Depuis 2020, La Poivre et Sel est une analyse de l’actu culturelle. Nous suivons 3 volets : média, manga et musique. Un podcast de Bruno et Pierre. Bonne écoute !
L’éclectisme musical de Radio Nova ~ 46sec
Asadora, œuvre incontournable de Naoki Urasawa ? ~ 10min35
Le nouvel album des Singes divise. The Car n’est pas la bande son d’un ascenseur poussiéreux d’un hôtel 5 étoiles. Mais plutôt l’incarnation de la classe musicale. Le compositeur Alex Turner épate à nouveau. Il puise du côté des Beatles et honore Ennio Morricone.
Eosine
Comme à son habitude Eosine soigne son imaginaire. Leur nouveau clip offre encore psychédélisme et accalmie. Un style musical commence vraiment à caractériser le quatuor liégeois…
quoi de plus prometteur pour la suite ?
Elder – Innate Passage
Lorsqu’un morceau stoner fait plus de 5 minutes, soit ça passe, soit ça casse.
Elder n’ennuie jamais via Endless Return.
Clayton Ravine – EP1
Réunissez les fans de Weezer ou de Nada Surf, ils aimeront Clayton Ravine. Le rock sympatoche de la bande est très appréciable.
A l’avenir, espérons qu’ils pourront se distinguer de leurs aînés.
Il faut donc la catastrophe pour que les choses rentrent dans l’ordre.
Chloé Thomas, spécialiste de littérature américaine, l’écrit dans la préface de Comment raconter une histoire. Ce recueil regroupe de courts récits de Mark Twain (1835-1910), notamment connu pour Les Aventures de Tom Sawyer. L’humour de Mark Twain concorde avec celui d’un jeune mangaka japonais : Tatsuki Fujimoto.
D’abord aux manettes d’une œuvre métaphysique et viscérale nommée Fire Punch, le dessinateur enchaîne les succès. En janvier dernier, même le Festival d’Angoulême le mettait à l’honneur, excusez du peu ! Un mangaka aussi jeune n’a jamais été célébré par le festival. Aujourd’hui, Chainsaw Man est la fiction qui fera de lui un auteur incontournable, grâce à son adaptation anime.
Quelle bande dessinée permet de mieux comprendre son ironie et étourdissante écriture ? Une anthologie de nouvelles demeure une belle porte d’entrée à son univers fou. Au rendez-vous : de nombreuses histoires courtes travaillées dès ses 17 ans. On y retrouve des antihéros naïfs, des rêveurs obstinés, et bien sûr, des évènements surnaturels totalement délirants. Rien n’est si absurde à la lecture. Les personnages de Fujimoto suivent toujours des objectifs précis (déclarer sa flamme, devenir cosmonaute, etc.). Ensuite, ils tracent leur route de la manière la plus surprenante.
D’ailleurs, ces divers éléments font la force de l’auteur. A chaque page, on se voit surpris des décisions prises, des paroles délivrées, des actions imprévisibles. Comme si ces protagonistes étaient à l’image de leur dessinateur… car Tatsuki Fujimoto est un battant ! A l’âge de 17 ans, il vient en aide aux sinistrés d’un séisme, en région de Tohoku. Par la suite, partager 17-21 devient alors un acte libérateur.
Il me semble qu’étrangement, le processus a eu pour effet d’atténuer un peu mes angoisses. En observant ce présent recueil ainsi apaisé, je me suis souvenu de plein de choses : que je ne dessinais pas seulement submergé par l’impuissance, mais aussi avec la faim au ventre ; que durant tout ce temps, je m’exerçais au dessin avec mes amis… et des souvenirs heureux me sont revenus en mémoire, au point de me demander pourquoi je n’avais gardé en tête que les moments sombres. C’est pourquoi, aujourd’hui, je suis heureux qu’au-delà de Look Back, ces histoires courtes aient elles aussi été éditées. -Tatsuki Fujimoto, extrait de 17-21
Son autre force est sans nul doute son style à la fois comique et transgressif. Chloé Thomas pointe encore une similitude entre lui et Mark Twain. Ce dernier fait en sorte d’illustrer de drôles de paradoxes grâce à son écriture directe, franche, brutale, américaine. 2 visions se rejoignant pour admettre qu’aimer la vie, c’est d’abord défier la mort.
Alex Turner a 20 ans, lorsque le premier disque des Singes de l’Arctique est distribué. Nous sommes en 2006. Les jeunes Arctic Monkeys s’affichent tels des fans des Strokes, à l’énergie débordante et au succès immédiat. Ses membres sont-ils toujours à considérer comme des artistes inspirés ? La réponse est affirmative. Un détail est à ajouter. Chaque album composé par le groupe est différent de l’autre. S’écoute alors une discographie passant d’un jeu plutôt punk à des ballades sans riff brutal, sans percussions sauvages.
L’évidence est certaine. Alex Turner a grandi. D’un vulgaire vendeur de concessionnaires (époque AM) au crooner et digne héritier des Beatles (désormais, via The Car), l’Anglais évolue sans perdre de visions précises dictant la couleur de ses productions. D’abord, en s’alliant avec Miles Kane, aux commandes de The Last Shadow Puppets, bande morriconienne ressuscitant les cendres d’un rock décomplexé. Puis, travaillant depuis le second opus avec James Ford. Cet homme de l’ombre produit à nouveau la richesse sonore des nouveaux titres du quatuor.
Certes, Alex Turner ne propose rien de neuf. Impossible de le comparer à l’avant-gardiste nommé Mike Patton. Pourtant, il grandit – insistons –. J’évolue pratiquement au même rythme que lui. Aujourd’hui, j’admets vouloir écouter des chansons calmes, bien plus qu’hier. Fut une époque, Slipknot, Children of Bodom ou Machine Head envahissaient mes oreilles, 27 heures sur 24. J’avance avec Turner, depuis ses débuts sur scène. Voir cet artiste proposer de telles ballades, où violons et basses règnent sur les morceaux, me réjouit. Sans compter son audace à imaginer des concepts farfelus : l’hôtel sur la Lune propre au sixième album et la bagnole énigmatique de The Car. Il faut applaudir.
Une question demeure : leur huitième projet survivra-t-il à l’épreuve du temps ?
On ne jouera pas les voyants. Par contre, le successeur de The Car confirmera à jamais leur place de musiciens inspirants.
Je suis à l’aise avec l’idée que les choses n’ont pas à être une chanson pop. –A. Turner
Nishi est un flic traumatisé. Il s’endette avec les yakuzas du coin. Néanmoins, il n’est pas à réduire aux malheurs existentiels. Notre protagoniste voue un amour profond pour sa femme. Atteinte de leucémie, il lui reste très peu de temps à vivre. C’est pourquoi, son mari souhaite qu’elle savoure une dernière fois les petits riens de la vie.
A la fois acteur, peintre, scénariste et réalisateur, Takeshi Kitano signe une œuvre complexe nommée Hana-Bi. Si sa première heure intrique diverses lignes de temporalité, la seconde partie est un road trip, où tout aléa se révèle être soit un bain de sang, soit un songe éveillé. Lorsque Nishi défie la pègre, sa violence explose à l’écran. Ses attaques sont crues, brutales, inoubliables. Le cinéaste illustre explicitement les agressions. En jouant avec les ombres ou les bruits, des sous-entendus sont aussi exploités. Nous voici donc devant un film dépeignant une dure réalité, tout comme des fantasmes acerbes.
Au sein de ce microcosme maléfique, Nishi n’est point un simple jouet éduqué au combat. Takeshi Kitano dévoile un personnage prêt à dépasser chaque obstacle. Rien ne l’arrête. Personne ne freine son objectif. Nishi parle avec parcimonie. Son silence annonce sa détermination. Nul ne compte plus que sa femme. L’amour devient un moteur noble et vertueux, là où la société de l’ancien policier reflète l’exact opposé. Mais pourquoi contempler un thème semblant vu et revu ? Deux réponses sont indéniables : la passion artistique de Kitano et le sujet propre à son métrage.
L’artiste expose son savoir-faire avec maestria. Il désarçonne et invite à la contemplation. Des tableaux, des plages, des routes et bien d’autres paysages sont mis à l’honneur. Les spectateurs voyagent au rythme d’un montage lent et poétique. Le récit dégage une atmosphère bien moins radicale à partir du moment où l’on découvre les habitudes de tout un chacun.
Quant à son sujet principal, Hana-Bi est hautement philosophique. Quel est notre but sur Terre ? Fonder une famille ? Réaliser ses rêves ? Atteindre l’ataraxie ?
Nishi choisit de rester près de sa douce moitié. L’horreur quotidienne n’est qu’un détail sur son chemin. Finalement, nous pouvons apporter respect et allégresse aux personnes nous aimant depuis toujours. Qu’importe l’environnement. Qu’importe les haineux. Nishi est maître de son destin. Il demeure et demeurera l’un des personnages les plus émouvants du grand écran. Il ne demande pas la Lune… seulement quelques instants rayonnants, quelques plaisirs burlesques avec sa bien-aimée.
Hana-Bi perturbe par son manque de dialogue, ses séquences brutes et sa musique si envoûtante. Cependant, l’expérience est à vivre. Son final ouvert questionne encore : que sommes-nous prêts à sacrifier pour notre liberté d’aimer ? L’œuvre est à voir plusieurs fois, afin de savoir si ses interprétations sont toujours aussi intenses. Puis, je découvrirai les classiques de Takeshi Kitano.
Je gagnerais sûrement en sagesse.
Le chanteur de TH da Freak a plusieurs casquettes. Thoineau Palis rassemble la crème de la crème du rock français. Notre musicien aux cheveux bleus est à la tête de Flippin’ Freaks, un label situé à Bordeaux. Il s’exprime sur sa seconde famille, son nouvel album et surtout, sur l’aspect fédérateur de la musique.
Une question se pose sur la légitimité des labels. Les artistes savent fonctionner tout seul dorénavant, sans l’aide des médias ou autres managers. Daft Punk l’a très bien prouvé, avant sa séparation. Le duo était aux commandes de ses campagnes promotionnelles.
Aujourd’hui, à quoi bon s’inscrire dans un label ?
J’ai toujours vu les labels comme des familles d’artistes. Une fois inscrit dans une écurie, tu découvres peu à peu les artistes qui y gravitent. D’expérience personnelle, lorsque j’ai rejoint Howlin Banana, j’ai pu faire de très belles rencontres lors de leurs soirées. Par exemple, on se serrait les coudes, en se faisant de nouveaux potes. On s’aidait pour trouver des dates de concerts. S’inscrire dans un label, c’est important pour trouver sa place sur la scène. C’est aussi une manière de découvrir le monde musical.
Gérer Flippin’ Freaks t’a rendu meilleur.
Sortir les disques des petits groupes est gratifiant. Parfois, ils n’ont pas forcément de gros public qui les suit. Ils ne savent pas comment s’y prendre pour les attirer. Ou alors, ils sont très jeunes et ont vécu peu d’expérience. Arriver au bon endroit, au bon moment, et pouvoir les aider à créer une promo efficace engendre deux situations : inviter d’autres artistes dans ton monde et motiver les plus jeunes à travailler à fond sur leurs activités.
C’est quoi la recette pour durer ?
Ca aide de se la jouer -collectif-. Ce n’est jamais une bonne idée de s’isoler dans un label, sans soutien moral. Vu qu’on est plusieurs à être des amis de longue date, s’il y a un de nous qui veut abandonner, les autres l’encourageront à continuer. Flippin’ Freaks, ça dure car on est nombreux et passionnés.
Parlons du nouvel album nommé Coyote.
Tes chansons semblent se tourner vers une ambiance mystique. Il n’y a qu’à voir les images poisseuses et enfantines des deux premiers clips.
T’as visé juste. Le nom de l’album s’inspire de la mythologie des Amérindiens. Le coyote est aussi considéré comme leur -trickster-. Tout comme le renard en France, ou le Dieu Loki dans les croyances nordiques. Il équivaut au personnage rusé. Le coyote des Amérindiens a apporté le feu, la connaissance et la folie aux Hommes. L’album évoque ces éléments. Je voulais retranscrire cette ambiance propre aux contes mythologiques, via des images, des clips et jusqu’à la pochette. Elle s’inscrit dans ce délire.
Je me suis inspiré des paroles des morceaux. Les thèmes illustraient le feu intérieur qui brûle en chacun de nous. Puis, j’ai fais le lien avec la légende du coyote. A la base, l’album devait s’appeler Burn. J’ai opté pour un nom plus mystérieux, plus lointain. Que chacun puisse s’imaginer ce qu’il veut, à travers cette image.
Vivons-nous dans une société qui a réellement besoin qu’on lui lise plus de contes ?
Nan. Je pense qu’on est dans une société où il faut se dire ses quatre vérités, crûment. Il y a trop de sujets qu’on évite. Je fais références aux générations nées avant nous. Elles ferment les yeux sur un tas de problématiques. En ce moment, il faut mettre le doigt dessus et en parler. Mais ça ne veut pas signifier que la musique doit nous empêcher de rêver. La musique n’a pas nécessairement besoin d’être politisée ou de transmettre un message moralisateur.
Je me demande toujours si on a affaire à l’album le plus sage du groupe.
Je ne sais pas. C’est à toi de décider (rire). Oui, il y a des morceaux assez calmes. Mais parfois, l’accalmie peut être provocatrice. Si un artiste réalise du gros garage punk durant toute sa carrière, et qu’à un instant il joue du folk, je trouverais ça violent comme concept.
A toi de juger si Coyote est sage ou pas.
Juin 2016. Barack Obama coule ses derniers mois de présidence, et nous sommes dans les derniers mois d’une période historique. Cinq mois plus tard, les Américains éliront celui qui ridiculisera son pays des années durant. Pendant l’ère Obama, l’époque était caractérisée par un espoir en la gauche, en le progrès. Même l’élection écarte le socialiste Bernie Sanders… les Américains croient encore en un avenir égalitaire et inclusif.
C’est sans changement radical dans son style que Bo Burnham écrit Make Happy. Trois ans après What, l’artiste a encore pris en notoriété et les maladresses sont bien moins présentes. Comparer les deux spectacles pourrait montrer une évolution. Pourtant, ils sont très proches. D’un format semblable, ils sortent tous deux à des époques très similaires. Pendant le mandat d’Obama, Burnham et le public sont bien loin de savoir que le monde du spectacle allait profondément changer.Continuer la lecture →
Moult médias affichent leur condescendance vis-à-vis de The Smile. Le nouveau projet de Thom Yorke et Johny Greenwood est trop souvent comparé à Radiohead. Les Anglais ont toujours une empreinte reconnaissable dans chacun de leur projet. L’amour electro de Yorke chez Atoms for Peace. Ou le soin apporté aux instruments à cordes, lorsque Greenwood compose des bandes originales.
Il est temps d’assumer les faits. Le trio The Smile est unique en son genre ! Pourquoi ? Pour une et seule raison. Tom Skinner, batteur de Sons of Kemet, apporte une sonorité très prononcée. Les Anglais délivrent des performances tribales. Que ce soit les percussions, les guitares, la basse, plusieurs morceaux dégagent des ambiances africaines. Comment ne pas penser à Tony Allen à l’écoute de ‘The Smoke’ ?
L’afrobeat s’entend aussi sur ‘The Opposite’. Ce style de musique, à la rythmique répétitive, se construit sur peu d’accords joués en boucle par des guitares. Quant au percussion, elles invitent souvent à s’agiter, à entamer une danse de la pluie. Bien sûr, Thom Yorke y apporte sa science : échos, cris aigus, déformations vocales. Les musiciens l’accompagnant partagent un univers chaleureux, froid et moqueur (‘You Will Never Work in Television Again’, étant une satyre du show-business). Enfin, et pour dernière preuve, le clip propre à ‘Free in the Knowledge’ dévoile des scènes shamaniques, comme intrinsèque à l’univers de la bande.
Laissons à ce torchon de Libé l’envie d’assimiler passé et présent. Yorke et Greenwood demeurent créatifs, même aux côtés d’un batteur jazz.
De nos jours, il est fréquent que les individus considèrent que leur véritable personnalité s’exprime dans les activités auxquelles ils consacrent leur temps libre. Conformément à cette perception, un bon travail est un travail qui vous permet de maximiser les moyens de poursuivre ces autres activités à travers lesquelles la vie a enfin un sens. -Extrait d’Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail écrit par Matthew B. Crawford