Film

Bo Burnham : la génération de la fin du monde (3/4)

Juin 2016. Barack Obama coule ses derniers mois de présidence, et nous sommes dans les derniers mois d’une période historique. Cinq mois plus tard, les Américains éliront celui qui ridiculisera son pays des années durant. Pendant l’ère Obama, l’époque était caractérisée par un espoir en la gauche, en le progrès. Même l’élection écarte le socialiste Bernie Sanders… les Américains croient encore en un avenir égalitaire et inclusif.

C’est sans changement radical dans son style que Bo Burnham écrit Make Happy. Trois ans après What, l’artiste a encore pris en notoriété et les maladresses sont bien moins présentes. Comparer les deux spectacles pourrait montrer une évolution. Pourtant, ils sont très proches. D’un format semblable, ils sortent tous deux à des époques très similaires. Pendant le mandat d’Obama, Burnham et le public sont bien loin de savoir que le monde du spectacle allait profondément changer.

Make Happy, plus encore que What, est une œuvre millimétrée. Tout a une place. Les blagues sont fines, la mise en scène est exceptionnelle et l’artiste expose son talent comme jamais à l’époque. Burnham a grandi. Il est à présent à l’aise avec le monde de la scène et de l’écriture qui y correspond.
Il devient maître de son format. Les jeux de lumières sont impressionnants. L’artiste nous montre déjà des prémisses de ses exceptionnelles qualités de travailleur de l’image, qu’il démontrera bien mieux, plus tard sans sa carrière.

1inrgbyjgm8z©Bo Burnham & Christopher Storer

Si une différence persiste parmi les deux spectacles, finalement complémentaires, c’est la place que Bo Burnham y prend. What aborde des sujets quotidiens. On y parle du spectateur. Mais dans Make Happy, l’artiste parle bien plus de lui-même. Il cultive bien plus profondément ce sens de l’auto-parodie qui deviendra sa marque de fabrique. Burnham pose des questions sur le monde qui l’entoure, mais surtout sur lui-même, et la place qu’à son métier dans le monde. Il parodie d’autres artistes, comme les chanteurs modernes de country dans Pandering, ou le hip-hop dans Hip hop. Imiter et parodier lui permet de se projeter à travers ces artistes, pour parler de sa propre condition.

Le but d’un humoriste est de faire rire, de rendre les gens heureux, d’où le titre du spectacle, Make Happy. Mais comment rendre un public heureux, alors que le monde court lentement à sa perte, en même temps que Burnham ? Ces questions, il les pose avec optimisme. Il s’interroge sur sa condition. La société n’est pas perdue, juste sur la mauvaise voie. Plus tard, il changera de ton, et virera dans un mélancolisme qui, en plus de caractériser cette époque de sa carrière, marquera l’histoire.

En effet, si Make Happy semble être une œuvre finie et parfaite, Burnham n’en est pourtant qu’au début. Après son ultime spectacle de stand-up, il se retire de la scène pour se consacrer au cinéma. Il sort un long-métrage en 2018, Eignt Grade. Cette fiction se focalise sur l’adolescence et ses problèmes qui l’accompagnent. Puis, plus de nouvelles. L’artiste reste muet pour le reste de la décennie.
Néanmoins, un événement inattendu va le propulser sur le devant de la scène comique. Une catastrophe qui fera de lui le clown de la fin du monde et le fera revenir… à l’intérieur.

Lou

Nope

Jordan Peele attire les regards. Comme s’il lançait un effet de mode. Comme s’il affirmait que le cinéma de genre portait un discours critique sur nos sociétés… Lors de la diffusion de Blade Runner 2049, je ressentais déjà une crainte amplifiée à la sortie de Nope. Et si le public d’aujourd’hui n’était plus habitué à voir des œuvres éminemment politiques ?
A force de bouffer Marvel et des comédies françaises de merde, les spectateurs subissent l’endormissement du cerveau.

Où sommes-nous transportés ? OJ et Emerald font partie de la famille Haywood. Ils gèrent un ranch californien et veulent sauver ce patrimoine laissé par leur père. Comment y parvenir ? Il suffit de prendre en photo une force mystérieuse sillonnant le ciel.

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Jordan Peele part toujours d’une situation typique pour basculer ensuite vers des mésaventures atypiques. Il filme la banalité pour la déconstruire. Pensons à la bourgeoisie et le racisme derrière Get Out. Sa dernière œuvre en date affiche les perversités propres au monde du spectacle. Que recherchons-nous à travers le divertissement ? Une reconnaissance ? Le bonheur ? L’évasion ? Le cinéaste comprend que la menace filmée à l’écran n’est qu’un prétexte pour montrer de vrais visages. Un jeune homme traumatisé par les shows télévisés, puis, lobotomisé par la starification. Un réalisateur absorbé par le désir de capturer l’inimaginable. Un journaliste dont le casque moto reflète la bêtise humaine et la volonté d’immortaliser toute image.

Notre metteur en scène conjugue technologies toxiques et absurde humanité. Nope détient cette puissance d’être plus contemporain que n’importe quel documentaire portant sur les avancées technologiques. Parfois, elles sont souvent à voir d’un bon œil. Souvent, elles sont utilisées à trop mauvais escient. Comment ne pas être dégoûté face à des jeunes filmant une bagarre, plutôt que de prévenir des secours ou de s’interposer ? Se divertir mène au succès. Voici ce que Jordan Peele dénonce grâce à son humour. Et surtout grâce à ses séquences horrifiques, où l’angoisse est savamment installée dans un désert. L’individualisme l’emporte sur l’altruisme.

Nope n’est pas un chef d’œuvre. L’ennemi de nos protagonistes disparaît de manière pathétique, laissant une sensation anti-spectaculaire… Néanmoins, sa photographie demeure mémorable et son atmosphère glauque est maîtrisée de bout en bout : sa scène d’ouverture, la maison ensanglantée, de terrifiants maquillages, son montage radical, etc. Le long métrage annonce assurément une belle carrière pour son artisan. Il rappelle aussi une dure vérité : hommes et femmes n’envisageront jamais les civilisations sans la construction d’arènes.

Drama

His House

Nous sommes à Londres, dans un centre de demandeur d’asile. Bol et Rial font face à 3 personnes. Ces dernières leur annoncent que l’Etat leur octroie un habitat. Un sourire et des rires de soulagement transparaissent de notre couple. Enfin il va avoir la maison dont il rêvait. Arrivés chez eux, la désillusion et le passé les hantent. Et si cette maison n’était pas vraiment la leur ? Continuer la lecture

Decision to Leave

L’amour impossible prend une tournure sanglante chez Park Chan-Wook. Le retour du cinéaste se fête en beauté. Il se nomme Decision to Leave. Dernièrement, le film remporte un prix au Festival de Cannes. Sa romance n’est nullement ennuyeuse. Hae-jun, policier herculéen, ne trouve plus sommeil. L’arrivée d’une belle et mystérieuse jeune femme n’arrange rien. Infirmière au passé trouble, elle paraît être une autre personne face à ses partenaires masculins…

Le réalisateur signe un récit purement hitchcockien. Même s’il semble se détacher des références propres au Maître du Suspens, Park Chan-Wook joue sur les ambiguïtés. Il annonce une couleur en première partie de l’œuvre : le quotidien d’un mari dévoué à la cause policière. Au second volet, il expose les réelles intentions des personnages. D’un côté, une femme bouleversée par la délicatesse d’un enquêteur classieux. De l’autre, un homme dont l’amour dépasse tout entendement. Ce récit affiche une mise en scène mémorable. Nos yeux admirent divers angles de vue sophistiqués, des transitions aux petits oignons, moult décors majestueux, etc.
Néanmoins, le fond l’emporte sur la forme. Decision to leave est une tragi-comédie présentant des protagonistes conscients de l’ampleur de leurs actes. Dissimuler des preuves. Fabriquer des mensonges. Comprendre le Mal. Deux concepts ne cessent de se confronter : justice et amoralité. Pourquoi le cinéma coréen attire l’attention via de telles thématiques vues et revues ?

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Je pense que si le cinéma coréen est apprécié, c’est en raison de son amplitude émotionnelle. Dans le cinéma moderne, ce sont peut-être les Coréens qui expriment le plus d’énergie dans les sentiments et les états d’âmes.Park Chan-Wook

Pensons à Dernier train pour Busan, ou plus récemment, à Parasite. Le septième art coréen a la réputation de manipuler, puis mélanger les genres de manière inouïe. Decision to Leave dépeint des séquences hilarantes, angoissantes et surtout, philosophiques. De fait, quelques passages questionnent notre moralité. Si l’amour rend aveugle, faut-il protéger l’ignominie ? Hae-jun est en ça intéressant. Il met à rude épreuve son code moral. Qu’il soit en montagne, en ville ou au commissariat, il souhaite demeurer un justicier… malgré le caractère d’une dame à la fois rusée et envoutante.
Le polar nous renvoie à notre condition humaine. On a beau lutter pour nos passions premières, contre toute attente, nos désirs l’emportent sur notre raison.

Drama

Incroyable mais vrai

On peut tromper mille fois mille personnes, non, on peut tromper une fois mille personnes, mais on ne peut pas tromper mille fois mille personnes.

Serait-ce la philosophie propre à Quentin Dupieux ?
La citation est tirée de
La Cité de la peur. Ce film des années 90 est porté par une troupe d’humoristes, Les Nuls. A l’époque, Dupieux est bercé par leurs sketchs décalés, plus proches des Monty Python que des Inconnus. Les chiens ne font pas des chats ! Quentin se lance alors dans une filmographie au style bien à part. Son humour n’est pas celui de Nicolas Bedos. Ses images ne sont pas celles de Julia Ducornau. Quentin Dupieux est un auteur. Qu’importe ce qu’il raconte à l’écran, son univers assume une veine humoristique assez atypique.

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Incroyable mais vrai narre 2 histoires fantastiques. Le cinéaste touche aussi à la science-fiction, en décrivant 2 personnages pétrifiés par l’idée de vieillir. Ils adorent les nouvelles technologies et désacralisent leur biologie. Comme un conte pointant vers une morale, les récits affichent la démesure humaine et ses conséquences toxiques. Certains protagonistes sont prêts à tout pour ne pas subir la vieillesse. Ils deviennent alors pitoyables.
Le réalisateur filme bon nombre de leurs passages pathétiques : faux exploits sexuels, envie de starification incompréhensible, etc. Il ne se voile pas la face quant aux personnes contre-nature.

C’est une maladie qui existe. Moi, j’en fais un conte fantastique, mais c’est une vraie maladie. Des gens sont terrorisés par le vieillissement. Ils font tout pour reculer, alors que c’est perdu d’avance. On ne peut pas remonter le temps à ce point là. C’est même absurde d’essayer. C’est une course contre la mort. Enfin, c’est un truc flippant. Quentin Dupieux

En termes d’astuces techniques, les flous en arrière-plan font mal aux yeux. Dommage, lors de ses interviews, on ne questionne jamais l’artiste sur le sens de ce choix esthétique.
Heureusement, le film se regarde et s’apprécie, tant ses personnages sont succulents à observer. Il demeure une belle porte d’entrée pour découvrir l’univers dupieuesque, tant l’exercice de la satyre est réussi. Puis, face à la filmographie de Mr. Oizo, comprendre n’est pas l’objectif premier… rions de l’absurdité de la Vie.

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Doctor Sleep ou singer l’Auteur

CRITIQUE AVEC SPOILERS

Doctor Sleep, réalisé par Mike Flanagan, est un projet pouvant offrir autant de fascination que de crainte. Se targuer d’adapter au Cinéma le livre éponyme de Stephen King sorti en 2013, une suite à son roman Shining : L’enfant Lumière, avait de quoi intriguer. Pour bien comprendre ce qui symbolise le ratage du long-métrage, il va falloir parler des 2 œuvres littéraires d’origine, ainsi que du Shining de Stanley Kubrick (1980). Continuer la lecture

Love Death + Robots : de gores réflexions

VOLUME 1 & 3

Lorsqu’on m’a proposé une séance Netflix pour regarder Love Death + Robots, j’étais assez dubitative, mais tout de même intriguée. Je ne voue pas un amour exacerbé aux fictions gores ruisselantes de violences.
Une fois l’expérience face à mes yeux, je n’arrive pas à regarder l’écran, je passe mon temps à cacher mes yeux. Etrangement, après 3 épisodes visionnés, je suis subjuguée, transcendée… j’en veux plus. Que s’est-il donc passé ?
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Love Death + Robots : intenses essais

Volume 3

Toujours plus gore, toujours moins subtile, la saison 3 de Love Death + Robots apparaît telle une surprise convoitée ! Comme si nous attendions le buffet le plus rare sur la table. Comme si nous attendions l’orgasme le plus glauque de l’époque. La série anthologique déçoit lors de son second volet, trop gentillet, peu couillu. Heureusement, le nouveau chapitre s’ouvre sur des thématiques vicieuses, glaçantes et pertinentes. 9 courts métrages sont au rendez-vous. Pour nos yeux : stop motion, 2D de toute beauté, hyperréalisme, etc. Ce retour en force se note surtout grâce à 3 perles cinématographiques.  Continuer la lecture

Mad God, une œuvre hors du temps

Mad God faisait partie de l’un de ces projets pour lesquels j’avais perdu tout espoir de poser les yeux un jour. Véritable arlésienne du cinéma et censé représenter l’œuvre matricielle de son créateur, cet OVNI cinématographique aura pris 33 années avant d’être achevé. Certains objets filmiques sont aujourd’hui légendaires de par leur inexistence. Chaque spectateur connaît un projet devenu culte, même si au final celui-ci ne s’est jamais fait. Nous pourrions citer le Dune d’Alejandro Jodoroswy (qui donnera le sublime documentaire Jodorowsky’s Dune de Frank Pavich) ou bien encore Megalopolis de Francis Ford Coppola. Toutefois, il arrive que certaines de ces folles ébauches aboutissent des années plus tard, alors même que nous les pensions mortes et enterrées. C’est le cas pour L’Homme qui tua Don Quichotte. Bien que n’ayant plus rien avoir avec sa proposition originel, le film de Terry Gilliam reste un produit méta absolument fascinant. Mad God fait partie de ces rares exceptions.

Projet finalement assez méconnu du grand public, de la même manière que son réalisateur, il n’en reste pas moins une œuvre attendue religieusement par de nombreux cinéphiles et curieux à travers le monde. Phil Tippett est un artiste étant resté relativement dans l’ombre, comparé à certains de ses homologues, mais demeurant une figure quasi christique pour tous les amateurs d’effets spéciaux pratiques, de stop motion. Continuer la lecture

Le minimalisme islandais de Lamb

Au mois de décembre, nous avions parlé de la perte d’hégémonie d’Hollywood au profit d’un cinéma plus internationalisé. Cette tendance se confirme-t-elle ? Trop tôt pour le dire. Mais quoi de mieux pour lui donner confiance qu’un film étrange, d’un pays inattendu dans les salles, sorti à l’aube de cette nouvelle année ?
L’Islande est un pays peu peuplé, culturellement isolé, avec une tradition cinématographique très artisanale. Peu de films islandais se sont démarqués à l’internationale. Mais cette année, un d’entre eux transcende les frontières comme rarement : Lamb.

L’œuvre fantastique sort l’été dernier à Cannes, puis en Belgique ce 4 janvier. Réalisé par Vladimar Johansson, le film est co-écrit par Sjon, artiste islandais connu notamment pour ses travaux en tant que parolier pour de nombreuses chansons de Björk.

Ingvar et Maria forment un couple sans enfants, vivant dans les montagnes, loin de tout autre foyer. Ils sont éleveurs de moutons et leur vie est heureuse.
Soudain, une de leurs brebis enfante d’une créature bizarre. Mi-humaine mi-mouton, celle-ci vivra tiraillée : qui est sa véritable mère ?

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Si le concept de l’enfant-monstre, fardeau comme objet d’amour, fait écho à d’autres récits, le cadre proposé par Lamb est rare. Les montagnes d’Islande, froides, vides, monotones et magnifiques, donnent un terrain parfait pour nous faire rentrer dans une ambiance glauque et étrange. Des films comme Midsommar avaient déjà compris l’intérêt horrifique des plaines nordiques inhabitées, en prenant place dans les prairies suédoises, baignées du Soleil de minuit.

Si le cadre de Lamb sert son ambiance, son intrigue n’y est pas pour rien. Le film est minimaliste à l’extrême, les dialogues sont rares, le temps, ralenti. Les points d’intrigue sont si parcimonieux que chacun semble avoir une importance démesurée. Ils prennent de la profondeur dans de grands moments non pas vides, mais distendus comme une pâte à pain très levée.

Rien de trop.

Le long métrage applique le proverbe à la lettre. Inutile de rajouter des personnages, des lieux où évènements qui ne servent en rien l’intrigue. On se retrouve avec un récit simple, mais pur. Il va droit au but, à travers une route calme et agréable. Lamb est une étrange découverte. Cette expérience témoigne d’une autre manière de concevoir des films. Si le cinéma islandais ressemble à cela, Lamb est un excellent prétexte pour y accorder un intérêt certain.

Lou

Bo Burnham : la génération de la fin du monde (2/4)

Décembre 2013. La société avance lentement et parmi elle, la génération Internet hurle de plus en plus fort. Le média est loin de son hégémonie culturelle, mais les stars montent assurément. Toute la vie humaine s’emprunte de références et de mœurs cultivés sur la toile. Jeune encore est la génération de la fin du monde. Son influence artistique se mesure en pas de nains. Nous sommes toujours à l’époque où la télévision s’inspire d’Internet, mais ne se laisse pas phagocyter par le futur géant numérique.

Au milieu de cela, Bo Burnham s’isole depuis trois ans. L’artiste a percé le plafond. Après son premier spectacle, Words Words Words, tous les outils sont entre ses mains pour nous exposer son talent. Ce qu’il a à dire est prêt à être entendu.

En 2013 sort What, deuxième spectacle de l’artiste. Burnham a peaufiné son œuvre de manière plus fine, et l’écriture est bien plus raffinée. Chaque blague est réfléchie plus profondément, placée sur l’équilibre entre le « trop », et le « pas assez ». What sonne juste à bien des niveaux.

Entre une chanson sur le christianisme et ses sociétés, « From God’s perspective », une autre sur le consumérisme culturel, « Repeat Stuff », l’auteur brosse un portrait plus complet, bien plus pessimiste, du monde qui l’entoure. Contrairement à son spectacle précédent, il quitte une logique de comédie utilitaire. L’artiste veut faire rire, mais surtout, il veut utiliser le rire et sa voix comme instruments pour mettre le spectateur face à face aux angoisses de ce monde.

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Bien que dénonciateur, Burnham ne tombe jamais dans le cliché dépressif de l’artiste engagé, seul face aux horreurs du monde. Toujours en finesse, il ira jusqu’à se moquer du pessimisme infertile dans l’hilarante « #deep ».

Si la vie est un océan, alors je suis un poisson profond et magnifique. Un poisson qui se noie.

Burnham est encore maladroit dans certaines formulations. Parmi des passages de génie, What n’est pas exempt de bourdes, de blagues qui tombent à plat, ou qui n’ont pas vraiment d’intérêt. Fallait-il vraiment mimer une masturbation pendant trois minutes ?

Malgré cela, l’œuvre fait preuve d’une grande maturité chez l’artiste. What sera un succès. Burnham continuera dans sa dynamique d’architecte. Sortir un spectacle toutes les X années, ne rien sortir entre, et revenir avec une œuvre courte mais millimétrée, capsule temporelle des angoisses de l’époque.

What est un retentissement, et certains passages restent dans l’âme du spectateur comme un credo, telles des phrases ou se cachent des récits entiers. Par la suite, Burnham va s’isoler à nouveau et sortira une œuvre plus complète encore : Make Happy. Cinq ans avant la fin du monde.

Lou

Matrix 4, la suite de trop

CRITIQUE AVEC SPOILERS

Quelle douille ! Après avoir observé mes proches subir un rhume, une grippe ou le covid, me voici seul couillon au cinéma. Pas pour n’importe quel film !
Une fois ma douche de codes informatiques terminée, le jugement tombe, précis, net.
Matrix 4 n’apporte rien à l’univers de Lana Wachowski. J’adore sa saga. Néanmoins, comment peut-on la ruiner à ce point ?!

Thomas Anderson (un Keanu Reeves toujours plus mou), concepteur de jeu vidéo, est encore coincé au sein d’une matrice. Quel est son nouvel objectif ? Sauver Trinity des griffes des ténèbres. Inutile d’en ajouter. Le récit ne mérite pas tant d’attention. 

Le pouvoir de l’Amour semble au centre de la nouvelle intrigue. Basta. L’œuvre n’apporte rien en termes de propos ou d’effets visuels révolutionnaires.
Mieux encore. Via ses dialogues,
Matrix 4 nous prend de haut. Du bon gros discours méta-branlette 3000. Et allez là ! On se moque des fans et de leurs théories ! Ca ridiculise les prouesses techniques des premiers volets ! Bref, ce classique du cinéma n’a plus rien de subversif. Sans oublier les souvenirs de Neo, des images d’archives… rappelant aux spectateurs que la trilogie est bien supérieure à cette daube.
Sur la forme, de rares séquences marquent la rétine. Sur le fond, la réalisatrice pose ses sentiments à l’écran. Elle rend hommage à ses parents. De fait, ils sont personnifiés à travers Neo et Trinity. Mais ce clin d’œil n’aboutit jamais à une critique pertinente de notre ère, où les rois siègent chez GAFAM. C’était l’opportunité de nous foutre des coups de poing aux yeux ! Matrix exploite un genre parfait pour dénoncer la démesure humaine. Isaac Asimov, super écrivain, résume en peu de mots ce qui fait la beauté de la science-fiction !

On peut définir la science-fiction comme la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l’être humain aux progrès de la science et de la technologie.

Il faut arrêter de se branler. Cessez de trouver des sous-textes à ce long métrage sans ambition. Quel est le but ? Comprendre qu’on est des moutons qui aimons être contrôlés ? Merci Lana. Merci pour cette intervention si perspicace ! Black Mirror, Mr. Robot, The Boys sont de meilleurs outils de réflexion.
Puis Lana, si tu voulais que Trinity soit l’Elue, tu pouvais te contenter d’un tuto de 10 minutes, au lieu d’avaler le chèque de Warner Bros.

brunoaleas – Photo ©Matrix Ressurection/Warner Bros