam ou de MC Solaar. Ils utilisaient beaucoup ce genre de figures de style. Du coup, c’est un truc qui se perd un peu et j’avais justement l’envie, notamment dans le morceau « Babel », de faire un peu ça, de prendre tout un morceau quasiment au deuxième degré par rapport à une référence. Je l’ai fait et ce n’est pas plus mal, je suis content du résultat.

Aussi bien dans No Future que dans 404 Error de Brav’, on a pu voir que vous reformiez Bouchées Doubles. Est-ce que la reformation du groupe pour un futur album est envisageable ou pas ? Pourquoi ?

Le groupe Bouchées Doubles n’est pas mort, c’est simplement pas le moment de refaire un album de par ses projets et mes projets. Faut juste attendre que les planètes s’alignent.

Maintenant on va parler de ton prochain album Mamadou que tu as annoncé d’une manière surprenante à la fin de ton précédent projet. Tu as dit qu’il parlera de toi mais quand on y regarde de plus près, tu as déjà parlé de toi dans tes morceaux. Qu’est-ce qui va fondamentalement changer dans tes futurs textes ?

Ça va être un peu plus précis. Je vais parler de petites choses qui me gênent, de mes défauts ou en tout cas, ce que je considère être comme des défauts. Des défauts qu’on a tendance à cacher, il va être là le travail. Dé-filtrer certaines apparences que j’aie parce que je sais que de par mon label et mon style de rap, les gens se disent: « Il est exemplaire. ». Mais ce n’est pas si facile que ça, on va vraiment se concentrer sur ça et aussi parler un peu plus des problèmes familiaux parce que quoi qu’il en soit une famille c’est uni mais c’est aussi un synonyme de petits problèmes. C’est aussi de ça que je veux parler sans trop m’étendre. Il ne va pas il y avoir des morceaux fleuves où je parle que de mes relations, que de mes parents ou autre, ça va vraiment être disséminé dans plusieurs morceaux parce que je crains que ça ne lasse trop les gens de faire 10 morceaux où je ne parle que de moi. Les mêmes raisons qui m’ont poussé à ne pas parler de moi aujourd’hui sont encore valables aujourd’hui et font que je me dis qu’il y a plus important que moi. Je me dis que ça dépasse ma personne. Par exemple, ce qu’il se passe aujourd’hui en Syrie, ou d’autres cas comme ça, sont plus importants que les petits malheurs de Mamadou qui habite au Havre, tu vois ce que je veux dire ? Donc y a toujours ces raisons-là qui me mettent une petite réserve et qui me disent qu’il y a des choses plus importantes à citer que le fait que mon plat ne soit pas assez salé.

Ça va être comme une remise en question du coup ?

Ça va être un changement de méthode de travail mais ce sera pas grand chose parce que c’est aussi un truc que j’ai envie de faire. Je pense que ça va être cool, y a pas de raisons que ce soit plus galère que ça. Voilà, pour pas te mentir, j’ai déjà quasiment 6 maquettes. J’ai déjà commencé à faire un peu le travail et je ne sens pas la difficulté.

Qu’est-ce qui t’a poussé à vouloir faire un album si personnel tout à coup ? Est-ce que c’est dû à un événement ou autre chose ?

Non. C’est tout simplement qu’à chaque album, j’essaye de faire quelque chose de différent. En finissant l’album No Future, je savais déjà qu’il fallait que j’écrive différemment mes textes, donc je l’ai annoncé tout simplement et musicalement on est en train de décider ce que ça va être. Le défi va être d’emmener le rap un peu plus loin musicalement.

Est-ce qu’on aura droit à quelques featuring sur ce nouvel album ?

On n’a pas encore décidé de tout ça. Moi, j’aime bien utiliser les featurings nécessaires. Je ne suis pas un gars qui va dire:  « Il me faut lui, lui, lui. ». Je réfléchis plus à « lui, il va apporter ça dans ce morceau-là » . Vu que le projet est encore en construction, je ne saurais pas encore dire quelque chose comme: « Il manque quelque chose dans ce morceau et lui pourrait amener ce que je souhaite. ». C’est vraiment pas un calcul du type : « Lui, il a fait le buzz faut que je le ramène absolument. ». C’est surtout des questions de nécessité en ce qui concerne le morceau.

Une date de prévue peut-être ? Ou une période ?

Une période… Ce sera en 2017 pour sûr, mais je ne sais pas encore. Ça dépend de plein de trucs et surtout de mon rendement pendant le mois de décembre et janvier. Là, on est déjà mi-décembre donc on verra.

Il y a un membre de jcclm (Drama) qui m’a tanné pour que je te demande ce que veut dire « Molo Bolo ».

Dis-lui… (rires) Dis-lui que je suis sous-scellé. Il y a mon huissier juste là, je ne peux rien révéler. Je pense qu’à la fin de ma carrière, avant de partir, je vais recruter un nouveau Tiers Monde et je vais lui dire: « Tiens, ça veut dire ça. Maintenant débrouille toi. ». Ça peut être un bon délire ça, non ? Un héritier.

Laurent Grauls / Interview faite le 16/12/16

Nicolas Michaux Interview

Ex-membre d’Eté 67, Nicolas Michaux livre quelques mots au sujet de son album solo nommé A la vie, à la mort. Le surpeuplement, le surréalisme ou le patrimoine belge sont notamment des thèmes qui enrichissent cet entretien.

Est-ce qu’il y a moins de pression à faire un album en solitaire qu’avec un groupe ?

Il y a plus de pression quand t’es en solo. On a vraiment l’impression, quand on travaille sur un album solo, qu’on a plus de choses à assumer pleinement, comme par exemple, le nom sur la pochette. Tandis que quand on est dans un groupe, on peut toujours se dédouaner, se dire que c’est un travail collectif et que j’en suis qu’une partie. La nécessite d’assumer un projet, une fois en groupe, est moins grande. En ce qui concerne cet album, c’est mon premier en solo et dans la mesure où ce n’est pas un nom de scène ou un concept, c’est plutôt l’album d’un artiste qui s’appelle Nicolas Michaux dans la vraie vie, tant sur scène que sur disque. Je voulais que ça me ressemble et que se soit honnête sur ce que je suis et sur ce que je crois être. Je voulais que ce soit assez fort, dès le premier album.

J’ai pensé à cette question car assez souvent, diverses mentalités se rencontrent dans un groupe et peuvent être source de désaccords.

C’est-à-dire qu’il y a plus de liberté dans ce qui est de concevoir, d’écrire et d’enregistrer l’album puisque j’ai pu choisir les musiciens avec lesquels j’ai décidé de travailler, en fonction des morceaux. Ça peut sembler figeant. Dans un groupe, on sait très bien qu’on continuera avec qui on a commencé. Il y a plus de liberté dans un projet en solo mais quand il s’agit de sortir le disque et de se rendre compte qu’il devra être dévoilé à la face du monde, il y a alors plus de pression que quand on est six à l’assumer.

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Avant de sortir ton opus, tu étais au Danemark. Qu’est-ce qui t’as inspiré pour tes chansons, lors de ton séjour là-bas ?

C’est toujours difficile de pointer un certain nombre de choses et d’identifier précisément ce qui m’a influencé le plus. Partir au Danemark m’a donné beaucoup de temps et pas mal de solitude. J’étais là pour retrouver ma copine et à part elle, je ne connaissais personne en arrivant. Du coup, j’avais beaucoup de temps pour lire, regarder des films, me balader dans la forêt ou aller la mer. Ce qui a réellement participé à mon inspiration, c’est une espèce de porte ouverte sur une période de ma vie, sur un autre rapport au temps. Je pense que le temps et la solitude que j’ai eu là-bas, m’ont aidé à creuser un peu plus profondément les thèmes qui me travaillent en général, dans mon écriture et ma composition.

Es-tu d’accord sur le fait qu’il faille savoir s’ennuyer ?

C’est peut-être un peu prétentieux de dire ça mais plus je vieillis, moins je m’ennuie. Je me souviens quand j’étais ado, j’étais à l’Athénée d’Esneux et parfois, il y avait des après-midi où on ne savait pas trop quoi foutre. Le temps paraissait très long alors qu’il était juste deux heure de l’aprem. On attendait « je sais pas quoi » à la fin de la journée. Je me suis parfois ennuyé à cette époque mais ça fait longtemps que je ne m’ennuie plus. J’ai toujours une curiosité pour quelque chose. Si j’ai un peu de temps, je vais ouvrir un livre, lire un article sur Internet, écouter un disque ou que sais-je encore. Je trouve toujours quelque chose pour m’occuper. En fait, j’ai l’impression que quand on vieillit, on se dit plus qu’on aura jamais le temps de faire ce qu’on a envie de faire ou découvrir ce qu’on a envie de découvrir, plutôt que d’avoir l’occasion de s’ennuyer.

Qu’est-ce que tu entends par « Les îles désertes n’existent plus », chanté dans ta chanson « Les îles désertes »?

On peut le lire à plusieurs degrés mais le premier degré est celui de constater qu’en 2014, l’année où le morceau a été écrit, le monde était surpeuplé de beaucoup trop d’êtres humains, d’objets, d’immeubles, de voitures, d’usines. Bref, notre planète est envahie par l’humain et par tout ce qu’il a pu créer. On a donc parfois ce sentiment que trouver un endroit calme, telle une île déserte, relève du parcours du combattant. C’est difficile de trouver un endroit où l’on va vraiment se sentir seul et apaisé. Pendant des siècles et des siècles, l’être humain a quand même vécu avec énormément d’espace. La terre était vaste et les groupements d’humains étaient relativement réduits. Il y a très longtemps, une ville pouvait comptabiliser 7000 à 8000 habitants. Aujourd’hui, on est à l’ère des mégalopoles. On peut imaginer qu’un jour, les villes vont tellement s’agrandir qu’elles vont toutes se toucher et qu’elles finiront par être une et une même ville énorme. Bon, ça semble apocalyptique comme type de lecture mais la chanson est plutôt un jeu de questions/réponses entre une personne qui en questionne une autre et qui a comme réponse : « Arrête, laisse moi tranquille avec tes questions. De toutes façons ça n’a pas de sens, les îles désertes n’existent plus. ». Je pense qu’il y a un peu d’ironie dans cette chanson. On peut la voir au premier degré, comme une conversation absurde sur des questions qui n’ont pas beaucoup de sens.

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J’ai remarqué un goût pour l’absurde dans le clip de « Croire en ma chance ». Y a-t-il des œuvres surréalistes que tu aimes beaucoup ?

J’ai vu Le Chien Andalou, d’autres films de Luis Buñuel et j’aime aussi Salvador Dalí mais je ne suis pas un grand connaisseur du surréalisme datant du 20e siècle… Ma copine s’y connait plus que moi. L’histoire du clip est importante dans son choix de collaborations. L’idée de faire ça avec Simon Vanrie et Marine Dricot a amené à avoir un vraie connexion avec le surréalisme. On peut y noter une création d’esthétique et d’univers très particuliers. Le fait de faire rencontrer des époques différentes et des références culturelles variées crée quelque chose de nouveau ou en tout cas d’inédit. C’est vrai qu’il qu’il y a en général dans mes clips, surtout dans « A la Vie à la Mort » et « Croire en Ma Chance », une volonté de prendre le travail au sérieux, sans pour autant se prendre soi-même au sérieux.

C’est assez belge ça.

Voilà c’est ça. On puise dans le surréalisme belge et on fait de l’auto-dérision. A vrai dire, je ne suis pas un grand amateur de clip vidéo. Je n’écoute pas la musique sur Youtube, j’écoute la musique sur disque comme les gens de ma génération. J’ai grandi à l’époque du CD et maintenant, j’ai une petite collection de vinyles. C’est ainsi que j’aime vraiment écouter la musique ou alors via mon casque branché à mon Ipod. Selon moi, la musique n’a pas vraiment besoin d’images pour exister et donc, mon rapport vis-à-vis du clip est plutôt ludique. Je trouve ça assez marrant de faire une vidéo rigolote pour une chanson sérieuse.

C’était drôle de voir des sous-titres en italien dans « A La Vie à la Mort ». Ça jouait sur un cliché ?

Il y avait plusieurs raisons à l’idée de ces sous-titres. Chaque année, je pars en Italie, minimum 1 mois par an. Je vais souvent en Ligurie, dans un village qui s’appelle Perinaldo, sur les hauteurs de Vintimille. Du coup, je me suis fait quelques amis dans ce village et ça me plaisait de voir que les gens de là-bas puissent comprendre les paroles du morceau. D’habitude, les chansons sont souvent sous-titrées en anglais et le faire en italien, une langue latine proche du français, donnait l’affirmation de quelque chose. Vu que ma mère est d’origine italienne et ma grand-mère est italienne, ça me touchait aussi de voir quelque chose que j’avais imaginé en français, en version italienne.

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On peut savoir ce que tu fais sur la pochette de l’album ? Est-ce que cela symbolise quelque chose ?

En fait, ce n’est pas moi qui suis sur la pochette.

(rire)

J’ai travaillé avec une photographe liégeoise qui s’appelle Lara Gasparotto. C’est une grande voyageuse qui fait des photos partout dans le monde. La pochette est un autoportrait qu’elle a réalisé dans les montagnes d’Amérique du Sud. Je suivais son travail depuis pas mal de temps et j’ai vu ses photos sur son Tumblr. Après un bon bout de temps, j’ai revu ce qu’elle faisait et cette photo me parlait en particulier. Quand j’écoutais l’album, en regardant cette image, j’ai pensé qu’elle fonctionnait avec ma musique, sans savoir pourquoi. Ce que fait la personne sur la photo n’est pas très clair. On a l’impression qu’elle se livre à une espèce de rituel chamanique, en se jetant de la poudre ou peut-être du maquillage, qui sait ? J’aimais bien ce côté mystérieux, et pour en revenir justement aux « îles désertes », j’aimais voir ce même inconnu au milieu d’une vaste et pure Nature. Observer quelqu’un de petit par rapport à la grandeur de la Nature.

Ce que se jette cette personne me faisait penser à des cendres d’une urne. Comme la fameuse scène dans The Big Lebowski, où John Goodman balance les cendres de son pote à contre-vent.

Oui oui. Ça pourrait être ça. Je ne sais pas moi-même ce que c’est exactement.

N’as-tu pas envie de percer le mystère ?

Non, ça me plaît comme ça. J’aime bien l’idée d’interpréter cette image comme le moment où quelqu’un procède à un rituel, qui se maquille à la façon des indiens traditionnels.

Toi qui as beaucoup voyagé, qu’est-ce que tu reproches et adores le plus en Belgique, comparé aux autres pays ?

Ah, c’est une bonne question. Hum…

(petite pause, moment de réflexion)

C’est compliqué de dire ça, parce que même en voyageant, on a pas tellement de recul par rapport à son pays et à sa région d’origine. J’ai parfois l’impression que la Belgique est vraiment un pays qui n’a pas de sens. C’est à la fois ce que je déteste et ce que j’aime le plus. Quand on vit à Bruxelles, alors qu’on vient de Liège, on doit se réinscrire dans plein d’organismes parce que l’administration est différente. On a plus la même mutuelle, etc… Fin, je considère cela comme une aberration administrative. Pour réparer un trou sur l’autoroute, il faut parfois deux ans ou plus. A Liège, les travaux de la place St Lambert ont pris 35 ans. La Belgique a également détruit son patrimoine. Bruxelles était une des plus belles villes d’Europe, aux alentours de 1910 et 1920, mais dans les années 50, ce que la guerre avait épargné a été détruite à coups de bulldozers par des élus bruxellois, pour construire des autoroutes intra-urbaines. Il y a vraiment une espèce de non-respect du patrimoine, ce qui est fou. On ne retrouvera pas du tout cela en Italie ou en France, où l’on défend avec ferveur tout ce qui est Église ou monument intéressants. Dans ces pays, ils ne penseront jamais à détruire ce qui touche à leur patrimoine, en tout cas l’envie sera moindre. Je trouve dommage qu’en Belgique, on se soit évertuer à détruire les villes et ce qui faisait leur beauté. C’est quelque chose qu’on vit toujours aujourd’hui. Si quelqu’un d’autre ne dit pas qu’une chose est bien, on aura du mal à dire de soi-même que c’est bien. J’ai signé sur un label français et on est venu me trouver en me disant : « Ah ouais, t’as signé avec un label parisien, alors ça veut dire que c’est vraiment bien ce que tu fais ! ». J’avais envie de répondre que je faisais cela depuis toujours. J’ai pas besoin d’un label français pour que ce soit bien. C’est un côté qui m’énerve et en même temps, c’est peut-être parce qu’on a pas un côté nationaliste. Ce qui est bon, c’est qu’on ne chante pas la Brabançonne à chaque fois qu’il y a un évènement dans notre vie ou qu’on doit inaugurer un rond-point. On n’est pas là à toujours crier : « Vive la Belgique ! ». Le fait qu’on soit un pays peu patriotique est le revers positif de la médaille.

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Je comprends ce que tu veux dire mais j’ai pourtant remarqué que quand il y a un match de foot, il y a tout un évènement incroyable qui se passe en ville. Alors que parfois, quand les syndicalistes essayent de mobiliser les gens pour des manifestations, il n’y a pas grand monde pour protester avec eux.

Tu as raison. L’engouement pour l’équipe de foot est quelque chose d’assez récent. Maintenant, les joueurs jouent mieux alors qu’avant ils jouaient comme des gros nuls. Ça change évidemment la donne. On est pas extrêmement patriotique mais on est par contre extrêmement individualiste en Belgique. A part pour l’équipe de foot, je ne vois pas en quoi les Bruxellois et Wallons sont vraiment fiers. Tandis qu’en France se dégage une intensive fierté d’être français. Au Danemark, les gens ont un drapeau danois sur un mât, dans leur jardin. Les Britanniques ont aussi une vraie fierté de la Nation. Nous on l’a moins parce que notre Nation est beaucoup plus petite et éclatée. Ce qui me révolte également en Belgique, c’est la difficulté à lancer des mouvements sociaux pour améliorer des choses.

Quand j’étais petit, j’étais stupéfait de voir qu’en Italie, chaque village avait son propre dialecte. Tandis qu’ici, on a tué la langue wallonne pour des raisons économiques vu que ça coûte trop cher d’enseigner une nouvelle langue. Je trouve ça dommage parce qu’apprendre une langue, liée avec ses propres racines, fait aussi partie de notre patrimoine culturel.

Oui bien sûr. Il y a comme une espèce de détestation de notre culture. Je pense que la porte est sans cesse ouverte aux cultures anglo-saxonnes et françaises. Ceci n’est ni bien ni mal. On adore se nourrir de tout ça mais parfois, on a des poètes incroyables comme Jacques Izoard qui sont complètement morts, méconnus et dans la clandestinité. Il y a des dizaines d’artistes extrêmement talentueux mais très peu reconnus par la Wallonie parce qu’ils ne fonctionnaient pas en France. Alors qu’en Flandre, on peut se rendre compte qu’il n’y a pas besoin d’être connu à Amsterdam pour faire son chemin en Flandre. Les Flamands seront heureux de voir quelqu’un de chez-eux faire des choses pour eux. Ils sont contents car ils en comprennent les subtilités. On retrouve cela aussi au Québec. Les Québécois sont hyper enjoués d’avoir des chanteurs québécois qui chantent en québécois et qui parlent aux québécois. Ils n’ont pas besoin que ça plaise à New-York ou Paris pour se dire que c’est bien. Ici, je sens souvent la nécessité, venant des media de masses, de nous montrer ceux qui arrivent à fonctionner dans des pays étrangers. Je trouve ça dommage. C’est peut-être le même phénomène, le même espèce de virus qui explique qu’on est capable de détruire nos villes comme on a pu le faire dans les années 50 et 60.

Quand tu dis que la Belgique n’arrive pas à mettre en valeur son patrimoine, ça me fait penser au cas de la Cathédrale de Liège.  Je la trouve magnifique sauf que…

Elle est toute noire à cause de la pollution…

Ce n’est même pas ça. C’est juste que des urinoirs sont postés juste à côte…

Oui oui, on peut pisser dessus quoi. C’est un beau symbole. Le patrimoine en Belgique, on pisse dessus.

(grand rire commun)

C’est une bonne et mauvaise chose.

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brunoaleas – Photos ©Alexis Docquier (Reflektor, le 01/12/16) / Interview faite le 01/12/16

Odezenne Interview

HONNETES DEVANT LEUR FEUILLE

Véritable phénomène de la scène musicale française, Odezenne a accepté sa première interview en Belgique avec JCCLM. Au café liégeois du Reflektor, Jaco et Alix ont dédié leur temps à SilverDave et DRAMA.

DRAMA : Comment qualifier votre musique en quelques mots?

Alix : On n’a pas de qualificatif à donner pour notre musique parce que c’est comme si on allait tout de suite restreindre notre champ de la perception. Tout ce qu’on conseille de faire au gens, s’ils sont curieux, c’est de taper Odezenne sur Google et de regarder les liens sur leur propre écran et de se faire leur propre avis sur ce que l’on fait.

DRAMA : N’avez-vous pas l’impression d’avoir trouver une signature sonore qui est vôtre avec l’album Dolziger St. 2 ?

Jaco : Je pense que la signature sonore on l’a depuis le début dans nos têtes, dans ce que l’on veut faire. Après, accéder à ses envies, c’est souvent pas réalisable instantanément. Il faut travailler et mettre en place des choses. Mais là, l’identité commence vraiment à ressortir beaucoup plus clairement sur nos sons d’aujourd’hui, surtout du fait que ce soit que de la compo.

Alix : Pour prolonger un peu ce qu’il vient de dire, j’ai en tout cas l’impression que c’est l’album où l’on a le mieux réussi à se mélanger dans ce qu’on a à apporter au groupe, chacun, individuellement, que ce soit en terme d’influence et de textes. Donc, je sais pas si c’est une signature, c’est un peu pompeux le mot « signature ». C’est la meilleure tentative de disque qu’on ait sorti.

DRAMA : OK. Santé. (les verres s’entrechoquent)

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DRAMA : Y a-t-il un message qu’il faut retenir à la fin de l’écoute de cet album ?

Alix : Non je crois pas. Nous on l’a fait sans arrières pensées, c’est-à-dire sans filets. Sans même savoir ni où l’on voulait aller ni si on allait y arriver. Je crois que l’album est à prendre comme il est. Je pense que c’est un album qui peut s’écouter d’un trait dans l’ordre où on l’a écrit et enregistré.

Jaco : Du côté de l’auditeur, le message, les moments, les souvenirs s’inscrivent de manière assez personnelle sur un album. Tu ne peux gérer ça en te disant qu’il y a « un message » car personne ne va le percevoir tout à fait de la même façon. Même nous, entre membres du groupe, je pense qu’on ne le perçoit pas de la même manière.

DRAMA : Ce dernier album en date a été enregistré en Allemagne. Trouvez-vous qu’il y a une grande différence entre l’attention que l’on porte à la culture entre l’Allemagne et la France ?

Jaco : On sait pas parce qu’on a passé beaucoup de temps à bosser sur ce disque. On avait un studio h24, du coup on y restait assez régulièrement. Ça nous bouleverse pas vraiment que les gens fantasment sur Berlin parce que c’est pas non plus « un musée d’Art contemporain à ciel ouvert partout ». C’est plutôt très calme et très apaisant. J’ai pas trouvé de musique berlinoise spécifique mais dans tous les bars ils passent du bon son.

Alix : Moi j’ai trouvé que ce qui sautait aux yeux par rapport à la France, c’est que les bars passent du bon son, comme ici. En France, c’est un plus NRJ et d’autres radios qui sont diffusées. J’ai découvert plein de bons groupes français en Allemagne dont Jacno. C’est improbable, j’aurai du le connaitre depuis bien longtemps. Ce qui saute encore aux yeux, c’est le côté un peu calme des rues. C’est une sorte de grand village. J’ai l’impression que c’est assez chelou parce qu’en même temps, t’as une rigueur, genre il faut pas traverser au feu rouge, ce qui fait qu’il y a pas un côté libertaire, où tout le monde fait ce qu’il veut mais les églises par contre, sont touchées par les graffitis.

Jaco : C’est un super endroit. Maintenant, on ira pas jusqu’à dire que c’est la musique électronique berlinoise qui a influencé le disque. C’est plus la vie au jour le jour, le froid, le grand ciel blanc.

DRAMA : Les clips de « Novembre » et « Chimpanzé » sont réalisés comme des mini-documentaires résumant pour le premier, une manifestation tournant au vinaigre et pour le second, la crise migratoire. Êtes-vous de ceux qui croient que la musique peut changer du tout au tout les mentalités ?

Alix : Moi je sais pas si la musique peut changer du tout au tout. Mais il faut que noter qu’en ce moment, je m’aperçois qu’en écoutant pas mal de disques de mecs qui chantent en français, je me lève le matin avec une phrase dans la tête ou je fredonne tout d’un coup l’après-midi. Je me rends compte vraiment ces derniers temps que quand tu chantes, tu dis des trucs que les gens impriment donc forcément, sans penser que ça soit de grand changements fondamentaux, ça fait son chemin. Pour ce qui est des images, c’est pareil. Ces clips documentaires, qu’on a fait avec Jérôme, c’était pour recoller au réel et il se trouve que c’étaient des crises. Je pense en effet que ça peut faire son petit chemin.

Jaco : Je pense que la musique peut changer la vie de quelqu’un donc elle peut, quelque part, changer la face du monde puisque quelqu’un peut changer la face du monde. Mais je pense pas qu’il faille l’affaire pour ça.

DRAMA : Comment ça ?

Jaco : Il faut pas que tu te dises que tu vas faire des morceaux pour toucher quelqu’un qui va changer le monde ou pour changer le monde. Mais il est au moins possible que la musique puisse changer quelqu’un.

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DRAMA : Revenons à Dolziger St. 2, est-ce que l’on peut considérer la chanson « Souffle le Vent » comme une ode à la vie ?

Jaco : Je sais pas du tout. C’est une chanson d’amour pour ma meuf mais qui dérive sur l’Amour en général.

Alix : Je vais peut-être mieux en parler que lui…

Jaco : Ouais, parce que j’ai du mal à parler de moi.

Alix : Autant il y a des morceaux qu’on chante et qu’on a écrit à deux, comme « Vodka », autant il y a « Souffle le Vent » que je n’ai pas du tout écris. Il y a des morceaux en gros, où on s’est invité respectivement. Le texte de « Souffle Le Vent » est arrivé comme ça et j’ai même pas voulu m’inviter dedans. Moi, en l’occurrence, c’est une chanson qui m’a touché presque d’une manière extérieure. Je sais pas si c’est effectivement une « ode à la vie » mais c’est un peu une espèce d’urgence, où il y a quelque chose à saisir. C’est sûr que c’est un baromètre où quand tu l’écoutes, soit t’es content, soit tu pleures. Ça dépend de si t’as fait de la merde ou pas dans ta vie. Tu vois ce que je veux dire ?

(rire)

Alix : Je ne sais pas tout exactement mais ça a un rapport avec la vie.

DRAMA : J’aime beaucoup les paroles.

Alix : Merci.

SilverDave : J’ai réécouté vos musiques ce matin, et je me disais que soit vous étiez cash et dégueulasses soit cash avec un petit coté sentimental et fragile. Fragile, non pas dans le sens péjoratif, mais plutôt doux, qui aime bien la vie, les femmes. Je me rends compte que parfois c’est assez crus.

Alix : Oui bien sûr. C’est aussi pour ça qu’on est parti à Berlin. L’idée c’était de se retrouver entre nous, à l’écart de tous les gens et de tout ce qui se fait. Et du coup, décrire au plus proche comme une photographie. Forcément, comme tout un chacun, ce qui nous touche d’abord dans la vie, ce sont les femmes et c’est aussi de temps en temps « la colère » mais encore « l’angoisse » ou « être heureux ».
Essayer d’être sans filets, c’est pas très évident. Il faut créer des conditions pour cela, en sachant que tu peux être sollicité assez souvent, ce qui te déconnecte du vivant.

Jaco : L’être humain a plusieurs facettes. On a par conséquent plusieurs facettes. On est pas foncièrement toujours dégueulasses, sentimentaux ou crus. C’est comme ça vient.

SilverDave : Justement. Il y a cette façon d’écrire qui est crue mais ça passe parce que c’est doux.

Alix : C’est peut-être pas si cru…

Jaco : Dans le fond, c’est pas si cru.

Alix : Il y a un côté « pas cuit » dans « cru ».

Jaco : Alors que c’est mijoté quand même.

SilverDave : C’est ça qui fait que ça devient de la poésie et que ça passe crème.

Alix : On essaye de « parler vrai » plus que « cru ». Je cogite pas pour essayer de dire quelque chose crument, j’essaye de le dire de façon vraie. C’est subjectif ce que je dis.

Jaco : Il y a un moment, certains disaient qu’on faisait du rap. On fait des chansons. Ce n’est pas une question de faire du rap ou autre, on s’en fout, on fait de la musique et pas de la menuiserie. C’est juste à écouter, t’appuies sur « play » et c’est tout.
Enlever l’attitude, c’est quelque part essayer d’être le plus honnête devant ta feuille. Ce n’est pas donner de mimiques, des si ou des la. Quand t’essayes d’écrire des textes un peu plus généraux que plein de gens peuvent écouter et que c’est indescriptible, si t’as encore l’attitude de te dire que tu n’es plus un rappeur mais un poète et que tu veux prendre l’attitude d’un poète, et bien t’as tout loupé. Il n’y a pas à chercher cela, ça viendra plus tard ou ça ne viendra jamais à toi. Ça ne viendra jamais. De toutes façons, on s’en fout. Ce qui compte c’est d’être le plus honnête devant ta feuille sans faire de démagogie. Dans le fond, on prend plein de textes de plein de gens et on est pas si dur que ça. Ni très cru ni très dur et de tout temps franchement.

SilverDave : OK. Je réécouterai avec cette vision là.

Alix : Oui mais tu as le droit d’avoir ton approche.

SilverDave : C’est toujours cool d’écouter une musique avec des a priori, une approche, puis de la réécouter et de s’en faire une toute autre idée.

Jaco : C’est peut-être toi qui a raison. Moi j’ai souvent dit qu’on avait la tête dans le guidon.

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DRAMA : N’avez-vous jamais penser faire des projets solos, chacun de votre coté, sans semer le chaos dans le groupe ?

Alix : Je pense que ça sèmerait le chaos parce qu’un groupe c’est un groupe. Fin, « semer le chaos » ça veut rien dire mais ça serait une véritable dislocation. J’ai même pas envie de faire de la musique tout seul, ça m’intéresse pas. Je ne pourrai pas. Je pourrais aller chercher des « beatmakers » mais à la base et jusqu’à maintenant, on se considère plus comme un groupe que comme un groupe de musique. On aurait pu ouvrir une pizzeria, un bar, une galerie, une bibliothèque, pourvu qu’on fasse des choses ensembles de manière imaginative et créative. C’est ça qui nous lie, et pas tellement la musique.

Jaco : Si on avait voulu faire de l’argent, on aurait clairement fait autre chose que de la musique. Ce n’est pas une histoire d’intérêts, ça serait juste moins bon de manière pragmatique.

Alix : Il est possible que ce soit faisable après la vie du groupe mais pas pendant.

Jaco : J’aurai pu partir en solo plein de fois parce que je cherche souvent pour l’inspiration, pour pouvoir amener le concentré dans le disque.

Alix : On est pas du genre à être dans trois groupes. Ça prend trop de temps !

Jaco : Une fois que t’as bien travaillé ton groupe, pourquoi essayer de partir en solo ? Pourquoi ne pas trouver un autre système, une autre aventure avec les mêmes gens pour aller autre part et faire autre chose ? Ça m’intéresse plus de faire autre chose accompagné de gens avec qui je suis, plutôt que de refaire la même chose avec d’autres gens.

Alix : C’est assez bizarre parce qu’au final personne ne fait vraiment la musique qu’il a envie de faire.

Jaco : Ouais mais la situation dans laquelle je me situe, me permet de faire la musique que je veux. On est dans ce casse-tête mais moi, quand je suis dans ma piaule et que je fais ma musique, je me préoccupe pas d’une quelconque carrière solo et du coup, je fais ce que je veux.

Alix : Absolument. Si j’étais tout seul, on ferait pas exactement ce que l’on fait maintenant. Mais en même temps, je suis encore plus content de découvrir des nouveautés dans notre groupe. Même moi parfois je découvre Odezenne et c’est cool.

Jaco : Je vais expliquer ce qu’Alix voulait dire par le fait que chacun ne fait pas la musique qu’il veut.
On fait tout pour le centre. Le centre c’est ce disque, c’est le sujet. Alix, Matia et moi, on va donner ce qu’il y a de mieux pour le sujet. Sans se la raconter, ce sujet va être magnifique pour nous. Ce sera toujours mieux que si chacun donne sa meilleure copie. C’est beaucoup de compromis de travailler à trois sur un même sujet parce que parfois, tu dois lever ou enfoncer un peu plus le pied pour que le sujet en lui-même soit en l’air. C’est comme Aimé Jacquet disait à Cantona : « Tu es le meilleur joueur mais l’équipe est meilleure sans toi. ». Humainement, sans démagogie, et dans ce qu’on vit comme amitié, ça te met à ta place parce que tu as vite fait la tête qui part, surtout dans ce que l’on fait. Ce n’est qu’une illusion. Hier, on a joué devant 1500 personnes à Paris, c’était la folie mais c’est un métier de forain. Après, on a pris la route, on est arrivé, on a déchargé. Il faut prendre en compte l’envers du décors et garder les pieds sur terre. Bref, soudé c’est mieux, tout seul…
T’es tout seul et quand t’as plus l’inspi, tu fais quoi ?! Faut bien manger.

DRAMA : Il y a bien Nekfeu qui arrive à faire de supers choses en solo.

Alix : Ouais mais on ne fait pas du tout la même vie. Il y a une différence. Nous on est vraiment dans une optique de groupe. On n’est pas dans la « punchline », les performances textuelles, les attitudes. Je dis pas que ce que l’on fait est mieux, c’est juste qu’on serait pas épanoui dans ce que je viens de citer. J’aurai aucun épanouissent personnel à essayer de développer une carrière solo. Rien que d’y penser, ça me fait chier. C’est limite si je me bats pas chaque matin pour qu’Odezenne puisse être diffusé. C’est peut-être plus pour faire plaisir à mes potes comme eux aussi peuvent le faire. On fait les choses pour les autres, c’est vraiment une autre approche. Il n’y a rien d’autocentré là-dedans.

DRAMA : C’est beau…

Alix : Ah mais attention, je suis même pas en train de te dire que c’est beau. C’est juste comme ça.

Jaco : C’est comme ça et un dollar c’est un dollar. On est sur le qui-vive, on regarde tout et elle est là la différence avec Nekfeu, c’est qu’il n’est plus à un dollar près. T’es entre nous, t’es là… On est dans le bunker.

(rire)

DRAMA : A quoi on doit s’attendre pour le prochain album ?

Jaco : Peut-être rien.

(rire)

DRAMA : « Rien » c’est déjà…

Jaco : Peut-être que dalle alors.

DRAMA : Aaaah.

Jaco : Nan mais il faut déjà que ça vienne et que ça nous plaise. Déjà on va d’abord se reposer et finir la tournée. Là ce qu’on fait c’est l’équivalent de 3 ans de marathon en sprint et il faut se reposer un peu. Il faut dépresser le citron.

Alix : C’est vrai qu’on met tous ce qu’on a pour chaque disque sans se dire qu’il y aura une suite, ce qui fait que c’est compliqué de parler d’une suite. Je ne veux pas faire d’effet d’annonce en disant que Dolziger est notre dernier album mais en même temps, si plus rien ne se fera par après, ça sera le dernier.

DRAMA : Il y a pourtant « Matin » qui est sorti.

Alix : « Matin » c’est autre chose. C’est la réalisation de son clip documentaire qui nous a poussé à sortir cet inédit. On avait décider de pas mettre cette chanson dans l’album parce que ça collait pas à l’esthétique de Dolziger mais c’était aussi un morceau qu’on aimait bien. Il a trouvé des images, ça a « matché » tout seul. On a pas sorti « Matin » pour teaser un album. C’est vraiment pas ça le délire.

Jaco : Je pense qu’on a sorti Dolziger il y a tout juste un an. Ça se digère, ça se défend. Pour l’instant on a rien. On a l’intermittence.

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DRAMA et SilverDave – Photos ©SilverDave (Reflektor, 18/11/16) /Interview faite le 18/11/16

Yves Donnay Interview

HABEMUS PSYCHANALYSE PAS CHER

Le dessinateur, sculpteur et peintre Yves Donnay partage son temps de parole pour réaliser une interview dans son atelier, à Tilff. Sa philosophie artistique, ses satiriques Clochards, sa vision de Woody Allen sont alors des sujets inévitables.

Comment est né le projet nommé Les Cloches ?

Ca venait d’une frustration comique. Comme tu peux le voir ici, ce que je fais n’est pas spécialement drôle, ça n’a aucune vocation hilarante. Ce n’est pas non plus engagé politiquement ou socialement. Les Cloches est venu pour pallier à ma mauvaise humeur chronique car il faut savoir que je me lève tous les jours en me disant : Putain quel monde de merde. (rire)
Comment est-ce que je pourrai faire pour non pas le détruire mais en rigoler un petit peu plus ? Je me suis alors mis à faire des petits dessins sans a priori mais ce que je cherchais surtout, c’était un fil conducteur qui a été la rue. Qui se trouvait dans la rue ? Les clochards que l’on surnommait aussi les cloches à Paris. Voilà comment est né
Les Cloches, avec un double sens.

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Pourquoi est-ce que les sans-abris sont les personnages principaux de vos dessins ?

Au départ, ce sont plus des clochards parce qu’ils réfléchissent non pas sur leur condition mais surtout sur ce qu’ils voient dans la rue, sur ce qu’ils lisent dans les journaux qui tombent à leurs pieds ou encore sur ce qu’ils entendent des conversations.
En voyant les dessins, on pourrait croire que ce sont des SDF mais pas vraiment. Ce sont des mecs qui se sont retirés de la société et qui peuvent se permettre d’avoir un regard dessus. Même si on peut y retrouver des SDF, des immigrés, des étudiants ou tous ceux qui traînent un peu en rue. Mais au commencent, avant que ça ne dérive, je dessinais des clochards professionnels.

Qu’est-ce que sont des clochards professionnels ?

Ce sont des anarchistes purs et durs. Ceux qui refusent absolument tout, comme travailler.

Y en a-t-il encore ?

Oui, il y en a toujours eu. Maintenant, ils ne sont pas forcément à la rue. Il y en a qui sont avec un sac au dos, qui se baladent.

Comme des ermites ?

Oui, ça pourrait être des ermites ou des globe-trotters qui ne sont pas multimillionnaires. Des mecs qui ont juste besoin de deux caisses pour vivre mais pas plus, sinon ça devient insupportable.

Est-ce que vous avez déjà pensé à être comme cela ?

Je suis un peu comme ça mentalement mais je n’en ai ni la vocation ni le courage. Dormir dehors, je sais pas si t’as déjà essayé, mais c’est très dur.
Même dormir l’été dehors, sans rien, c’est pénible. J’ai déjà fait un peu de ballade sauvage, du temps où j’avais un chien, et dormis un ou deux jours pas plus, cela suffit pour être dans un état lamentable. (rire) La nuit tu pleures car il fait vraiment froid.

Si l’on admet que les clochards sont une façade qui rappelle au citoyen ce qui l’attend s’il dévie des normes sociales, est-il bon pour les gouvernements de garder des clochards ?

A Liège on pourrait le croire. (rire) On a l’impression qu’on les attire de partout mais c’est une autre catégorie, ce sont plutôt des junkies. Je ne les compterai pas dans les clochards ou les SDF. Je pense que ça fait toujours très peur qu’on puisse tomber de son petit confort et se retrouver sans ou presque rien. C’est très dur comme situation parce qu’on y perd assez vite ses neurones. Quand tu vois les gens qui sont réduits à ça durant des années, ils sont arrangés. Je ne dirai pas qu’ils sont irrécupérables mais en tout cas, ils ont des problèmes psychologiques ou alcooliques donc ils prennent ce qui leur tombe sous la main, comme des cachets par exemple. Et effectivement, ils se laissent aller. C’est très difficile ensuite, de garder une certaine hygiène de vie. C’est plus intéressant pour le gouvernement d’avoir des gens en mauvais états dans la rue que des cloches comme les miennes qui risqueraient de foutre un peu plus la merde. (rire)
Il faut du coup, avoir des pauvres non contestataires dans la rue qui fassent pitié ou qui dégoutent, ainsi certains se diront : Je suis bien content d’avoir mon petit boulot de merde. Les pauvres contestataires, eux, vont en attirer d’autres dehors.

Comment se porterait votre inspiration sans les malheurs et stupidités du monde ?

Aaaah. Je ne ferai probablement pas de dessins, si tout allait bien. Si on est tous heureux et si notre environnement était comme à l’origine du monde, c’est-à-dire comme au Paradis, je pense qu’il n’y aurait aucune raison de faire du dessin tout court. Si t’es bien, tu fais rien, tu te contentes d’être bien, comme si c’était des vacances parfaites.

J’ai l’impression que dans vos sculptures certains de vos personnages n’ont pas de visages. Est-ce le plus difficile à faire ?

Non. Faire des traits précis, ça l’est, même si ça n’est pas le but. Elles ont une expression, elles n’ont pas vraiment un visage. Je n’essaye pas d’avoir des traits mais plutôt une figure qui correspond à l’attitude ou à ce que j’ai envie d »exprimer dans la sculpture, c’est-à-dire la souffrance, l’impassibilité.
Le plus dur c’est quand tu passes à l’étape du plâtre : il fait dégueulasse partout. Je dis toujours que c’est du dégueulasse propre… Parce que c’est blanc. (rire) C’est une technique avec du plâtre liquide donc il y en a absolument partout et j’en deviens tout blanc.

Est-ce que vous considérer vos œuvres comme le reflet de ce que vous êtes ?

Pas totalement. Par contre, c’est le reflet de ce que je ressens. Il y a une partie du travail de l’artiste qui est une espèce de catharsis, une psychanalyse pas cher que tu fais payer aux autres, dans le meilleur des cas, en tout cas.

J’aime bien ces termes : psychanalyse pas cher.

C’est d’ailleurs la preuve que le cinéma n’est pas un Art puisque Woody Allen dit qu’il a tué 3 psychanalystes. S’il a encore besoin d’aller les voir alors qu’il fait du cinéma, et bien c’est que le cinéma n’est pas un Art. Si ton Art est un bienfait pour toi, tu n’as pas besoin d’aller chez un psychanalyste.

Oui mais ça c’est une définition, c’est votre définition…

(énorme rire d’Yves Donnay) C’est pas ma définition, c’est un peu une blague. L’Art ne doit pas être sérieux contrairement à ce que la plupart des gens pensent.

C’est vrai que quand j’écris ça m’aide beaucoup. C’est pour cela que j’aime assez le psychanalyse pas cher.

Ben oui. Tu sais, pour la plupart des artistes signifiants, ils expriment vraiment quelque chose que tu ressens profondément et ne se contentent pas de faire que des choses esthétiques ou selon une pensée mysticointellectuodébile sans signifiance. Quand tu fais un truc de signifiant, ça te soulage de tes problèmes, ça t’aide à le sortir et à le partager. Alors que les autres soient d’accord avec toi ou pas, ça n’a pas vraiment d’importance, vu que toi, t’as réussi à le sortir. C’est déjà un bon point.

C’est drôle que vous ayez parlé de Woody Allen parce que je vais en discuter maintenant. Dans son dernier film appelé Cafe Society, un des personnages dit : La vie est une comédie écrite par un auteur sadique. Que pensez-vous de cette citation ?

Ce n’est pas la première fois que Woody Allen lâche ce genre de phrases. Ça dépend pour qui. Quand tu as la possibilité d’avoir un peu de recul, tu peux trouver qu’en effet, la vie un scénario écrit par un fou. Un fou qui en plus peut être assez méchant par moment. Maintenant, de là à dire que c’est une comédie, je ne sais pas vraiment. Quand tu as de quoi vivre ça peut virer à la comédie mais quand tu n’as rien, c’est franchement un drame. Je ne suis pas sûr que les gens venus de Syrie, pensent que la vie est une comédie, même écrite par un sadique. Je crois plutôt que c’est un drame écrit par un malade mental qui était d’ailleurs, leur président. (rire)

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DRAMA – Interview faite le 01/07/16
Photos ©Alexis Docquier (prises dans l’Atelier d’Y. Donnay, à Tilff, le 01/07/16)

Hungry Hollows Interview

LA RESURRECTION DES EMPAILLES

Avant même de poser leurs animaux empaillés sur scènes, les 3 jeunes hommes d’Hungry Hollows se sont prêtés au jeu de m’accorder une interview. C’est au bord de la Péniche Légia qu’ils nous délivrent leurs pensées rock’n’roll.

On vous a souvent comparé à Queen Of Stone Age et j’aimerai savoir, qu’est-ce que cela vous fait?

Elliot : Oui c’est vrai qu’on nous fait souvent la comparaison, maintenant on essaye de se détacher de tout cela en disant qu’on reste plus « soft » dans certains trucs. En tous cas on essaye pas de copier malgré les ressemblances sonores. Ce n’est pas la seule et unique influence de ce que l’on fait.

Antoine : Je pense que quand t’as un groupe, tu joues toujours de la musique qui ressemble à des groupes que t’aimes bien, c’est logique. On ne va pas aller jusqu’à jouer comme eux évidemment.

Elliot : Involontairement, on sent que c’est un groupe qu’on écoute mais c’est vraiment pas réfléchi.

Antoine : Mais, sinon, cette comparaison nous fait plaisir.

Sébastien : En même temps, étant donné qu’on est trois et qu’eux sont au moins cinq sur scène, c’est pas vraiment comparable. Nous, à trois, on est plus épuré et il faut qu’on arrive à faire quelque chose qui donne. Mais ouais cette comparaison nous fait plaisir.

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Antoine va vous quitter pour un petit temps, pouvez-vous me décrire le petit nouveau batteur?

Sébastien : En fait, d’abord, il faut bien expliquer qu’Antoine s’en va en Espagne, le groupe ne se sépare pas. On s’entend toujours bien

(rire)

Antoine : C’est un ami à nous trois qui va le remplacer, il s’appelle Thibaut. Il joue notamment dans Two Kids On Holyday et Leaf House. C’est un super bon pote à nous qui joue vraiment bien.

Elliot : En plus, il connait les morceaux par cœur, du coup c’est plus facile pour la relève. On a déjà répété une ou deux fois avec lui et ça roule déjà bien, on ne doit pas le former à ce qu’il doit faire.

Sébastien : On a eu de la chance à ce niveau là.

Antoine : Ouais puis le fait que ce soit un pote ne me dérange pas du tout. Par contre s’ils avaient pris un blaireau ça m’aurait pas fait plaisir.

Est-ce que vous pensez que Liège donne beaucoup d’importance aux artistes?

Elliot : Non.

(rire)

Elliot : En Belgique et surtout en Wallonie, je pense que les artistes se retrouvent toujours dans un milieu très fermé où ce sont les mêmes gens qui dirigent les mêmes choses et du coup, c’est tout le temps le même style qui va fonctionner parce que c’est ça que les gens sont habitués à entendre. Donc on va faire en sorte que ce soit un tel type de musique qui fonctionne parce qu’on est certain que ça va se vendre et la scène sera peut-être plus concentrée là-dessus. Néanmoins, il y a moyen de trouver beaucoup de lieux à Liège qui permettent de jouer, si on s’organise bien.

Antoine : Je dirai la même chose en rajoutant le fait qu’il y a des musiciens très motivés qui jouent un peu partout, dont des scènes pourries mais que les gens qui dirigent un peu le bazar sont tous un peu des gens qui s’enculent. C’est à dire toujours les mêmes dans les mêmes projets.

Des « fils de… »

Antoine : Oui des « fils de… »…

Elliot : Comme une communauté consanguine de la musique qui fonctionne.

Antoine : A fond, c’est vraiment ça!

Elliot : Du coup t’as toujours les mêmes membres dans des groupes différents.

Antoine : Puis, si tu fais un peu attention, il y a toujours les mêmes groupes qui jouent au Reflektor, puis bam: aux Ardentes. A partir du moment où tu fais une musique qui plait, si tu joues sur Pure.fm, tu joueras aux Ardentes. Enfin c’est comme une espèce de circuit fermé pour certains types de musique.

Sébastien : Les Allemands, eux, sont ouverts plus à de la musique alternative ou au metal, avec une scène importante, alors qu’ici, il y a maximum le Smile pour voir des concerts.

Antoine : Quand on a joué en partie germanophone de la Belgique, la salle était pleine alors que personne ne nous connaissait. Là-bas, t’es reçu super bien, t’es payé et bien accueilli parce que ce sont des gens qui sont peut-être plus ouverts.

Sébastien : Il y a pire que les programmateurs, il y a le public aussi. C’est-à-dire que les gens ne se déplaceront jamais pour aller voir des groupes qu’ils n’ont jamais vu.

Elliot : Les gens à Liège et en Wallonie de nouveau, ne sont pas curieux. Ils vont voir s’ils connaissent.

Faut bouger quoi.

Antoine : Il faut essayer de bouger.

Elliot : C’est pas qu’on veut pas, on aimerait beaucoup.

Sébastien : Faut trouver un type qui te produit, un label et tout ça.

Elliot : On va avoir un bon créneau, un coup de chance, une bonne rencontre…

Bon ben voilà pour le coup de gueule…

(rire)

Elliot : C’est pas un coup de gueule, c’est un constat.

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Voici arrivée la petite minute solennelle. Qui vous a inspiré le plus, David Bowie ou Lemmy?

Sébastien : Lemmy n’est pas mort, il est là.

Elliot : « The ace of spades! » (oui, parce qu’il faut savoir qu’Elliot imite très bien la voix de Lemmy)

(rire)

Elliot : Lemmy pour le coté souillon et rock’n’roll car on a pas meilleure image. Musicalement, j’accroche plus avec David Bowie pour ce qui est des constructions et son aspect très ouvert à la musique. Il a fait plein de choses différentes et créé un univers que les gens ont su suivre. C’est pour cela que j’admire plus David Bowie, plus professionnel, mais Lemmy et son coté rock’n’roll me plaisent. Au final, je suis un peu partagé.

Antoine : Les deux étaient des grands Messieurs.

Sébastien : Moi, personnellement, je n’ai jamais vraiment beaucoup écouté ni Motorhead ni David Bowie mais je connais les grands classiques. Je ne me suis jamais vraiment interessé à leurs discographie donc je vais pas faire semblant de pleurer pour leur mort. Il n’empêche que ça reste des gens brillants musicalement et qui ont fait de grandes choses. Je ne connais pas assez pour juger mais on peut se demander évidemment qui va les remplacer maintenant.

Antoine : Moi aussi, je ne suis pas spécialement un très grand connaisseur de David Bowie, encore moins de Motorhead mais depuis qu’il est mort, je me suis vraiment intéressé à David Bowie et à sa discographie, comme je me suis aussi intéressé à Michael Jackson après sa mort.

Moi aussi.

Antoine : Là, je me dis: “ Putain j’aurai pu faire ça avant”.

Il n’est jamais trop tard.

Antoine : Ouais il n’est jamais trop tard mais c’est con d’attendre qu’il soient morts pour s’y intéresser quoi.

Qu’est-ce qu’être « rock », de nos jours?

Elliot : Boire plein d’alcool, prendre de la coke et niquer des putes! Ou casser des instruments sur scènes, quand on a les moyens d’en racheter après.

(rire)

Elliot : Non mais je ne sais pas exactement.

Antoine : Moi j’ai l’impression que ça n’existe plus trop d’être « rock ».

Elliot : Pour citer un magazine que j’ai lu, le plus grand « rockeur » actuel c’est Kanye West parce qu’il est totalement en dehors du système pour le moment et qu’il a un esprit rock’n’roll dans le sens où il n’en a rien à foutre de ce qu’on va penser.

Sébastien : Oui, il y a des gens qui font pas de « rock » mais qui le sont mentalement.

Elliot : Ainsi, on peut penser à plein de rappeurs. Par exemple Kanye West, pour présenter son nouvel album, il a branché son Ipod qu’il a laissé tourner, au Madison Square Garden.

(rire)

Elliot : Il est grossier. Être grossier c’est un peu être rock’n’roll.

Antoine : Moi je pense à Ty Segall qui s’en fout de son image et qui y va à fond.

Sébastien : Il y en a souvent plein qui sont pas connus…

(et c’est à ce moment que toutes les fan girls arrivèrent)

Elliot : Être blanc dans un quartier de noirs. Eminem, ça c’est un vrai rockeur! Rap God!

Phillipe Manœuvre disait que la musique rock, c’était le mariage entre une voix et une guitare, êtes-vous d’accord?

Elliot : En tout cas, ce qui n’est pas du tout rock c’est le mariage entre un homme et des lunettes de soleil.

(rire)

Sébastien : Je pense qu’il a plutôt raison.

Elliot : Pas forcément. Ca peut-être une entité.

Sébastien : En ce qui nous concerne, la « voix » n’est pas forcément un élément principal. Il y a des artistes avec des lignes de voix terriblement mélodiques avec des paroles terriblement recherchées ou alors une « voix » vraiment mise en avant. Nous, on part plus d’un principe musical. D’ailleurs, quand on compose, on fait d’abord la musique et après le chant rajoute une mélodie qui n’est pas vraiment mise en avant, au départ. Ca se ressent d’ailleurs dans le mixage des morceaux.

(la deuxième rafale de fans arrive)

Sébastien : Mais évidement et globalement, il faut que le chant soit quand même présent et important. En gros, on fait souvent l’instrumentation, puis s’ajoute le chant.

Elliot : Enculé de Manœuvre, on l’encule.

(rire)

Antoine : Je suis d’accord avec toi et je pense que les gens qui donnent des définitions globales de ce qu’est le rock, sont des branleurs. Tu peux pas définir ça.

Elliot : Et j’ai jamais entendu un cd de Phillipe Manœuvre.

Vous l’aimez pas, c’est ça? (rire)

Antoine : Ben moi je l’aime bien dans « Rock’n’ Folk ».

Elliot : Utilisons le mot « has been » pour le décrire.

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 Est-ce qu’on doit s’attendre à quelque chose de nouveau niveau son pour le nouvel album?

Sébastien : Par rapport à ce qu’on a fait avant?

Oui.

Antoine : Non.

Sébastien : En fait on a enregistré ça, sur plus d’un an parce que ça s’est fait en plusieurs phases. On va un peu ailleurs. Il y a une espèce de ballade un peu plus « soft » que ce qu’on faisait avant sauf pour sa fin et une chanson plus dansante ,presque disco, vers sa fin. Je pense que c’est plus aboutit musicalement qu’avant. On touche un peu à autre chose tout en restant dans le même créneau.

En featuring Lemmy aussi.

Elliot : « The ace of spades! » Je pourrais le tisser.

Je me suis toujours demandé ce que signifient les animaux empaillés que vous emportez toujours avec vous sur scène?

Elliot : A la base, nous étions chez Antoine, quand il habitait à Tilff, un 15 août. On avait bu un verre et on avait vu ce magnifique renard qui a couté la modique somme de 5 euros, accompagné d’une piscine gonflable qu’on a acheté en même temps et de mon sac « Chupa Chups » que j’utilise pour mettre mes pédales. Tout vient du même moment. Quand on avait un verre dans le nez, on s’est dit que c’était quand même marrant d’acheter ça. Puis certaines personnes ont vu cet animal et nous en ont proposé plus. On a accepté et maintenant, on nous les offre parfois, du coup on en 4.

Antoine : Ca n’a pas de signification.

Elliot : Il n’y a vraiment aucun sens à cela. Ca nous faisait marrer sans même y penser et on s’est dit qu’on taperait bien le renard sur scène vu qu’il était en premier lieu dans le local où l’on répétait.

Antoine : On est pas des taxidermistes ou des fétichistes des animaux morts. Ce qui est bien c’est qu’à chaque fois que quelqu’un nous voit en concert avec ces animaux, il s’en rappelle. Il va se dire : « Ah Hungry Hollows, les mecs avec les animaux sur la scène. ».

Sébastien : C’est vrai qu’on nous en parle souvent. On a réussi en fait. C’est du “music marketing »

Elliot : On a déjà eu des plaintes sur Facebook comme quoi c’était honteux de présenter ces animaux empaillés comme ça. Ce à quoi on a répondu : « Ca leur permet d’avoir une seconde vie. Une vie rock’n’roll.”
On peut en offrir à Kanye West donc!

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Photos ©Alexis Docquier – Péniche Légia, le 07/04/16)
Interview faite le 07/04/16

Marc-Emmanuel Mélon Interview

PAS DE DEFINITION POUR L’ART

Professeur, enseignant l’art du cinéma et de la photographie à l’université de Liège, en faculté de Philosophie et Lettres, Marc-Emmanuel Mélon a accepté de parler de sa Science du cinéma.

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Est-ce qu’il y a un film en particulier qui vous a donné l’envie d’enseigner ?

Aucun film ne m’a donné envie d’enseigner. Le goût et le bonheur de l’enseignement, malgré les vicissitudes que l’on rencontre parfois, sont indépendants des objets. Si j’étais mathématicien, j’aurais aimé enseigner les mathématiques. Je suis aussi historien de l’art et j’ai toujours voulu partager avec les plus jeunes le plaisir de l’art.
Par contre, un film,
Vertigo de Hitchcock, que j’étudie depuis plus de vingt ans, m’a donné envie de chercher (un prof d’université exerce trois métiers en un : enseignant, chercheur, gestionnaire, cette dernière charge prenant le plus de temps).

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En ces temps troubles, où la haine apparaît malheureusement trop souvent, quels sont les films à voir, qui nous aideraient à mieux réfléchir sur l’existence ?

Impossible de répondre à cette question. Il y a des films qui donnent à penser, d’autres pas mais sur lesquels il est toujours possible de construire une pensée. Le 22 mars, jour des attentats de Bruxelles, le hasard a fait que le film Teorema de Pasolini était programmé au cours d’Histoire du cinéma. Vous l’avez vu. C’est un film qui questionne l’existence et notre capacité à la changer. Je suis très heureux de cette pure coïncidence. Il y a aussi quantité de films qui empêchent de penser, parce qu’ils prétendent donner aux problèmes du monde une solution simpliste. Ce sont, en général, des films d’action très divertissants dans lesquels le héros est toujours gagnant. Ceux-là sont dangereux, et il faut développer son esprit critique pour être capable de les contredire. C’est l’objectif premier de mon enseignement, et de l’enseignement supérieur en général.

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Etes-vous plus pour le numérique ou la pellicule ?

Ni l’un ni l’autre. Il faut respecter les supports d’origine des films et ne pas fétichiser la technique.

Considérez-vous Xavier Dolan comme un des dignes héritiers de Jean-Luc Godard ?
Ce jeune cinéaste québécois traite de « l’amour impossible » dans sa filmographie, avec beaucoup de poésie, tout comme JLG.

Xavier Dolan fait d’excellents films, sans doute est-il un des nombreux héritiers de JLG, mais alors très lointain. Ce n’est pas la thématique (quelle qu’elle soit) qui crée une filiation, c’est le style.

Etes-vous d’accord avec la citation de Samuel Fuller dans Pierrot le fou (1965, Jean-Luc Godard), à propos de ce qu’est un film : Un film est un champ de bataille : amour, haine, violence, action, mort, en un mot, émotion ?

Beaucoup de films correspondent à cette définition, y compris Pierrot le Fou. Beaucoup d’autres, non. On ne définit pas un film en quelques mots. Ni le cinéma. Ni l’art. Définissez l’art et il se trouvera toujours un artiste pour faire autre chose qui sera quand même de l’art. Je n’aime pas les définitions. Je préfère les expérimentations.

 Est-ce que le cinéma belge détient de futures grandes vedettes ?

Je n’en sais rien et cela ne m’intéresse pas.

Y a-t-il un réalisateur en particulier dont vous attendez le film ?

Non, il risquerait de me décevoir. Je n’attends pas le film d’un réalisateur mais j’attends le réalisateur qui me fera découvrir un film inattendu. Il y en a malheureusement de moins en moins.

DRAMA
Interview du 06/04/16

Le Macchine Dell’Inferno Interview

L’ALBUM DISTOSUB

Après un premier album, muni de fréquences basses auditivement destructrices, Le Macchine Dell’Inferno revient avec un ep de 5 titres, plus flamboyants les uns que les autres. L’ingénieur son, Pasquale Caruana, nous livre quelques mots sur son projet.

Peux-tu me résumer en quelques mots ta carrière ?

J’ai commencé à jouer de la guitare à l’âge de 16 ans puis, j’ai continué à prendre des cours de piano et de solfège, à l’académie. J’ai joué dans différents groupes de rock, punk jusqu’à salsa rock, reggae, etc. Après avoir joué dans quelques groupes, je me suis aperçu que j’aimais plus travailler dans la production sonore en studio : bosser en tant qu’ingénieur du son. Au fur et à mesure des années, j’ai commencé à construire mon propre studio et à faire beaucoup plus de productions que de guitare ou de clavier.

Où as-tu enregistré ton nouvel album et combien de temps cela a pris ?

Je l’ai enregistré dans mon propre studio, à Montréal. C’est difficile de dire combien de temps cela m’a pris parce que je me suis consacré à la composition quand j’avais du temps libre. Ca peut s’étalonner sur 1 an. En résumé, l’album s’est fait en deux mois si on compresse les jours dispersés.

Musicalement, on peut retrouver dans cet album : un bon gros son de basse, des distorsions à foison, des sons électroniques…

Comment définirais-tu, en un seul mot, le son de cet album ?

« Distosub ».

Pourquoi as-tu choisis de poser la basse, au centre de ton image d’album ?

Le groove est dans la basse. Les fréquences basses sont la fondation d’un morceau, c’est bien pour cela que l’on met les sub par terre, c’est par là que je commence. Du coup, je l’ai mise au centre parce que si tu n’as pas une bonne fondation, tu ne peux pas construire ton morceau.

J’ai remarqué que tu chantais en plusieurs langues, déjà depuis Niente. Tu as déjà chanté en français, en italien et en anglais. Est-ce qu’il y a une langue que tu préfères, qui te convient le plus pour tes chansons?

C’est vraiment en relation avec ce que le morceau m’inspire. Je commence à enregistrer la basse avec un groove de batterie, puis, souvent le groove de batterie change par rapport à ce que je fais à la basse. Après ça, je mets les guitares et puis, seulement, je commence à m’imprégner du morceau et à essayer de lui trouver un sens. C’est ensuite que sorte quelques phrases en anglais, italien ou autres. C’est souvent le morceau qui va m’inspirer l’ambiance. Ca peut-être aussi une phrase à laquelle je pense, deux, trois mots, une mélodie qui me vient à l’esprit, pour enfin donner un sens au texte.

Tu as enregistré déjà de nombreux albums, que ce soit avec Falling Anvils, The Hype, Hungry Hollows ou un artiste qui fait succès au Québec qui se nomme Marco Calliari.

Quels sont tes futurs projets et collaborations ?

A court terme je dois terminer de mixer le nouvel album des Hungry Hollows. A long terme, Waiting For : un groupe métal de Liège. De Parrot qui était en première partie acoustique de Channel Zéro.

Ici, au Québec, je continue avec Marco, on pratique un show de ballades, prévu pour le mois de mars. Après cela, on part sur un nouvel album.

2016 s’annonce assez…

Laborieux !

Quel est ou quels sont les albums que tu aimes bien écouter, en ce moment ?

Ca dépend de ce que je veux écouter. Si je veux écouter un truc qui arrache un petit peu, j’écoute Shining (NDLR : le groupe norvégien, pas le groupe suédois). Sinon, quand je veux être plus relax, j’écoute Mrs. Mills.

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DRAMA – Photo ©Alexis Docquier / Interview réalisée le 14/01/16

The Hype Interview

« PUNK IS NOT DEAD »

Benoit, revenu de la messe, Brian avec ses baguettes gargantuesques et Rémi en sweat mauve, m’ont accordé une interview follement riche en opinions rock’n’roll. Ce dimanche, devant leur local, on a ri et parlé punk, cinéma, composition, tout en discutant de cul, en même temps !

En studio, avant leur répétition pour de nouvelles chansons, les Liégeois de The Hype se sont livrés à mes questions. Pouvez-vous me résumer ce qu’est votre groupe ?

Benoit : On fait plutôt du punk garage à tendance néo-grunge.

Brian : Punk is not dead, quoi.

Rémi : Un power trio

Benoit : On est des souillons.

Brian : Des morceaux amusants, punks, dans l’efficacité avec pas trop de chipotages.

Rémi : Avec les fioritures de coté… Le groupe existe depuis 12 ans aussi.

Benoit : Moi j’avais commencé avec des potes puis on a changé. Rémi est arrivé comme bassiste. Moi et lui sommes là depuis les débuts.
Ensuite, on a eu plein de batteurs différents jusqu’à ce qu’on trouve notre ami Brian ! The best « batteur » of the world !

Avec les plus grosses baguettes du monde surtout. (rire)

Benoit : Il n’y a pas que les baguettes qui sont grosses chez Brian ! Nan mais plus sérieusement, depuis que Brian est là, c’est-à-dire 2 ans, on est vachement plus stable.

Vu que tu es le nouveau batteur dans ce groupe, Brian, je voulais te demander comment c’était de jouer dans The Hype ? Peux-tu me dire comment c’est par rapport aux autres groupes avec lesquels tu joues ou tu as joué ?

Benoit : Tu veux dire sexuellement ?

Rémi : Sexuellement parlant, il est bien.

Brian : Ils sont très ouverts. J’ai débarqué pour dépanner, au départ, puis, j’ai donné mon avis sur la structure des morceaux en ce qui concerne la composition. Tout se passait bien dans cette optique là et j’ai continué avec mes propositions et mes compositions. Rémi ou Ben débarque avec un riff, puis ça part assez vite.
Humainement, ils sont cool. Ca « drive » bien, ils se remettent en question s’ils voient qu’il y a un truc qui ne va pas et ils prennent vraiment en compte mon opinion, ce qui est vraiment important.
Il y a d’autres groupes où, des fois, tu arrives juste pour qu’après on t’impose ce qu’on te dit de faire sans que tu ne donnes ton avis. Ici, je suis vraiment libre au niveau de mon jeu de batterie et de mon énergie. C’est chouette d’être avec ces cocos là : ils bossent tranquilles et ça marche super bien.

Benoit : Je rajouterai même que dès l’arrivée de Bryan, il a réussi à canaliser notre énergie. Avant, on partait dans tous les sens avec les autres batteurs.

Rémi, tu fais également parti du groupe Winter Tyre à la musicalité apaisante et calme ? Comment t’es venue l’idée de créer une bande comme celle là ?

Rémi : Le projet est parti d’une amie anglaise qui avait des chansons à jouer mais qui n’avait pas de musiciens. Elle m’a, par la suite, proposé de jouer. J’ai écouté ses démos en cassettes puis, j’ai joué et trouvé des accords à la guitare avec trois autres personnes. Un bassiste et une famille avec des flutes se sont ajoutés, par après. Il n’y a pas de batteur et c’est effectivement plus apaisant. Bref, c’est de la pop, indie rock à la Beck ou Belle and Sebastian.

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Est-ce qu’on doit s’attendre à du The Hype tout craché pour ce nouvel album ou avez-vous essayé d’aller vers de nouveaux horizons ?

Benoit : Les tous nouveaux morceaux, par rapport à l’album précédent qui est fort dans le « rentre dedans, tout le temps », sont un petit plus pop rock.

Brian : Ils sont aussi plus dans l’esprit de groupe comme The Brian Jonestown Massacre, en d’autres termes plus rock indie avec toujours ce coté punk dans le sang. On essaye d’éviter les clichés à propos des nouveaux arrangements.

Benoit : On n’a pas changé fondamentalement notre genre mais on n’avait pas envie de faire le même album. L’esprit est punk mais les morceaux peuvent avoir un esprit indie.

Quel est le morceau que vous aimez le plus jouer en concert?

Rémi : Pour moi, c’est « Going Too Fast » parce que c’est le meilleur morceau…

Benoit : (rire)

C’est celui où tu chantes, c’est ça ? (rire)

Brian : J’aime jouer le morceau « Gone ». Un nouveau, qui sortira sur un futur ep. C’est un titre un peu plus calme que d’habitude et il est agréable à jouer, ça me fait même une pause entre les morceaux et les gens accrochent généralement à ce morceau. Je me suis fort inspiré de mon idole Dave Grohl et de sa période Nirvana dans ma composition.

J’ai pensé à toi en voyant les baguettes géantes, des monuments dans sa ville qui lui sont dédiés.

Benoit : J’aime vraiment bien jouer les nouveaux peut-être parce que je me sens plus à l’aise, parce qu’on les a composés ensemble.

Brian : J’ai réécris quelques passages dans les vieux morceaux et là, pour les nouveaux morceaux on les a fait tous les 3 trois, c’est-à-dire à petites pattes, et donc c’est agréable de les faire ensemble. Concernant les vieilles chansons, j’aime aussi en jouer.

Benoit : Moi je prends mon pied à jouer « Wander ». Petite érection, éjaculation (en voix basse).

Après la sortie du documentaire sur Kurt Cobain, Montage of Heck,  de 2015, un album solo posthume a été livré à la suite. Je voulais savoir ce que vous en avez pensé.

Rémi : Je laisse parler Ben…

Benoit : C’est un scandale ! En tant que fan de Nirvana et de Kurt Cobain, je trouve que c’est scandaleux un truc pareil parce que ce n’étaient que des bazars qu’il enregistrait pour ne pas les oublier. En plus d’être inécoutables, je ne pense pas qu’il ait voulu qu’on les vende. Il n’y a que qu’un morceau qui est vraiment bien… Tout le reste, ce n’est que de la merde.

Brian : Personnellement, je n’ai vu ni le reportage ni écouté l’album.

Rémi : J’ai été voir le film au cinéma et je l’ai trouvé trop intimidant, personnel, intimiste.

C’est vrai qu’à partir du moment où, le réalisateur va dans le grenier, rechercher des éléments pour son documentaire…

Benoit : Je ne pense pas qu’on ait envie de garder une image de Cobain shooté avec son bébé dans les bras. Je pense d’ailleurs qu’il n’aurait pas voulu qu’on voie ça de lui.

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Ce que j’aimais du documentaire, c’est que j’ai appris que la presse l’avait vraiment coulé avec obstination et de façon honteuse.
Par contre, d’autres passages sont, en effet, plus gênants.

Benoit : Oui, il y a des séquences où l’on voit à quel point il en a chié mais il y en a d’autres qui n’ont aucun intérêt.

Quel est, selon vous, le groupe le plus rock and roll encore vivant ?

Rémi : Mudhoney.

Benoit : Oui et Motorhead avant que Lemmy ne meure.

Rémi : Nirvana avant que Kurt Cobain… (rire)

Brian : The Dillinger Escape Plan. Ca… Ca c’était vraiment sauvage ouais. Leur live au Virgin, en 2005, en est bien la preuve. D’ailleurs, petit anecdote avec le groupe : il y a longtemps, à Werchter ou à Dour, ils jouaient début d’après-midi, le chanteur chie dans un petit sachet, le ferme et le jette dans les gens…

Benoit : C’est pas rock and roll, c’est dégueulasse. (rire)

Brian : Les gens lui renvoient le sachet, le chanteur le reprend, l’ouvre, prend sa merde, dit : « Toutes façons tous les groupes qui vont passer après nous, c’est de la merde ! » et il se fout ses excréments en pleine face.

Benoit : Voilà ! Ca c’est la définition du rock and roll pour Brian : tu te chies dessus et tu t’en fous plein la gueule, c’est bien rock. (rire) Sinon, dernièrement, on a vu un concert du groupe anglais, les Fat White Family et ils ont une putain d’attitude rock and roll. Ils ont rien des groupes surfaits que l’on retrouve assez souvent maintenant.

Avez-vous l’intention de voyager en dehors de la Belgique pour vos futurs concerts?

Brian : Tout à fait. Le nouveau label liégeois « Luik Record » nous a un peu pris sous leur aile et offert un tourneur vraiment cool qui était intéressé par notre groupe. On nous laisserait jouer en France. Il est clair qu’on a envie de voyager et de ne pas jouer seulement à Liège. On aimerait taper du punk en Allemagne ou en Hollande parce que le public est beaucoup plus réceptif à ce type de musique. On est bien motivé et ça avance lentement mais sûrement.

Benoit : On n’a jamais eu de tourneur…

Rémi : Nan jamais. On a toujours été super merdique foireux.

Benoit : On a l’occasion de jouer en France, ce qui est déjà pas mal.

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DRAMA – Photos ©Alexis Docquier – Péniche Légia, le 27/03/15 / Interview faite le 20/03/16