Gen d’Hiroshima

Gen d’Hiroshima est un très grand classique du manga. Paru en 1973, il s’agit de la toute première BD japonaise à être éditée en France (1983). Écrite et dessinée par Keiji Nakazawa, l’œuvre est quasi-autobiographique et raconte l’histoire de Gen, un jeune habitant d’Hiroshima, au crépuscule de la Deuxième Guerre mondiale. Ce héros d’à peine 6 ans grandira au sein de toutes les injustices et les infamies liées à la guerre et au totalitarisme japonais puis à l’effroyable bombe atomique qui changera à tout jamais l’humanité.

Le dessin est très simple et lisse mais il a surtout très mal vieilli. La façon de dessiner a tellement évoluée que nos jeunes amateurs de shonens au design épuré auront sans aucun doute besoin d’un temps d’adaptation avant de passer outre. Les personnages semblent souvent avoir des expressions figées et manquent de distinction (parfois, seuls de très petits détails permettent de différencier deux personnages, alors retenez bien les noms). Cependant, malgré la simplicité du dessin, il y a de temps en temps des scènes horrifiques, très graphiques, qui ne quitterons vos mémoires que difficilement. Les brulés, les malades, les lacs jonchés de cadavres flottants… Le tout n’est pas gore mais est suffisamment bien chorégraphié. Les émotions sont bien représentées pour laisser une impression durable sur vous, ce qui est au final un grand avantage du style proposé.

Le scénario est tout simplement incroyable. Avec une précision extraordinaire, le mangaka décrit la société japonaise. Il faut attendre le 2e volume pour que la bombe frappe. Tout le premier volume est consacré à l’état de la population citoyenne durant la guerre. Il y a une violente critique du régime japonais. On y voit la grande pauvreté, l’aliénation et la totale soumission du peuple à l’empereur, la diabolisation des étrangers, la censure de tout média et le contrôle total sur l’éducation. Après la bombe, les horreurs sont loin d’être terminées : maladies, extrême pauvreté, régime américain sévère…

L’œuvre est cependant loin d’être pessimiste. Le personnage de Gen est d’une témérité à toute épreuve. C’est un vrai débrouillard. Il trouvera toujours une solution pour se procurer quelque chose à manger, des médicaments, des outils, etc. Il travaille sans relâche. S’il ne sait pas retrouver de travail, il montrera son ingéniosité et fera des petits spectacles de rue, de la mendicité, des roublardises aux riches et aux militaires. Jamais il ne s’abaissera au vol, même dans les situations les plus difficiles, il est plein de valeurs et avec tout son entourage, il n’abandonnera jamais l’espoir d’un avenir meilleur.

Entre les histoires de Gen, on voit certains autres personnages, chacun montrant une facette de ce Japon rongé par la guerre et la corruption. On y rencontre kamikazes, prisonniers de guerres, riches et pauvres, des étrangers comme des Coréens mais également des Américains qui ont eux aussi leurs temps de parole car chacun est écouté. C’est avant tout un témoignage merveilleux et incroyable, un conte vivant montrant les pires vices de la vie comme ses merveilles.

Bien plus qu’un témoignage de guerre, cette œuvre donne une véritable leçon de vie et est l’une de ses rares œuvres polyvalentes qui laisseront une impression au fer rouge sur les lecteurs. En nous montrant toutes les souffrances, elle nous donne de l’espoir, en nous montrant toute les injustices, elle nous donne du courage et nous apprend une leçon inestimable qui ne nous quitte plus après avoir fini l’aventure: soyez comme le blé: fort, même si vous êtes écrasés par la vie.

Cymophan

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