Marc-Emmanuel Mélon Interview

PAS DE DEFINITION POUR L’ART

Professeur, enseignant l’art du cinéma et de la photographie à l’université de Liège, en faculté de Philosophie et Lettres, Marc-Emmanuel Mélon a accepté de parler de sa Science du cinéma.

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Est-ce qu’il y a un film en particulier qui vous a donné l’envie d’enseigner ?

Aucun film ne m’a donné envie d’enseigner. Le goût et le bonheur de l’enseignement, malgré les vicissitudes que l’on rencontre parfois, sont indépendants des objets. Si j’étais mathématicien, j’aurais aimé enseigner les mathématiques. Je suis aussi historien de l’art et j’ai toujours voulu partager avec les plus jeunes le plaisir de l’art.
Par contre, un film,
Vertigo de Hitchcock, que j’étudie depuis plus de vingt ans, m’a donné envie de chercher (un prof d’université exerce trois métiers en un : enseignant, chercheur, gestionnaire, cette dernière charge prenant le plus de temps).

Poster - Vertigo_06

En ces temps troubles, où la haine apparaît malheureusement trop souvent, quels sont les films à voir, qui nous aideraient à mieux réfléchir sur l’existence ?

Impossible de répondre à cette question. Il y a des films qui donnent à penser, d’autres pas mais sur lesquels il est toujours possible de construire une pensée. Le 22 mars, jour des attentats de Bruxelles, le hasard a fait que le film Teorema de Pasolini était programmé au cours d’Histoire du cinéma. Vous l’avez vu. C’est un film qui questionne l’existence et notre capacité à la changer. Je suis très heureux de cette pure coïncidence. Il y a aussi quantité de films qui empêchent de penser, parce qu’ils prétendent donner aux problèmes du monde une solution simpliste. Ce sont, en général, des films d’action très divertissants dans lesquels le héros est toujours gagnant. Ceux-là sont dangereux, et il faut développer son esprit critique pour être capable de les contredire. C’est l’objectif premier de mon enseignement, et de l’enseignement supérieur en général.

teorema

Etes-vous plus pour le numérique ou la pellicule ?

Ni l’un ni l’autre. Il faut respecter les supports d’origine des films et ne pas fétichiser la technique.

Considérez-vous Xavier Dolan comme un des dignes héritiers de Jean-Luc Godard ?
Ce jeune cinéaste québécois traite de « l’amour impossible » dans sa filmographie, avec beaucoup de poésie, tout comme JLG.

Xavier Dolan fait d’excellents films, sans doute est-il un des nombreux héritiers de JLG, mais alors très lointain. Ce n’est pas la thématique (quelle qu’elle soit) qui crée une filiation, c’est le style.

Etes-vous d’accord avec la citation de Samuel Fuller dans Pierrot le fou (1965, Jean-Luc Godard), à propos de ce qu’est un film : Un film est un champ de bataille : amour, haine, violence, action, mort, en un mot, émotion ?

Beaucoup de films correspondent à cette définition, y compris Pierrot le Fou. Beaucoup d’autres, non. On ne définit pas un film en quelques mots. Ni le cinéma. Ni l’art. Définissez l’art et il se trouvera toujours un artiste pour faire autre chose qui sera quand même de l’art. Je n’aime pas les définitions. Je préfère les expérimentations.

 Est-ce que le cinéma belge détient de futures grandes vedettes ?

Je n’en sais rien et cela ne m’intéresse pas.

Y a-t-il un réalisateur en particulier dont vous attendez le film ?

Non, il risquerait de me décevoir. Je n’attends pas le film d’un réalisateur mais j’attends le réalisateur qui me fera découvrir un film inattendu. Il y en a malheureusement de moins en moins.

DRAMA
Interview du 06/04/16

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