Interview

Grandma’s Ashes Interview

En France, le stoner féminin est fièrement porté par Grandma’s Ashes ! Au nom jouant d’emblée avec l’humour absurde, le trio partage un univers décomplexé. Comprenons « Daddy Issues » et découvrons la définition d’un morceau efficace.

Nous vivons une période historique totalement inédite. Sortir un opus en 2021 doit être exceptionnel.

Eva : C’est particulier parce qu’on jouait cet EP depuis 2 ans, en live. Notre public connaissait déjà les chansons. Là, c’est littéralement un accomplissement de les partager via un mini-album. Bien sûr, on est frustrée de ne pas avoir pu tourner par après. Mais la sortie de l’EP amène à une plus grosse focalisation sur un vrai album. On vit plutôt bien sa sortie.

Edith : On est assez étonnée pour ce qui est de la réception du disque. On pensait faire un flop total mais les retours étaient plutôt agréables à digérer. C’était une très belle surprise.

Vos méthodes de distribution sont-elles de la vieille école ?

Edith : On réfléchit beaucoup sur la manière de construire une identité, une fois sur les réseaux. Puis, on a eu des demandes pour nos supports physiques, ce qui permet de garder un contact avec le public. Il y a un regain d’intérêt pour le vinyle. Il reste pertinent à réaliser pour un groupe. Alors que tout ce qui est CD et cassettes sont mis de côté.

Odezenne a une relation assez particulière avec ses fans. La bande s’adresse par e-mails à sa communauté. Vous effectuez les mêmes démarches ?

Eva : A la base, on avait l’habitude de communiquer à nos concerts (rire). Là, c’est bien plus compliqué. On est active sur les réseaux. Sur ces plateformes, des questions découlent de la part du public. On vise à répondre à chacune d’entre elle. Nous nous y impliquons vachement lorsqu’on nous interroge quant à l’avenir du groupe.

Myriam : On personnalise nos messages. On aime envoyer des cartes, de les signer, de partager de vieilles setlists ou de livrer des dessins. Ces actes deviennent uniques.

Vous percevez l’univers musical différemment depuis la sortie de The Fates.

Myriam : Oui. Je me concentrais beaucoup sur le live et sur le fait de composer et d’écrire uniquement pour notre jeu en concert. Je voulais voir comment le public pouvait réagir face à mon travail. A savoir, quel morceau faire durer plus longtemps, quel autre pour lancer les pogos. Depuis qu’on s’attaque à l’album, on bosse sur des musiques appréciables en dehors des live.

Eva : On réfléchit beaucoup plus sur des compositions brutes. On n’a pas à se prendre la tête sur ce qui doit être impérativement efficace sur scène.

Quelle est la meilleure leçon à tirer de votre premier projet ?

Edith : Adopter de meilleures organisations. (rire) On a collaboré avec pas mal de personnes extérieures à notre trio. C’est déstabilisant. Au niveau de la communication, on prévoit de mieux s’exprimer sur nos projets.

Myriam : Au départ, nos méthodes de travail étaient bien plus punk. En studio, on a enregistré tout en 3 jours, sans rien éditer derrière. On se demandait quand tout allait s’enchaîner. Ensuite, on a réalisé qu’on devait avoir affaire à un label et à des distributeurs.

Lors de votre interview au Sensation Rock, vous caractérisez « Daddy Issues » comme un morceau efficace. Comment définir ‘un morceau efficace’ ?

Eva : Un morceau efficace est celui dont la mélodie est chantée inconsciemment dans la douche, après 2 ou 3 écoutes.

Myriam : L’efficacité s’illustre via une mélodie qui reste en tête, mêlée à une énergie qui entraîne tout le monde.

Edith : Ca équivaut aussi à la sensation ressentie après avoir reçu une claque. A chaque fois qu’on joue « Daddy Issues », j’ai l’impression qu’on réussit à plier notre spectacle avec brutalité. Le morceau n’a pas demandé beaucoup de prises en studio, juste beaucoup d’énergie.

Les paroles et le clip de cette chanson me laissent imaginer une Terre vierge de tout, ne subissant pas l’arrivée de l’humanité prête à polluer et détruire.
Voulez-vous traduire l’absurdité de la vie grâce à vos textes ?

Eva : L’esthétique même du groupe est de dépeindre des situations problématiques avec humour. On aborde les injustices, la mort, le fatalisme, les absurdités de la vie. On se fixe ces thèmes comme buts à nos textes. On ne met pas du tout à l’écart l’introspection. « Daddy Issues » parle de la séparation de mes parents advenue lors de mon enfance. Ces termes signifient ‘un traumatisme psychologique’. Il se développe par exemple chez une femme qui se méfie des hommes. Pourtant, ces mots sont parfois insultants pour une femme qui a vécu un trauma à la con par le passé. C’est banaliser un événement de la vie trop facilement.

Myriam : Nos sujets se rapportent aux difficultés à tisser des liens durables entre les personnes. On chante les contrariétés et contraintes qui ne devraient pas avoir lieu dans une relation humaine.

Aujourd’hui, il serait difficile de savourer des sketchs ressemblant à ceux des Monty Python, ou bien à ceux des Inconnus. La censure et la bien-pensance sont deux obstacles artistiques à ne pas ignorer. Est-il plus facile de s’exprimer en musique ? 

Eva : Les Inconnus ont un humour beaucoup plus potache que le nôtre. Par contre, on se rapproche bien plus de l’absurdité anglaise des Monty Python. C’est plus fin, plus bête. On est loin de la grandiloquence française qui se veut dénonciatrice de quelque chose.

Myriam : On ne se concentre pas forcément sur la dénonciation.

Edith : Il n’y a pas vraiment de quoi se taper des barres en lisant nos textes. Je préfère endosser un rôle nihiliste. Les personnages que l’on présente sont en pleine crise existentielle. Il y a comme une idée de déconnexion.

Et si vous aviez un message à passer aux artistes français, quels seraient vos mots ?

Eva : De s’accrocher. De ne surtout pas baisser les bras. De continuer à défendre son art et sa culture. C’est très important. Une société sans art est une société mourante. Elle ne vaudrait plus le coup de se battre pour ses causes. Même si c’est difficile de garder sa veine artistique ou d’avoir confiance en son art, continuons à réaliser nos rêves.

Interview menée par Drama – Photo ©Yann Morrisson

Zoo Baby Interview

Zoo Baby signe un disque où le désamour tient une place centrale. Le Chicoutimien décortique bel et bien ce thème via ses titres dansants. Profitons-en pour le questionner sur la conception de son opus bercé dans l’intimité et baigné dans un groove omniprésent !

N’en as-tu pas marre qu’on te compare à Julian Casablancas ?

Franchement, c’est flatteur. Que ce soit avec The Strokes ou au sein d’autres projets, Julian Casablancas a une vision précise de la musique. Quand j’ai commencé à jouer du punk, c’est un peu la comparaison que je souhaitais avoir. Mais au Québec, on compare surtout les groupes locaux entre eux. Cette comparaison très flatteuse vient de l’Europe. Il n’y a rien d’insultant. Puis, ouais, elle ne me dérange pas encore.

Plus sérieusement, je me questionne beaucoup sur le fond de ton album. Il transmet des images érotiques. Je songe alors à un amour aussi addictif et néfaste qu’une drogue.
Faut-il y voir des descriptions de couples du XXIsiècle ? Ou est-ce encore plus universel ?

Quand j’ai conçu l’album, je vivais une phase de déception face à l’amour. Je le voyais sous un angle froid, en manque d’émotion et d’humanité. J’aborde les relations comme une série de pièges. Si le ton suave et le groove des instrus se mêlent aux textes, c’est pour donner de la beauté aux messages. J’étais juste capable d’écrire des chansons en étant désillusionné.

Cela me rappelle la notion de romantisme, la souffrance est indissociable d’une histoire amoureuse.

Je ne suis pas un romantique. Je ne veux pas généraliser l’amour de cette manière. On ne retrouve même pas la passion d’un romantique dans mes chansons. On est loin du tout-mutilation. Il y a juste une froideur, un retrait face à l’émotion. C’est de l’amour sur le papier.
Il y a une distance entre le narrateur et une interrogation : où l’atome sentimental peut atterrir ? L’amour peut vite devenir une quête assez vide de sens, surtout quand tu accumules les mauvais souvenirs. J’ai essayé d’en faire une thématique. Cette lourdeur textuelle contraste avec la pop léchée et groovy que je propose.
 

A l’écoute de « Filles gentilles », j’imagine qu’à chaque relation amoureuse, nous nous comportons comme des éternels insatisfaits.

Oui, totalement. Il y a toujours cette peur de manquer quelque chose. Cette façon de toujours suivre le film dans ta tête, de choper ce que tu considères comme les meilleures opportunités de ta vie… c’est comme un sentiment d’imbu de soi-même. Ca éloigne beaucoup de monde. « Filles gentilles » dresse un constat : celui de savoir si l’amour est un schéma où la désillusion se répète en plusieurs cycles.
J’ai eu beaucoup de retours par rapport à cette chanson. Comme si elle reflétait notre génération. Cette même génération qui n’a pas le goût d’arriver à la trentaine.

Une fois l’album digéré, on se dit que nulle recette n’aide à trouver son bonheur. Est-ce une interprétation qu’on peut aussi retrouver pour les chansons de Gazoline ?

Je ne sais pas. Quand j’écrivais pour Gazoline, j’étais vraiment amoureux. Je crois que Gazoline, grâce aussi à son style plus rock, se positionne dans quelque chose de plus humain et sensible. J’ai l’impression que c’était nécessaire de balancer une sensibilité à fleur de peau à assumer complètement. La morale de Gazoline est peut-être de vivre la beauté des émotions, la simplicité des expériences.
Alors que Zoo Baby transpire quelque chose de plus froid. On a affaire à une métaphore de l’amour. La distance se perçoit dans tout. Des sujets ne sont pas tout à fait assumés, des idées ne sont pas conclues. On se retrouve dans une espèce de statu quo, dans un état de non-avancement.

Pourquoi avoir fait appel à Julien Mineau pour l’architecture sonore du projet ?

Au départ, je voulais m’occuper de toutes les parties instrumentales. Puis, je me suis mis à jouer dans une bande. Je savais aussi que Julien Mineau était vraiment un cavalier seul, un ermite, qui allait comprendre cette volonté de travailler dans une chambre en mettant en avant l’isolation et l’introspection. Je voulais qu’il amène l’architecture sonique de l’opus. Ca me plaisait de partager mes idées entre nous deux, sans qu’il n’y ait personne d’autre pour nous interrompre.
Julien n’est jamais satisfait d’un son, ce qui a donné beaucoup de profondeur à 
Zoo Baby. J’aimais vraiment penser outside the box. J’aimais prendre des risques, enlever des mélodies trop accrocheuses ou évidentes et tenter de nouvelles approches musicales.

Une collaboration avec Fred Fortin serait-elle possible ? Il est fabuleux pour ce qui est de créer des ambiances très intimes.

Des albums comme Planter le décor ont influencé mon écriture et mes compositions. Néanmoins, Fred Fortin baigne dans le folk, le blues. C’est un vocabulaire que je ne connais pas vraiment. Mes démarches et mon bagage artistique se rapprochent plus aux productions de Prince.
J’adorerai travailler avec Fred Fortin, mais il me faudrait un projet qui puisse exploiter au mieux ses forces.

Terminons sur une note d’actualité. Vis-tu cette période Covid comme un étouffoir ou comme une incroyable source d’inspiration ?

Quand cette période a débutée, j’avais beaucoup de morceaux en stock. Je n’avais jamais vraiment le temps de bosser dessus. Ensuite, j’étais en pleine créativité pendant 6 mois.
Pour le moment, j’ai du mal à raconter de nouvelles choses. Il faut que tu vives en amont de ta création pour partager des histoires. Sauf que là, je n’ai pas la sensation d’avoir vécu des folies. Je n’ai pas joué de l’été. Je ne vois pas ma famille. Je n’ai pas rencontré de filles (rire). Je n’ai pris aucune brosse monumentale (ndlr : se saouler).

Interview menée par Drama – Photo ©Jimmi Francoeur

Erase(Her.) Interview

Admiratif devant un Népal, Erase(Her.) signe lui-aussi des textes assez métaphysiques. Le rappeur belge s’exprime via un premier EP. Sa plume ne banalise pas le quotidien mais en fait son terrain de jeu. Prenons le temps d’interroger la mise en scène de ses observations !

T’es-tu surpassé lors de la création de ton premier album ?

Franchement, ouais. Si je devais passer une nuit blanche à taffer sur une instru, je le faisais. A des moments, il suffisait que je sois inspiré pour rester éveillé jusque 3 ou 4h du matin. (rire) Même 2 jours avant la sortie de l’album, je réalisais de nouvelles prises encore et encore… c’était du non-stop.

Le confinement a dû te motiver à terminer convenablement ce projet. 

Dès que t’es enfermé, seul avec toi-même et tes idées, tu épouses ta passion. Je n’ai pas vu ça comme une malédiction. J’ai perçu le côté bénéfique et positif de la chose.

J’ai vraiment un tas de question par rapport au fond de tes morceaux. Commençons ! Comment fait-on passer un message intelligent à travers un morceau de rap ?
As-tu une recette à partager ?

C’est une très bonne question. Honnêtement, je ne pense pas avoir de recette. Quand j’écris, j’imagine l’exercice comme une conversation avec moi-même. A partir d’un de mes constats, je vais commencer à disserter. En allant de réponses en réponses, je développe un sujet. A la fin, j’obtiens une sorte de fil conducteur respectant une réflexion de base.
Il peut tout à fait évoluer au fur et à mesure du morceau. Il n’y pas de limite. Je m’inspire à 100% du réel. Je n’ai pas envie de traiter d’expériences que je ne vis pas ou que je ne connais pas.

Ne te sentirais-tu pas légitime pour écrire au sujet d’un thème inconnu à tes yeux ? Il y a des rappeurs qui jouent divers personnages et qui foncent dans leurs délires.

Je respecte entièrement cela. Je ne sais pas si c’est une question de légitimité. C’est une question d’authenticité. Je sais que si on parle d’évènements vécus, on sera fatalement bien plus en train de vivre un sujet. On sera par ailleurs plus à l’aise pour en parler. Alors que si on rappe sur un sujet qu’on ne connait pas, on n’est pas à l’abri d’une erreur ou l’autre. Ca casserait l’effet d’immersion que j’aimerais transmettre autour de moi.

Dans « Yeux ouverts », tu déclares : Le Paradis réside en nos entrailles. Perds pas ton temps à le chercher. Ces mots sont-ils optimistes ? Veux-tu dire par là qu’il ne tient qu’à nous de modeler notre bonheur ?

Exactement. Plusieurs personnes croient que le bonheur équivaut à posséder telle ou telle chose. Que ce soit une maison, une voiture, une copine, un chien, peu importe. Au fond, le bonheur n’a rien de matérialiste. C’est vraiment une façon de penser. Le ciel sera moins nuageux si tu sais rester positif, pendant que tu affrontes de nombreux problèmes dans ta vie. Cette attitude n’a rien de religieux chez moi. Elle est en accord avec mes valeurs.

Certains désirent définir le bonheur alors qu’ils ne savent point prononcer Je t’aime. Comme si c’était tabou.

Je pense que c’est tabou. C’est vu comme une phrase qui peut être mal interprétée. Il faut éviter des embrouilles ou l’incompréhension alors qu’on ne le dit pas assez. Même si parfois, je l’exprime pleinement à des potes qui se comportent comme des frères.
Quand tu es prêt à l’avouer, il y a souvent un truc qui freine l’initiative. Et c’est trop tard pour revenir là-dessus. Le pire, c’est vraiment de vivre avec des regrets. S’il y a une chose à dire, il faut la dire. Il ne faut pas perdre son temps à avoir peur d’être soi-même.

Tes morceaux se centrent sur l’introspection. Tu t’inscris dans une démarche remarquée chez Swing. Comptes-tu rester sur des thèmes très personnels pour tes prochains projets ?

J’aime écrire de cette façon. C’est vraiment une source d’inspiration intarissable. J’aimerais bien essayer par après de me diversifier vers des sujets plus politiques. Les inégalités est une thématique qui ne m’est pas invisible. Puis, j’aimerais me focaliser tant sur les relations humaines que sur nos visions du monde. Je crois que ça peut être intéressant.

J’ai souvent observé des fans de rap qui analysent de fond en comble des thèmes musicaux. Je suppose que tu passes également des heures sur des textes d’autres artistes.

C’est quelque chose que je fais régulièrement. Ca arrive par exemple pour les albums de Dinos ou ceux de Népal. Je les écoute en boucle. Je m’interroge toujours sur l’essence d’un texte de rap. Au final, c’est juste une personne en face de sa feuille qui rédige pendant des heures sur un sujet. Ensuite, on peut en tirer de grandes leçons de sagesse. C’est aussi la beauté de raconter un vécu ou une histoire particulière.

J’aimerais te parler d’une problématique plus universelle et globale. Un jour, tu m’as déclaré que le plus gros souci de l’humanité est de ne pas savoir penser au bien commun.
Y fais-tu référence dans ton EP ?

Cela s’écoute notamment dans « Poltergeist » : Certains cachent leurs crochets vénéneux dans le silence, cachent les phrases trash qu’ils ne disent pas mais pensent, crachent dans le dos puis plaident leur innocencedisparaissent en flash au premier coup de vent.
Je cite ces gens qui ne pensent qu’à leurs intérêts personnels au lieu de comprendre que leurs actes auront des répercussions sur les autres. La vie est comme un jeu d’échec : chacune de nos actions à sa conséquence. Tu ne peux pas l’omettre. Chaque pièce jouée aura son importance. La volonté de dénoncer des problèmes sociaux repose dans les racines du rap.

Eloignons-nous des problèmes. Au final, qu’est-ce que le rap t’a apporté de meilleur ?

Son aspect propre à l’écriture. Cela m’est très thérapeutique. Le fait de coucher mes hantises sur le papier, ça me fait du bien. Une fois écrites, elles sont matérialisées et tu t’en fais une idée plus concrète. Le rap m’apporte une sérénité d’esprit.

DRAMA – Illustration ©Kevin Popescu / Interview réalisée le 23/01/2021

Last Night Issue Interview

Le duo liégeois Last Night Issue était en première partie des Last Train au Reflektor. L’occasion idéale pour rencontrer ces gais lurons ! On discute de Liège, de leurs sonorités punk et de la mort du CD… Tout en voyant un cul de batteur !

C’est quoi votre rêve en tant que musicien ?

Lou : Avoir une super bagnole, avoir une femme avec des seins siliconés, être plusieurs fois disques de platine sans sortir d’albums… Tout ça réuni, c’est déjà bien hein.

Liège demeure une des meilleures niches belges pour les rockeurs.

Timizy : Moi je crois que non. (rire) J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de groupes rock sur Liège et que c’est un peu saturé. Ce n’est pas si simple de faire son nom dans cette ville. Puis, on a récemment joué en Flandre et ce n’est pas du tout comparable. J’ai la sensation que le public est plus chaud, plus amateur de rock, de stoner et de metal quoi !

87979472_2591339927777917_1249379194400407552_o

Quel est l’inconvénient de jouer en duo ?

Timizy : Quand tu es en froid avec l’un des gars du groupe, ben il n’y a plus de groupe. (rire)
C’est cool quand ça marche et moins quand on s’engueule.

Lou : On est deux à porter une batterie. Mine de rien, on porte plus de matos qu’un groupe de cinq.

Pour ce qui est des avantages ?

Timizy : Les répet’ ! (rire) Ca c’est top. Conduire une seule bagnole pour aller aux concerts, c’est bon aussi. On avait plusieurs groupes avant et c’était l’horreur.

Là comme ça, vous ne pensez pas vous élargir…

Lou : J’essaye de maigrir justement. (rire) Ce n’est pas dans mes plans !

Timizy : Nan mais plus sérieusement, on y a pensé. On a joué avec plusieurs bassistes par le passé. C’est super difficile de trouver un gars qui ne fasse pas deux plus un, aussi bien d’un point de vue musical que celui de l’entente. Quitte à être trois, on veut sonner à trois. On n’arrivait pas à trouver une aussi belle synergie propre à nous deux. C’est comme si t’essayais de convaincre ta gonzesse de la normalité de faire un plan à trois. Ce n’est pas évident. C’est compliqué. Après je ne suis pas contre hein ! (rire)

87975736_2591339737777936_1263181509892767744_o

Maintenant, il faut répondre du tac au tac. Vous n’avez droit qu’à une seul bonne réponse. Qui préférez-vous entre les Whites Stripes et les Black Keys ?

Timizy : Je crois que ma réponse serait Black Keys et lui, White Stripes.

Lou : On aime beaucoup les deux mais en termes d’influence musicale, on sonne comme aucun des deux. Je surkiffe les White Stripes. J’aime beaucoup moins les deux derniers albums des Black Keys… D’ailleurs, si tu m’entends Dan, arrête ! Stop it man ! (rire) Même s’ils ont un côté bluesy qu’on retrouve chez Royal Blood, cette bande nous inspire bien plus. Ces mecs ont un son gras et rentre dedans. Il y a du blues dans ce qu’ils produisent : des arpèges, des gammes pentatoniques, etc. Nous, on essaye de se démarquer avec des riffs pas metal, mais agressifs, moins blues que punk, avec un chant clair.

Timizy : On est aussi parfois plus influencé par des groupes comme Queens of The Stone Age.

Que réservez-vous pour la suite ?

Timizy : Ben je te montrerai bien mon cul nan ? (et il le fait)

Lou : La bagnole, la fille siliconée et la coke. Mais pour arriver jusque là, on va réaliser plein de titres.

Un album en préparation ?

Lou : J’ai bien envie de te lâcher une exclu et une date, mais non. (rire) Pour l’instant, on fonctionne à un rythme qui nous correspond. Si un jour on pond un album, je crois que ça demandera beaucoup d’énergie. On souhaite faire ça d’une bonne manière sans brûler les étapes. On verra aussi si une occasion ou qu’une demande se présente à nous. Donc, aucun album n’est prévu tout de suite.

Timizy : Je ne suis pas convaincu au sujet du concept de l’album. Passer autant de temps et d’énergie à enregistrer douze titres par exemple, c’est vain. D’abord, les gens n’achètent plus vraiment d’albums. Ensuite, tu pourrais passer pour un musicien hyper sérieux sans pour autant envoyer d’albums à des organisateurs d’évènements. C’est beaucoup plus chouette d’enregistrer quelques titres et de filmer certaines vidéos. Mais ouais, si un jour on a trop d’argents, pourquoi pas se lancer dans la réalisation d’un album.

Lou : N’oublions pas les contraintes du temps, de la créativité. Même si on est capable de travailler vite et de façon efficace. Mais le plus gros obstacle reste surtout celui de l’argent. On avance grâce à la passion. On n’a pas de vocation à passer pro demain.

Timizy : Ce qu’on veut vendre aux gens, c’est l’envie de venir à nos concerts. On est bon à ces moments-là. C’est là qu’on a de l’énergie à revendre. Venez profitez en live et non en CD. Admettons qu’on sorte un album, ce ne sera pas du tout pareil à ce qu’on fait sur scène.

88347136_2591340607777849_1344837136066543616_o

DRAMA  Photos ©Dominique Houcmant/Goldo

Alice Martin Interview

Lors du confinement, j’écoutais tout style de musique. Les covers folk d’Alice Martin ne me laissaient pas indifférent. Elle participe alors à sa première interview ! Le temps de discuter de ses reprises, de son expérience musicale et de son futur EP.

djonyone
Aujourd’hui, que signifie « être une chanteuse folk » ?

C’est un subtil mélange de charme, de peps, et de sensibilité. Au rythme dynamique d’une guitare, l’émotion se laisse transparaître dans la fragilité de la voix et à travers des textes pas toujours heureux, qui nous sortent des tripes. La base d’une chanteuse folk se résume à son jeu de guitare, à sa voix et dans une quintessence pure accompagnée d’un texte percutant.

Comment choisis-tu les morceaux de tes reprises ?

Depuis longtemps je voue un intérêt particulier pour la culture musicale des USA. Je pense au blues, folk, à Bob Dylan, Johnny Cash, Bessie Smith, ou aux Canadiens, comme Neil Young. Mais aussi les monuments mythiques anglais : The Beatles, Queen ou David Bowie… Je m’inspire énormément des chanteuses de rock, ou même parfois pop, qui sont charismatiques et qui prônent l’indépendance et l’émancipation de la femme. Patti Smith, Debby Harry, PJ Harvey ou même Lady Gaga. Et je tente de transformer tout ça à ma sauce.

Parmi ces chansons, en admires-tu une plus qu’une autre ?

Je pense avoir un coup de cœur particulier pour ma dernière cover qui fut le premier challenge d’une longue série à venir. « Do for the others » de Stephen Stills. Il est selon moi l’un des plus grands guitaristes vivant de ce monde. Sa chanson paraît simple aux premiers abords, mais elle demande beaucoup de travail sur le jeu de guitare. De fait, cet exercice m’a donné encore plus l’envie d’accroître ma pratique. Enfin, c’est avant tout une dédicace à mon père, qui m’a fait découvrir ce grand musicien.

Tu as voyagé à l’est des USA, sur la route du blues. Une escapade bouleversante à tes yeux. Quelle est la plus grande leçon retenue de ce voyage ?

Ce voyage m’a fait prendre conscience de quoi j’étais capable quand j’étais livrée à moi-même. Via les différents états que j’ai traversé, il m’a été vraiment difficile de m’imposer en tant que jeune chanteuse belge parmi des artistes locaux bien imprégnés. J’ai surtout réalisé que la musique avait une importance bien plus colossale que je ne le pensais dans ma vie. A travers de belles rencontres, j’ai eu la chance de monter sur des scènes à Nashville, au Texas, à la Nouvelle-Orléans, ou encore à New York. Ces rencontres m’ont aussi fait prendre conscience qu’il ne suffisait pas d’avoir uniquement l’envie, mais que le vrai challenge, c’était d’avoir l’audace de foncer sans se poser mille questions. “Smoke them all !”

Dorénavant confinée, ton envie de composer est d’autant plus nourrie.

Plus que jamais. A la base, je suis serveuse dans un restaurant à plein temps et je pense avoir trop longtemps fui l’univers de la musique en me noyant dans mon travail. Le confinement m’a permis de me reconnecter avec mes créations et de me concentrer pleinement sur ma musique. Je ne vois quasiment personne. Je suis comme devenue autiste mais ça me fait du bien. Je le vois comme une chance de rattraper le temps perdu. J’apprends de nouvelles choses, tel que le piano ou à utilisé les DAW pour m’enregistrer, ainsi que renforcer ma technique à la guitare comme pour les échauffements vocaux. D’ailleurs, je plains un peu mes voisins.

Parlons de ton EP prévu pour septembre.
Qu’est-ce qui t’as motivé à te lancer dans sa création ?

A nouveaux, ce sont de belles rencontres. Une petite équipe s’est doucement créée autour de moi. Le réalisateur Julian Bordeau, qui est un ami avant tout, m’aide à travailler mon image et ma confiance en moi. Parfois, il me pousse dans mes retranchements mais ça m’encourage beaucoup.
Ainsi que le producteur Théophile Moussouni, qui dès la première écoute de mes démos m’a mise directement en confiance et s’est impliqué dans le projet en apportant sa patte plus trip hop.

A quoi doit-on s’attendre ? Comment le décrire ?

Le projet étant toujours au stade de l’émergence, sera pour le moment un mix d’influences folk et trip hop, qui je l’espère sera très prometteur. Je mise aussi sur la qualité des textes, qui sont en anglais, mais auxquels je consacre énormément de temps. Il y a déjà un squelette et le reste se peaufine jour après jour, ou nuit après nuit.
Les sujets sont variés mais se concentrent beaucoup sur des extirpations de douleurs passées, la dépression, ou encore des sujets plus féministes… et naturellement, on y trouve un peu d’amour.

DRAMA  Photos ©Alice Martin

Par.Sek Interview

Dès 2017, Simon devient la tête pensante de Par.Sek. Marion le rejoint ensuite à la basse, tout comme Corentin aux percussions. Désormais, le chant de Simon enrichit les compositions electros de la bande. Découvrons l’univers chaleureux de ces Français souhaitant embrasser la pop ! Le groupe nous offre également la diffusion du clip « GALERE » en avant-première. Quel honneur !

Vos premiers morceaux expérimentent diverses sonorités.
On dirait que vous vous lancez plusieurs défis au niveau de vos compositions.

Simon : Le premier album était plutôt un album de recherche. J’étais encore seul dans par.sek à ce moment-là. J’avais juste demandé à Marion d’enregistrer des lignes de basse. L’idée était de me laisser aller dans mes envies. Les compositions ont été très orientées par des « erreurs » dont je m’inspirais pour continuer à composer, car je ne connaissais pas encore très bien les outils que j’utilisais. Je m’attendais souvent à autre chose que le résultat sonore que je trouvais. Plutôt que de chercher absolument à retrouver mon idée initiale, je laissais ces hasards et ces choses inattendues guider la suite des compos. Le seul « défi » que je me suis imposé a été de créer quelque chose de différent de ce que j’entendais dans la musique que j’appréciais à cette époque. Je désirais de travailler sur la surprise, les changements brutaux de rythme, d’ambiance sonore, et ne pas me poser de limites en termes de composition.

Etes-vous toujours dans une perpétuelle recherche de nouvelles sonorités ou avez-vous trouvé votre style ?

Simon : Aujourd’hui, je pense qu’on a trouvé un style qui nous correspond, en effet. Cela dit, ça n’empêche pas d’être toujours en recherche de nouveauté en matière de rythme et de son. On garde toujours une porte ouverte à l’utilisation d’une autre gamme de son, à l’inspiration d’autres styles musicaux dans lesquels on va piocher ce qui nous plaît sur le moment pour l’insérer dans les nouvelles compos. Se garder une possibilité permet d’être toujours en évolution, ce qui nous paraît très important dans notre pratique de la musique. En plus, découvrir de nouveaux champs d’exploration permet de revenir sur les compos finies qui ne sont pas encore sorties, de les emmener plus loin à chaque fois qu’on a envie de revenir dessus. Mais bon, à un moment, il faut quand même savoir s’arrêter et fixer ce qui a été fait pour pouvoir avancer sur autre chose. Globalement, ce rythme de création est plutôt guidé par nos envies, et on a souvent envie d’avancer vers le futur, de créer du neuf, pour notre plaisir personnel, beaucoup, parce qu’on ressent que c’est vital de se renouveler.

Marion : Comme le style a pas mal évolué depuis le début en passant de l’instrumental à la chanson, j’ai l’impression que, même si on est plutôt fixé maintenant, on est assez libre de revenir sur le style plus instru et expé, si l’envie nous prend.
D’ailleurs, on n’a pas abandonné les anciens morceaux, car on continue à les jouer en live. Ce qui est assez chouette pour changer d’univers.

Pourquoi avoir décidé d’inclure le chant dans votre EP prévu pour septembre ?

Simon : L’idée initiale du groupe Par.Sek, c’est de créer un pont entre musique expérimentale et musique pop, de décider de ne pas faire de distinction. Avec Marion, on est allé en fac de musicologie. Là-bas, on nous apprend qu’il y a en gros, la musique savante d’un côté, et la pop de l’autre. Ce qui est un peu tristoune comme vision de la chose. Pour moi, ce sont des musiques qui s’appuient sur des ressorts différents, mais qui utilisent chacune un langage très complet, même si ce n’est pas toujours le même. Un des outils hyper importants de la pop, ce sont les paroles. Après le premier album, qui se situe dans un paradigme plus expé, on s’est dit que ce serait chouette d’aller voir ce qu’on pouvait trouver dans une musique plus pop. Et d’entamer ce geste avec l’ajout de paroles, sur des mélodies simples, comme on entend dans « GALERE ». Au fur et à mesure des EPs, d’albums, etc. On va essayer de trouver le point de rencontre, pile au milieu, entre ces deux « mondes » musicaux, qui sont quasiment des manières de voir l’art pour certains. Donc on oscille autour du point central, et on essaie de se rapprocher. Après, il faut admettre qu’on a pris goût à la chanson. Franchement, c’est super agréable à faire, et plus simple à partager en soirée.

Marion : Souvent, on se dit que c’est étrange parce qu’en dehors des gens qui viennent nous voir en live, personne n’est vraiment au courant de l’évolution pop de Par.Sek. Alors je trouve que faire un EP avec du chant, c’est aussi l’occasion de montrer cette nouvelle facette.

L’ajout de paroles à vos morceaux donnent moins d’espace et de liberté à vos instrus ?

Simon : Un peu, quand même. Le fait qu’il y ait moins d’espace pour l’instru se sent beaucoup dans « GALERE », où il y a vraiment peu de place pour la musique instrumentale d’une manière temporelle, et aussi peu de place pour la complexité musicale. Mettre des paroles, ça cadre toujours un peu, surtout qu’on voulait pouvoir les chanter, qu’elles soient rythmées,… Si c’est trop complexe, on en perd le sens à mon goût. Mais c’est une liberté et un espace qu’on compte retrouver dans nos prochaines compos. On la retrouve déjà un peu dans l’EP qu’on sort en septembre.

28082019-DSC_0443
A l’écoute de « GALERE », on réalise que l’humain peut aller jusqu’à construire des navettes spatiales mais est parfois incapable d’avouer ses sentiments.
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire une chanson pareille ?

Simon : Il y a dans « GALERE » une volonté de raconter ça, en effet. Plus précisément, que ces choses que l’on construit, on les fait souvent aussi pour s’adresser aux autres, que ce soit nos proches ou le monde tout entier.
Il y a des gens qui choisissent de faire une carrière incroyable. D’autres qui veulent acheter des choses qui les feront briller, ou amasser énormément d’argent pour en faire profiter leurs proches. Puis, il y a les cadeaux qu’on s’offre, aussi. Tout ça, je le vois comme une multitude de manières de faire du bien aux gens qu’on aime. Ou bien, c’est une recherche de reconnaissance, mais je pense qu’on veut être reconnu parce qu’on aime l’autre, de base, et qu’on veut donc avoir de la valeur à ses yeux. En gros, les paroles, c’est « je parle à mes objets, mais ce que je vise n’est pas de leur parler à eux, mais aux autres ». Je ne sais pas si c’est de mauvais goût de faire une explication de texte comme ça !
Nous, on fait des objets musicaux, parce que ça nous permet de parler à des gens, de partager avec eux. On n’y arriverait peut-être pas juste en les croisant dans la rue, ou n’importe où, parce que c’est galère. Il y a plein de trucs qui rentrent en compte : le temps qu’on a, la timidité, les névroses, les galères en tout genre, qui font qu’être en société des fois, c’est compliqué.
Tout ça amène parfois à faire des choses qui ne sont pas si bonnes pour les autres en voulant leur parler. Par exemple, Elon Musk, pour parler à l’humanité et lui dire qu’il l’aime, il a décidé qu’il allait envoyer 32 000 satellites dans l’espace.
Je suppose qu’il voit ça comme un gros gros, gros, gros cadeau. Mais bon, au final, ça fait quand même un peu trop de satellites. Il y a plein de choses comme ça qui se font dans le monde.
Après, on ne peut pas se placer en juges et déterminer qui a raison ou qui a tort. Même si on a souvent notre avis sur la question, on doit très souvent se tromper. Alors, on n’a pas parlé d’Elon Musk, ni de personne d’autre dans la chanson. Juste de nous pour ne pas trop se mouiller.

Corentin : Et puis, d’un point de vue sociologique, j’ai l’impression que la pudeur physique et verbale caractérisent de plus en plus nos échanges... Même si les signaux sont parfois contradictoires entre la volonté de se dévoiler aux autres et la peur de se montrer tel qu’on est. Et si rompre cette pudeur commençait par en faire le constat publique ?

Depuis des années, on assiste à la démocratisation de l’électro. Il existe même de sérieuses études concernant la rave party ! Quant à Flume, il s’allie aussi bien à Beck qu’à JPEGMAFIA. Aujourd’hui, en tant que musicien, désirez-vous créer la surprise ?

Simon : C’était un des objectifs du dernier album. Mais je trouve qu’il est trop difficile. Il y a beaucoup trop d’infos qui nous arrivent de partout pour pouvoir surprendre qui que ce soit. Surtout en musique électronique, comme tu le dis, il y a tellement choses différentes et excellentes de partout…
Aujourd’hui, ce que je voudrais, plus que créer la surprise, c’est créer un sentiment de liberté. Ce qu’on peut ressentir, quand on se dit qu’on peut faire ce qu’on veut musicalement parlant, et plus globalement en créant de l’art. C’est vraiment de la liberté qui fait de mal à personne, et qui est assez infinie. Je pense que je voudrais transmettre ça aux gens qui écoutent ce qu’on fait.

Marion : Pour ma part, plus que la surprise, j’aime l’idée de pouvoir toucher les gens, et les faire oublier un peu leur galère du quotidien. Ou même pouvoir prendre du recul dessus. Je ne sais pas trop si on y arrive mais c’est en tout cas ce que je ressens dans ce que j’écoute, et ce que j’espère pouvoir transmettre aussi.

Corentin : Tous ces mélanges sont super. Je me demande ce qui va naître de ces croisements de plus en plus fous et rapides entre les genres. Par rapport à la surprise, en tant que musicien, on cherche aussi à atteindre une forme de sincérité. Dans la composition, ce qui est parfois impalpable, mais aussi dans le texte. Je crois que le Graal est de se surprendre soi-même, en réussissant à aborder des sujets qu’on redoute ou qui nous paraissent hors de portée des mots qu’on imagine. C’est un chemin de prise de conscience et d’assurance.

Pour ce qui est de la France, elle a toujours été une terre sacrée pour l’electro (Justice, Daft Punk, SebastiAn, Mr. Oizo, etc.). Actuellement, certains groupes mêlent de plus en plus la langue française à des sons très surprenants. Entre Odezenne, Bagarre et Flavien Berger, avec qui prendriez-vous un verre ?

Simon : J’irais bien prendre un verre avec Flavien Berger. J’ai eu une grosse phase Flavien Berger, où je l’écoutais en boucle. Je trouve qu’il est très touchant. Je suis assez fasciné par sa musique. En plus, je serais trop intimidé pour aller prendre un verre avec un groupe entier comme Bagarre ou Odezenne. Ca fait plusieurs personnalités à rencontrer d’un coup. Je suis plus à l’aise avec une seule personne.

Marion : Même si je pense aussi qu’un groupe est bien plus intimidant, je choisirais de boire un verre avec Odezenne. Leur musique me touche beaucoup, dans leur sonorité et leurs paroles. C’est peut-être un des groupes dans lequel je me suis le plus plongée récemment.

Corentin : En soit si tout le monde veut faire la teuf, je suis preneur.

Pour terminer, j’ai une question trop importante à poser.
Simon, serais-tu le fils caché de Damon Albarn (Blur, Gorillaz) ?

Simon : C’est une question extrêmement flatteuse ! (rire)
Je demanderai peut-être à mes parents, mais je ne crois pas. Enfin, ce serait un sacré choc, sous tout point de vue !
En vrai, Damon Albarn est quelqu’un de très inspirant, musicalement, et dans ce qu’il représente. Via sa musique, il transmet ce sentiment de liberté dont je parlais. C’est très beau.

93991560_2591459481112657_8539363246170177536_n

DRAMA – Bannière logo ©Clémentine Stfkn / Photo ©Intza Bagur

Marina Cedro Interview

Marina Cedro viendra présenter son second album à La Cité Miroir (Liège) ce vendredi 4 octobre. Très engagée, elle chante et danse le tango depuis son plus jeune âge. A la question « Etes-vous une chanteuse engagée ? », la chanteuse argentine répond du tac au tac par l’affirmative. Mais ses nombreux textes sur la dictature argentine et ses messages d’amours libres ne résument pas entièrement son univers. L’artiste d’une quarantaine d’années chante la vie, ses émotions, ses souvenirs, reprend quelques classiques (Creep de Radiohead, I Put a Spell on You de Screamin’ Jay Hawkins) et fait vivre le tango de son pays avec passion.

Vous donnez quatre concerts en Belgique sur cette tournée, pourquoi ?

J’ai conservé un beau souvenir de mon concert à Charleroi en 2009. Initialement, j’avais même pour objectif de revenir durant un mois entier en Belgique. C’est un pays que j’adore parce que ’y retrouve une belle écoute de la chanson et un respect de la poésie.

Votre musique est passionnée, engagée. J’ai l’impression que de nombreuses causes vous animent.

Il faut avant tout que ce que je chante soit vrai. Je revisite mes paroles et mes écrits via mes émotions. Mes chansons parlent de tout. De l’amour, la colère, la révolte, la passion, le bonheur. Le message qui doit découler de tout cela est la vérité. Quand je chante une chanson d’amour, je la vis entièrement du début à la fin. Peut-être que cela éveille l’amour chez une autre personne. C’est cela que j’appelle l’émotion vraie.

Vous parlez beaucoup de l’Argentine de 1972. À quoi ressemble le pays aujourd’hui ?

Il n’y a plus de militaires. Mais il reste des silences et des blessures dans le pays. La censure et le tabou sont encore d’actualité. La force artistique argentine avait pu sublimer l’ancienne dictature. Ce qu’on a vécu devient aussi notre patrimoine. Notre rôle d’artiste est de continuer à créer.

L’Argentine est un pays à l’histoire riche, aux influences multiples. Comment le traduire en musique ?

Les migrants sont à l’origine de la naissance de Buenos Aires. Ils venaient de tout horizon. Tout le monde souhaitait faire sa vie dans ce pays où il n’y avait rien. Ces instants de trouvailles et retrouvailles demeurent une richesse. Nous sommes un pays très curieux. Dès que les Argentins sortent de leurs terres, ils vont s’intéresser aux autres cultures et reviennent avec leurs savoirs. Ce qui alimente notre amour de la psychologie, aussi. On est toujours en quête de soi vu que notre peuple est le mélange d’autres cultures. C’est ça le tango : être une éponge, une évolution constante. Je fais du jazz, du folklore et du classique, mais avec le tango, j’ai trouvé une façon de m’exprimer. C’est la voix de l’âme.

Vous expliquez également dans plusieurs interviews que le tango vous permet de tout essayer.

C’est une musique qui naît de plusieurs cultures. Le tango s’exprime autant dans la danse que dans les paroles. Toutes les émotions peuvent y être transposées : la mort, la solitude, la joie. C’est une trilogie : il y a le corps, la parole et la musique. J’ai appris les trois disciplines quand j’étais petite. Lorsque je joue du piano, je peux aussi danser avec mes jambes ou mon bras. C’est tout que j’aime dans le tango.

Votre tango est assez moderne. Votre collaboration avec le rappeur Mike Ladd y participe. Pourquoi l’avoir choisi pour ce second album ?

J’aime bien le rap mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est dire les choses. Le rap est une manière de transmettre la vérité et de la manifester en rythme. Avec Buenos Aires 72, je voulais parler de révoltes. Mike Ladd a sa place dans La noche de los lapices. C’est une chanson qui décrit la Nuit des Crayons où des étudiants argentins ont été torturés et tués. Il me fallait une force pour expliquer ce qui s’était passé.

DRAMA – Photo ©Nathalie Carlier

Rumours Interview

Rumours est un groupe à l’univers spécial. Ils ont une apparence chamanique et humoristique. Découvrons-les en cinq questions !

Lorsque j’écoute votre musique, j’ai toujours l’impression d’assister à un véritable rituel. Comme si votre son reflétait l’atmosphère d’un sacrifice.
Concevez-vous votre musique comme cela ?

Quand nous écrivons notre musique, le son sera toujours une réflexion de notre humeur du moment. Nous n’écrivons pas des choses parce qu’elles sonnent biens, mais aussi parce qu’on le sent bien.
Nous sommes très sensibles à ce genre de choses. Le vrai sacrifice repose dans notre volonté de se submerger d’un sentiment particulier. Quelque chose qui nous fait du mal, ou quelque chose qui nous a fait du bien, puis essayer d’aller aussi profond que possible, et la capturer dans notre élan. Nous pensons que c’est la seule voie par laquelle les gens peuvent assimiler la musique. L’artiste doit vouloir aller jusqu’au bout pour que l’auditeur puisse être capable de ressentir ne serait-ce qu’un peu de ce qu’ils veulent dire.
On peut voir cette honnêteté comme un sacrifice, mais dans nos têtes, il n’y a pas d’autres façons de faire. Si c’est une charge ou une bénédiction, on ne le sait pas encore. Mais ça le vaut bien.

Quel est le sens caché de votre clip ‘I Dance’ ?

‘I Dance’ est là où tout a commencé. Hannah, a rendu ce groupe possible. Elle a toujours été intriguée par la manière dont l’endroit influence la musique qu’on fait.
‘I Dance’ a été fait dans un vieux monastère de Bruges, là où elle grandissait. Tous les sons de cette chanson ont été enregistrés dans cette pièce. Le clip essaye de capturer l’atmosphère qu’elle a ressenti pendant la réalisation de cette chanson : sombre, isolé, chamanique, mystique. Ce fut là le tout début de Rumours. Nous étions un peu obsédés par le mot chamanique. Pour nous, tout ce que nous faisions était chamanique. C’est un mot qu’à l’époque, nous ne comprenions pas tout à fait. C’était juste quelque chose qui apaisait nos esprits quand ils étaient coupés du monde qui nous entourait. Notre communauté est plus grande que ce que les gens pensent. Nous sommes entourés par de nombreuses personnes qui pensent comme nous et nous en sommes reconnaissants. Sans cette communauté, beaucoup d’entre nous ne pourraient survivre comme ils le font. Une fleur n’est jamais appréciée que parce qu’elle est belle. Personne ne sait que nous sommes les seuls à l’arroser.

Je pense que la série TV Dark s’apprêterait très bien de votre musique.

C’est justement le rêve d’Hannah de faire la musique d’une bonne série. Nous espérons que ça se passera dans le futur.

Stefanie est un membre du groupe BRUTUS. Elle fait les beats de Rumours. Procure-t-elle un peu de sa rage artistique dans les compositions de Rumours ?

Tout d’abord, elle ne fait pas que les beats de Rumours. Dans Rumours, chacun fait ce qu’ils ont envie de faire pour ce qui est d’écrire des chansons. Nous n’avons aucune barrière. Pour ce qui est du jeu, lorsque nous disséquons une démo pour la jouer en live. Nous ne prenons jamais en considération qui a écrit telle ligne. Nous savons juste qui va la jouer parce que nous connaissons bien nos instruments. La rage artistique est une mauvaise manière de décrire faire ce qu’on sent bien. On ne voit pas Stefanie comme une artiste malveillante, qui fait tout à partir d’une rage artistique. Elle écrit sa musique par amour, et uniquement par amour véritable. Sa musique peut sembler dure, mais si vous l’écoutez vraiment, c’est sa tendresse qui fait frissonner. Alors oui, elle nous procure sa tendresse artistique. Et pas qu’un peu.

Comment décrieriez-vous l’image et l’esthétique de votre groupe ?

Nous avons pris de nombreux chemins différents, ces trois dernières années. Nous jouons un style chamanique jusqu’au rétro, en passant par la techno, jusqu’à littéralement des choses qui ne se combinent pas du tout ensemble. Nous avons toujours été conscients de ce à quoi nous devrions ressembler, mais pas de ce à quoi nous ressemblions vraiment. Surtout à nos débuts. Nous expérimentions avec ce qui nous faisait plaisir, ce qui nous faisait rire et nous rapprochait. Maintenant, on se rend compte que ce n’est pas vraiment dans les extrêmes que nous trouverons cette beauté ou cette densité.
Depuis notre EP Infant, nous étions obsédés par tout ce qui était sombre et bizarre. C’était la forme que la rébellion avait pris dans notre vie, je suppose. Mais maintenant nous sommes libérés de tout ça. Nous sommes plus vieux et plus à l’aise. Là où tout se joue maintenant, c’est à l’écriture d’une true story, qui pourrait ou pas inspirer les gens, mais que nous aurons avant tout écrit en tant que famille. Ce à quoi nous essayons de ressembler n’a désormais plus d’importance. Nous nous rendons compte que, plus tu es honnête à propos de qui, et de ce que tu es, plus les gens sont touchés. Et nous, en tant que musiciens, avons aussi besoin de faire quelque chose de nos vies, non ? Nous ne trouvons pas de sens dans l’amélioration de soi. Et si c’était le cas, on ne tiendrait même pas deux jours.

DRAMA – Photo ©Vi.be

The Brums Interview

Trompette et clavier se mélangent à un rythme dansant. The Brums, groupe liégeois, séduit grâce à des sonorités jazz et modernes. Programmé à La Zone, on ne pouvait nier leur concert, surtout pas après avoir joué dans le clip endiablé de « Kimberley ». Ces musiciens s’embarquent dans une première interview pour un site web !

Quels étaient les choix les plus importants à faire lors l’enregistrement de l’album ?

Clément Dechambre : On a fort changé notre manière de voir les choses. Juste pour cet album, notre son est particulier. On a lancé un nouveau mode de fonctionnement. Il fallait étoffer le coté électronique. C’était le premier choix.

Alain Deval : C’est l’élément déclencheur. On voulait y amener de l’acoustique. J’ai écrit trois morceaux et Clément un seul. On cherchait le rôle de chacun dans l’électronique. On souhaitait vraiment travailler sans sample et sans boucle, même si j’en utilise un peu. Tout est joué dans nos morceaux. Comme il y a deux claviéristes, c’était chouette de pouvoir jouer trompette et clavier en même temps. Tout aussi agréable que de trouver une manière réalisable de jouer cette musique en concert.

Vous y avez cru dès le départ ? Ou il y avait une petite crainte que ce mélange des sons ne percent pas ?

Alain : Non. Je fais ça depuis longtemps dans d’autres groupes. C’est un truc que j’ai beaucoup travaillé. En plus, j’étais au sein du groupe Quark avec Adrien donc j’imaginais déjà la partie sonore qu’il aurait eu avec son trombone. Puis, j’ai découvert Antoine, notre claviériste. Grâce à ça, on peut tous jouer ensemble en l’air à quatre, sans dépendre de sample ou de boucle.

Quels ont été les retours des premiers auditeurs ?

Alain : C’était un retour assez positif, ce qui était étonnant. Nos quatre titres étaient une démo faite en un jour. Au départ, on se dirigeait vers l’enregistrement de quatre morceaux de manière novice. On ne comptait rien sortir de ce EP.

Clément : Ça reste dans l’optique d’une démo présente gratuitement sur Internet. Ça circule et on a des retours assez positifs.

Des gens surpris ?

Alain : On était les premiers surpris.

Clément : Des labels nous ont contactés. C’était pas mal, parce que j’avais toujours l’impression que personne ne cherchait rien. Qu’on écoutait plus du tout des artistes aux nouvelles sonorités. Mais c’était faux.

Il reste pas mal de curieux.

Clément : Les gens ont vite parlé du projet après qu’on ait sorti la démo, sans qu’on ne fasse rien.

Alain : On n’a quasi pas envoyé de mail pour faire des concerts mais on nous envoie des mails pour nous en proposer.

Lorsque j’écoute vos morceaux, il y a ce mélange entre jazz et sons plus modernes. Est-ce que votre musique est tout public ?

Antoine Dawans : On en parlait tantôt, avec le clip qu’on va sortir. En fait, ça touche plus de gens qu’on ne le pensait. On croyait que le public était plus ciblé. Mais on a plusieurs retours de proches avec des profils assez différents. Ça doit être le côté dansant qui réunit cette foule. C’est expérimental mais c’est dansant.

Alain : Par rapport au jazz, l’idée que j’ai dans la compo, c’est de faire de la musique électronique. Comme on vient du jazz, le but était de ne pas abandonner cela. On désire plutôt un côté brut dans les thèmes, pas trop mélodique ou trop harmonique. On reste proche de la musique électronique.

Improvisez-vous sur scène ?

Alain : Oui. Si on fait n’importe quelle musique, si on est tous ensemble, il va toujours y en avoir. C’est notre manière de jouer. Même si on ne rentre pas dans les cases du jazz, improviser est un but. J’ai toujours eu l’impression de jouer comme un musicien de jazz.

Quand des musiciens improvisent, est-ce qu’il faut prendre en compte le fait qu’ils se connaissent depuis longtemps ?

Alain : Ça dépend des rencontres. Tu peux faire de l’impro avec des gens avec qui ça ne va pas coller et le résultat sera peut-être intéressant. Il y a plein de langages dans l’improvisation. Notre avantage est qu’on a énormément joué ensemble en dehors de ce projet. On se connaît beaucoup et ça nous aide.

Si un jour vous deviez ajouter du chant, il serait de quel type ?

Clément : On pensait ajouter des voix complètement tordues, faites nous-même, avec plein de disto.

Alain : Et peut-être sur le prochain disque, vu qu’on a en parallèle un spectacle avec une chanteuse dans des écoles, on pourrait faire un titre avec elle… On ne sait pas encore.

Clément : On a vraiment envie de garder l’aspect instrumental.

Antoine : Ce n’est pas rien d’ajouter du chant parce que tu changes vite d’univers. Si après on t’identifie avec une voix, tu ne peux plus faire marche arrière.

Alain : En tout cas ce ne serait pas central. Ce serait une voix instrumentale exploitant plusieurs effets.

Clément : C’est difficile de savoir quel mot mettre sur une musique. On n’est pas doué avec ça. On a du mal rien que pour inventer des titres.

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Le morceau « Liège » est à l’image de la ville ?

Alain : Oui. J’avais envie d’écrire un morceau pour Liège. Au départ, il se nommait « Tox City » mais cela pouvait sembler péjoratif. J’ai étudié à Anvers, puis j’ai beaucoup joué à Bruxelles et pas tant que ça à Liège. Ces derniers temps, je reviens de plus en plus à Liège avec ce groupe puisqu’il se passe de plus en plus de choses. Je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup ma ville.
Avant, comparé à Anvers, quand je venais à Liège, je m’ennuyais. Je trouvais qu’artistiquement, il y avait pas grand-chose à faire, c’était dur. Avant, Liège se tournait vers le punk. Là maintenant, c’est beaucoup plus large. Notamment avec une salle comme le Kultura, de nombreux collectifs ou le Micro Festival. Tout le monde était un peu dans son coin mais tout s’est bien rassemblé. Je pensais que Jaune Orange ne favorisait que la pop mais ils nous ont contacté.

Il y a beaucoup de petits évènements à droite à gauche. Par contre, est-ce que les gens ne sont pas assez curieux ou est-ce que la publicité des shows n’est pas assez efficace ?

Clément : Les gens sont quand même curieux. Si tu te rends dans un lieu comme L’An Vert (ndr : Liège, en Outremeuse), où on est souvent amené à y jouer, des musiciens en tout genre y passent souvent. On y retrouve ceux qui sont à fond dans la musique.

Alain : Il en va de même pour le Kultura, où il y aura de l’expérimental un jour et de la techno le lendemain. Il y a une certaine ouverture. C’est génial.

Projetez vous dans le futur. Comment imaginez-vous The Brums dans deux ou trois ans ?

Alain : Moi j’ai vraiment envie de garder le coté brass band et jazz mais faire quelque chose de plus groove encore. J’écris des morceaux plus trap au niveau des beats. Je veux vraiment garder ce caractère assez brut, en n’oubliant pas de la grosse basse.

Il y a de plus en plus d’artistes qui exploitent la trap. N’avez-vous pas peur de perdre votre originalité ?

Alain : Non. On gardera toujours un mélange de tout. Comme il y a de l’instrumentation et qu’on n’est pas juste dans l’électronique, on ne va pas se mettre à rapper en triolet.

(na na na na, tchq tchk: le flow du groupe qui parodie le rap en pleine interview)

Alain : Depuis le début, on prend un truc qui m’intéresse dans un style puis on l’adapte à notre jeu. On a plein de morceaux qui ne sont pas encore dansants. Je veux que tout soit dansant. Qu’il y ait une énergie tant via des morceaux plus calmes que plus pêchus.

Je me rappelle au Reflektor, durant le tournage de « Kimberley », il y avait une sacrée énergie. Je trouve vos sons déjà dansants… Tu souhaites pousser les curseurs à fond de balle !

Antoine : Par exemple « Liège » n’est pas dansant. Enfin, ça dépend de ta manière de danser…

Clément : Moi je danse sur tout !

Antoine : Oui mais tu es un danseur fou.

(rires)

Pourquoi le poulet ? Dans vos publications, on retrouve souvent cet animal.

Alain : C’est ma poule qu’on voit souvent. On joue comme des poulets. Je devais faire la pochette très vite. Ça marchait bien avec le thème.

Antoine : Au synthé, on retrouve les cris similaires à cet oiseau.

(tout le monde caquette pendant les réponses)

Alain : On a fini par assumer la poule.

Adobe_20190301_005958

DRAMA
Photo bannière ©Sauvage Sauvage – The Brums au Reflektor, Liège
Autres photos ©Katerina Myshkin – The Brums à La Zone, Liège

Lunatic Interview

SE RAPPROCHER LE PLUS POSSIBLE DE LA NATURE

Elle expose ses œuvres au Cupper Café, à Liège. Elle anime des soirées DJ. Elle dépeint un univers psychédélique et coloré. Elle se nomme Lunatic. Un entretien s’impose afin de comprendre les tréfonds de l’art abstrait !

Comment est né Lunatic ?

J’étais à Liège 1 de ma première à ma troisième. En quatrième, il m’ont dit: “Vas te faire foutre”. En gros, soit je doublais encore une fois, soit j’allais en qualif. Du coup, je suis allée à Saint Luc. Je voulais aller en photo mais il n’y avait plus de place. Je me suis alors inscrite en infographie, sans vraiment savoir ce que c’était, en attendant qu’il y ait une place qui se libère en photo. Au final, j’ai beaucoup aimé l’infographie. On a appris à gérer les logiciels Illustrator Design et Photoshop, des trucs assez basiques, pas très artistiques. En deuxième, on a eu un stagiaire qui venait de Saint Luc supérieure. Il parlait de choses un peu plus abstraites. Notamment du Bam Festival. C’est un festival à la caserne Fonck se déroulant une fois par an et mettant en avant l’art numérique. Il m’a montré quelques techniques dans Photoshop, pour être plus artistique, plus abstrait. J’ai commencé à faire plusieurs fonds d’affiches. Puis, en première supérieure, à Saint Luc supérieure, j’ai commencé à en faire de plus en plus et à ajouter des logiciels et plein de fonctions différentes. J’ai ensuite créé une page pour partager.
On est plein d’élèves à avoir les mêmes outils dans les mains mais chacun aura des réglages différents. Tout dépend de ce que l’on veut. J’adore les astuces qu’use un graphiste lié à Tame Impala. Il a fait beaucoup de pochettes d’album et également des clips. Il a toujours des univers hyper colorés. Ce qu’il poste sur Instagram ou sur Facebook, c’est un peu dans le même genre: des couleurs assez saturées, beaucoup de mouvements, tout en restant hyper abstrait.

Quels sont tes outils ?

Mon outil principal était Photoshop. En ce qui concerne le dessin, je suis vraiment nulle, ça me saoule. Je ne suis pas assez patiente pour ça. J’aime Photoshop et dupliquer plein de calques, les saturer et voir ce que ça donne. Dès que je commence, je n’ai pas une idée de ce que ça va donner. Je teste et quand ça rend bien, je l’enregistre et je le garde de côté. Là, ça fait un an que mes outils commencent à se multiplier. J’utilise du glitch avec de nombreuses applications sur ordi ou iPad. C’est ce qui provoque des bugs comme des séparations de couleurs. Récemment, j’ai acheté l’iPad Pro. Il est muni d’un stylet et tu peux dessiner tout ce que tu veux. C’est assez pratique parce que les tablettes graphiques externes, c’est 1200€ pour l’A4. L’iPad coûte 600€. Je l’utilise tous les jours et il me permet des modifications plus précises comparé à Photoshop. Ces outils me servent à obtenir une meilleure ligne conductrice et à savoir ce que je veux.

Il y a quand même une part de hasard liée aux logiciels. Tu as une idée en tête mais tu ne prévois pas où va tomber le trait.

C’est ça. Le premier album que j’ai créé s’appelait Kaléidoscope. D’ailleurs, le nom que je donne souvent à la photo c’est celle de l’image de base. Par exemple, pour Fruit, c’était une photo de fruit un peu nulle, trouvée sur Google Images. Junk était une photo d’ordure. Ou Arc-en-ciel, c’est celui que j’ai vu sur ma manche. Après ça, l’arc-en-ciel ne ressemble plus à sa forme initiale.

Maintenant, tu fonctionnes autrement. Tes idées sont plus claires à visualiser.

Oui. Avant ce n’était pas le cas.

Es-tu autodidacte ?

Oui. Parfois, je créé des photos une fois par jour, mais il y a des mois où je n’en fais pas du tout. Ça dépend du temps. Avant d’avoir l’iPad Pro, je commençais un peu à m’ennuyer, à faire tout le temps la même chose, alors j’ai attendu que l’inspiration vienne à moi. Là, je varie pas mal. Pour mon expo, j’avais essayé de me mettre à la peinture. C’est une technique qui consiste à prendre un gobelet, y mélanger des couleurs et les renverser sur une toile. C’était chouette. Via la peinture, j’obtenais un effet similaire au digital. L’expo permettait d’alterner entre le digital et la peinture.

y

Pense-tu reproduire ça plus tard ?

J‘en fais de temps en temps. C’est cool à faire. Même s’il faut de la patience.

Envisages-tu d’exposer à l’étranger ?

Avec les cours, le taff, c’est compliqué d’organiser ça. Mais ça me plairai, c’est sûr.

Est-ce qu’on t’as déjà proposé des collaborations ? D’autres artistes sont venus vers toi ?

A Saint Luc supérieure, la plupart de mon entourage fait de l’art. La peinture, on l’a fait à deux avec d’autres compositions. Aucun artiste étranger n’est venu à moi. Il y a plusieurs comptes Instagram que j’adore. Il y a une fille qui se fait appeler Mala Vida. Sa technique est d’user de techniques proches de la peinture puis, de les scanner et de les retravailler à fond sur l’ordinateur. Ça fait des effets très stylés. Ca serait cool de travailler avec elle mais je ne sais pas si ça pourrait être possible.

Tu as peut-être déjà répondu à cette question… Mais allez posons la.
Qu’est ce qui est le plus séduisant dans le type d’art que tu pratiques ?

Au lieu de faire un truc totalement abstrait, j’efface un peu certains éléments. Prenons l’exemple de la photo de bus modifiée par mes soins. Au départ, c’est une photo de bus que j’ai transformé à mort. Puis, j’ai effacé toute modifications à certains endroits.

J’ai essayé de retrouver cette photo parce qu’elle ma marquée.

Ca m’intéressait de rendre la chose un peu abstraite, tout en utilisant la technique d’une espèce de pluie. Prendre les pixels et faire tomber les gouttes grâce à l’iPad. C’est cool parce que y a du glitch, de la couleur et un peu d’abstrait mais aussi un univers et une ambiance.

slas

Cela ne tente pas d’interpréter l’imagination de quelqu’un ?
On croirait que c’est une illusion, une vision de l’avenir…

J’y ai jamais pensé mais c’est intéressant. Je fais des rêves très très bizarres. Je racontais mes rêves à un pote et on se disait que ce serait drôle de l’illustrer en BD.

Cette question est longue. Prépare-toi mentalement. Dominik Lange modifie totalement l’environnement qu’il prend en photo. Il a déclaré en interview qu’il ne peut pas révolutionner le monde dans lequel il vit. C’est pourquoi, il le transforme symboliquement dans ses films. Est-ce que tu penses pareillement par rapport à tes œuvres ? Souhaites-tu bouleverser les sens et les esprits ? Veux-tu provoquer des émotions chez le spectateur ?

Dans ce qu’il exprime, il y a une démarche artistique, ce que je n’ai pas encore. Ce qu’on peut me reprocher, même si cela semble inconscient de ma part. Je fais juste du visuel. Oui, je veux que ça touche ceux qui voient mes œuvres. Il me plaît de voir ceux qui se perdent dans le visuel. Ceux qui y le fixent assez longtemps et qui y voient différentes choses. J’aime quand on me parle de formes différentes et distinguées. J’ai juste envie que cela provoque quelque chose, que ce soit chaleureux. J’utilise très rarement des couleurs froides ou du noir et blanc.

L’interactivité avec les spectateurs pourraient fonctionner pour tes expos.

Oui, j’allais y venir. Pour ce soir, j’aide un DJ à La Zone, grâce à un logiciel qui permet à une boule de réagir selon le son qui passe. Ca déclenche une activité interactive avec le son. Mon but  serait de brancher une Kinect et d’obtenir différents effets selon nos mouvements. Ça peut aller loin, et c’est pour ça que je suis à fond là-dedans. Installer des attractions interactives, plutôt que des posters.

As-tu un prochain projet sur le feu ? D’autres idées ?

L’interactivité. A Saint Luc, chaque fin d’année, il y a un jury. Pour ma première et deuxième, le sujet était de “visualiser le son”. L’objectif était de savoir ce que les vibrations sonores peuvent créer comme visuel. Il n’y a qu’à penser à l’expérience d’Ernst Chladni. Tu poses une plaque de métal sur une haut-parleur et il fera vibrer la plaque de métal. Tu mets du sable dessus et les vibrations vont faire des patterns de dingue.

Comme pour « High Ball Stepper » de Jack White.

Oui, exactement.

Encore une fois, c’est l’aléatoire qui joue.

Il intervient beaucoup moins. Selon la fréquence, les patterns diffèrent. C’est fou ! A ma deuxième année, j’ai utilisé un haut-parleur qui faisait vibrer un ballon où se trouvait un miroir. Un laser s’était projeté sur le miroir et était dévié sur le mur

Les Totally Spies !

Oui ! Des ronds parfaits apparaissaient sur certaines fréquences.

Utilises-tu de la gelée ou des liquides ?

On a fait ça avec de la maïzena, c’était drôle. Vu que mon copain a fait des formations d’ingénieur du son, il m’apporte tout le côté technique des sonorités. On applique un mix entre le son et le visuel. On vise à se rapprocher le plus possible de ce que nous montre la nature.

gjkkk
DRAMA
Interview réalisée le 02/09/18, à Liège / Illustrations ©Lunatic

Valeero Interview

ABANDONED TO DANCE

Alors que l’on pouvait comparer les premiers morceaux de Valeero à du Queen of the Stone Age tout craché, « Charade » nous emmène vers un Ailleurs. Aux méthodes rigoureuses, ce groupe allie sons et images en adéquation à un rock dansant.
Entretien avec le chanteur, Antoine Litt.

valeero-charade-screenclip3
Y a-t-il un message particulier derrière le clip de « Charade » ?

Avec le réalisateur, Thomas Mancuso, on a discuté pendant longtemps du morceau avant de tourner quoi que ce soit. Le but était de laisser le spectateur un peu dans le flou, pour qu’il puisse se faire sa propre projection de la chanson et du personnage. Le clip est une non-intrigue comme dit Thomas, une sorte d’excuse à l’image.

David Lynch a déclaré que ce qui effraie le plus, ce n’est pas la réalité, mais ce qu’on imagine qu’elle cache.

Ça rejoint un peu ce que j’expliquais. Dans nos morceaux, nos paroles et nos images, on préfère ne pas tout dire et laisser la place à l’interprétation du public.

En termes d’images, quels sont vos objectifs ? Et qui sont vos modèles ?

Le but est simplement de produire des images qui collent bien avec notre son et qui le renforce. Il y a beaucoup d’échanges avec Sébastien Plumier, notre graphiste, avec qui on bosse depuis 10 ans. Il est un membre à part entière du groupe. Nos discussions tournent plus autour de thèmes, d’inspirations, de couleurs que de modèles. Je lui envoie des images ou des screenshots non-stop et quand on se voit on met tout en commun pour voir où ça peut nous mener. Pour le visuel de « Charade » par exemple, Seb nous avait fait pas mal de propositions, ça n’a pas été facile de choisir mais le résultat final est top !

Stany Ponitka joue toujours dans vos clips. Pourquoi l’avez-vous choisi ? Y a-t-il un fil conducteur entre chaque histoire de vos clips ?

Quand il a joué dans notre premier clip, on ne savait même pas qu’il serait aussi bon. Comme Sébastien, il comprend tellement bien l’ambiance que l’on cherche à dégager de nos morceaux qu’il ne faut pas lui expliquer longtemps.
Tourner avec d’autres acteurs nous a bien effleuré l’esprit, mais à chaque fois, il revient comme l’évidence. A la base, ce n’était pas notre volonté d’en faire un fil conducteur mais au final, pourquoi pas ! Le liant entre les clips, c’est plutôt une ambiance qui est propre au groupe, une façon de mettre en avant la track sans trop en dire.

valeero-charade-screenclip4
Qu’est-ce que vos nouveaux morceaux ont de différent par rapport aux anciens ?

Un côté dansant, une certaine légèreté. On tient à s’amuser en les enregistrant, et surtout en les jouant sur scène. On touche aussi à d’autres instruments et à des sonorités plus synthétiques. Les compositions sont travaillées en studio le plus tôt possible et pas juste à l’enregistrement, ça permet d’avoir plus de recul.

Comment s’est passé l’enregistrement de votre album ? Avez-vous une anecdote liée à l’enregistrement ?

Pour l’enregistrement de Sweet Abandon, le groupe a passé beaucoup de temps sur les détails, à peaufiner les paroles, les mélodies…
On voulait que tout soit parfait pour le premier EP de Valeero.
Avec Yannick Lemoine à la production, il nous a fallu 3 jours et 2 nuits en continu pour enregistrer les tracks de base en studio et 4 mois pour faire le reste, c’est-à-dire les voix, solos, ambiances… Aujourd’hui, la méthode de travail est un peu différente et nous marchons plus au feeling. Nous sommes toujours en quête de nouvelles sonorités et le fait de sortir les morceaux un par un nous permet d’expérimenter un peu plus loin à chaque fois.

Où avez-vous toujours rêvé de jouer ?

Dour, La caverne, samedi 22h30 par exemple… (rire)

DRAMA
Interview faite le 27/11/18