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TOP FILMS 2020

Quelle année.

Pour ce qui est du cinéma, 2019 a marqué les esprits avec pléthore de films plus passionnants les uns que les autres. JokerParasite, Little Women
2020 a donc un rôle étrange à jouer. Comment succéder à une telle année en plein milieu d’une pandémie mondiale, qui arrête toute l’industrie ?
En termes de cinéma, dire que 2020 a été une année riche serait mentir. Mais une erreur odieuse serait de dire que rien d’intéressant n’a vu le jour.

Car quelques pépites brillent sous la couche de crasse de cette année difficile.
Citons les plus belles d’entre elles.

En avant n’est pas le meilleur des Pixar. Mais il n’en est pas moins extraordinaire.
Touchant, visuellement somptueux, et doté d’un scénario qui fonctionne à merveille, il n’y a pas à douter. La dernière œuvre de la compagnie à la lampe mérite la première place parmi les films de 2020.

Le choix a été cornélien, puisque c’est The Platform qui arrive en seconde position. Ce film d’horreur espagnol ayant eu un franc succès sur Netflix a parfaitement su capter l’essence de son genre. Imaginez un monde dans lequel votre quantité de nourriture est aléatoire. Qui n’aurait pas peur de se retrouver, un jour, enfermé à mourir de faim, et pratiquer le cannibalisme pour ne pas y rester ? The Platform est à mourir d’angoisse, palpitant à souhait. Il ne mérite cependant pas la première place à cause de sa conclusion, trop vaporeuse et vide de sens. Elle nous laisse un peu… sur notre faim.

Plus horrifique mais moins angoissant : Invisible Man. Scénariste du premier Saw, Leigh Whanell est aux commandes de cet hybride horreur/science-fiction.
Invisble Man reprend bien sûr son concept de base au célèbre roman de HG Wells. Mais Whanell modernise ce mythe connu. Cette soupe étrange de science-fiction et d’horreur psychologique produit une œuvre riche, et intéressante.

Dernier film d’horreur de la liste, Vivarium arrive en quatrième. Surréaliste et étrange, l’œuvre raconte l’histoire d’un couple enfermé dans un monde qui se répète sur lui-même.
Si on admet que la répétition sans but est le propre de la folie, alors Vivarium offre un monde fou et déstabilisant. Le spectateur sera franchement perturbé par l’univers du film, qui est sa grande force.

Enfin, en dernier se trouve Le cas Richard Jewell, du grand Clint Eastwood. A l’âge de 90 ans, le réalisateur de Gran Torino (2008) n’a pas fini de nous surprendre.
Il partage une effroyable vision de la société américaine. Un homme, faussement accusé de terrorisme, se voit complètement détruit par les médias, qui n’ont pas fini de le persécuter. Le film suivra le point de vue effroyable de cet inadapté social. Quelle angoisse.

Difficile de résumer 2020 autrement que « l’année de l’angoisse ». Partout, les films jettent un regard désespéré sur le monde.
Et si le confinement n’a rien amélioré à cette « culture de la claustrophobie », il s’agit bien là d’un courant esthétique puissant qui émerge. Durera-t-il ? Quelle sera sa puissance ? Quels seront les chefs d’œuvres qui le marqueront ?

Nous verrons cela en 2021. –Lou

TOP 5

  1. En avant – Dan Scanlon

  2. The Platform – Galder Gaztelu-Urrutia

  3. Invisible Man – Leigh Whanell

  4. Vivarium – Lorcan Finnegan

  5. Le cas Richard Jewell – Clint Eastwood

Dans une année 2020, où les grosses sorties ont été reportées, ce sont les films originaux qui triomphent. Des œuvres qui assument leur radicalité de forme et/ou de fond et qui font confiance à l’intelligence du public… un comble pour une année de confinements.

Et s’il y a bien un réalisateur qui construit une œuvre en dehors de tout standard, c’est bien Terrence Malick (Badlands, La Ligne Rouge, Tree of Life). Toujours en quête de moments de grâce, il filme dans Une vie cachée le parcours d’un agriculteur autrichien qui sacrifie sa vie, en renonçant au service dans l’armée d’Hitler. Le cinéaste nous offre un film fleuve d’une poésie, d’une spiritualité, d’une conviction et d’une beauté formelle absolument incroyable. –AS

TOP 5

  1. Une vie cachée – Terrence Malick

  2. Madre – Rodrigo Sorogoyen

  3. Tenet – Christopher Nolan

  4. Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait – Emmanuel Mouret

  5. Drunk – Thomas Vinterberg

J’ai triché. J’avoue ne pas respecter l’exercice. L’œuvre filmique la plus bouleversante de l’année est un court, et non un long métrage. Tim Dup s’allie à Hugo Pillard. Le résultat ? 16 minutes de questionnements universels. Le genre de métaphysique qui torture soit à l’adolescence, soit à l’âge adulte. A quoi bon faire ce que l’on fait ? Tim Dup tente d’y répondre, tout en exposant les coulisses de son second album. Qu’en restera-t-il ? évoque tout simplement la beauté de la vie.

Par contre, s’il fallait absolument retenir un et un seul long métrage, il se nomme Felicità. (allez le voir, c’est tout)

Drunk est également un coup de cœur inoubliable. L’être humain ne peut se défaire de certains vices. Les drogues n’ont rien de miraculeux. Thomas Vinterberg le démontre d’ailleurs à l’écran. Danser. Boire. Mourir. Renaître. Ce film est à voir et revoir.

L’humour efficace n’était pas non plus absent. Borat 2 illustre une Amérique malade. Malgré la réussite du nouveau projet de Sacha Baron Cohen, c’est l’imagination Taika Waititi qui occupe ce classement. Ce dernier réalise un drame et une comédie mémorable, Jojo Rabbit. Se moquer d’Hitler n’est peut-être plus si subversif qu’avant. Néanmoins, il est toujours possible de sensibiliser à des thèmes tragiques via l’ironie.

Quant à Uncut Gems et 1917, je n’aimerais pas vraiment les voir à nouveau. Sauf que leurs propositions cinématographiques sont vraiment pertinentes. L’un synonyme d’une course malsaine, dont le climax final traumatise. L’autre, signe des performances techniques qui font vivre la guerre aux spectateurs.

Nulle science-fiction pour ce top. C’est bien atypique de ma part !
Une seule évidence apparaît claire et nette : cette année, des artistes sacralisent des tranches de vie grâce à un œil critique et créatif. –brunoaleas

TOP 5

  1. Qu’en restera-t-il ? – Hugo Pillard

  2. Felicità – Bruno Merle

  3. Drunk – Thomas Vinterberg

  4. Jojo Rabbit – Taika Waititi

  5. Uncut Gems – Joshua et Ben Safdie

TOP/FLOP 2019 – TOP/FLOP FILMS 2018  TOP FILMS 2017

MEILLEURES SERIES 2020

2020, c’est la bancale, mais charmante, histoire de The Eddy. Un retour assez décevant de La Casa de Papel. Ou une saison 2 moyennement appréciée de Brassic. Quant à The Umbrella Academy, elle revient avec des protagonistes toujours plus développés et charismatiques !

C’est également les adieux exprimés à moult séries. Mon abandon de la dixième saison de Walking Dead, au scénario pathétique à souhait. Un au revoir rattrapé par rapport au chef d’œuvre nommé Mr. Robot (2015-2019). L’arrivée et départ de Unorthodox. L’annulation de I Am Not Okay With This

Puis, un ultime rendez-vous avec la dernière saison de Dark. Ce délire allemand complète trois volets maîtrisés de bout en bout. Sans compter qu’il illustre la science-fiction dans ce qu’elle a de plus fascinant à offrir.

Cette année clôt bel et bien un chapitre du petit écran. De formidables idées visuelles quittent nos yeux de spectateurs. DRAMA

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Romy : le cinéma belge du futur ?

La Belgique a aussi son cinéma.

États-Unis, France, Japon, Corée… Partout, les salles sont remplies de films étrangers. Ce n’est pas une mauvaise chose. Les idées du monde circulent, les pépites d’ailleurs se partagent, et l’échange s’enrichit.

Mais une fois n’est pas coutume, penchons-nous sur le cinéma belge. Voyons quelles œuvres du septième art se trouvent sur les seuils de nos portes. Récemment, une partie de notre rédaction à eu l’occasion de se rendre au festival des Enfants terribles, à Huy. Là, une sélection de courts-métrages, en partie belges, étaient présentés.

L’un d’eux, Romy, a attiré notre attention. Car ce film de 19 minutes, réalisé par Marie Mc Court et Ilya Jacob, sonne comme une véritable catastrophe.

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Quatre jeunes filles rentrent dans un hôtel un soir d’hiver et négocient une chambre. Après cette petite victoire, le groupe fait rentrer en douce d’autres personnes. Une fête commence et se décline vite en une grande orgie qui durera toute la nuit.

Tout d’abord, ce serait mentir de désavouer la beauté de l’image. Comme souvent dans ce genre de projet, la réalisation et la photographie sont très abouties.

Romy est techniquement très réussi. Mais son scénario est effroyable. C’est simple, il ne se passe pratiquement rien pendant toute la durée du film.

Au diable la structure narrative, acquise presque universellement depuis l’Antiquité ! Ce récit-là ne va nulle part. La situation du début est la même que celle de la fin. Aucun rebondissement. Ni surprise, ni risque. Nulle décision importante. L’intrigue est si plate que le visionnage de Romy n’est finalement qu’une longue attente vers la fin. On s’y ennuie comme dans un ascenseur, à regarder distraitement les alentours, sans que rien ne semble avoir l’intention de susciter quelques émotions.

Les personnages sont relativement nombreux. Mais leur nombre aurait pu être de trois, de vingt, ou de mille, la donne aurait été strictement la même. Aucun d’eux, ou presque, n’a de personnalité propre. Ils sont des coquilles vides voyageant dans l’histoire sans aucune transformation. Ne prenant aucune décision importante, ils se laissent simplement porter par le flot lent du récit comme une barque vide sur une mer calme. Ennuyeux à mourir.

Alors, on est en droit de se questionner. Comment raconter une bonne histoire ? Des centaines de pages sont écrites chaque année sur la théorie scénaristique. Des règles innées existent depuis la nuit des temps, écrites dans le seul but de prodiguer un certain dynamisme aux récits. Mais Romy se croit au-dessus de tout cela.

On dit qu’accompli est l’artiste qui brise les règles. Mais encore faut-il en construire des nouvelles, garder une certaine structure, un certain but, un objectif. Romy ne fait, a priori, rien de tout cela.

Quelle est l’intention du court métrage ? Quel est le but de son existence ? Puisque la seule chose qu’il montre, finalement, est une orgie à moitié assumée au sein d’un groupe de jeunes, on peut imaginer que son intention est de parler de sexualité. Il s’agit là d’un thème riche qui peut donner source à de bonnes histoires.

Mais il ne suffit pas de filmer un paquet de macaronis sur fond blanc pendant vingt minutes pour parler de macaronis. Il faut voir plus loin que ça. Où est le point de vue moral ? Le sexe est-il une bonne chose ? Ou pas ? Ou dans certaines conditions ? Mais Romy ne répond à aucune de ces questions. Le film se contente de voguer sans but vers l’inconnu. Il illustre sans rien orienter.

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On pourrait rétorquer que le simple fait de montrer des relations sexuelles de manière aussi libérée est en soi une morale. Le sexe est si libre qu’il n’y a même plus besoin d’un récit pour l’enchaîner. Et cette réflexion prend sens. Nous irons même plus loin. Il existe un genre cinématographique entièrement dédié à ce genre de récits : la pornographie.

La pornographie n’est pas une mauvaise chose en soi. Son intention est même louable puisqu’elle a comme but de satisfaire un besoin primaire. Là où les autres catégories de films se contentent de chercher dans les besoins plus abstraits. De plus, elle a comme avantage l’absence consentie de véritable structure narrative, puisque son but peut être atteint avec une unique action narrative précise.

Mais quelle émotion notre film veut-il stimuler ? L’excitation ? Non. Sinon le film aurait été entièrement pornographique, ou au moins centré davantage sur la volonté d’exciter, ce qui ne semble pas être le cas. Or, Romy ne semble vouloir initier aucune autre forme d’émotion. Et un film de fiction qui ne suscite aucune émotion, ça ne sert à rien. Autant regarder un mur.

Mais peut-être que l’intention de ce film dépasse l’esprit de notre rédaction. Peut-être n’est-elle perceptible que par l’élite de l’élite des cinéphiles, ou par une tranche particulière de la population. Pardonnez cette critique si ses lignes sont écrites sous l’impulsion de la colère. Cette ire découle peut-être de la frustration de ne pas comprendre le sens du récit.

Romy a été réalisé par deux étudiantes d’une célèbre école de cinéma belge. Celles-ci sortent à priori de quatre ans au moins de formation liée à la réalisation cinématographique. Il a été accepté dans de nombreux festivals à travers toute l’Europe et ses auteurs continuent de produire des films récompensés. On pourrait donc comprendre Romy comme un contenu belge typiquement apprécié par les sphères cinéphiles du pays. D’autres seraient tentés de l’imiter, et nous aurions ici un aperçu de ce à quoi ressemble le court-métrage belge de 2020.

Une question se pose donc. Intentions ou pas, voulons-nous des films comme Romy pour représenter le cinéma belge dans les prochaines années ?

Lou – Illustrations ©Romy

Un pays qui se tient sage

Un pays qui se tient sage est un documentaire d’une heure trente. Il revient sur les violences entre policiers et manifestants en France, entre novembre 2018 et février 2020, et il vaut assurément le détour.

D’abord, même si nous avons vu certains de ces extraits lors de JT ou sur les réseaux sociaux, vivre ces images réelles de violences, d’explosions, de cris, de pleurs, de façon compilée et dans les conditions visuelles et sonores d’une salle de cinéma est une expérience puissante.

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Drunk

Et si on parlait de réalisme ?
Non pas de la froideur des frères Dardenne, ou de l’intouchable Ken Loach.

Via Drunk, Thomas Vinterberg signe une œuvre réaliste où des astuces cinématographiques ne sont pas à l’écart pour privilégier le silence ou la nature. Quatre amis, profs d’un même lycée, mettent en pratique la théorie d’un psychologue norvégien. L’homme aurait dès la naissance un déficit d’alcool dans le sang. Soudain, leur quotidien change du tout au tout lorsqu’ils enchaînent les verres. Ils se désinhibent jusqu’à charmer leur entourage et… tomber dans les déboires d’une surconsommation d’alcools. Continuer la lecture

Tenet… que devient Christopher Nolan ?

Pour résumer, « Le dernier Christopher Nolan » n’est pas un navet en soi, mais le réalisateur nous a habitué à beaucoup mieux. Espérons que ses prochaines œuvres seront davantage à la hauteur de son génie.

Les voitures qui explosent sont trop nombreuses et les moments de calme rarissimes. Le film ne respire jamais. On a l’impression de vivre une perpétuelle descente de montagnes russes qui efface toute contemplation. La beauté d’un sujet puissant en devient presque secondaire.

Tenet aurait pu être une grande histoire. Son sujet est riche, original, et se prête à un océan de possibilités. Mais la manière dont il est exploité ne lui rend pas honneur. Souvent, on a l’impression que le film se prête à de l’action gratuite sans rien apporter au scénario.

Certes l’inversement du temps n’est pas un thème léger. Il est nécessaire de construire toute une cathédrale scénaristique pour le faire tenir debout. Mais cette cathédrale-ci est de loin la moins esthétique du réalisateur.

Si l’intrigue est difficile à résumer, c’est parce qu’elle est peu compréhensible. Même si Nolan nous a habitué à de grandes histoires denses, celle-ci reste d’une éprouvante opacité. Il est complexe de comprendre les liens entre les différents évènements, à suivre l’histoire sans effort. En résulte un casse-tête peu cohérent.

Pour contrer la menace que représente ces objets surréels, le héros parcoure le temps à l’envers, combattant les évènements du passé.

De quoi n’y rien comprendre pour l’agent. Il découvre vite que cette technologie est dans les mains d’un parrain russe, Sator. Véritable caricature digne de la guerre froide qui semble être la source de différentes catastrophes.

Un agent secret anonyme est, un jour, confronté à un étrange phénomène. On découvre de plus en plus d’objets ayant la capacité de parcourir le temps… à l’envers. Des balles qui retournent à leurs fusils, ou des objets jetés qui reviennent à la main.

Mais maintenant que l’attente est redescendue, il est temps de se poser la question ; que vaut vraiment le dernier Christopher Nolan ?

Or, la crise sanitaire a mis à mal l’industrie cinématographique. La production avait alors besoin d’un sauveur, d’un messie financier pour remplir les salles. Quoi de mieux qu’un nouveau Inception pour nous sortir de cette misère ? Ainsi, depuis des semaines, la critique se rongeait les ongles, attendant la sortie du fameux Tenet.

Memento, Le prestige, Inception, The Dark Knight, Interstellar, Dunkerque… Il va sans dire que Christopher Nolan figure comme l’un des grands noms du cinéma actuel. Et chaque nouveau film du réalisateur fait frissonner d’attente.

Lou

Les Parfums

Dans le paysage cinématographique actuel, lorsqu’on parle de « comédie française », un frisson parcourt la critique.

Sans analyse détaillée, il est évident que depuis quelques années, une certaine ambiance parcourt le comique de l’hexagone. Même si des réalisateurs comme Quentin Dupieux (Rubber, Le Daim, Réalité) ont su la contester, une mode subsiste.

Le ressort comique actuel, c’est la moquerie sociale. Méchante et gratuite, elle s’attaque aux minorités ethniques et religieuses (Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?), aux Roms (A bras ouverts), et cetera. Mais jamais ou presque, le Français blanc privilégié n’est moqué.

Comme si l’attaque raciste, bête et facile était devenue l’ingrédient secret sublimant n’importe quel travail du genre subtil qu’est la comédie.

Mais malgré cette vague, certaines œuvres subsistent, et prouvent que oui, on peut faire de la comédie sans moquer l’identité de nos pairs. Les Parfums de Grégory Magne fait partie de ces œuvres-là. 

Le moral de Guillaume est au plus bas. Chauffeur, il a manqué de perdre son travail à la suite d’un excès de vitesse. Habitant un minuscule appartement, la juge daigne lui donner la garde de sa fille, avec qui les liens disparaissent peu à peu.

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C’est au bout du rouleau que Guillaume est envoyé en mission. Il devient le chauffeur privé d’une certaine Anne Walberg, diva hautaine au métier hors du commun.

En effet, Anne est « nez ». Son travail consiste à concevoir des parfums. Mais sa carrière stagne. Elle utilise son art au service de travaux peu prestigieux : ambiances de supermarchés,  masques d’odeurs d’usine…

Au départ opposés, les deux protagonistes vont finir par nouer une relation. Ils vont apprendre énormément l’un de l’autre, jusqu’à s’affranchir de leurs problèmes respectifs.

L’œuvre est légère, innocente, sans prétention. Ce n’est pas une grande histoire, ni une comédie débordant de gags à se plier de rire. Aucune situation n’est artificiellement créée dans un but comique. Les blagues arrivent quand elles sont les bienvenues, lorsque le récit les attend.

Le métrage est paisible, d’une tendresse simple. Aucun personnage n’est moqué ou jugé par le film. Il garde de fait un respect profond pour chacun d’entre eux.

On pourrait dès lors lui attribuer une absence de conflit clair. D’action, peut-être. Et il est vrai que le scénario est un peu bancal et ne semble aller nulle part. Cependant, l’intrigue retombe sur ses pattes dans les dernières minutes, vers une fin mémorable.

Si on souhaite rire aux éclats, oublions Les Parfums. Mais si on veut se laisser bercer par une comédie simple et innocente, on y trouvera son bonheur.

Lou

Paprika, l’animation des rêves

L’animation n’est pas un genre.

Le policier, la science-fiction, le fantastique en sont. Ils traitent de thèmes précis. Mais chaque film animé varie selon ses sujets, ses propos, son histoire. Comparez un Miyazaki (Princesse Mononoké) et un Wes Anderson (L’île aux chiens), et vous constaterez leur différence. Ils viennent tous deux de planètes artistiques lointaines et étrangères.

L’image animée, c’est une technique, un outil. Ainsi, elle permet de façonner des œuvres aux formes diverses. Mais alors que le couteau tranche et que le marteau enfonce le clou, une question se pose : que fait l’animation ?

Le dessin animé consiste en une image créée de toutes pièces. Par conséquent, il se déconnecte de la réalité pour entrer dans l’évasion. Ainsi, on explore, ou erre dans des lieux nouveaux. Et c’est pour cela que l’animation, plus que les autres techniques, se voit capable de jouer une note particulière, si importante au cinéma : le rêve.

Si de nombreux réalisateurs explorent les univers oniriques avec le dessin, il existe un maître dans le domaine, un grand explorateur de la conscience : Satoshi Kon.

La carrière de l’artiste japonais fut courte. Décédé en 2010 à l’âge de 46 ans, le pionnier n’a laissé derrière lui que quatre longs-métrages. Mais chacune des ses œuvres, si denses qu’on pourrait en discourir pendant des heures, est unique en son genre.

Si Perfect Blue, Millenium Actress et Tokyo Godfathers sont des chef-d’œuvres, le film dont nous allons parler figure en tête de liste. Il s’agit de Paprika, dernière œuvre du maître datant de 2006.

Dans un monde contemporain, un génial inventeur du nom de Tokita a créé une machine révolutionnaire, qui permet de voyager dans les rêves des gens. Mais très vite, cette technologie, appelée le « DC mini », est volée. Le terroriste se met alors à voyager dans les rêves de tout le monde, semant terreur et dégâts sur son chemin.

Les mondes réels et oniriques sont bien séparés au début de Paprika. Ce constat ne dure pas très longtemps. Plus les héros avancent, plus le doute s’installe. Réalité ? Rêve ? Rien n’est moins sûr. Cette incertitude rappellera sans doute Inception de Christopher Nolan, sorti pourtant 4 ans plus tard.

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Comme pour ce dernier, on pourrait reprocher à
Paprika une certaine confusion. L’histoire n’est pas facile à appréhender. D’autant plus que le film est d’une densité certaine. Chaque plan a un sens, une raison d’être. Chaque ligne de dialogue est importante et chaque mot est analysable. L’œuvre est un casse-tête scénaristique, tant tout élément est en relation avec les autres. En bref, si on veut tout comprendre, il faut s’accrocher, ce qui est fatigant.

Mais tout saisir de Paprika, est-ce la bonne voie à suivre ? Difficile à savoir. L’œuvre parle de confusion, de vertige, de songe.

Il n’est pas nécessaire de tout comprendre à un rêve. On se contente de le vivre. C’est pareil avec le film. Sa véritable beauté n’est visible que si on se laisse bercer, en laissant la magie opérer.

Paprika avance en explorant le monde onirique des gens traumatisés, malades. On ne peut imaginer le talent créatif nécessaire pour illustrer de telles scènes, mais Kon y parvient avec brio. Il écrit et dessine les sensations abstraites et surréalistes. Il entre dans la tête de ses personnages comme avec un DC mini, et les anime à l’écran de manière époustouflante.

Son film est une expérience. Tout y est mis en place pour faire « voyager » le spectateur de manière spirituelle. Et sa principale qualité est le talent avec lequel les rêves sont illustrés.

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Lorsque le terroriste utilise le rêve d’un patient mégalomane pour déstabiliser les héros, c’est une immense parade surréaliste et puissante qui est affichée à l’écran. Ce cortège monstrueux écrase tout sur son passage.

Dans le pur esprit du film, la BO exceptionnelle qui décore Paprika est signée Susumu Hirasawa. La musique est puissante, rapide, étrange… onirique. Aucun artiste n’aurait mieux convenu. Chaque morceau est une perle de créativité, illustrant parfaitement l’essence du récit. L’équivalent d’un décors parfait pour des scènes déjà sublimées de talent graphique.

Paprika de Satoshi Kon est un pur chef-d’œuvre d’animation. Un bijou rare ayant saisi somptueusement les subtilités et codes de la technique animée. Chaque plan est un tableau voyageant au plus profond de la psyché des personnages.

Et si l’animation, outil complexe, est celle qui permet au mieux de jouer la musique du rêve, alors le cinéaste est un virtuose. Il illustre, tel le plus grand des compositeurs, la fine mélodie des songes.

Regarder Paprika, c’est se laisser embarquer dans un voyage à travers les mondes étranges, magnifiques et terrifiants de l’imagination humaine.

Lou

Vivarium, ou l’angoisse surréaliste

Depuis l’aube du septième art, la « science de la peur » a toujours été un passionnant sujet d’étude.

Les films sont des instruments jouant avec les émotions. A l’écran, ils les combinent, les associent, pour créer des sensations complexes. Parmi ces « accords », la peur et l’angoisse restent parmi les plus difficiles à maîtriser. Troll 2, The happening… On ne compte plus les navets du genre. Car si l’échec d’une comédie ou d’un drame est aisé, celui d’un horreur est presque enfantin.

Le film traité ici ne fait pas partie de ces ratés.

Réalisé par l’irlandais Lorcan Finnegan, Vivarium est un film d’horreur sorti le mois dernier. Il raconte l’histoire d’un jeune couple, Tom et Gemma, cherchant une maison pour s’installer. Bravant la crise immobilière, ils vont finir par accepter la visite d’un agent, Martin, d’une étrangeté certaine. Sans s’en rendre compte, le couple va se retrouver enfermé dans une maison conforme en tout point à leurs attentes. Un piège surréaliste, où tout est parfait. Insupportablement parfait. Et ce pour le restant de leurs jours.

Quoi de mieux pour colorer nos rétines dans cette période de confinement interminable ? C’est une belle coïncidence, mais cette fois-ci, l’intérêt de ce film ne sera ni sociétal ni historique. La raison pour laquelle Vivarium est une réussite, c’est la manière dont il joue avec « les cordes » de la peur. De façon maîtrisée et orchestrale.

L’erreur est ce qui fait l’humain. Le défaut est organique. Mais la matière sans éraflure est divine, mécanique, épouvantable.

Dans l’univers du Vivarium, les nuages ressemblent à des nuages, les maisons à des maisons, l’herbe… A de l’herbe. Mais ils n’évoquent rien d’autre. Ce monde dégoûtant est sans saveur aucune.

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La perfection est source de peur, puisqu’elle est tout sauf naturelle. L’œuvre présente ce qui est trop parfait pour être confortable. Dès lors, une angoisse profonde s’installe. Les personnages vont tout tenter pour briser cette linéarité : creuser des trous, allumer des incendies… Et surtout, se réfugier dans les seuls endroits encore familiers : leur voiture, et leur propre personnalité.

Tout, dans le métrage, est en accord avec cette étrangeté surréaliste. L’enfant qui nous est présenté symbolise un véritable cauchemar. Ni monstrueux, ni dangereux, tout chez lui sort légèrement du naturel. Son interprétation est dans un surjeu léger, mais constant. Suffisant pour que le personnage « sorte » du film, mais trop discret pour rendre ses apparitions ridicules. Il se trouve en plein dans l’« Uncanny Valley » , cette zone d’inconfort entre ce qui nous est familier et ce qui nous est étranger. Le personnage est au beau milieu d’un équilibre anxiogène. L’effet prodigué est un lourd sentiment d’étrangeté. On sait que quelque chose cloche, mais mettre le doigt dessus est impossible.

Enfin, l’anxiété utilise un dernier axe, et pas des moindres, la répétition.

On dit que la folie naît de l’action perpétuelle, de l’acte répété encore et encore, sans but, sans finalité. Dans Vivarium, chaque maison est identique, les nuages réitèrent le même schéma, et il est impossible de s’échapper sans tourner en rond.

Le plan dans lequel Tom escalade le toit est des plus effrayants, car devant lui s’affiche la folie pure : des milliers de toits identiques, à perte de vue, jusqu’à l’horizon. Sans gâcher la fin du film, on notera sa structure cyclique. Tout se répète encore et encore, à l’infini. Il n’y a pas de début, pas de fin, pas de milieu. Les repères ne sont que relatifs. Le film, jusque dans son principe de base, se focalise sur l’essence de l’angoisse : la répétition.

Vivarium joue avec brio sur les cordes infernales de l’anxiété. C’est un film excellent dans son horreur et dans sa créativité surréaliste.

Dire que c’est un chef-d’œuvre en soi serait une exagération. Les briques qui le composent sont loin d’être coulées dans le génie. Mais l’œuvre a un intérêt certain dans son exploitation de la peur. Ce n’est pas la plus terrifiante, mais c’est peut-être l’une des plus créatives et intéressantes de ces dernières années.

Lou

Pinocchio

Quel dommage de ne pas avoir vu Pinocchio au cinéma ! Je m’imaginais déjà aux Grignoux. Après avoir bu ma bière au café hipster. Avant de m’embarquer dans un monde fantaisiste.

Le livre de Carlo Collodi (1881) voit encore une adaptation sur grand écran ! Ma curiosité est plus forte que moi. Si elle n’est pas diffusée en salle, je ne me prive pas de la voir dans mon salon. Je suis de nouveau face à un Geppetto construisant une marionnette. Un pantin qui prend vie. Il se nomme Pinocchio et désire devenir un véritable petit garçon.

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En avant

Depuis 1995 avec le cultissime Toy Story, Pixar trône comme l’un des géants de l’animation occidentale. Filiale de Disney, la compagnie à la lampe a su se démarquer grâce à son style inimitable. On ne compte plus les films cultes signés du nom de la société. Les Toy Story bien sûr, mais aussi nombre d’autres pépites comme Là-haut, Wall-e, Vice-Versa, et bien d’autres.

Comme chaque année, nous attendions avec impatience la sortie du nouveau Pixar. Mais celui-ci serait loin d’émerger dans un contexte facile. La crise sanitaire ayant tué tout espoir de marketing dans l’œuf, En avant souffrirait aussi de son héritage. Les trois précédents films de la société (Coco, Les Indestructibles 2 et Toy Story 4), étant considérés comme parmi les meilleurs films d’animation de la décennie.

Mais les surprises existent et nous sommes chez Pixar.
Ce dernier film mérite donc un intérêt certain.

En avant de Dan Scanlon raconte l’histoire de deux frères, Ian et Barley, vivant dans un monde de fantasy qui a évolué vers une société moderne. La magie, autrefois omniprésente, a quasiment disparu. Mais c’est sans compter le père des deux héros, décédé, qui a laissé à ses fils un cadeau : un bâton capable de le faire revenir à la vie. Ian, doué de magie, est le seul à pouvoir l’utiliser. Mais son manque de confiance l’empêche d’effectuer le sortilège, qui ne fonctionne qu’à moitié.

Plus que jamais décidés à retrouver leur père, Ian et Barley se lancent dans une aventure fantastique, déterminés à effectuer le reste de l’incantation.

Au premier abord, l’œuvre pourrait avoir l’air d’un énième film d’animation surrythmé, puéril, n’abordant des thématiques profondes dans l’unique but d’avoir un semblant de niveau de lecture. Mais si on fait l’effort de s’y plonger, de se laisser bercer par l’histoire et de mettre de côté tout apriori, En avant a de grandes qualités qui méritent d’être énumérées.

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Tout d’abord, comme pour la plupart des Pixar, le film jouit d’une bande-son mémorable, parfaitement en accord avec les émotions suggérées. Mêlant contemporain et classique, elle est en parfait accord avec tout le reste de l’histoire. Son univers, sa morale, ses personnages, son identité. Certains morceaux sont des chefs-d’œuvre à eux seuls. Comme « New Ian » ou le sublime et significatif « Carried me with you » de Brandi Carlile.

Ensuite, le développement des héros et de l’univers dans lequel ils évoluent est construit avec une beauté orchestrale. Certes Ian et Barley n’ont ni l’originalité d’un Wall-e, des héros de Vice-Versa, ni le charme discret de Carl Fredricksen, emblème de Là-haut. Mais ils ont un développement touchant. Leur évolution, liée à leurs défauts, est en parfait accord avec tous les autres éléments de l’œuvre, menant à une excellente cohésion.

Et pour finir, la fin. Dans ce domaine-là, Pixar n’en est pas à son coup d’essai. La seule critique universelle qu’on pourrait faire aux « fins à la Pixar » est leur trop-plein. Leur manque de discrétion. En avant n’échappe pas à la règle. Ses dernières minutes pourraient prodiguer une certaine indigestion, tant elles sont denses. Sans que cela n’altère leur qualité.

On reconnaît un bon film à sa conclusion. Car c’est là qu’est synthétisé tout l’esprit de l’histoire. La fin de ce film illustre de manière claire et synthétique sa structure et sa morale : regarder en arrière pour aller… en avant.

En bref, En avant n’est pas un chef-d’œuvre. Ce n’est pas un Wall-e, un Là-haut, ni un Toy story.
Mais il demeure un Pixar dans toute sa splendeur, avec son lot d’éléments qualitatifs. Il respecte également les marques d’un métrage inoubliable : une grande cohérence et une bonne construction. Même s’il n’est pas aussi excellent que certains de ses prédécesseurs,
En avant mérite de traverser le confinement pour être vu en salles, une fois tout cela terminé.

Lou