Adieu le CSA. L’émission High & Fines Herbes est de l’entertainment pur et dur. Enfermés à Barcelone, 6 rappeurs doivent passer 6 épreuves planantes afin d’élire le Poumon d’Or. Un concept qui fait très américain. Un délire provenant bien sûr des cerveaux de Caballero et JeanJass. Les deux lascars ne se limitent pas à filmer cette dinguerie… Une mixtape sort en avril et met en PLS tous les fans du belgo-franco game !
Les morceaux sont de qualité. Ils font appel à une part du fleuron du rap actuel.
C’est pourquoi, Caba et Jinedine Jidane nous rappellent à quel point on vit le summum du rap francophone.
Entre un Roméo Elvis bien vulgos, une fusion allemande entre Swing et Oxmo Puccino ou une vraie découverte nommée Chilla, High & Fines Herbes offre moult univers artistiques. Sans compter un Mister V délivrant un banger des plus jouissifs, en laissant enfin tomber sa darko-trap et son Auto-Tune. Franchement, même Alkpote et le Roi Heenok se fondent brillamment à ce jeune panorama.
Puis, il y a les valeurs sûres tel Lomepal, ayant une plume toujours aussi intéressante à suivre.
Que dire du bon son old school comme « Profondeurs Part II » ?
Cette particularité donne un côté imprévisible à l’opus.
Là où les deux Belges m’habituaient à des instrus peu mémorables (une fois en groupe), celles d’High & Fines Herbes mettent en valeur leurs paroles. Et quand les productions sont bercées par les tirades pétées du Roi, on savoure. Ouais, ça se savoure.
Ce projet signe une année où le rap rayonne. Il prouve également qu’on a été gâté cette dernière décennie (Nekfeu, Lomepal, Tiers Monde, Jok’air, Vald, etc.). Sans aucun ton moralisateur, il nous souffle des thèmes comme ceux du temps qui passe ou de la défonce. Dommage que Bigflo et Oli viennent tout gâcher avec leur rap politiquement trop correct.
A l’occasion de la sortie de Juste Avant Kwami, le nouvel album de Moka Boka, faisons un tour d’horizon du rap bruxellois. Parce qu’il n’y a pas que Paname qui rayonne ! Parce qu’il n’y a pas que Roméo Elvis ou Damso dans le game ! Une scène rap non négligeable et toujours plus prometteuse vit en pleine capitale belge.
Le 77 / Blu Samu
Après quelques concerts bien dynamités, Le 77 a sa communauté. Le trio a construit un univers depuis ses débuts. Le délire autour des lunettes les plus folles à trouver. Comme celui autour du bawler, un mec qui s’en branle de tout, au look douteux et à la drôle de dégaine.
Impossible de ne pas citer Blu Samu lorsqu’on parle de ces Bruxellois. Son énergie hip hop donne toujours un nouveau souffle aux flows de Peet ou de Félé Flingue. Les deux amis ont souvent laissé place à cette force explosant notamment dans ‘Bawlerangers’ (morceau mythique du groupe). Les paroles portugaises de la chanteuse donnent également un côté plus exotique au 77 (‘Salzil’), loin du rap francophone habituel.
Je vous conseille vivement le premier album de la bande, C’est le 77 (2017), afin de saisir l’humour et l’esprit de famille de leurs morceaux.
T’es qui pour dire que moi j’suis personne ?
Swing
L’Or du Commun a participé au succès de Roméo Elvis. Devinez quoi. Swing y provient et charbonne aussi de son côté. Il m’a déjà flanqué une belle claque avec son premier album solo, Marabout (2018).
En février prochain, il revient avec un nouvel EP, ALT F4. Ses deux premiers singles (‘N’ et ‘Gris’) témoignent d’une introspection assez intéressante. Une suite logique à ‘Homosapiens’ (SAPIENS, 2018), constat intelligent de l’être humain et de ses vrais intérêts. Désormais, Swing n’hésite plus à traiter de ses hantises personnelles ainsi que de ses questionnements existentiels.
‘Gris’ délivre d’ailleurs une pensée où Swing semble traduire toute la complexité de la vie; la manichéisme n’a pas lieu d’être. Est-ce que Nemir et Angèle, invités de marque du prochain disque, arriveront à se fondre dans les réflexions du rappeur ?
Pour le moment, les deux morceaux parus ont une certaine couleur sonore, comme si un fil rouge sera présent tout au long de l’écoute d’ALT F4. Un artiste à suivre de très près les amis.
Machines, machines, paramètres, suis-je l’exception à la règle ?
Moka Boka
Moka Boka, jeune nouveau de la scène, mérite notre attention. Son nouvel opus s’écoute d’une traite tant chaque morceau s’enchaîne fort bien. Au rendez-vous : une atmosphère planante, des paroles proches des thèmes de l’amitié, de l’amour ou de ses objectifs personnels. Pour chacun, l’artiste nous révèle ses vérités et convictions.
Juste Avant Kwami confirme aussi que son flow colle à ses instrus travaillées. Le rappeur mène le bateau sans aucun featuring. C’est sans compter l’aspect ultra-moderne de son projet. Ses prods rappellent celles d’un Nekfeu, lors de sa période Cyborg (2016). Par instant, j’en viens même à penser à du Kanye West ! Ecoutez ‘Nord’ ou ‘Intro (Pour te voir)’ et faites ces liens. Puis, vous comprendrez à quel point cette relève du rap belge promet du lourd !
Antoine Valentinelli a tourné deux fois la page dans sa carrière.
La première avec FLIP (2017). Personne ne s’attendait à une telle rafale de classiques. Une collection de sons composés par d’excellents producteurs tels que Superpoze, Ponko ou Le Motel!
La seconde avec Jeannine (2018). Une introspection aux paroles et thèmes universels. Une dédicace à sa grand mère et aux âmes torturées.
L’enfant du 13e arrondissement ne nous offre pas un vulgaire et banal best of… Mais bien une session acoustique qui donne ses lettres de noblesse à son chant et surtout, à ses chansons. Il s’enferme du 29 au 31 mai au studio parisien de Motorbass. Son objectif: reprendre 15 titres de ses précédents opus, accompagné de Pierrick Devin (Phoenix, Nekfeu) à la guitare, du percussionniste Aymeric Westrich, de Rami Khalifé au vibraphone, et d’Ambroise Willaume (Sage) au piano, wurlitzer et guitare. Chacun s’applique à remanier les tubes du chanteur.
Durant ces 3 jours, le fan des Strokes capture la délicatesse de ses paroles. Que ce soit son cri d’amour à la jeunesse (« Môme ») ou ses délires frénétiques (« 70 », « 1000° »), l’ambiance montmartroise enferme l’auditeur dans une bulle sensible. Pianiste et guitariste participent à créer cette magie. De la beauté non négligée des cordes de « Trop Beau » ou de l’interprétation soignée de « Bécane », ce projet s’écoute d’une traite comme un hymne à la chanson française. Mention honorable à « Tout Lâcher » renouvelant parfaitement sa version originale.
Ce live enregistré reflète également un souhait caché de l’artiste.
J’ai plus un background rock à la base. Le rap était un moyen de me faire entendre. -Lomepal
Charles Baudelaire affirmait qu’un poète jouit d’un incomparable privilège: être à sa guise lui-même et autrui. Antoine, tu traces ta route tout en t’éloignant des normes du rap. Bravo Palpal. Bravo.
Vald est le pote à la fois intello et défoncé qu’on aimerait avoir. Capable du pire (ses morceaux trop trap) comme du meilleur (Agartha étant un immanquable du rap francophone), le jeune français revient avec Ce monde est cruel. Un opus qui rappelle certaines duretés de la vie.
Quelques mélomanes le considèrent comme le meilleur rappeur babtou. Je ne valide pas cela vu le talent et l’écriture d’un Lomepal ou d’un Nekfeu. On va s’en tenir à un constat: Valentin Le Du est le rappeur le plus fou du rap français. Ses divers flows, ses multiples tonalités de voix, ses textes… Tant de points qui rendent son univers assez délirant. Pensons à « Pensionman », où il se lâche complètement afin de traiter des impôts et de l’argent! Une parenthèse teintée d’humour donnant à réfléchir quant aux séparations de couples. Des situations qui mènent souvent à de belles catastrophes économiques chez l’un ou l’autre partenaire. Non, Vald n’a pas arrêté de rire.
Et on en parle de l’alchimie parfaite qui coexiste entre Vald et Suikon Blaze AD?! Puis, il suffit à Suikon de balancer un son avec son pote pour mettre à genou tous les autres paroliers de France. « NQNTMQMQMB » démontre que les deux loubards ont encore et encore du feu à nous délivrer. Ça débite lentement, rapidement, et surtout de mille façons différentes. Une fois le morceau terminé, impossible de nier l’incroyable technique vocale des deux amis.
Malgré les nombreuses qualités de Vald, je ne peux me résoudre à écouter sa voix modifiée à l’auto-tune. Si Kanye West fait de l’auto-tune une espèce d’instrument à part entière, il n’en est pas le cas de tous les chanteurs.
J’ai dû passer un plusieurs titres de Ce Monde est cruel. Ce n’est pas pour autant un mauvais projet. L’évolution artistique de Vald demeure stupéfiante.
L’homme décrivant le rap tel une philosophie pour les nuls nous réserve un prochain album rempli d’amour. Il compte également créer son propre label. Avant de se prendre un nouvelle ère en pleine face, souvenez-vous de ce monde cruel.
Les rappeurs multiplient les coups de communications divers et variés pour promouvoir leur musique. De la réalisation d’un film à la production de chocolat. Petit passage en revue de ce marketing des temps modernes.
Octobre 2017, une photo de Paul Rosenberg, le manager d’Eminem, circule sur Instagram. Il y présente le CD Trial by Fire de Yelawolf devant une affiche publicitairedotée d’un « E » inversée et imaginée pourle médicament Revival. Puis vientune vidéo diffusée sur Youtube, où l’on voit des patients assurer la promotion d’un nouveau genre de médicament : « Revival », sorte de pilule magique destiné à éradiquer les « musiques atroces ».
L’ensemble est évidemment un fake, un détournement, une campagne choc conçue par le rappeur Eminem pour promouvoir son nouvel album et toucher le plus de gens possibles. La technique n’est pas novatrice. Elle a fait ses preuves depuis des années sur le sol américain. Mais on la retrouve désormais en France, et en Belgique, où les rappeurs multiplient les démarches inédites et parfois farfelues.
L’originalité à la française
Poids lourd du rap français, Nekfeu disparaît des radars entre 2016 et 2019. Il revient en force avec un album décliné sous divers formats, tout en restant très silencieux sur ses activités. Sort alors au même moment, Les Etoiles Vagabondes. Ce documentaire, réalisé par Syrine Boulanouar et Nekfeu lui-même, se centre sur la création de ce nouvel opus.
Diffusé lors d’une date unique dans 200 salles françaises et d’autres pays francophones, ce long métrage est visionné par près de 100 000 personnes en même temps, le 6 juin à 20h.
Les surprises ne s’arrêtent pas là ! Il était prévu qu’un album éponyme soit disponible le même soir. Mais un autre album vient s’y ajouter quelques jours après ! Intitulé Les Étoiles Vagabondes : Expansion, il regroupe 34 morceaux sur un double volume. S’ensuit le clip de « Sous les nuages », une façon de capter l’attention du public. Résultat : un disque de platine en moins de 2 semaines pour le premier disque et 39 667 exemplaires écoulés pour le second.
Face à ce phénomène, PNL, déjà applaudi pour son clip réalisé sur la Tour Eiffel (« Au DD »), riposte. Le duo dévoile quatre titres inédits disponibles en exclusivité sur Apple Music, pendant une semaine. Il cultive lui-aussi le mystère et suit à la lettre un code particulier très strict. Les frères refusent toute interview et s’adressent régulièrement à leurs fans à travers des vidéos live.
Vald surprend également, puisqu’il intègre une dimension participative à son travail. Deux exemples à la clé. Le clip de « Eurotrap » (2017) met en scène le rappeur dans une pièce tapissée de fond-vert. Il donne la possibilité à plusieurs internautes d’incruster ce qu’ils y veulent. Même raisonnement pour la pochette de XEU (2018), entièrement blanche, que n’importe qui peut illustrer à sa manière et la partager publiquement.
Quant à Lomepal, le 30 avril dernier, en partenariat avec Radio Nova, il accomplit un de ses rêves : présenter son propre programme audiovisuel en direct, Le Vérité Show. Il le prépare et l’anime de A à Z. La radio française lui laisse ses locaux, le temps d’organiser une soirée pleine de surprises et de réaliser un clip en direct. De quoi tourner un clip avec Orelsan, mener des interviews avec ses amis (Roman Frayssinet, Caballero, Roméo Elvis, etc.) et traiter de sujets peu présents dans le monde de la télévision (les feux tricolores à Paris).
Une fierté d’être belge
Au plat pays, les artistes contemporains ont aussi recours à ce genre d’astuce marketing. Citons Stromae qui n’a cessé de mêler auto-dérision et idées saugrenues.
En avril dernier Roméo Elvis, lui, s’allie à une entreprise belge de confiserie ! Lors de la sortie de Chocolat (2019), il s’associe à Galler afin de produire des « Crocs Roméo », de petites barres chocolatées aux couleurs de son album. Fanatique des crocodiles, le Bruxellois collabore également avec une marque de vêtement, Lacoste en l’occurrence.
Une pratique courante chez nos amis Français, notamment pour Orelsan, égérie d’Avnier x Umbro.
De nombreux hommages, dont un film et des morceaux posthumes, seront prochainement publiés un an après la mort de Gustav Åhr, alias Lil Peep. Il décède à l’âge de 21 ans à cause d’une overdose liée au Xanax. L’utilisation de ce médicament demeure une préoccupation sociétale.
Etre un bon rappeur est sans aucun doute un atout non négligeable pour espérer se faire un nom dans ce milieu, mais pour percer au-delà, c’est loin d’être suffisant.
Still Fresh en est un très bon exemple et, à l’écoute de son nouvel album Cœur Noir, on peut deviner qu’il a compris cela, peut-être un peu trop bien…
Comment Damso est-il devenu un personnage incontournable du rap FR ? Le parcours de Damso est fulgurant depuis à peu près deux ans. Sorti de l’inconnu (ou presque) par Booba, le bruxellois n’en finit pas de plaire et est devenu un véritable phénomène de mode. Qui aujourd’hui n’a jamais entendu parler de Damso ? Voici l’analyse d’un parolier passé du quartier d’Yser à la salle de Forest National.
Devenir un artiste reconnu est loin d’être une partie de plaisir. Evidemment le terme, « reconnu », est un peu flou, cependant, on peut même considérer qu’un artiste comme Niro est depuis ces deux dernières années bien ancré dans le paysage du rap français. Mais si l’obtention de cette reconnaissance est sûrement une bonne grosse embûche en moins dans une carrière, il reste encore à l’artiste à affronter le jugement du comment il en est arrivé là. Nombreuses sont les clefs de cette réussite. Le talent paraît comme la plus évidente (évidente pour les plus naïfs). Or, il ne faudrait pas omettre des éléments comme la chance, car évidemment il en faut, tout comme pour la persévérance, le culot, etc…
Curry n’est autre qu’un jeune rappeur issu de l’underground, dont il s’émancipe depuis les deux dernières années. Originaire de Floride, il a fait ses armes dans le collectif Raider Klan, une association trop peu souvent évoquée au vu des talents qu’elle a formés et de l’indéniable influence qu’exerce encore le mouvement sur le paysage hip-hop actuel.
Le grand moment de la confirmation est venu pour Bigflo et Oli. Une étape importante dans la carrière d’un artiste mais pas pour autant la plus compliquée. En tout cas, d’un point de vue purement commercial. D’autant plus simple quand on sait le succès rencontré par un premier album tel que La Cour Des Grands. Un principe très connu est alors de rigueur pour rééditer une telle réussite : on ne change pas une équipe qui gagne !
Les rappeurs belges sont à la mode en ce moment. Damso avait largement ouvert la voix en 2016 avec l’énorme succès de son premier album, Batterie faible. Un an plus tard il est de retour avec un deuxième album, Ipséité, qui fait déjà bien parler de lui. Sauf que cette année, d’autres de nos voisins du Plat Pays sont bien décidés à frapper fort en montrant bien plus que le bout de leur nez dans le paysage du rap francophone. On peut penser à Caballero et JeanJass qui ont sorti, en mai, leur album Double Hélice 2.
Mais c’est à Roméo Elvis, et au duo qu’ils forment avec Le Motel, à qui on va s’intéresser, car le fruit de leur collaboration nous a offert un bien beau projet qu’est Morale 2.