Bo Burnham : la génération de la fin du monde (2/4)

Décembre 2013. La société avance lentement et parmi elle, la génération Internet hurle de plus en plus fort. Le média est loin de son hégémonie culturelle, mais les stars montent assurément. Toute la vie humaine s’emprunte de références et de mœurs cultivés sur la toile. Jeune encore est la génération de la fin du monde. Son influence artistique se mesure en pas de nains. Nous sommes toujours à l’époque où la télévision s’inspire d’Internet, mais ne se laisse pas phagocyter par le futur géant numérique.

Au milieu de cela, Bo Burnham s’isole depuis trois ans. L’artiste a percé le plafond. Après son premier spectacle, Words Words Words, tous les outils sont entre ses mains pour nous exposer son talent. Ce qu’il a à dire est prêt à être entendu.

En 2013 sort What, deuxième spectacle de l’artiste. Burnham a peaufiné son œuvre de manière plus fine, et l’écriture est bien plus raffinée. Chaque blague est réfléchie plus profondément, placée sur l’équilibre entre le « trop », et le « pas assez ». What sonne juste à bien des niveaux.

Entre une chanson sur le christianisme et ses sociétés, « From God’s perspective », une autre sur le consumérisme culturel, « Repeat Stuff », l’auteur brosse un portrait plus complet, bien plus pessimiste, du monde qui l’entoure. Contrairement à son spectacle précédent, il quitte une logique de comédie utilitaire. L’artiste veut faire rire, mais surtout, il veut utiliser le rire et sa voix comme instruments pour mettre le spectateur face à face aux angoisses de ce monde.

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Bien que dénonciateur, Burnham ne tombe jamais dans le cliché dépressif de l’artiste engagé, seul face aux horreurs du monde. Toujours en finesse, il ira jusqu’à se moquer du pessimisme infertile dans l’hilarante « #deep ».

Si la vie est un océan, alors je suis un poisson profond et magnifique. Un poisson qui se noie.

Burnham est encore maladroit dans certaines formulations. Parmi des passages de génie, What n’est pas exempt de bourdes, de blagues qui tombent à plat, ou qui n’ont pas vraiment d’intérêt. Fallait-il vraiment mimer une masturbation pendant trois minutes ?

Malgré cela, l’œuvre fait preuve d’une grande maturité chez l’artiste. What sera un succès. Burnham continuera dans sa dynamique d’architecte. Sortir un spectacle toutes les X années, ne rien sortir entre, et revenir avec une œuvre courte mais millimétrée, capsule temporelle des angoisses de l’époque.

What est un retentissement, et certains passages restent dans l’âme du spectateur comme un credo, telles des phrases ou se cachent des récits entiers. Par la suite, Burnham va s’isoler à nouveau et sortira une œuvre plus complète encore : Make Happy. Cinq ans avant la fin du monde.

Raturix

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