Découverte Rap : Black to the Future de Tiers Monde

Tiers Monde est un rappeur de 35 ans issu d’une banlieue du Havre. Il n’a pas débuté sa carrière en solo. Il est tout d’abord apparu sur un album du collectif de rap « La Boussole », notamment dans le morceau « Destins croisés ». Il formera un duo avec un autre rappeur du Havre, nommé  Brav’. Ce duo s’appellera « Bouchées Doubles » et produira 2 albums : « Apartheid » et « Matière Grise ». Albums dans lesquels il arrivera à faire un featuring avec le prince des sayajins Végéta, rien que ça (1). Les deux membres du groupes se lanceront dans le rap chacun de leur côté et Tiers monde va donner naissance en 2012 à son premier album solo : Black to the Future.

Pour pouvoir analyser cet album, il faut d’abord se remettre dans le contexte politique de l’époque. Au moment où Tiers Monde écrit ses textes, Sarkozy est président. Sarkozy est un homme de droite et a donc une vision très conservatrice de la politique. Qui dit « conservateur » dit « maintenir la plupart des lois qui sont effectives dans le pays ». C’est contre ces idées mêmes conservatrices que Tiers Monde va lutter dans ses textes en évoquant les ghettos français et en partageant sa vision de la politique. Il va parler de la situation que vivent ses amis, qu’il a vécu lui-même, etc.

Tiers Monde est donc un rappeur engagé, au langage cru, qui dénonce les injustices et inégalités qui règnent en France. Dans un de ses morceaux, le parolier adresse directement un message à Carla Bruni (La femme de Nicolas Sarkozy). En effet, dans le morceau « Carna Bruli », il raconte une fiction dans laquelle il aurait kidnappé « Carna Bruli » (Vous l’aurez compris, c’est un anagramme de Carla Bruni) afin de lui montrer comment vivent ses amis, ses frères dans les ghettos.

On retrouve encore ce Tiers Monde engagé dans « Minorité Visible » ou encore dans « Mon Mandat ». Le rappeur trouve toujours le moyen de jouer sur les mots et de nous livrer quelques passages que l’on pourrait qualifier de « pépites ». Voici un petit exemple issu de « Minorité Visible » dans lequel Tiers monde joue sur la signification des initiales « ADN » :

« J’ai la haine 

T’as vu dans quoi on baigne ?

En France dans l’ghetto

Que veut dire A.D.N. ?

« Alcool Drogue Négro »

« Arme Dope Négro »

« Aucun Diplôme Négro » 

C’est ça qui nous saigne »

Dans ce passage, Tiers monde évoque encore une fois l’état des ghettos et partage son opinion vis-à-vis d’eux.

Tiers Monde n’évoque pas les quartiers uniquement pour faire valoir son opinion politique. Il en parle aussi pour raconter sa souffrance, se livrer à ses auditeurs. Dans « Krokop » (nom qui fait référence à un célèbre boxeur) par exemple, il commence le son par cette phrase : « La rue est brutale comme krokop ». Cette phrase évoque la dureté du ghetto et celle d’y vivre dedans. Tout le long de cette chanson, il parle de la police, de la manière dont ils sont perçus dans les banlieues. Ils sont caractérisés comme étant des « emmerdeurs », permettez-moi l’expression (après tout on parle de rap !). Cependant, il parle de la souffrance qu’on éprouve dans le ghetto d’une manière surprenante. Il en parle comme un facteur motivateur pour atteindre les sommets. La phrase « Besoin du seum pour être au top » revient fréquemment dans ce morceau et elle est significative de l’intention de Tiers Monde. Il passe un message aux jeunes des cités qui sont dans le mal, en leur recommandant de se battre et d’utiliser la haine comme moteur.

Le fait de lutter en utilisant sa rage, il appelle ça la fierté. Cette fierté est aussi un thème récurrent chez Tiers Monde. Le morceau « En Ton Nom », en featuring avec Brav’, est entièrement consacré à cette notion. Mais étant donné la beauté de cette chanson, tant par l’instru que par les paroles, je préfère ne rien vous divulguer au sujet de celle-ci. Je vous laisse juger par vous-même (si vous êtes fan de Dragon Ball, vous allez être servis).

En résumé cet album est rempli de vérités propres à Tiers Monde. Il nous les sert à plusieurs sauces avec des thèmes aussi variés que ses flows ou ses instrus. Un album engagé digne d’être reconnu comme excellent au sein du rap conscient.

Laurent Grauls

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