Film

Qu’en restera-t-il ?

Qu’en restera-t-il ? C’est la question qui suit l’ensemble du documentaire réalisé par Hugo Pillard. Tim Dup essaye d’y répondre. Difficile de traiter de sa musique. Ce jeune Français émeut énormément. Difficile de poser des mots sur des chansons riches d’une poésie rappelant le romantisme d’antan. On y retrouve souvent des thèmes évoquant la futilité des choses, l’importance des souvenirs ou tout ce que la vie a de plus doux et amer.

Tim Dup est chanteur d’une mélancolie heureuse.

En 15 minutes, il voyage, rencontre et découvre. Ses expériences nourrissent l’essence de son second album. Mettre en images ces instants passés, tel est le défi. L’émotion se veut partagée. Celle devant des paysages qui nous dépassent. Celle accompagnée des personnes aimées. Voyager devient synonyme de grandir. Le corps se déplace, évolue, emportant avec lui une culture parfois inconnue à ses yeux.

Et au moment où la beauté des séjours exotiques nous transcendent, nous avouons notre petitesse. L’artiste nous susurre que nous sommes de passage. Des poussières perdues dans l’infini. Une hantise qui définit notre mortalité. Comme si notre destin est de laisser des traces indélébiles derrière nous. Pourtant, qui croit connaître le sens de l’existence ?

Qu’en restera-t-il ? laisse peser ce brouillard. L’art embellit le mystère.

Se dire qu’on ne fait que passer, c’est vivre. C’est vivre chacun et chacune avec ses armes comme on peut. Mais dans un présent. Une réalité sans déraison. Même si on n’est pas grand chose dans ce petit espace-temps qui nous est confié, on est tout. Et alors, on raconte des histoires. On prend des shots avec les gens qu’on aime. On écrit des poésies dans l’espoir qu’elles puissent s’envoler au-delà des stratosphères. -Tim Dup

brunoaleas – Photo ©Hugo Pillard

Dark Waters, ou la culture de la claustrophobie

En termes de cinéma, on pourrait qualifier l’année 2019 d’« année de la claustrophobie ». Ce courant esthétique, né il y a quelques années, ne cesse de se réinventer en proposant bon nombre de prisons différentes. Le seul désir des héros de ces films est de s’en échapper pour retrouver l’air libre. Ces prisons peuvent être physiques (The Lighthouse), sociales (Joker), relationnelles (Marriage Story), ou culturelles (Midsommar). Cependant, elles se ressemblent en plusieurs points: elles sont épouvantables, mais le héros y entre de son plein gré.

Peut-être pourrions-nous en apprendre plus sur ce courant en jetant un œil à un des premiers succès critique de l’année: Dark Waters de Todd Haynes.

Nous sommes en 1997 et l’avocat Robert Bilott est employé dans la défense d’une immense industrie chimique. Mais un éleveur de son village natal va voir toutes ses vaches mourir les unes après les autres. L’avocat réalisera immédiatement que ces mortalités sont dues à un déversement chimique à proximité, commandé par sa propre firme.

Bilott va tenter de prouver la nocivité de ces déchets. Il va s’acharner en dépit de sa propre santé mentale pendant 23 ans, aujourd’hui encore. Il passera toute sa vie à se battre seul contre une firme puissante qui va tout faire pour prouver la non-nocivité des déchets, malgré les preuves accablantes.

Et c’est ici que se trouve le principal point négatif du film. Nous pensions finie l’ère des « vilaines corporations contre le petit peuple », mais cette tradition manichéenne subsiste encore dans certains films, comme Dark Waters. Le scénario en souffre puisque sans croyance morale solide pour l’adversaire, le conflit perd toute nuance, toute ambigüité.

Dark-Waters-film-Todd-Haynes©Le Rayon Vert

Mais outre cela, le principal intérêt du film ne concerne pas l’histoire, somme toute banale, mais la manière dont elle est racontée. Et pourquoi elle est racontée de cette manière.

Difficile en effet de faire plus claustrophobique que Dark Waters. L’histoire, par la manière dont elle est montée, cadrée, et écrite, est un véritable cauchemar. Le film est une terreur sans conclusion, vu qu’actuellement, Billot combat encore pour la même cause.

Lorsqu’on visionne Dark Waters, on vit un véritable enfer. On veut s’échapper pendant toute sa durée. Puis, on en sort, mais l’enfer n’est pas terminé, étant donné que le film n’a pas de conclusion. On se rend compte alors que c’est le monde réel, comme prolongement du film, qui est un enfer. Telle est une interprétation du métrage.

Si on le prend à l’image d’un miroir du monde réel, comme il est perçu, on est en droit de se demander si ce n’est pas aussi le cas pour tous les films claustrophobiques sortis ces derniers temps.

Ce courant esthétique peut être compris comme un reflet de notre réalité. Rempli de personnes cherchant une issue, une fin, une solution aux problèmes de plus en plus complexes qui parcourent notre humanité.

Si des films comme Joker ou Parasite, deux des plus grands succès de 2019, traitent de ces thèmes, Dark Waters l’aborde sous un angle plus direct. Il retraduit à merveille l’ambiance de son époque, ses préoccupations et ses angoisses.

Lou – Illustration bannière ©CHEM Trust

Uncut Gems

Les frères Safdie apparaissent comme de nouveaux cinéastes indépendants des States. Il ne m’a pas fallu longtemps pour être convaincu de regarder leur cinquième film. Fuck yeah. Inspiré du métier de leur père, les deux réalisateurs nous plongent dans le quotidien d’Howard Ratner, un bijoutier totalement borderline. Adam Sandler (le génie gênant) incarnant ce protagoniste, le chaos de New York et du cinéma d’auteur… What a time to be alive !

Connaissez-vous la sensation des palpitations au cœur en ayant cinq litres de café dans le sang ?

Continuer la lecture

1917

L’année ne fait que commencer et on nous balance déjà du lourd ?!

Le sujet de 1917 est simple : le britannique Schofield et son compagnon d’arme doivent traverser les lignes ennemies afin d’avertir un bataillon, appât d’un piège allemand. Après avoir réalisé deux James Bond, Sam Mendes plonge les spectateurs dans un plan-séquence permanent. A savoir, une véritable course obstruée de barbaries humaines filmée comme un et un seul plan. Continuer la lecture

MEILLEURES SERIES 2019

Cette année marque l’arrêt d’une époque. Celle où Game of Thrones faisait rêver les fans de fantasy (jusqu’à sa fin pourrie). Et celle de Breaking Bad, que l’on oubliera très vite…
Au revoir The End of The Fu***ing World et Mr. Robot (deux séries légendaires).
La fin (peut-être aussi) du monopole Netflix avec l’arrivée d’Apple TV+ et Disney+.

Pourtant, après avoir lâché les mouchoirs, de belles promesses se prévoient en masse! Que ce soit la folle Umbrella Academy, à l’univers improbable et magnifique, ou Brassic, tranche de vie typiquement anglaise. Sans oublier Peaky Blinders réservant deux saisons plus proches du documentaire haletant que de simples récits mafieux !

Bref, une de perdue, dix de retrouvées. DRAMA Continuer la lecture

Joker

La haine n’engendre que la haine. Serait-ce réducteur de résumer ainsi le Joker de Todd Phillips (Very Bad Trip, War Dogs) ? Le long métrage réussit à sublimer cet adage.

On peut très vite douter qu’une énième adaptation du Joker délivre un propos intelligent. Joaquin Phoenix, avec ses 23 kilos en moins, ou New York devenu le Gotham des damnés… déjà assez de points pour attirer le public ? 

Aaaaaah ahahaha aaaaahaha. Ce rire saccageur équivaut à « oui ». Vous le comprendrez dès les premières scènes du film: le Joker n’est que malheurs dont on a pitié. Il n’a pas pioché les bonnes cartes. Malgré son surnom d’Heureux, nulle vie en rose de son côté. Sa misère, il la subit comme de nombreux oubliés de la société. Le spectateur assiste alors à la descente en enfer d’un personnage brûlant déjà depuis belle lurette.

TELEMMGLPICT000207042613_trans++pVlberWd9EgFPZtcLiMQfyf2A9a6I9YchsjMeADBa08

©The Telegraph

Douloureux est le visionnage, jouissive est l’évolution de notre anti-héros. Avant de devenir le rival de Batman, Arthur Fleck essaye de s’en sortir. Ses lésions crâniennes provoquent un rire imprévisible et éprouvant à regarder. Ses agressions s’enchaînent et son entourage s’en moque ouvertement. La folie du clown se sent presque à chacun de ses échecs. Si le ridicule ne tue pas, notre martyr prouve petit à petit le contraire.

L’interprétation de Joaquin Phoenix devient un modèle pour chaque personne embrassant le délire comme voie échappatoire. Quant à l’œuvre dans sa globalité, elle démontre qu’il suffit d’un auteur et d’un acteur de qualité pour proposer un art atypique des standards hollywoodiens.

Les studios nous ont suivis et nous ont laissés faire exactement ce que nous voulions. Joker est un personnage complexe dont les origines n’avaient jamais été contées. C’était assez libérateur car il n’y avait pas de frontières et de règles. -Todd Phillips (Le Soir)

Manifeste politique ou non, Joker remet en question la virulence de nos déclarations et actes. Quand la bestialité l’emporte sur l’homme, il faut tout redéfinir, de notre environnement à notre condition humaine.

brunoaleas

Les Etoiles Vagabondes

Ça vous est déjà arrivé d’aimer un documentaire plus que le sujet qu’il présente à l’écran ?

Lorsque Nekfeu balance sa bande-annonce pour le film qui présente son nouvel album… L’excitation est à son maximum! J’ai trituré Cyborg (2016) à l’époque. Quant à Feu (2015), il représente l’album qui m’a donné goût au rap.

Désormais, il n’est pas seulement question d’un album ! Les Etoiles Vagabondes, réalisé par Nekfeu et Syrine Boulanouar, est arrivé à une période obscure de ma vie. Ce genre de moment où l’on voudrait arrêter le temps, où l’on souhaiterait disparaître dans l’abîme… Et pourtant, je voulais voir ce que le Fennek nous avait réservé depuis sa très longue pause ! 

Continuer la lecture

TOP 5 PERSOS TARANTINO

Hauts en couleur, les personnages de Quentin Tarantino ne cessent de surprendre.

Le dialogue a toujours eu son importance dans les longs métrages de Quentin Tarantino. Ce qui les sublime par-dessus tout, ce sont ses personnages. Incarnés par des acteurs et des actrices d’exception (Brad Pitt, Leonardo DiCaprio, Uma Thurman, etc.), ils font honneur à l’imagination et aux scènes cultes du cinéaste. Avant la sortie de Once Upon a Time… in Hollywood au cinéma, un petit classement des meilleurs personnages de Quentin Tarantino s’impose.

1. Calvin J. Candie (Django Unchained)

Messieurs, vous aviez ma curiosité, maintenant vous avez mon attention.

Il pourrait être votre meilleur ami comme votre pire ennemi. Cette dualité résume la complexité comportementale de Calvin J. Candie. Qui de mieux que Leonardo DiCaprio pour refléter cette crapule sans nom? On ne compte plus les films où l’acteur brille à travers ses prestations (The Departed, Shutter Island, The Revenant). Pourtant, Django Unchained marque un renouveau dans son jeu. Le raciste, imprévisible dans ses actes et aux diverses nuances, colle parfaitement à la peau d’un Leonardo DiCaprio. Tout comme Hans Landa (Christoph Waltz, Inglourious Basterds), Calvin J. Candie fascine, tant sa rhétorique effraye et séduit.


2. King Shultz (Django Unchained)

Je n’avais jamais rendu sa liberté à quelqu’un. Je me sens responsable de toi.

Père spirituel de Django, le docteur King Shultz symbolise une rare générosité au sein du septième film de Quentin Tarantino. Plongés dans un western sans foi ni loi, King Shultz et Django forment un duo passionnant à suivre. Ils enchaînent dialogues et stratégies utiles pour s’échapper d’un monde brutal. La sagesse du docteur fait de Christoph Waltz un être intelligent et attachant. L’allemand n’a jamais été aussi doux à entendre!


3. Jules Winfield (Pulp Fiction)

Et tu connaîtras pourquoi mon nom est l’éternel quand, sur toi, s’abattra la vengeance du Tout-Puissant!

Jules Winfield constitue la part la plus symbolique de Pulp Fiction. Son costume, sa réplique tirée de la Bible et son duo avec Vincent Vega (John Travolta) sont mémorables! Samuel L. Jackson campe un premier rôle quoi va relancer sa carrière. Son personnage désire s’éloigner de son travail de tueur à gages. Il souhaite s’exiler et changer de code moral. Il vise à rompre sa routine trop pesante… De quoi intriguer le spectateur et le pousser à mieux saisir sa personnalité!

 

4. Hans Landa (Inglourious Basterds)

J’adore les rumeurs. Les faits sont parfois trompeurs alors que les rumeurs, vraies ou fausses, sont souvent révélatrices.

Et si le Mal incarné se cachait derrière un sourire? Il serait nazi et se nommerait Hans Landa. La scène d’ouverture d’Inglorious Basterds donne le ton. Le colonel SS débarque chez une famille française dans le but de débusquer des Juifs… Et de les exterminer. La tension est à son comble. Le sadisme du colonel s’illustre en tout point. Antagoniste par excellence, Christoph Waltz interprète le personnage le plus terrifiant de la filmographie de Quentin Tarantino.


5. Marquis Warren (The Hateful Eight)

Tu crois en Jésus maintenant, hein salope? Bien bien. Parce que tu vas le rencontrer.

S’il y a quelqu’un à ne surtout pas embêter, c’est bien le Major Marquis Warren. A la fois juge et témoin, il scrute chaque détail de ce qui l’entoure. La neige ne suffira pas à laver les mains ensanglantées des salopards… Marquis Warren en est tout à fait conscient. Malgré un talentueux casting, il représente le plus charismatique des protagonistes perdus à Red Rock. Une réussite pour cette sixième collaboration entre Samuel L. Jackson et Quentin Tarantino.

Et les femmes?

L’exercice du classement est toujours une tâche difficile. Difficile d’affirmer qu’aucune femme forte n’apparaît dans les œuvres de Quentin Tarantino.

Comment ne pas penser à Béatrix Kiddo (Uma Thurman)?! Elle qui manie le sabre et qui a soif de vengeance. Son dialogue avec Bill (Kill Bill 2) et sa détermination à vaincre ses ennemis ne seront jamais oubliés du public.

Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh), elle, s’apparente aux remarquables brutes de The Hateful Eight. De féminine, elle n’a que le physique. Le côté le plus impressionnant de cette prisonnière se résume à sa pure sauvagerie.

Quant à Zoë (Zoë Bell), elle porte les couleurs de sa courageuse bande d’amies (Death Proof). Doublure et cascadeuse de choc, l’actrice n’a pas froid aux yeux. Durant le sixième film du réalisateur, elle n’hésite pas à jouer une scène à risque, couchée sur une voiture à toute vitesse.

brunoaleasArticle paru aussi à La Libre Belgique.

Alita: Battle Angel

J’ai beaucoup de sentiment à propos de Alita: Battle Angel.

Gunnm, manga dont ce film est tiré, est le tout premier Seinen (manga pour adulte) que j’ai lu. Il représente toute une transition pour moi. Les vieilles pages jaunies du manga trouvées dans un coin d’une bibliothèque m’ouvraient sur un monde froid et cruel. Sale et sans pitié. Et pourtant, tellement inspirant ! L’héroïne survit et évolue avec fougue dans cet espace dénué de morale. Puisque le futur n’est plus que sombre et miséreux, seul le plaisir immédiat à une valeur et seule la force a de l’autorité. Malgré cela, elle se bat… Elle se bat pour protéger ce qu’elle aime, pour protéger ce en quoi elle croit… Mais aussi pour donner un sens à sa vie, à sa survie. Continuer la lecture