Le 30 aout 2023, le 4e long métrage de Justine Triet, Anatomie d’une chute sort au cinéma. Depuis sa sortie, le film a remporté pas moins d’une vingtaine de prix, dont la Palme d’or au dernier Festival de Canne. Cet article ne sera pas une critique de ce film, mais l’anatomie de sa réussite.
Avant de débuter l’analyse, rappelons de quoi parle le film. Anatomie d’une chute est un film de procès dans lequel une femme se retrouve accusée du meurtre de son compagnon. Tout au long du film, il y a des allers-retours entre le futur et le présent dans le but de comprendre l’état du couple au moment de la mort du compagnon en question.
Un film de procès
C’est un film de genre et, a priori, le spectateur connait la rengaine. Mais, c’est ici que le film décide de le surprendre en lui montrant très tôt que les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît. Arthur Harari, co-scénariste du film, confirme ce choix au micro de Guillaume Erner. Ce parti pris est un élément qui peut expliquer ce succès. En effet, le but n’est pas de trouver le coupable de ce meurtre, mais comprendre comment cela a pu arriver.
Ce procédé me rappelle celui utilisé dans le film Saint Omer d’Alice Diop. Que nous affiche la réalisatrice ? La culpabilité n’est pas le centre de l’intrigue. La réalisatrice tente de nous expliquer les raisons complexes qui poussent une mère à mettre fin à la vie de son nouveau-né.
Un film de couple
Lorsque l’on se renseigne sur les raisons du succès du film, beaucoup de personnes disent aimer le film car il parle d’un couple. Et, il est question de domination et du partage équitable de responsabilité dans le couple. Une fois de plus, la thématique n’est pas particulièrement originale, mais Justine Triet décide de bousculer le spectateur dans ses certitudes. En effet, lorsqu’il s’agit de domination ou d’une relation non-équitable, dans un couple hétérosexuel, la femme est souvent la victime de la relation. Mais ici, c’est l’inverse ! Simon est celui qui estime être lésé dans la vie de couple. Et, toute la scène de la dispute illustre le mal-être de ce dernier.
Je pense que le fait de ne pas dépeindre un schéma classique de domination peut avoir contribué au succès du film. Comme expliqué plus haut, Anatomie d’une chute a pour prétention d’inviter le spectateur à se rendre compte de la complexité dans les choses simples de la vie.
La polémique
En mai 2023, Anatomie d’une chute est récompensé de la Palme d’or. Justine Triet profite de cette exposition pour critiquer la réforme des retraites. Ce discours ne plaît pas car la Première ministre de l’époque, Elisabeth Borne, déclare, dans la foulée, qu’elle n’irait pas voir le film.
Après cet épisode, Anatomie d’une chute n’a pas été choisi pour représenter la France lors de la cérémonie des Oscars alors que le film était le grand favori. Certains expliquent ce choix par le fait que Justine Triet avait critiqué le gouvernement. Quant à la commission du CNC, chargée de désigner le film français qui concourra aux Oscars, elle affirme qu’il n’y a pas eu de pression lors de cette décision.
Malgré la qualité indéniable de ce film, il me semble très probable que cette polémique ait contribué au succès de cette œuvre. Effectivement, on imagine bien que la curiosité a été la raison pour laquelle une partie du public est allée voir ce film. Les gens ont certainement voulu voir le film de la réalisatrice qui a osé critiquer la politique du gouvernement français. De même, certains ont voulu voir le film qu’Elisabeth avait refusé de voir.
Le critique Jean-Philippe Guerand ne tient pas sa langue dans sa poche. Il diagnostique sévèrement un film : Avec la banalisation du fantastique et la généralisation des effets spéciaux, le cinéma moderne a perdu une partie de son âme en troquant l’innocence des pionniers contre une technologie hypersophistiquée. Nous sommes en 1992. L’œuvre jugée mauvaise se nomme Candyman.
Ces paroles résonnent encore. Observez l’ignominie visuelle qu’est Flash, réalisée par Andrés Muschietti. C’est pourquoi, faire un bon dans le temps, puis, comprendre le succès des classiques du cinoche, n’est pas insensé.
Les années 80 ne me fascinent pas du tout (à bas le disco, s’il vous plaît). Pourtant, les spectateurs découvrent Stand by Me à cette époque… étudions son cas, et la raison pour laquelle il apparaît, encore aujourd’hui, comme un film franchement bien écrit.
Direction l’Oregon. On y suit quatre garçons d’une douzaine d’années. Ils partent à la recherche d’un corps… celui d’un enfant de leur âge, Ray Brower. Les jeunes aventuriers souhaitent passer dans les journaux grâce à leur découverte.
Une fois embarqué parmi cette bande, il est impossible d’abandonner l’écran. Comment vont-ils s’en sortir dans la nature ? Ce pauvre Ray est si facile à retrouver ? Qui veut vraiment passer dans les journaux ? Mais surtout, qui sont réellement ces gamins ? Cette aventure n’est qu’un prétexte pour étudier ces personnages. Lorsqu’on s’en rend compte, le scénario brille de plus belle. Stand by Me dévoile diverses fêlures. Le petit frère en deuil. Le faux vaurien voulant s’éloigner de tout le monde. Le fanatique de guerre. Ces quelques exemples nous plongent dans un monde sans artifices foireux, sans fond vert abusif, sans attitude superficielle.
On transpire tout au long du parcours pour savoir quel final nous attend. D’ailleurs, ce final détermine la beauté de l’œuvre. De fait, les dernières paroles de notre narrateur provoque une envie : pleurer à chaudes larmes. La réalisation de Rob Reiner donne à réfléchir. L’amitié est amour. Mais n’oublions pas que nos similitudes ne définissent pas entièrement nos amis. Nos différences réunissent du monde !
En juin, les citoyens belges se rendront aux urnes pour élire leurs représentants au fédéral, à la région et à l’Europe. Stand by Me peut réellement s’interpréter comme une certaine prise de conscience, tant sa fin est d’une sagesse extrême.
Que désirons-nous pour l’Autre ? L’œuvre semble développer un message clair et net : il faut d’abord travailler sur soi-même pour vivre en société.
Le Chat Potté et Le Garçon et le Héron l’ont comme thème centrale. Dans un univers chatoyant, les héros la rejettent, essayent de la comprendre et finissent par l’accepter. Vous sortirez joyeusement chamboulés du visionnage de ces deux films, où la mort après tout, reste une belle aventure.
Interdit aux chiens et aux Italiens. Derrière chaque immeuble, chaque mine, chaque usine, chaque armoire se trouve la vie et la mort de milliers personnes. Ce ne sont pas des choses inanimées mais animées par l’histoire de chaque Humain ayant contribué à leurs existences.
Falcon Lake. Une ode aux doux fantômes parcourant nos vies.
Hunger Games : la Ballade du serpent et l’oiseau chanteur. Lorsque la fin est injuste, choisie de manière malsaine, elle devient source de haine. La mort n’est pas un problème mais bien une manière utilisée pour faire naître crainte et peur au creux des personnes.
La mort est en nous. Elle est là présente, bien vivante. Nous ne faisons que la nier en espérant qu’elle ne viendra pas toquer à notre porte, alors qu’elle est depuis notre naissance bien installée dans notre maison. Les films sont là pour nous rappeler de l’embrasser, de l’aimer et de surtout ne pas oublier sa profonde humanité. –Mouche
TOP 5
Le Chat Potté 2 : La Dernière Quête – Joel Crawford et Januel P. Mercado
Interdit aux Chiens et aux Italiens – Alain Ughetto
Falcon Lake – Charlotte Le Bon
Hunger Games : la Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur – Francis Lawrence
J’ai décidé cette année de créer un top exclusivement dédié aux films d’animation de l’année, simplement parce que je me suis rendu compte qu’ils étaient ceux qui m’avaient le plus marqué.
Nous avons eu droit à de belles production cette année. Pixar et Miyazaki ont fait leur grand retour, mais pourtant, c’est Dreamworks et Sony qui ont conquis mon cœur cette année.
Le Chat Potté, sorti en décembre de l’année précédente, m’a véritablement époustouflé. C’est un film quasiment parfait à mes yeux, regroupant absolument tout : une action décoiffante, des blagues hilarantes, une animation fulgurante, et en plus, une histoire fascinante et très intelligente.
Spider-Man 2 est aussi excellent que son prédécesseur. On a vraiment hâte de voir la suite pour vivre l’expérience complète du scénario, qui se conclut ici de manière abrupte.
Miyazaki nous a offert une nouvelle œuvre, très personnelle et peu innovante, comme s’il faisait un bilan de sa carrière. Mais quand on a un univers et une carrière comme celle de Miyazaki, on ne peut que tomber sur un chef-d’œuvre d’imagination, un vrai rêve éveillé à l’écran.
Je n’ai pas grand-chose à dire sur Super Mario Bros., si ce n’est que le défi de créer un film divertissant qui rend hommage aux mascottes est bien réussi.
En fin de liste, on retrouve étonnamment le Pixar de l’année. Le studio est habitué au haut du classement, mais Elémentaire, malgré la multitude d’idées à la seconde que son identité graphique dévoile, n’arrive pas à proposer un scénario stimulant. On plonge rapidement dans des clichés trop vus et un scénario si prévisible qu’on croirait qu’il a été copié-collé d’une vieille formule pour écrivain sans inspiration. –Pierre Reynders
TOP 5
Le Chat Potté 2 : La Dernière Quête – Joel Crawford et Januel P. Mercado
Spider-Man : Across the Spider-Verse – J. Dos Santos, K. Powers, J. K. Thompson
Super Mario Bros. – Aaron Horvath et Michael Jelenic
Elémentaire – Peter Sohn
L’année 2023 a été une année riche en superproductions hollywoodiennes. Mais, pour moi, 2023 rime avec Margot Robbie. Elle a été la reine incontestable ! Cependant, les choses n’ont pas si bien commencé pour la Barbie. Début 2023, Babylon débarque dans les cinémas belges. Quelques semaines après le lancement du film, les nouvelles ne sont pas bonnes pour le film de Damien Chazelle. Malgré les belles critiques, les salles ne se remplissent pas. Pourtant, Babylon est un film formidable ! Les décors sont incroyables, le scénario est parfait et que dire de la musique, une merveille. Finalement, plus de peur que de mal car le film est un succès et réalise plus de deux millions d’entrées en France.
Est-ce que je vous ai dit que Margot Robbie était l’actrice de cette année 2023 ? Après Babylon, l’actrice américaine s’attaque à un autre mythe et cette fois-ci, c’est la fameuse poupée Barbie ! Mais, comment parler de Barbie sans parler d’Oppenheimer ? Aussi curieux que cela puisse paraitre, il y a eu un duel acharné entre le film de Christopher Nolan et celui de Greta Gerwig. Hasard du calendrier, les deux productions sont sorties le même jour et cet hasard a donné lieu à ‘Barbenheimer’.
Comment parler de cinéma sans parler de Joaquin Phoenix ? Il est devenu, depuis ces dernières années, un grand nom des superproductions américaines. Et, 2023 ne fait pas exception car nous avons pu le voir, en cette fin d’année, dans Napoléon réalisé par Ridley Scott. Malheureusement, ce film ne figurera pas dans mon top de cette année. Néanmoins, Joaquin Phoenix sera dans cette liste car il a le rôle principal dans Beau is afraid. Ce film est réalisé par Ari Aster et produit par A24. Après avoir eu ces informations, vous comprenez directement qu’on est face à un film ‘spécial’. Allez juste voir le film car la langue française ne contient pas de mot assez précis pour qualifier cette création !
Parlons cinéma belge. Cette année, on a eu de belles pépites comme la série 1985. Côté film, Wil de Tim Mielants a plus particulièrement retenu mon attention. Un film que je conseille à tout un chacun car il explore la nature humaine en période de guerre. Tout au long de l’histoire, on suit l’évolution de deux jeunes hommes durant l’occupation allemande lors de la Seconde Guerre mondiale. J’ai été fortement marqué par ce film car il dépeint la vie des civils pendant la guerre et laisse de côté les évènements liés au déroulement de la guerre. –Fortuné Beya Kabala
En 1895, le cinématographe nait en France. Qui dépose son brevet ? Les frères Lumière. Le cinématographe fonctionne grâce à une manivelle. On utilise un film perforé de 35 mm de largeur passant par un obturateur à une vitesse de 16 images par seconde. L’objet fonctionne comme une machine à coudre. Des images apparaissent alors avec fluidité à l’écran. Dès ce moment, les frères Lumière partage une vraie révolution pour le monde de l’art.
Aujourd’hui, le cinéma s’est exporté à l’international. En Italie, Nanni Moretti continue son parcours engagé et crie toujours avec autant d’espoir. Quant au cinéma asiatique, il est fascinant. Pensons à des figures comme Takeshi Kitano, Hirokazu Kore-eda, ou tout simplement l’oscarisé, Bong Joon-ho.
Mentions honorables aux films animés et inclassables parmi les autres titres. Ces œuvres méritent indubitablement la première place : Suzume, Le Garçon et Le Héron, Le Chat Potté 2, Elémentaire, Spider-Man : Across the Spider-Verse.
Qu’en est-il en France ? Certains projets font pitié. A titre d’exemples : les Asterix & Obelix devenus des pages publicitaires, Dany Boon et son jeu insipide, ou quelques films de batailles conçus par des personnalités fantasmant une France d’un autre temps. Heureusement, des auteurs expérimentés continuent d’épater nos yeux. Citons deux artistes aux films rafraichissants.
Le premier se nomme Michel Gondry. Il opère un retour réussi via une ode à l’imagination, une lettre d’amour à l’esprit d’inventivité, Le Livre des Solutions. Le second s’appelle Quentin Dupieux. Il sort un film par an. Cette fois, son moyen métrage, Yannick, m’émeut totalement. Pour son propos sur le monde artistique, et sa manière de le juger. Pour son écriture comique assez directe et ses acteurs efficaces. Vous découvrirez de bons vivants à l’écran, des comédiens sur scène démontrant leur faiblesse face à un spectateur qui ose prendre la parole, pour ensuite créer son univers. –brunoaleas
Le drame, puis la disparition. Mahito doit quitter Tokyo pour partir vivre à la campagne, après avoir perdu sa mère lors d’un incendie. Le jeune garçon s’installe avec son père dans un vieux manoir situé sur un immense domaine. Il y rencontre un héron cendré. L’animal apparaît tel un guide et l’aide au fil de ses découvertes, une fois à l’intérieur d’un monde défiant nos lois et raisonnements.
Ne pas comprendre. Ressentir. Voici comment résumer Le Garçon et le Héron, dernier film en date du cinéaste japonais, Hayao Miyazaki. Nos yeux prennent le temps de s’habituer à un décor vert et ensoleillé, à des personnages aimant vivre, à une histoire bercée par une perception infantile. Que ne faut-il pas oublier ? Nous suivons les aventures de Mahito. Lorsqu’il débarque à la campagne, un nouveau chapitre s’ouvre à lui. Accepter son deuil. Accepter une nouvelle famille. Accepter.
Il ne s’agit pas de deviner si nous observons des rêves ou la réalité… quand Mahito suit le héron, c’est pour laisser jouer son imagination à 200%. Nous l’accompagnons sur son chemin. Faire table rase de nos connaissances devient une évidence. Une tour, si énigmatique, se transforme alors en refuge, où se croisent des personnalités du passé, des mirages éternels et des visages inoubliables.
L’œuvre dévoile aussi une autre force du réalisateur passionné par la beauté de la nature. L’image parle d’elle-même. Le Garçon et le Héron illustre de vrais tableaux où les scènes s’enchainent pour déployer la maestria de l’artiste. L’animation est toujours aussi folle. Tant au début du long métrage, où flammes et vitesse se mêlent pour provoquer une prouesse technique, tant à sa fin, lorsque les cieux, la terre, l’espace s’ouvrent à un univers surnaturel, lumineux, cruel, mais aussi fragile. Devant ces constatations, une question demeure. Qu’est-ce qui intéresse Hayao Miyazaki ? En 2003, il partage une réponse claire et nette.
Les vrais paysages m’inspirent, les maisons banales, les êtres humains que je rencontre. Ce n’est pas en regardant des photos ou des films que j’ai appris mon métier. Ce n’est pas en regardant le cinéma qu’on devient cinéaste, c’est en observant la réalité du monde autour de soi.
Le douzième film du maître de l’animation est une réussite. En ces temps troubles, où les guerres se déroulent toujours à quelques kilomètres, l’œuvre épouse une vision sereine de la vie, surtout, à propos de notre envie de survivre. Même si nous perdons des proches chaque année, ils ne sont jamais très loin pour offrir leur flambeau… afin d’embrasser la dureté de l’existence.
Tout le monde a ses raisons, prononce Jean Renoir. Ce n’est pas parce que tout le monde a ses raisons que ces raisons sont équivalentes, complète François Bégaudeau. Ces mots rappellent un fait intemporel. Il n’existe pas de manuel expliquant comment être de bons parents. Hirokazu Kore-eda, s’il ne le pense pas, le démontre via Les Bonnes Etoiles.
L’histoire débute en suivant So-young. La jeune femme ne souhaite plus s’occuper de son bébé et le laisse dans une boîte prévue pour accueillir les enfants abandonnés. Elle se ravise rapidement et retourne chercher son bébé. Mais elle rencontre Sang-hyun et Dong-soo. Les gaillards lui proposent alors de vendre illégalement son enfant.
Le thème n’est pas simple à aborder. Les évènements illustrés par Les Bonnes Etoiles attirent notre attention sur le trafic d’enfants en Corée du Sud. Ensuite, l’œuvre questionne nos responsabilités. Des parents doivent-ils laisser leur enfant à d’autres, lorsqu’ils vivent des situations misérables ? Ou doivent-ils coûte que coûte élever leur progéniture ?
Les protagonistes ne donnent pas de réelles réponses. Ils suivent leur instinct. Ils ne sont point présentés comme des criminels. Chacun essaye de survivre dans un monde où la survie ne devrait pas être la première préoccupation des plus petits. C’est pourquoi, en voyant l’état de So-young, les camarades prennent la route pour offrir un cadre familial digne de ce nom à son bébé.
Le réalisateur japonais ne coche pas la case dépression. Il dépeint des personnages sans vouloir exploiter un pathos explicite, sans afficher des caractères mielleux qui sonneraient faux. Les dialogues se suffisent pour comprendre la détresse de tout un chacun. L’ambiance ne se définit pas par des musiques pesantes et omniprésentes. Mais bien par des silences longs, véritables cachets pour décrire le mal-être d’une société.
Quand des parents abandonnent leur enfant, l’entraide est un signe divin. Les Bonnes Etoiles l’annonce dès ses premières scènes émouvantes. A la fin de l’histoire, une et une seule question se pose. Qui assume encore ses actes, quand la société n’offre plus aucune perspective d’avenir ?
Et si les licornes n’étaient pas ces magnifiques créatures magiques, inoffensives ? Avec Unicorn Wars, Alberto Vazquez vient bousculer notre conception de ces créatures féeriques.
Le paradis perdu
L’histoire se passe dans un monde où une guerre terrible oppose les licornes aux ours en peluche. Selon la propagande des oursons, à l’origine, licornes et oursons vivaient en paix dans la forêt magique. Mais un jour, les licornes ont pris les armes contre eux à cause de la jalousie suscitée par la connaissance que les oursons ont acquit au fur et à mesure de l’histoire. À l’issu de terribles batailles, les maléfiques licornes gagnent et chassent les ours en peluche de la forêt magique.
La contre-offensive
Le film débute dans le Camp Joli Cœur, lieu où la compagnie d’oursons, formée par le sergent Gros Câlin, prépare la contre-offensive. Au premier abord, ce camp ressemble au monde des Bisounours. Cependant, tout change lorsqu’on aperçoit écrit sur la plaque d’entrée : Honneur, douleurs et bisous. Dès cet instant, le spectateur comprend qu’il n’est pas devant un film d’enfant.
L’histoire se concentre sur le développement de deux frère, Dodu et Célestin. À travers le regard de ces deux ours en peluche, nous suivons la préparation de la compagnie à l’art de la guerre.
Un film pour enfants interdit aux enfants
Unicorn Wars est typiquement le film qu’un parent, peu attentif, peut aller voir avec ses enfants. En effet, l’affiche ne fait pas spécialement peur et donne peu d’information sur l’œuvre en soi. La réalité est tout autre car Alberto Vazquez signe une réalisation qui est plus proche d’un film d’horreur que de Bambi.
Hormis le sang qui est très présent, notons également qu’il règne une atmosphère drôle et malsaine. C’est illustré notamment par le fait que la relation entre les deux frères est tantôt fraternelle, tantôt flirt avec l’inceste. De l’autre côté, la devise une bonne licorne est une licorne morte m’a personnellement fait rire.
Hormis le style de dessin très beau, le point fort du film réside dans son humour. Le réalisateur en use de manière particulière. Il mélange l’humour noir à un humour plus grotesque, et cela donne des répliques à mourir de rire.
La nature profondément cruelle des êtres
Au-delà de son monde haut en couleur, à l’instar d’un film Barbie, Unicorn Wars nous compte le récit d’une lutte entre deux camps qui ont une haine infinie les uns contre les autres. Cette haine conduit ces deux races à n’aspirer qu’à une chose, éradiquer l’autre.
Et pour y parvenir, chaque camp n’hésite pas à user de récits de propagande pour alimenter et justifier la haine de l’autre. Finalement, via Unicorn Wars, Alberto Vazquez livre un conte aux couleurs chatoyantes qui sonne comme un terrible rappelle que la haine pervertit même les meilleurs.
Cette année, nous parlons peu du septième art. Mais un film retient l’attention. Bien plus qu’une production Marvel lancée par des scénaristes arriérés. Aftersun est une expérience cinématographique assez mémorable. Pourquoi ? Pour qui ? Pour tout le monde. Les films d’auteurs sont à surveiller. La première œuvre de Charlotte Wells ne fait pas figure d’exception. Elle s’adresse à un public prêt à trembler d’émotions.
Sophie se remémore ses vacances sur la côte turque avec son père, Calum. Elle s’amuse en faisant du karaoké, en se baignant. A cette période de l’histoire, elle se situe entre l’enfance et l’adolescence. Elle partage avec son père bonheur et conflit. À travers ses souvenirs, elle semble chercher des réponses. Les spectateurs deviennent ses yeux. Les yeux d’une jeune fille qui semble passer à côté d’un évènement tragique, d’un souvenir à la fois doux et amer.
Aftersun est une expérience naturiste. Je ne choisis pas ce mot au hasard. Le Larousse vient à la rescousse. Naturiste signifie une tendance à prendre la nature pour seul guide dans son comportement, sa manière de s’alimenter, de vivre. La caméra filme chaque action en prenant en compte l’ennui, la spontanéité et complicité des protagonistes. Les décors nourrissent un imaginaire paradisiaque, quelquefois trompeur. De fait, Calum perturbe durant certaines scènes. Lorsque l’œuvre arrive vers sa fin, vous devinerez sûrement pourquoi ce père souffre d’un mal-être visible depuis nos sièges, invisible pour la petite Sophie. La relation père-fille apparaît alors comme un énorme point d’interrogation. A la fin de l’aventure, que reste-t-il ? Une question. Pourquoi ce long métrage est intense à regarder ?
Ma personnalité et celle de mon père sont la base de celles de Calum et Sophie. Mais est-ce que tout ceci s’est produit, est-ce que j’ai vécu ces vacances ? Non. –Charlotte Wells
Nul besoin de voyager vers des galaxies pour décrire les failles des êtres humains. La mise en scène de la cinéaste est inspirante. Parfois, il suffit de puiser dans notre passé pour pondre un objet artistique poignant.
Tu pleureras ; de tes lèvres montera le nom de l’ami que tu abandonnes et souvent ton pied s’arrêtera au milieu du chemin. Mais, moins tu auras envie de partir, plus tu dois penser partir.
Ces paroles viennent d’Ovide. Et s’il avait raison ? Existe-t-il un art d’aimer ? Faut-il le respecter ? Call Me by Your Name s’affranchit de ces questions. L’œuvre présente deux hommes, deux âges, deux personnages. L’un est fougueux et charmant (Elio, Timothée Chalamet), l’autre est séduisant et curieux (Oliver, Harmie Hamer).
Elio vit au sein d’une famille cultivée. Elle accueille Oliver, un Américain qui découvre les richesses de la Méditerranée. Il est censé aider le père du jeune adulte dans ses recherches archéologiques. La rencontre de nos deux acteurs bouleverse l’ambiance du film. Ils incarnent provocation, séduction et sensualité (tout en sueur !).
Il ne s’agit pas de dominant ou dominé. Ce film n’impose aucune règle dans leur relation. Nos protagonistes font l’expérience de l’hédonisme dans une Italie excessivement idyllique. Trop beau pour être vrai, comme cette histoire de fusion. Rien n’arrête leurs initiatives, même si elles sont secrètes.
Les bonnes mœurs apparaissent toujours comme un mur dans nos mentalités. Pourtant, les amoureux parviennent à évoluer main dans la main. Elio symbolise véritablement la jeunesse dans sa forme la plus aventureuse. Oliver voit une opportunité de goûter un fruit inoubliable. Rien ne semble superficiel. Sauf que le temps ne sauve rien. Tout a une fin.
Un monologue offre une séquence mémorable. Face à son fil, le père d’Elio adopte une vision optimiste. Il comprend la souffrance du garçon vivant une douloureuse rupture. Sa sincérité fait mouche : Aujourd’hui, tu es triste, et tu souffres. Ne te débarrasse pas de ces sentiments, ils s’en iraient avec la joie que tu as ressentie. Ses mots feront méditer bon nombre d’entre nous. Au lieu de sombrer dans un fatalisme, il joue l’érudit. Pourquoi ? Car les expériences amoureuses nous appartiennent. Personne ne peut détruire le goût d’un baiser, une joie d’antan, une chaleur inestimable.
Le final de l’œuvre ne laisse point indifférent. Les larmes d’Elio… quelle scène, quels frissons ! Le voici séparé d’Oliver, pour de vrai. Que reste-t-il ? Sûrement le souvenir d’un été où aucun code ne dictait aucune action, où chaque folie guidait chaque décision. Ces souvenirs brûlent chez l’adolescent, comme chez les spectateurs. Personne ne peut éteindre ce feu sacré.
Quand on adore une œuvre, il arrive d’exagérer ses propos, d’encenser certains auteurs. Sans mesure. Sans nuance. Je fais attention à relativiser, à garder un esprit critique, sans avoir la prétention d’étiqueter chaque coup de cœur comme génialement original. Il existe bel et bien des exceptions d’artistes trop talentueux, aux productions indémodables. Citons Ennio Morricone pour la musique ou Albert Camus en littérature.
Ces dernières années, plusieurs personnalités, comme Makoto Shinkai, transforment les dessins animés en bijoux pour les yeux. Mais franchement, qui règne en maître sur le cinéma d’animation ? Un seul nom me vient en tête. Hayao Miyazaki est, de loin, un poète de l’image dont l’art surpasse les surprises d’autres auteurs.
Par le passé, je définissais Xavier Dolan comme étant un poète du grand écran. Par contre, il n’est pas comparable à Miyazaki. Ce dernier surprend et chamboule nos attentes. En plus d’animer des imaginaires extraordinaires, il propose des histoires prenantes, émouvantes et foncièrement pertinentes. Le réalisateur québécois, lui, joue de diverses manières en partageant la plupart du temps un montage très accrocheur. Ses techniques sont fascinantes : jeu avec les flous, déformer la taille des plans, magnifier les lumières chaudes, etc. Cependant, ses récits ne sont pas toujours les plus intéressants. Quant au cinéaste japonais, il fait appel à notre enfance et, surtout, à la beauté d’imaginer des univers extrêmement poétiques.
Le paradis réside dans les souvenirs de notre enfance. Nous étions protégés par nos parents et étions innocemment inconscients de tant de problèmes qui nous entouraient. -Hayao Miyazaki
Mon voisin Totoro illustre cette philosophie. Il rappelle à quel point les enfants voient un tas de choses, des choses impossibles à deviner pour les adultes. L’histoire se focalise sur deux sœurs, Mei et Satsuki. Elles s’installent avec leur père dans une maison à la campagne, tandis que leur mère doit se soigner ailleurs. Nos jeunes protagonistes découvrent alors un monde magique peuplé d’étranges créatures. Ces entités ne sont pas dangereuses. Elles enveloppent les spectateurs dans un cocon dont il ne peut se défaire.
Comment sommes-nous transportés ? Le film est bercé par une musique provoquant plusieurs émotions, de la joie à l’émerveillement. Joe Hisaishi signe des compositions pour magnifier les moments doux, où petits et grands respectent et remercient la Nature. Comme si les forêts et champs ne faisaient qu’un avec les personnages. Comme si rien n’était perdu tant que les éléments naturels veillent sur eux.
Mon voisin Totoro est une sucrerie visuelle. De nombreuses scènes dévoilent des dialoguent emplis de bienveillance, d’amour sincère. Hayao Miyazaki expose des tableaux, proches de respectueuses toiles impressionnistes, remplissant nos mirettes d’étoiles… mais, répétons-le, ses scénarios permettent de plonger vers une ambiance unique en son genre.
Christopher Nolan, el famoso fétichiste de la pellicule, revient en force ! Le cinéaste propose un film de trois heures centré sur un personnage historique. Pas n’importe lequel. Cet homme bouleverse et influence encore nos réalités. Robert Oppenheimer est certes fascinant, mais aussi détestable. Intelligent. Vif. Curieux. Le physicien réunit divers scientifiques au désert de Los Alamos afin de créer les trois premières bombes atomiques de l’Histoire…
Le réalisateur semble à nouveau écrire une lettre d’amour à la Science. Interstellar projette les spectateurs vers un espace fantasmé, tandis que son dernier long métrage se focalise sur des faits réels. Plusieurs figures apparaissent, de Werner Heisenberg à Albert Einstein. Pour la plupart, ils soulèvent une question très intéressante : à quel prix partager nos connaissances ?
En pleine guerre, Oppenheimer choisit de travailler avec les services militaires, d’autres savants refusent ce type de collaboration. Serait-ce là une démesure déjà trop prononcée pour notre Prométhée en herbe ? Qui sait ? Je n’ai jamais ressenti autant de dégoût pour des intellectuels si déconnectés, si naïfs, si dangereux… parfois, il faut se détacher de ses émotions pour contextualiser un évènement historique. Retenons une citation d’Einstein, des mots que j’aurais aimé adresser aux participants du Projet Manhattan : La peur bloque la compréhension intelligente de la vie.
Malgré mon aversion pour Oppie, le film est plutôt magistral. Images frénétiques. Chaos. Propulsions. Explosions. Lumières. Puis, la mise en scène, qu’elle soit explosive ou verbeuse, est sublimée par son travail sonore. Bruits et ambiances offrent un rythme accrocheur. Pensons à la scène où le protagoniste fait un discours sous moult applaudissements étouffants, voire anxiogènes. Merci à Ludwig Goransson. Cette sorte de messie compose quelques morceaux reposant le cerveau… car si l’œuvre est réussie, dévoilant un Nolan plus cru qu’auparavant (une scène de sexe est vraiment détonante), comment nier qu’elle fut une rude épreuve visuelle ?! Trop d’informations sont à ingurgiter ! C’est pourquoi, je ne contemplerai pas ce film une deuxième fois. Je préfère voir le réalisateur aux commandes de fictions extraordinaires, comme Le Prestige.
Christopher Nolan filme le temps, une matière inépuisable et inspirante. Le temps bouffe Prométhée. Le temps est souvent notre ennemi. Laissons-le aux mains de la communauté scientifique, qu’elle puisse juger la folie des Hommes.
Beau is afraidest le troisième long métrage d’Ari Aster (Midsommar, Hérédité). Tantôt drôle, tantôt perturbant, le film nous conte les peurs de Beau.
Le film débute avec un écran noir inquiétant. Le spectateur comprend rapidement qu’il est en train d’assister à la naissance du personnage principal. Tout de suite après, nous nous retrouvons une quarantaine d’années plus tard avec Beau (Joaquin Phoenix) face à son psychiatre.
Les choses s’emballent lorsque Beau doit rentrer chez lui. Sur le chemin du retour, il assiste à des scènes loufoques : la ville est dans un état post-apocalyptique, un étrange personnage tatoué de la tête aux pieds l’attend devant l’entrée de son immeuble pour l’agresser physiquement. Dès cet instant, le spectateur se questionne pour savoir si tout ceci est la réalité ou le fruit de l’imagination de l’étrange Beau ?
Tout partout, et en même temps
Ari Aster construit son film en trois grosses parties. Chaque partie peut être considérée comme un voyage dans les tréfonds des traumas de son protagoniste. Chaque élément garde une certaine cohérence et on peut apercevoir un fil conducteur jusqu’à l’issue de la première partie. Dès l’entamé de la deuxième partie, le spectateur est littéralement noyé par les informations. Le réalisateur utilise cette partie (la plus longue des trois autres) pour remonter aux origines des traumas de Beau. L’exercice qui, initialement, ne semble pas périlleux, se transforme en une séance de psychanalyse incompréhensible. En effet, nous embarquons dans des scènes qui sont à la fois drôles, étonnantes, sans queue ni tête et malaisantes. Pensons au moment où le film se transforme en un tableau de peinture vivant.
Depuis ces dernières années, il y a une surenchère sur celui ou celle qui réalisera le film le plus long. Beau is afraid n’échappe pas à ce phénomène. Cette longueur est paradoxale car on ressent une impression d’inachevé à la fin de la projection. Ce sentiment s’amplifie par le fait qu’on reçoit énormément d’informations durant tout le film, sans pour autant comprendre où tout cela conduit.
Freud is everywhere
Aster n’hésite pas à faire appel aux théories du plus connu des psychanalystes, Sigmund Freud. Tout au long du voyage de Beau, celui-ci se confronte au complexe d’Œdipe. Effectivement, Beau semble vivre une relation très glauque avec sa mère. Cette dernière a une emprise très malsaine sur lui.
La sexualité est également un sujet récurrent dans l’intrigue. Malheureusement, le cinéaste n’exploite pas en profondeur les symboles freudiens. Il se contente de simples évocations qui parfois tournent à la caricature. La scène dans laquelle Beau découvre l’identité de son géniteur l’illustre parfaitement. Freud a théorisé le concept du ‘ça’ qui renvoie notamment aux pulsions sexuelles. Le réalisateur le caricature un peu lors de la conclusion de cette thématique dans son œuvre, car il dépeint le père de Beau sous forme d’un phallus géant. Il assume certainement ce choix pour rajouter un élément d’absurde lié au côté comique du film. Cependant, cela demeure frustrant de ne pas avoir une explication plus complexe des angoisses sexuelles de son personnage principal.
Heureusement, Joaquin Phoenix, coutumier du rôle du gars pas bien dans sa tête, livre une performance hors norme. Il réussit, magistralement, à transmettre aux spectateurs la confusion qui règne dans sa tête. Finalement, Beau ne serait-il pas un Joker qui tente de comprendre sa folie ?
À quel point un film peut-il être prophétique ? Cherche-t-on vraiment l’envie d’observer une réalité alternative, quand on va au cinéma ? En tout cas, Romain Gavras, il y a un an, réalise un film qui restera dans les mémoires des plus cinéphiles d’entre nous. Il y développe ce que la rage des banlieues. A savoir, des jeunes se regroupant pour venger la mort d’un de leur frère.
Romain Gavras prend la température et sent cette pulsion de mort qui plane sur certains territoires français. Faut-il applaudir le cinéaste pour avoir produit Athena, œuvre dont les images dépassent la fiction ?
Je fais référence à l’affaire Nahel, où un policier exécute un adolescent, comme si de rien n’était. Cette tragédie s’apparente vraiment aux propos du long métrage. Actuellement, nous sommes en droit de nous questionner. Comment expliquer que les justiciers de la paix exterminent la jeunesse ? Quel futur proposer à nos enfants, si ces gardiens massacrent des innocents ?
Il est temps de remettre l’église au milieu du village. Nous avons besoin d’artistes comme Romain Gavras. En plus d’épater via des techniques cinématographiques totalement bluffantes -mouvements de caméra imprévisibles, direction d’acteurs ultra crédible- il soigne à l’écran le pire scénario possible. Les failles du système se résument à la mort d’un jeune homme et les conséquences du drame provoquent une sorte de guerre épique. Romain Gavras expose la violence depuis plusieurs années mais cette brutalité donne à réfléchir.
Quand l’Etat abandonne certains lieux de France, il n’y a plus aucune surprise à voir apparaître autant de saccages dans les rues du peuple. Le cinéaste pointe du doigt une tragédie qui n’a rien d’illusoire, Athena étant désormais comparable aux dégâts laissés à Nanterre, Lille et j’en passe. Il dénonce ni la barbarie des policiers, ni l’absence de politiciens, mais plutôt une haine ambiante, incontrôlable, dont l’origine se dévoile une fois nos yeux rivés vers les dernières séquences.
Le réalisateur oppose, certes, 2 camps, la justice et les banlieues. Cependant, il ne prends pas parti et laisse le spectateur deviner ce qu’est la racine du mal. Au final, le maux de nos sociétés s’appelle l’ignorance. Ignorer notre pouvoir d’action. Ignorer notre force de frappe. Ignorer notre échelle de valeur.
Lorsqu’on explore une tragédie, l’idée, c’est de ne pas avoir des gentils d’un côté et des méchants de l’autre. Les situations sont toujours plus complexes. Le film n’est pas très bavard, on est plus dans l’action et la frénésie du moment et les acteurs ont réussi à ignorer cette complexité. Tout est dirigé par le destin : il y a un mal fait au début du film et à partir de ce mal fait, c’est le destin qui vient tout ravager. Si le film pouvait se résumer en une phrase ou un tweet, ce ne serait pas intéressant. –Romain Gavras
Le maire de Trappes, excellent orateur, décrit des jeunes Français exaspérés par un fonctionnement étatique complètement déconnecté de la réalité. Il réagit aux propos de Gérald Darmanin, un ministre au vocabulaire fasciste, un homme ne souhaitant pas comprendre ses citoyens.
Je ne justifie en aucun cas le fait de brûler des voitures, détruire des écoles, casser des vitrines puis, voler les commerçants, pour crier haut et fort ses idées. Parfois, j’aimerais valider ces actes vu qu’un vie ne mérite pas d’être enlevée après un contrôle de police sans péril… toutefois, cette réflexion est plutôt amorale. Je préfère privilégier le dialogue, les manifestions sereines et solidaires. Or, n’admettons pas que ces saccages viennent de nulle part. L’Histoire jugera les vrais coupables de cette tragédie sans nom. Et Romain Gavras sera salué pour ses talents artistiques.