Film

Doctor Sleep ou singer l’Auteur

CRITIQUE AVEC SPOILERS

Doctor Sleep, réalisé par Mike Flanagan, est un projet pouvant offrir autant de fascination que de crainte. Se targuer d’adapter au Cinéma le livre éponyme de Stephen King sorti en 2013, une suite à son roman Shining : L’enfant Lumière, avait de quoi intriguer. Pour bien comprendre ce qui symbolise le ratage du long-métrage, il va falloir parler des 2 œuvres littéraires d’origine, ainsi que du Shining de Stanley Kubrick (1980). Continuer la lecture

Love Death + Robots : de gores réflexions

VOLUME 1 & 3

Lorsqu’on m’a proposé une séance Netflix pour regarder Love Death + Robots, j’étais assez dubitative, mais tout de même intriguée. Je ne voue pas un amour exacerbé aux fictions gores ruisselantes de violences.
Une fois l’expérience face à mes yeux, je n’arrive pas à regarder l’écran, je passe mon temps à cacher mes yeux. Etrangement, après 3 épisodes visionnés, je suis subjuguée, transcendée… j’en veux plus. Que s’est-il donc passé ?
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Love Death + Robots : intenses essais

Volume 3

Toujours plus gore, toujours moins subtile, la saison 3 de Love Death + Robots apparaît telle une surprise convoitée ! Comme si nous attendions le buffet le plus rare sur la table. Comme si nous attendions l’orgasme le plus glauque de l’époque. La série anthologique déçoit lors de son second volet, trop gentillet, peu couillu. Heureusement, le nouveau chapitre s’ouvre sur des thématiques vicieuses, glaçantes et pertinentes. 9 courts métrages sont au rendez-vous. Pour nos yeux : stop motion, 2D de toute beauté, hyperréalisme, etc. Ce retour en force se note surtout grâce à 3 perles cinématographiques.  Continuer la lecture

Mad God, une œuvre hors du temps

Mad God faisait partie de l’un de ces projets pour lesquels j’avais perdu tout espoir de poser les yeux un jour. Véritable arlésienne du cinéma et censé représenter l’œuvre matricielle de son créateur, cet OVNI cinématographique aura pris 33 années avant d’être achevé. Certains objets filmiques sont aujourd’hui légendaires de par leur inexistence. Chaque spectateur connaît un projet devenu culte, même si au final celui-ci ne s’est jamais fait. Nous pourrions citer le Dune d’Alejandro Jodoroswy (qui donnera le sublime documentaire Jodorowsky’s Dune de Frank Pavich) ou bien encore Megalopolis de Francis Ford Coppola. Toutefois, il arrive que certaines de ces folles ébauches aboutissent des années plus tard, alors même que nous les pensions mortes et enterrées. C’est le cas pour L’Homme qui tua Don Quichotte. Bien que n’ayant plus rien avoir avec sa proposition originel, le film de Terry Gilliam reste un produit méta absolument fascinant. Mad God fait partie de ces rares exceptions.

Projet finalement assez méconnu du grand public, de la même manière que son réalisateur, il n’en reste pas moins une œuvre attendue religieusement par de nombreux cinéphiles et curieux à travers le monde. Phil Tippett est un artiste étant resté relativement dans l’ombre, comparé à certains de ses homologues, mais demeurant une figure quasi christique pour tous les amateurs d’effets spéciaux pratiques, de stop motion. Continuer la lecture

Le minimalisme islandais de Lamb

Au mois de décembre, nous avions parlé de la perte d’hégémonie d’Hollywood au profit d’un cinéma plus internationalisé. Cette tendance se confirme-t-elle ? Trop tôt pour le dire. Mais quoi de mieux pour lui donner confiance qu’un film étrange, d’un pays inattendu dans les salles, sorti à l’aube de cette nouvelle année ?
L’Islande est un pays peu peuplé, culturellement isolé, avec une tradition cinématographique très artisanale. Peu de films islandais se sont démarqués à l’internationale. Mais cette année, un d’entre eux transcende les frontières comme rarement : Lamb.

L’œuvre fantastique sort l’été dernier à Cannes, puis en Belgique ce 4 janvier. Réalisé par Vladimar Johansson, le film est co-écrit par Sjon, artiste islandais connu notamment pour ses travaux en tant que parolier pour de nombreuses chansons de Björk.

Ingvar et Maria forment un couple sans enfants, vivant dans les montagnes, loin de tout autre foyer. Ils sont éleveurs de moutons et leur vie est heureuse.
Soudain, une de leurs brebis enfante d’une créature bizarre. Mi-humaine mi-mouton, celle-ci vivra tiraillée : qui est sa véritable mère ?

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Si le concept de l’enfant-monstre, fardeau comme objet d’amour, fait écho à d’autres récits, le cadre proposé par Lamb est rare. Les montagnes d’Islande, froides, vides, monotones et magnifiques, donnent un terrain parfait pour nous faire rentrer dans une ambiance glauque et étrange. Des films comme Midsommar avaient déjà compris l’intérêt horrifique des plaines nordiques inhabitées, en prenant place dans les prairies suédoises, baignées du Soleil de minuit.

Si le cadre de Lamb sert son ambiance, son intrigue n’y est pas pour rien. Le film est minimaliste à l’extrême, les dialogues sont rares, le temps, ralenti. Les points d’intrigue sont si parcimonieux que chacun semble avoir une importance démesurée. Ils prennent de la profondeur dans de grands moments non pas vides, mais distendus comme une pâte à pain très levée.

Rien de trop.

Le long métrage applique le proverbe à la lettre. Inutile de rajouter des personnages, des lieux où évènements qui ne servent en rien l’intrigue. On se retrouve avec un récit simple, mais pur. Il va droit au but, à travers une route calme et agréable. Lamb est une étrange découverte. Cette expérience témoigne d’une autre manière de concevoir des films. Si le cinéma islandais ressemble à cela, Lamb est un excellent prétexte pour y accorder un intérêt certain.

Lou

Bo Burnham : la génération de la fin du monde (2/4)

Décembre 2013. La société avance lentement et parmi elle, la génération Internet hurle de plus en plus fort. Le média est loin de son hégémonie culturelle, mais les stars montent assurément. Toute la vie humaine s’emprunte de références et de mœurs cultivés sur la toile. Jeune encore est la génération de la fin du monde. Son influence artistique se mesure en pas de nains. Nous sommes toujours à l’époque où la télévision s’inspire d’Internet, mais ne se laisse pas phagocyter par le futur géant numérique.

Au milieu de cela, Bo Burnham s’isole depuis trois ans. L’artiste a percé le plafond. Après son premier spectacle, Words Words Words, tous les outils sont entre ses mains pour nous exposer son talent. Ce qu’il a à dire est prêt à être entendu.

En 2013 sort What, deuxième spectacle de l’artiste. Burnham a peaufiné son œuvre de manière plus fine, et l’écriture est bien plus raffinée. Chaque blague est réfléchie plus profondément, placée sur l’équilibre entre le « trop », et le « pas assez ». What sonne juste à bien des niveaux.

Entre une chanson sur le christianisme et ses sociétés, « From God’s perspective », une autre sur le consumérisme culturel, « Repeat Stuff », l’auteur brosse un portrait plus complet, bien plus pessimiste, du monde qui l’entoure. Contrairement à son spectacle précédent, il quitte une logique de comédie utilitaire. L’artiste veut faire rire, mais surtout, il veut utiliser le rire et sa voix comme instruments pour mettre le spectateur face à face aux angoisses de ce monde.

qJKVmxTPLIIs4ML7nDS6iCf3gNg©Bo Burnham

Bien que dénonciateur, Burnham ne tombe jamais dans le cliché dépressif de l’artiste engagé, seul face aux horreurs du monde. Toujours en finesse, il ira jusqu’à se moquer du pessimisme infertile dans l’hilarante « #deep ».

Si la vie est un océan, alors je suis un poisson profond et magnifique. Un poisson qui se noie.

Burnham est encore maladroit dans certaines formulations. Parmi des passages de génie, What n’est pas exempt de bourdes, de blagues qui tombent à plat, ou qui n’ont pas vraiment d’intérêt. Fallait-il vraiment mimer une masturbation pendant trois minutes ?

Malgré cela, l’œuvre fait preuve d’une grande maturité chez l’artiste. What sera un succès. Burnham continuera dans sa dynamique d’architecte. Sortir un spectacle toutes les X années, ne rien sortir entre, et revenir avec une œuvre courte mais millimétrée, capsule temporelle des angoisses de l’époque.

What est un retentissement, et certains passages restent dans l’âme du spectateur comme un credo, telles des phrases ou se cachent des récits entiers. Par la suite, Burnham va s’isoler à nouveau et sortira une œuvre plus complète encore : Make Happy. Cinq ans avant la fin du monde.

Lou

Matrix 4, la suite de trop

CRITIQUE AVEC SPOILERS

Quelle douille ! Après avoir observé mes proches subir un rhume, une grippe ou le covid, me voici seul couillon au cinéma. Pas pour n’importe quel film !
Une fois ma douche de codes informatiques terminée, le jugement tombe, précis, net.
Matrix 4 n’apporte rien à l’univers de Lana Wachowski. J’adore sa saga. Néanmoins, comment peut-on la ruiner à ce point ?!

Thomas Anderson (un Keanu Reeves toujours plus mou), concepteur de jeu vidéo, est encore coincé au sein d’une matrice. Quel est son nouvel objectif ? Sauver Trinity des griffes des ténèbres. Inutile d’en ajouter. Le récit ne mérite pas tant d’attention. 

Le pouvoir de l’Amour semble au centre de la nouvelle intrigue. Basta. L’œuvre n’apporte rien en termes de propos ou d’effets visuels révolutionnaires.
Mieux encore. Via ses dialogues,
Matrix 4 nous prend de haut. Du bon gros discours méta-branlette 3000. Et allez là ! On se moque des fans et de leurs théories ! Ca ridiculise les prouesses techniques des premiers volets ! Bref, ce classique du cinéma n’a plus rien de subversif. Sans oublier les souvenirs de Neo, des images d’archives… rappelant aux spectateurs que la trilogie est bien supérieure à cette daube.
Sur la forme, de rares séquences marquent la rétine. Sur le fond, la réalisatrice pose ses sentiments à l’écran. Elle rend hommage à ses parents. De fait, ils sont personnifiés à travers Neo et Trinity. Mais ce clin d’œil n’aboutit jamais à une critique pertinente de notre ère, où les rois siègent chez GAFAM. C’était l’opportunité de nous foutre des coups de poing aux yeux ! Matrix exploite un genre parfait pour dénoncer la démesure humaine. Isaac Asimov, super écrivain, résume en peu de mots ce qui fait la beauté de la science-fiction !

On peut définir la science-fiction comme la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l’être humain aux progrès de la science et de la technologie.

Il faut arrêter de se branler. Cessez de trouver des sous-textes à ce long métrage sans ambition. Quel est le but ? Comprendre qu’on est des moutons qui aimons être contrôlés ? Merci Lana. Merci pour cette intervention si perspicace ! Black Mirror, Mr. Robot, The Boys sont de meilleurs outils de réflexion.
Puis Lana, si tu voulais que Trinity soit l’Elue, tu pouvais te contenter d’un tuto de 10 minutes, au lieu d’avaler le chèque de Warner Bros.

brunoaleas – Photo ©Matrix Ressurection/Warner Bros

TOP FILMS 2021

En 2020, le désert artistique d’une année trop vide était à plaindre. Succédant à un 2019 riche en surprises, le confinement du secteur artistique a mis à mal le monde du cinéma. Les oasis rares et précieuses peinaient à remplir le traditionnel TOP 5. 2021 est un autre filon. Jaillissement nouveau après la sécheresse, il représente peut-être une nouvelle ère du cinéma.

L’histoire nous apprend une chose : les grands chocs sociétaux traînent à se faire ressentir. Après la Seconde Guerre mondiale, les bouches sont restées closes sur le sujet des années durant. Trop récent, trop douloureux. Nous sommes en droit de nous demander si les effets de la crise du covid sont bien plus profonds que ce qu’ils laissent paraître. Deux années, enfermés, pendant lesquelles le contact humain, ciment de notre civilisation, devenait meurtrier. Aucune société ne s’en tire indemne. Peut-être qu’il faudra des années avant de comprendre les changements profonds qui s’opèrent dans notre société, à notre insu.

Artistiquement, il y a un changement de style dominant. Le ‘mainstream’ évolue, et les classiques d’aujourd’hui s’illuminent tels les OVNIs qu’ils étaient hier. Hollywood, en perte d’hégémonie, ne maintient quasiment plus son monopole culturel, après des décennies de domination. Les règles varient dans un monde en pleine transition.
C’est dans ce terreau étrange qu’ont poussé cinq chefs d’œuvres. Après deux années d’inertie, ils sont les éclaireurs d’un monde nouveau. –Lou

TOP 5

  1. Inside – Bo Burnham

  2. Mandibules – Quentin Dupieux

  3. Titane – Julia Ducournau

  4. The French Dispatch – Wes Anderson

  5. Last Night in Soho – Edgar Wrigh

Le chaos. Des films aux sorties retardées. D’autres toujours bloqués quelque part, perdus dans l’oubli. Cette foutue pandémie freine l’industrie du cinéma. Mais pas que… Disney affiche sa médiocrité lorsque Mulan débarque sur sa plateforme, et non dans les salles. Les dirigeants font part de leur mépris, en désignant les acteurs culturels de non-essentiels.
Bref, cette année fut un vrai foutoir.

Heureusement, certaines institutions trouvent des astuces pour s’éloigner de mesures discriminatoires, du Ticket Safe rien du tout (merci aux Grignoux pour les séances du mardi). J’ai pu contempler Julie (en 12 Chapitres) et Les Olympiades sur grand écran. Car le cinéma demeure avant tout un pur spectacle audiovisuel. Même si le film est pourri, de bonnes conditions sont réunies pour que les spectateurs vivent une belle expérience. Il faut que les cinémas gardent leurs portes ouvertes.
Plusieurs jeunes auteurs ont de l’énergie à revendre. Ils ont de quoi balayer les grosses machines hollywoodiennes. Quant aux salles et aux institutions cinématographiques, elles ne tomberont jamais en désuétude. Pensons aux dernières séquences de Cinema Paradiso… le cinéma est une pratique artistique indémodable.

Sur qui miser ? Max Barbakow et ses comédies loufoques, Bo Burnham et son cynisme, ainsi que sur Darius Marder ! Ce dernier réalise un métrage avec l’aide de Derek Cianfrance (The Place Beyond the Pines). Sound of Metal n’est pas une œuvre que je compte regarder mille et une fois. Dès lors, qu’est-ce qui en fait un bel objet de ciné ? Sa morale est trop forte. Je me dois de saluer ce travail. Il invite à la remise en question, à nous accepter, nous et nos handicaps. La scène finale est à ce point émouvante que je n’ai cessé d’y penser durant mon été italien.
Parfois, il en faut peu pour émouvoir. Sound of Metal est un récit de vie, où la surdité laisse des séquelles… mais ne devient plus un obstacle afin d’exister. –brunoaleas

TOP 5

  1. Sound of Metal – Darius Marder

  2. Inside – Bo Burnham

  3. Palm Springs – Max Barbakow

  4. Tick, Tick… Boom ! – Lin-Manuel Miranda

  5. The French Dispatch – Wes Anderson

Illustration ©Galynn

Tim Burton en quelques lignes / Dark Shadows

Tim Burton est un cinéaste qui marque les esprits. Comment définir ses gimmicks ? Il nous présente souvent des personnages au cœur d’or. On s’emporte vers des récits pour enfants et adultes. Son imaginaire illustre bel et bien de farfelus protagonistes baignant dans divers décors à la fois macabres et baroques. Pourtant, il s’y note généralement une touche féerique. Avant que mes cheveux blancs envahissent entièrement ma tête, analysons en quelques phrases certaines de ses œuvres. Continuer la lecture

The Green Knight

Loyauté. Honneur. Deux thèmes qui prennent forme via un film d’une lenteur extrême et d’un esthétisme mémorable. David Lowery revisite une quête de l’univers arthurien. Son personnage nommé Gauvain relève un défi surnaturel. Cela l’oblige à vivre un voyage traumatique. Les spectateurs s’engouffrent alors dans le froid, la brume, les forêts et quelques pièges… aussi bien scénaristiques que visuels. Continuer la lecture

Tim Burton en quelques lignes / Mars Attacks!

Tim Burton est un cinéaste qui marque les esprits. Comment définir ses gimmicks ? Il nous présente souvent des personnages au cœur d’or. On s’emporte vers des récits pour enfants et adultes. Son imaginaire illustre bel et bien de farfelus protagonistes baignant dans divers décors à la fois macabres et baroques. Pourtant, il s’y note généralement une touche féerique. Avant que mes cheveux blancs envahissent entièrement ma tête, analysons en quelques phrases certaines de ses œuvres. Continuer la lecture