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Cosse Interview

It Turns Pale. Comment nier cet album de Cosse ?! Les compositions et ambiances sont soignées. Les mélodies accrochent et bercent l’oreille. Ranger le groupe dans la case noise est trop réducteur. Floyd Atema participe à la magie de l’opus. Ce shaman de l’émotion pure enregistre des sons atypiques. On le sait grâce au chanteur-guitariste Nils Bö. Il nous raconte son vécu… son expérience fut inoubliable !

Cosse - Portrait - HD-6 (c) Céline Non

Dans votre manière de composer, quelque chose a radicalement changé entre le premier et nouvel album ?

Artistiquement, on n’a pas voulu changer drastiquement. Il y a des morceaux qui font vraiment le pont entre l’EP sorti en 2020 et cet album. Maintenant, on avait une envie d’ouvrir plus de portes. On se dirigeait vers des approches différentes de l’EP, avec des morceaux un peu plus simples comme ‘Easy Things’ ; plus simples mais non moins profonds.
On est au début d’une carrière. On n’a pas envie de s’enfermer dans quelque chose. On voulait ouvrir des branches pour ne pas se coincer dans un genre. Ce qui a beaucoup changé, c’est aussi le fait de partir deux semaines en studio avec un producteur. Il y a eu une vraie recherche pour chaque morceau de chaque son de guitare, chaque son de snare, voilà… à chaque morceau, on s’est creusé la tête pour savoir comment sonner.

Vous avez découvert du nouveau matos, une fois sur les lieux.

Totalement, ouais. On était dans au studio Katzwijm perdu aux Pays-Bas, à Voorhuit. Il y avait de vieux instruments, de vieux accordéons, des sortes de guitares faites maison, une snare des années trente, c’était une caisse claire super épaisse, presque difficile à jouer.
Floyd Atema, notre producteur, exposait souvent ses propres idées. Il posait des micros dans des tuyaux d’aspirateur, dans des casseroles avec des clous à l’intérieur. Il y avait un rapport au studio qui était assez cool. Le studio, ça peut être quelque chose de très classique, avec des techniciens qui posent soigneusement leurs micros. Là, c’est vrai qu’il y avait un rapport assez fun avec l’enregistrement.

Ces sons participent-ils à l’ambiance de l’album ? Matthew Bellamy enregistrait le bruit de sa braguette pour le second album de Muse. A l’écoute de leur morceau, on n’entend pas spécialement sa braguette. Ici, comment s’entendent vos sons atypiques ?

La résonance qu’il y a dans l’aspirateur crée comme un effet provenant d’une minuscule pièce. Donc ça crée un son très particulier. Après, on vient mixer ça par-dessus le mix existant. Ca ajoute une sorte de couleur.

Pensez-vous utiliser encore ces techniques pour le prochain album ? Ou viserez-vous encore plus haut, en utilisant d’autres ustensiles ?

(rire) Nan, écoute, c’est une bonne question. Pour la prochaine fois, on verra. Peut-être qu’on enregistrera dans les pièces différentes d’une maison. On ferait ça en fonction de l’acoustique, mais aussi de ce que peut raconter le lieu. Il y a des lieux qui sont vraiment chargés de quelque chose. C’était vraiment le cas du studio Katzwijm. Il y a des groupes qui passent là-bas depuis une vingtaine d’années, si ce n’est plus. Ce sont plusieurs groupes rock, de choses similaires à ce qu’on fait. Il y a vraiment une énergie particulière sur ces lieux. C’est toujours inspirant, au-delà de ces techniques, de faire face à des lieux qui portent certains vécus.

En parlant de techniques, on ne pouvait pas passer à côté d’une personnalité. On l’a déjà cité. Cet homme jouait un rôle fort quant à la conception de It Turns Pale. Je parle bien sûr de votre ingé son, Floyd Atema. Que retenir après vos séjours à ses côtés ?

Floyd, c’est quelqu’un qui a su nous rappeler que réaliser un enregistrement, ce n’est pas une formalité. Il se passe vraiment quelque chose. On est en train de figer une émotion. Et pour ça, il faut la vivre au moment où elle est captée. Parfois, lors de l’enregistrement des voix, je me lançais, je chantais le morceau comme j’ai l’habitude de le chanter. Puis, il m’arrêtait et me disait : OK, ça parle de quoi ?
Je lui expliquais un petit peu, il comprenait et on se relançait. Puis, il m’arrêtait en plein milieu en me demandant pourquoi je parlais de ce que je chantais. Pendant que les autres étaient en cabine, je lui racontais alors des choses personnelles, intimes. Le but n’était pas d’aller dans mon intimité. A l’instant où il a senti que je vivais des moments de fragilité, il m’a stoppé pour relancer l’enregistrement. C’était fort. J’étais devenu sensible. C’est clair que ça se transmettait dans l’enregistrement. Floyd, plus qu’un ingénieur du son ou producteur, c’est aussi quelqu’un qui… ne pratique pas la psychologie, mais qui, à ce stade, est carrément mystique (rire). Il fait ça avec beaucoup de respect. Ouais, c’était une rencontre très forte. C’est quelqu’un d’une constance… pendant deux semaines, il était hyper droit, aucune saute d’humeur.

Si je comprends bien, il ne vous poussait pas dans vos retranchements. Ses démarches étaient plutôt bienveillantes.

Oui. Il y avait une forme de bienveillance, mais aussi la volonté d’aller chercher un point de tension. Il nous a poussé, non pas dans nos retranchements, mais aux bons endroits.

Ca influencera ta manière de composer à l’avenir.

Complètement. L’expérience fut bouleversante. Notamment, quant aux textes, à ce qu’on dit, ce qui dit la musique. Tout devenait assez évident.

Parlons cette fois de votre dernier clip en date. J’adore les plans et décors de ‘Easy Things’. Ils servent un texte intéressant. Les paroles de la chanson nous invitent à se lâcher. Actuellement, la réalité est dure à encaisser. Les Français sont en désaccord avec leur gouvernement. L’Ukraine est en cendres. Les dirigeants continuent d’organiser des jeux sportifs dans des pays sans foi, ni loi. Je me disais, finalement, votre meilleur moyen pour lâcher prise, c’est d’être musicien.

(rire). Je ne sais pas. (rire again) Je ne pense pas que ça soit la seule manière de lâcher prise. Typiquement, ‘Easy Things’, ça vient d’une de mes expériences de plongée sous-marine. Quand on fait de la plongée profonde, il y a un moment où tu ne peux plus remonter à la surface comme tu le veux. Tu dois passer par des paliers. Tu bascules dans un monde très particulier. La lumière se fait rare. A chaque bouffée d’air, c’est comme si tu en inspirais six fois plus, donc tu entends tout ton organisme fonctionner, ton cœur battre, fin… c’est vraiment un autre environnement. Tu es en apesanteur. Tu n’as plus accès à l’autre monde que tu connais. L’exercice demande une certaine acceptation de la situation pour pouvoir la vivre convenablement. ‘Easy Things’ se réfère un peu à cela, à cette idée de lâcher prise face à quelque chose de terrifiant, inconnu, pour vivre quelque chose pleinement, sans se bloquer. On passe tous par des phases de cette ampleur, où on doit lâcher prise. Que ce soit un deuil, faire son coming out… ces moments dans la vie où il faut lâcher prise, accepter et vivre le truc pleinement.

Interview menée par brunoaleas – Photos ©Céline Non

LA DURE A CUIRE #80

Sick Tamburo – Non credere a nessuno

D’un côté, Sick Tamburo dégage une force punk indéniable. De l’autre, Per Sempre Con Me dévoile une douceur irrésistible. La voix de Roberta Sammarelli y participe. La bassiste de Verdena, après avoir pondu le meilleur album de l’An passé, accompagne discrètement Gian Maria Accusani. Le résultat est plutôt envoutant.

Tamino – Sahar

Même si je trouve insupportable l’univers et chant d’Angèle, son duo avec Tamino est fabuleux. Quand ces beaux esprits se rencontrent, naissent alors de douces mélodies.

Gojira

Gojira est de retour via un titre brut, efficace et rageur. L’éclair illustrant Our Time is Now annonce-t-il un changement musical ? Après tout, ce morceau incorpore un putain de solo !
On en redemande. Vive la France ! A bas le 49.3 !

DRAMA – Votre playlist Spotify

Fievel is Glauque, est-ce trop zinzin ?

Mes oreilles ouïssent enfin un groupe sortant du lot ! Fievel is Glauque est sur mes radars depuis un petit temps. Je surveille leurs productions et apparitions pour mieux découvrir leurs folies.
Détaillons la genèse de Fievel. La chanteuse bruxelloise Ma Clément et le multi-instrumentiste Zach Phillips imaginent et forment un groupe plutôt atypique. Montée lors de sessions d’enregistrement entre Bruxelles, New York et Los Angeles, leur formation musicale est composée… d’une trentaine de personnes !

Quand on aime, on ne compte pas. Cette expression serait un superbe slogan pour Fievel is Glauque. Le groupe prouve que tout est possible. Même lorsqu’on mêle un jeu jazz (bravo au batteur) ou un style rock (notable du côté des guitares).

Voulez-vous écouter une toute autre preuve ? Pas de problème. Le concert du groupe chez Audiotree reflète leurs nombreux talents. Faire respirer les instrumentations aux bons moments. S’arrêter puis reprendre brillamment le cours d’une chanson. Voix et mélodies demeurent claires et efficaces. Le son de Fievel is Glauque est totalement maîtrisé.
Appelez-moi Saint Thomas. Je ne crois que ce que je vois. Avouons-le. Sur le papier, Fievel is Glauque apparaît comme une idée totalement dingue. Mais je constate que ça sonne bien ! Puis, actuellement, ses membres apportent un vent de fraîcheur dans le champ musical.

brunoaleas – Photos ©Audiotree

LA DURE A CUIRE #79

Coma_Cose – Un Meraviglioso Modo di Salvarsi

L’Italie regorge de groupes rock aux idées talentueuses. Même si certaines formations feraient mieux d’innover en termes de sonorités (vous savez très bien de qui je parle). Coma_Cose reflète une attitude rock. D’un côté, leur musique ne me transcende point. De l’autre, je suis curieux d’écouter leurs prochains albums.

Slipknot – The End, So Far

Slipknot surprend souvent. Via ses approches, ses choix mélodiques, ses envies artistiques, le groupe perdure à travers le temps. Certes, il perd quelques fans sur son chemin. Néanmoins, ne reprochons pas aux membres de faire de l’immobilisme musical.

Sonic Medusa – The Sunset Soundhouse Tapes

Sonic Medusa accroche dès le premier riff de ‘Goblin Suite’. J’en suis déjà fan. Appelez cela rock de papa, stoner du désert… j’appelle ça : fuck that shit, we fight the mountains !

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Kobato, œuvre insignifiante de CLAMP ? Part 2

/!\ SPOILER. Critique à lire si vous avez terminé la série Kobato. En attendant, jetez un œil sur la première partie de la critique. C’est gratuit. /!\

Évitons tout suspens inutile. Kobato n’est pas une œuvre qui transcende mais elle n’en est pas moins signifiante. Lorsque je referme le dernier tome de cette histoire, j’ai le sourire aux lèvres et ce, pour plusieurs raisons.

Mon héroïne, celle que j’encourage depuis le début, a accomplit sa quête. Les autrices du collectif CLAMP réussissent à ne pas briser, à ne pas me lasser des liens qui m’unissent à leur univers. La compassion que j’ai envers Kobato et ses amis est maintenue, tout au long des 6 tomes.

kobato1

Outre le développement des personnages l’intrigue réussit à me choper. L’enjeu est devenu plus intéressant : finalement, récolter les sentiments blessés des gens n’est plus la mission principale de la protagoniste. Elle doit faire un choix douloureux. Elle n’est pas seule maîtresse de son destin. Elle est liée à la destinée d’autres âmes. Elle doit prendre des décisions douloureuse pour sauver son univers.

MAIS ce que j’aime le plus dans cette œuvre, et qui la différencie des autres, est que C’EST UNE BOUFFEE d’air frais ! A la première lecture, j’avais compris l’intrigue, les enjeux et la fin (qui même si elle est tirée par les cheveux, reste agréable à lire, on est heureux pour Kobato).
Via Tsubasa Reservoir Chronicle et XXXHolic, CLAMP nous emmène dans les tréfonds de réflexions mystiquo-philosophiques. Des réflexions saupoudrées de distorsions temporelles, où parfois, plusieurs relectures sont nécessaires pour tenter de tout comprendre. Kobato amène une petite pause pour se ressourcer entre 2 histoires complexes. Ce manga ne transcende pas de par la profondeur de son récit. Cependant, il est signifiant par l’équilibre qu’il apporte à l’univers de CLAMP, grâce à sa douceur, sa simplicité.

Mouche

LA DURE A CUIRE #78

Bully

Quel rêve. Je ne parle pas de Måneskin jouant avec Tom Morello. Mais bien de Bully, force grunge, chantant accompagnée de Soccer Mommy, autre force rock. Deux voix cinglantes pour d’agréables sonorités 90s !

One-Eared Boy

Quand on croit que les chants rock n’ont plus rien de fédérateur, One-Eared Boy prouve le contraire. Il ne reste plus qu’à crier.

Pomme – (Lot 2) consolation

Parfois, exposer ses sentiments sur le papier est une épreuve. Via ‘very bad’, Pomme offre une ballade qui se fout des jugements, des étiquettes.

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Gipi Interview

Gipi est un auteur atypique. En 2006, il fut d’ailleurs primé au Festival d’Angoulême. Ses histoires sont le reflet de sa personne. L’humour et la poésie transpirent de ses planches. Surtout à la lecture de sa nouvelle bande dessinée : Barbarone. L’œuvre présente une aventure spatiale. Naïveté et cynisme sont au rendez-vous. Découvrez la mentalité d’un artiste italien suivant ses propres codes.

Gipi Barbarone


Avant de se pencher sur Barbarone, je souhaitais t’annoncer que notre équipe critique des bandes dessinées japonaises. Lis-tu un manga qui est d’une grande aide dans ton travail quotidien ?

Ecoute, je riais avant d’entendre ta question car je pense qu’il n’y a pas de personne moins adaptée que moi pour y répondre. Je n’ai jamais lu de manga. Jamais. Non pas que j’en sois contraire mais en général, je lis très peu les bandes dessinées. Presque rien. Les mangas sont probablement arrivés en Italie, quand j’étais déjà trop vieux pour en vouer une passion. Parfois, j’en feuillette car j’aime les solutions dessinées par certains auteurs.

Des BD t’attirent quand même pour plusieurs raisons.

De prime abord, je suis sûrement attiré par le style de dessin. Puis, en 3 minutes, fin, même pas en 3 minutes… je sais si j’ai envie d’en découvrir davantage, en 40 secondes. J’examine l’écriture des personnages et celle des dialogues pour savoir s’il en vaut la peine de gaspiller son temps, face à telle ou telle lecture.

Quand je lis, j’adore être surpris. J’ai lu pas mal de BD et je recherche cet auteur prêt à proposer un nouveau récit, à illustrer des dessins inédits. Désires-tu les mêmes sensations ?

Je cherche une absolue authenticité entre l’auteur et ce qu’il raconte. Les trames surprenantes ne m’intéressent pas. Je regarde si la personne écrivant, racontant, dessinant est honnête avec elle-même et par conséquent, avec le lecteur. Ça peut sembler étrange, mais d’expérience, je peux le comprendre très vite.

Parlons de Barbarone. C’est une bande dessinée complétement folle. Chaque personnage de cette aventure spatiale incarne un caractère qui t’appartient. Gogo pour le narcissisme. Pozza di Piscio pour le cynisme. Quant à Barbarone, il est la personnification de l’enthousiasme. Il veut découvrir de nouvelles créatures, de nouvelles planètes, en respectant chaque être vivant sur son parcours. En fin de compte, et même s’il s’agit du premier volume d’une trilogie, Barbarone n’est-elle pas ton œuvre la plus optimiste ?

Oui, c’est mon œuvre la plus allègre, assurément. Celle où j’ai pu le plus jouer. Je suis vraiment revenu à la BD divertissante dont j’étais passionné durant ma jeunesse. Je ne sais pour quel motif quand je concevais des livres, je réalisais des histoires sombres. Ces mêmes motifs étaient un peu tristes. Barbarone naît toujours pour une triste raison vu la dure période vécue avant sa parution. La réaction qui en résulte fut sûrement plus joyeuse. Donc, j’aime beaucoup ce livre, ses personnages.
C’est mon œuvre la plus autobiographique. (rire) Même si j’ai sorti des livres directement plus autobiographiques en apparence, et même si je n’ai jamais voyagé dans l’espace. Barbarone est bien le plus autobiographique.

Était-il plus thérapeutique d’écrire une œuvre comme Barbarone, plutôt qu’une autre comme La Terre des Fils ? 

Oui. Imaginer Barbarone était vraiment curatif. La bonne humeur de ses pages était très précieuse à ce moment de ma vie. La Terre des Fils est un livre complètement différent. Les racines de cette histoire découlent du passé de ma famille, chose qu’on ne peut pas deviner en la lisant car cela concerne ma vie privée. Même pour ses motivations, cette œuvre est bien plus différente. A cette époque, j’avais besoin de publier une histoire où je n’y étais pas moi-même, sans ma voix narrative. C’était une importante période de rupture.
Barbarone… c’est un jeu. Son récit est bien plus similaire à ce que je suis dans la vie de tous les jours. Je m’assimile à ces personnages, cette approche plus joueuse au sujet de l’existence.

Pour Barbarone, tu utilises un papier déjà aperçu sur La Terre des Fils. Pour ce qui est des traits du dessin, j’aimerais comprendre quelle est la plus grande difficulté quand on dessine tout à la main et au Bic.

Tu n’as pas accès au Control Z. Il faut rester concentré. Sincèrement, j’aime travailler de cette manière. J’aime l’idée de risquer de ruiner une page, au lieu de toujours avoir une voie électronique pour fuir.
Il y a bel et bien une vraie difficulté quant à la conception de Barbarone. Cette bande dessinée ne présente pas de vignettes. Ses planches n’ont pas de vignettes divisant les actions à des moments précis. Dès lors, créer des pages devient difficile. Il faut que le flux de bulles de lecture soit juste, sans l’aide des vignettes. J’ai vraiment fait en sorte que l’on puisse tout comprendre à la lecture. Et ce, même si tu sautes des dialogues par erreur. Ce système était complexe à mettre au point. C’était un défi.
L’autre challenge était d’illustrer un personnage à l’intérieur d’un autre. A savoir, Pozza di Piscio s’exprimant après avoir été bu par Gogo. Là, c’était vraiment confus. (rire)

As-tu laissé Barbarone entre les mains d’un enfant pour voir sa réaction ?

Oui. Il est préférable que l’enfant ne soit pas trop jeune, au vu de l’énorme quantité de jurons. Les enfants de mes amis s’amusaient beaucoup à le lire. On me racontait que les expressions de Gogo sont mêmes entrées dans certains lexiques familiaux. Ce sont des phrases qu’ils répètent et qui les font rire. C’est aussi arrivé à la sortie de Aldobrando, un livre imaginé avec Luigi Critone. Là aussi, les enfants reprenaient les passages vulgaires car on sait qu’ils rient facilement avec les gros mots. (rire) Ca me plaisait beaucoup.

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Le jeune Aldobrando et l’aventureux Barbarone ont des points en commun, non ? Ils font preuve d’innocence à diverses situations.

Tout à fait. Quand je crée des héros, ils portent un regard d’enfant sur le monde. Aldobrando suit un parcours et Barbarone se dirige vers un autre. Ce dernier est bien plus stupide. Il dégage aussi un côté obscur. On peut l’observer au premier volume, quand il s’énerve sur une minuscule créature.

Portes-tu aussi un regard d’enfant sur le monde ? Trouver la joie dans les petits riens de la vie. Préserver l’innocence.

Je suis Barbarone quand je rencontre quelqu’un. Immédiatement, j’ai envie de devenir de son ami. Je désire être une personne correcte, généreuse, bonne. Souvent, je me fais arnaquer. (rire) Il est bon de vivre ainsi. Je pense qu’il vaut mieux se faire tromper plutôt que d’être détaché, distant ou méfiant, dès qu’on rencontre des gens. Il faut avoir les mains ouvertes lorsqu’on vit, et ne pas garder les poings fermés. C’est vrai, à poings fermés, tu te défends. Sauf qu’une fois les mains ouvertes, n’importe qui peut te laisser quelque chose d’inattendu. Mais c’est plus risqué.

Une fois ton ouvrage terminé, pourquoi avoir choisi Rulez pour l’éditer ?

J’avais très peur de Barbarone. Par le passé, j’avais déjà exploité l’humorisme avec parcimonie. Cependant, je n’avais jamais fait de livre entièrement comique. J’étais effrayé. J’avais l’impression de suivre une voie incohérente, déviant de mon parcours artistique. Suivre Rulez, c’était la voie la plus juste car la plus différente. Je suis en très bon rapport avec Coconino Press. Je ferai d’autres livres avec ces éditeurs. Je leur ai vraiment dit que je me prenais une vacance. Barbarone est un livre différent à traiter différemment. Tout va bien. Coconino soutient le travail confié à ma femme. Elle dirige Rulez. L’idée était de faire un livre à la maison. Le contrôler sous tous ses aspects, dans sa distribution, etc. C’était aussi une expérience. Cette collaboration fait que je n’ai pas le droit de mentir vu que ma femme est à mes côtés (rire). Le travail joue également un rôle important dans ma journée. Puis, c’est beau de contempler le soin apporté par Chiara Palmieri (ndr : épouse de Gipi). C’est un soin à la fois maniaque et incroyable. Je n’ai jamais vu ça.

Revenons un instant sur la thématique de l’optimisme. J’aimerais rebondir sur une de tes anciennes déclarations. Soit, tu y répondras en 30 secondes, soit en 30 jours… Gipi, Dieu te hait encore ?

(rire) S’il existe, il ne hait personne en théorie. Donc, je ne crois pas qu’il me haïsse. Malheureusement, je ne crois pas en Dieu. Je fais de tout pour y croire. Je vis comme s’il existait. Je vis comme si les enseignements chrétiens étaient réels. Je lis la Bible. C’est juste que je ne crois pas au personnage principal (rire). Ça me rappelle une très belle blague de Woody Allen. Il déclarait : Bon, la Bible est une histoire prodigieuse. Dommage que son protagoniste ne soit pas crédible.

Tu n’as pas peur de vivre une grande fable.

No, no. Ça dépend de ce que tu entends par grande fable.

Une fable niant la dure réalité.

Non. Selon moi, le devoir des êtres humains est d’affronter les dures réalités sous toutes leurs formes et aspects. Nous vivons un temps où l’on envisage une illusion de protection pour les jeunes générations. Comme si la société pouvait les préserver du mal. Ceci me semble très cruel vis-à-vis des jeunes. J’ai toujours pensé que la vie était quelque chose de dure. Quand tu es jeune, elle peut ne pas  le sembler. Mais quand tu commences à vieillir, tu comprends qu’elle peut être très douloureuse. Se construire pour l’affronter, c’est aussi la tâche des plus jeunes… mais c’est cool de le faire. (rire) Ca, c’est le plus important.

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Interview menée par brunoaleas – Illustration bannière ©Daniele Caluri

Lomepal au Palais 12

Quand je débarque au Palais 12, je ressens une soif de curiosité. Lomepal s’entoure de musiciens pour présenter Mauvais Ordre. Est-ce vraiment suffisant pour se déplacer jusqu’à la capitale ? Bien sûr. Voyons si le fan des Strokes défend un rap enrichissant et mélodieux.
Une fois serré comme une sardine, je l’attends impatiemment. L’attente est trop longue et Limsa n’arrange rien. Ce dernier assure la première partie. Rien ne va. Trois jeunes filles gueulent ses paroles de merde. L’artiste vanne maladroitement :
Bruxelles ! Montrez que vous êtes chauds ! On n’est pas à Charleroi ici. Cerise sur le gâteau, le rappeur prévient un comparse-producteur qu’un morceau démarre sur une fausse note… s’ensuit un malaise assez pénible. Le public n’en peut plus. La tension est palpable.

Passée cette pseudo-écoute (Limsa, mon cerveau fut totalement débranché), voici de premières sensations fortes : des notes de pianos retentissent brillamment, des lumières s’activent de toute part, plusieurs hommes arrivent enfin un par un ! Lomepal, vêtu de blanc, apparaît charismatique. L’air sérieux, il entonne ‘Auburn’. Morceaux rock assumé. Le titre est toujours aussi entêtant. La guitare et le synthé m’emportent vers un électrisant western. Le Parisien ouvre le bal comme il se doit !

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Il enchaîne les chansons du nouvel opus, en reflétant une belle assurance. Le sourire aux lèvres. Les mains pointant son public. Il invite à lâcher prise.
Lomepal domine la scène. Mieux encore ! Le rappeur maîtrise son chant. Sa voix ne fait jamais défaut. Là où ‘Crystal’ sonne comme le piège parfait pour celles et ceux à la voix trop mielleuse, son interprète gère et communique son énergie ! La salle boit ses paroles.

Les morceaux plus méchants ne sont point délaissés. ‘Lucy’ et ‘Pommade’ font tourner les têtes. Il fait de plus en plus chaud. Lomepal est inépuisable. Un atout majeur pour ce trentenaire à la cheville foulée. Seuls bémols : ‘Maladie moderne’ couplé à ‘Pour de faux’. Est-ce le véritable ventre mou du concert ? Assurément.
Mais le show est si jouissif qu’il est impossible d’en être dégoûté.

D’ailleurs, saluons le travail des techniciens. La scénographie est minimaliste au vu des néons accrochés aux structures métalliques. Les lumières n’ont rien de psychédéliques. Ces points rendent l’évènement mémorable. Le concert ne provoque pas une crise d’épilepsie. Ce concert est visuellement propre et sobre. Le spectacle est également intense. ‘Decrescendo’ est joué lors du rappel. Ambiance électrique à fond les ballons. Pression sonore fascinante. Lomepal réinterprète le morceau. Comme pour ‘Etna’, il incarne une figure théâtrale. Couleurs et écrans se mêlent pour ensuite se fermer devant l’artiste. Ainsi se conclue sa performance. Un adieu digne d’une pièce tragique. Lomepal s’en va sous de longs applaudissements. A force de travailler, d’écouter les Beatles, de croire en la musique, il façonne une foutue perle.

brunoaleas – Photos ©Elo Fenty & ©Aurore.m

LA DURE A CUIRE #77

Post Nebbia – Entropia Padrepio

Secrètement, je n’apprécie plus vraiment des groupes tels que Temples. La recette rock psychédélique fut pompée à maintes reprises, en Europe et ailleurs. Quand soudain arrive Post Nebbia ! Le temps de changer d’avis…

LotuS

J’aime beaucoup les mélodies de voix de LotuS.
Il me fait penser à Trent Reznor de Nine Inch Nails et comme j’en suis fan, ça m’interpelle directement !
-Pasquale Caruana, ingénieur du son de LotuS

Cottrell

Nous avons maintenant une vraie section rythmique. Elle permet de s’aventurer dans des terrains plus propices, tant au niveau humain que musical. Evidemment, ce n’est pas très correct de le formuler comme ça par rapport aux précédents membres de Cottrell, mais c’est la réalité. Comme les astres sont mieux alignés au niveau musical et humain, tout devient plus facile pour la composition et l’interprétation.
Pour le reste, on ne se pose plus trop de questions. Ce sont les morceaux qui nous entraînent vers telle ou telle voie. Et puis on se demande : on garde ou pas.
Pour l’enregistrement des deux nouveaux morceaux, nous avons pris une direction moins « prise live » en studio. Elle est plus qualitative dans l’approche, par rapport au doublage des guitares, à l’enregistrement tour à tour.
-Benjamin Delgrange, chanteur/guitariste de Cottrell

DRAMA – Votre playlist Spotify

Tirailleurs : le récit d’une vie

Le 4 janvier dernier sort dans les salles Tirailleurs, produit entre autres par Omar Sy et réalisé par Mathieu Vadepied. Mon attention se porte initialement sur ce film, car d’aussi loin que je me souvienne, je n’avais jamais entendu parler d’un film sur la vie des tirailleurs sénégalais. Concernant les tirailleurs, il est d’emblée important de préciser un point historique : tous les tirailleurs ne venaient pas du Sénégal. Les tirailleurs sont assimilés à ce pays car les premiers tirailleurs enrôlés venaient précisément du Sénégal.

D’un point de vue général, le film est assez beau et les décorations nous font réellement voyager entre la France et le Sénégal.

Tirailleurs de Mathieu Vadepied

Un titre trompeur et polysémique

Le titre choisi est intéressant à plusieurs égards. Selon moi, l’emploie du pluriel permet de souligner le fait que l’identité des tirailleurs était multiple. Dans le film, cette diversité de nationalité est illustrée par le fait que plusieurs langues sont parlées par les soldats africains. La scène de l’arrivé de Bakary Diallo (Omar Sy) au front, nous permet de nous rendre compte que Bakary ne sait pas communiquer avec ses compagnons d’infortune car il parle peul (langue d’Afrique de l’Ouest) mais pas les autres.

Ensuite, une fois de plus, ce choix nous renseigne également sur le fait que l’histoire ne va pas se focaliser uniquement sur une seule personne. Tout au long du film, nous suivons l’évolution de Bakary mais également celui de Thierno (Alassane Diong).

Enfin, avec un tel titre, il est normal que le spectateur s’attende à voir un récit sur la vie des tirailleurs. Or, dès les premières minutes du film, le réalisateur nous fait comprendre que le sujet ne sera pas l’histoire de ces Africains enrôlés de force mais, celui d’un père et d’un fils loin de leurs terres. Ainsi, le titre anglais Father and Soldier est plus fidèle au scénario du film.

Est-ce qu’un enfant tue des hommes ?

Durant le film, nous contemplons l’évolution de la relation entre Thierno et Bakary. Au début, l’histoire se base sur le point de vue de Bakary. Néanmoins, plus Thierno s’éloigne de son père, plus l’histoire se focalise sur lui. Cet éloignement atteint son point culminant, lorsque Thierno répond Est-ce qu’un enfant tue des hommes ? à la phrase Tu n’es qu’un enfant de son père. A ce moment précis, l’attention n’est plus portée sur le père. Nos yeux sont rivés sur son fils.

La scène de la tentative d’évasion du camp illustre parfaitement la fin de l’influence de Bakary sur Thierno. En effet, après une brève altercation, Bakary pense avoir convaincu Thierno de le suivre dans son plan. Cependant, ce dernier va très vite déchanter quand il s’apercevra que son fils, profitant de la situation, décide de rester.

Un film presque parfait

L’œuvre coche malheureusement des points négatifs. Certaines scènes peuvent paraître trop longues et sans intérêts pour l’intrigue. Certains personnages manquent de profondeur. C’est particulièrement le cas pour le Lieutenant Chambreau (Jonas Bloquet). Ce perso est très important quant à l’évolution de la psychologie de Thierno. Néanmoins, ses apparitions dans le film sont très peu convaincantes. Pour les spectateurs, il passe pour un personnage secondaire.

Tirailleurs est un bon film racontant la vie d’un père, tirailleur sénégalais, et de son fils durant la guerre. Le réalisateur décide de reléguer la guerre en second plan. Il se concentre sur ceux qui sont entrainés dans ce conflit contre leur volonté. Ainsi, ce film n’est pas un film sur la guerre, ni sur les tirailleurs sénégalais, mais le récit d’une vie.

Fortuné Beya Kabala