Petit rattrapage 2022. Grâce à la chaine Tangerine, j’ai pu jeter mes oreilles sur les trois Américaines, Horsegirl. Leurs voix s’emmêlent avec brio. Les guitares saturent juste ce qu’il faut, rendant les mélodies accessibles à tout le monde. Horsegirl séduit tant par son chant blasé, que par son jeu simple et efficace.
Mademoiselle K – Mademoiselle K
L’album éponyme de Mademoiselle K transmet le sourire. L’artiste s’inspire de thèmes plutôt universels : solitude, confinement, sexualité. Même si elles semblent sombres, ces thématiques traduisent une poésie décomplexée et admirable.
Grandma’s Ashes – This Too Shall Pass
Grandma’s Ashes livre via Aside une mélodie entêtante. Le refrain se fait désirer. La voix vogue entre accalmie et rage. Il ne manque plus qu’au trio féminin de virer opéra rock, façon Muse… soit je délire, soit la bande pourrait s’y coller parfaitement !
Haïr est plus facile qu’aimer. Des mots que prononceraient les grands révoltés. Une pensée que brandirait les rejetés. Nulle envie de jouer les prêtres du dimanche… rappelons juste une idée. Certains décérébrés préfèrent nous voir ignorants et soumis, plutôt que cultivés ou curieux.
Chaque année, je vis le mois de janvier comme une période mélancolique. Le 7 janvier symbolise l’anniversaire de la personne que j’aimais le plus au monde. Mais pas que. La date rappelle un tragique évènement : l’attentat contre Charlie Hebdo. Quel est le rapport entre Je Crie C’est La Musique et le journal français ?! Charlie Hebdo pratique la satyre depuis 1970. Vous méfiez-vous des médias dits traditionnels ? Je vous conseille la lecture de Charlie, porté par des caricaturistes. Une fois mes yeux posés sur l’hebdomadaire, ma joie est instantanée. JCCLM se veut aussi pointu, réfléchi, culotté. Parfois, nous souhaitons nous éloigner des affaires politiques. Mais tout est politique. Détruire une œuvre est un acte politique. S’affranchir de la politique est une démarche politique.
Dessiner encore – Coco
Un désaccord est une affaire politisée… nous le constations en 2015. Une page se tourne à tout jamais. Les frères Kouachi entrent dans les locaux du journal et assassinent 12 personnes. A l’époque, j’étais adolescent. Je ne connaissais rien de l’hebdo. Aujourd’hui, plus je pense à cette tragédie, plus j’en suis choqué. La dessinatrice Coco, rescapée de la fusillade, témoigne à cœur ouvert dans un numéro du Vif (avril 2021).
Cet attentat est une charge, qui pèse sur notre insouciance, mais il aurait tué l’insouciance dans n’importe quelle rédaction, dans n’importe quelle équipe.
Je ne veux pas être pessimiste. Je n’imagine pas Charlie Hebdo à feu et à sang. Nous pouvons contrer cette avancée des haineux. La rage ne l’emportera pas. Je désire ouvrir l’année via cet article rempli d’espoir. L’espoir de ne plus s’attaquer à l’art. Le désir de réfléchir collectivement, sans imaginer un massacre. Un tel 7 janvier ne doit plus advenir. La France était en deuil, tout comme celles et ceux qui souhaitent lire et rire… Charlie Hebdo illustre avant tout des dessins. Il faudrait arrêter de le confondre avec un tract malveillant. Ne soyons pas responsables de barbaries, au nom d’une croyance. Nos convictions doivent être ébranlées. Qu’y a-t-il à gagner, lorsqu’on impose une et une seule vision de la réalité ?
Au oui, mais vous l’avez un peu cherché, avec vos dessins que l’on nous oppose, je réponds qu’au Bataclan, il n’y avait pas de dessinateurs, dans le métro de Bruxelles non plus, à la basilique de Nice non plus. -Coco
Les membres de votre webzine préféré font une pause. Avant de relancer la machine, il fallait partager certaines merveilles. A savoir, les meilleurs clips de l’An passé ! 50 vidéos furent choisies. On y retrouve entre autres Eosine, Idles, Arctic Monkeys, Onha, Kendrick Lamar, The Smile, Mademoiselle K, Pomme, The Black Angels, Alice Martin et leur grande créativité.
Animation, acteurs réels, art abstrait, tout y passe ! Que vos yeux s’enchantent.
Dernièrement, 3 Kurdes sont tués par balle à Paris. L’acte barbare est impensable. Des failles occidentales sont encore à dénoncer. Une question se vaut après avoir eu vent de la situation : comment découvrir les difficultés quotidiennes des minorités ? Les photographes jouent souvent un rôle important pour mieux comprendre les sociétés. La liégeoise Marjorie Goffart ne cache pas son envie de militer via son art.
Tu milites en prenant des photos. A quel moment as-tu choisi cette voie ?
Je suis fille d’immigré. Ma maman est belge et mon papa vient du Nord de l’Inde. Je ne suis pas très connectée à la culture indienne. Il y a toujours eu une remise en question très forte en moi. Peut-être que c’est dû au fait que j’ai grandi à Droixhe (ndr : quartier de Liège), un endroit très multiculturel où se vit le racisme. Bref, tout le monde est un peu dans sa communauté et moi j’avais envie de questionner ça. Je me positionne où là-dedans ? Je voulais dénoncer le racisme et m’identifier en tant que militante. Donc, j’ai commencé à pointer ce que je souhaitais dénoncer, mais pas directement à travers la photo. Au départ, je ne savais pas trop où aller. Puis, j’ai réalisé des études de photographies. Mon travail de fin d’étude portait sur l’occupation Ebola, qui est désormais la voix des sans-papiers à Bruxelles. En gros, je travaillais sur l’invisibilisation des personnes qui participent quand même à l’économie du pays. Les personnes qui quittent leur pays et qui n’ont pas leurs papiers après 10 ou 15 ans sur une autre terre, sont beaucoup plus exposées aux injustices. J’ai commencé par là. Prendre des photos sur ces thématiques devenait une évidence. M’immerger dans la vie des gens, puis le montrer en photos. Aujourd’hui, je me dis encore que je pars de zéro et que les gens photographiés sont plus riches que moi au niveau émotionnel. Il y a un tas de choses à apprendre. Par après, j’ai travaillé dans la presse et me suis engagée dans le féminisme. L’activité photo m’a vraiment aidé à confirmer mon envie de creuser les thèmes de l’immigration, d’identité individuelle, de collectivité et de m’engager dans un collectif comme Et ta sœur ?.
Par le passé, une personne sans-papiers t’interrogeait sur ta pratique. Elle déclarait : OK. Tu prends des photos. Et puis quoi ? Cette remarque est assez fascinante. Tu as sûrement envie de changer le monde.
Je crois que ce serait prétentieux d’annoncer vouloir changer le monde avec mes images. Je pense que c’est un outil qui y contribue. Je pense qu’il y a plein de choses qui, une fois assemblées à certaines valeurs, passent vers une première étape importante : la prise de conscience. Après ce premier pas, c’est intéressant de voir si tu es sensible à tel ou tel sujet. Par exemple, avec Et ta sœur ?, on peut dénoncer autant qu’on veut, il faut savoir se faire entendre. Mais il faut aussi savoir se faire écouter. C’est extraordinaire de faire des actions de rue, mais si on ne nous voit pas, c’est problématique. Qu’est-ce qui va changer si les politiciens ne se bougent pas ? Ce sont de nouvelles lois qui vont vraiment changer les choses. La prise en charge de victimes de violences sexuelles et sexistes est mieux gérée. Les choses bougent par-là, en termes de prise de conscience et de législation. Ces changements ne se font pas tout seul. Je crois que j’ai besoin d’un témoignage de ce que je vis en images, en sachant prendre de la distance, comme j’ai pu le faire suite à un voyage en Inde.
Prépare-toi à philosopher. Quelques acteurs trouvent leur identité en jouant divers rôles. Ressens-tu les mêmes sensations en photographiant ?
J’apprends à me connaître grâce à la perception que les autres ont de moi. C’est une bonne ou mauvaise chose, je ne sais pas… il faut un peu mixer. Mais quand je me vois faire des ateliers photos, j’ai un stress énorme. C’est drôle car on m’informe toujours que ça ne se voit pas. Je me suis rendue compte que j’étais une personne anxieuse en travaillant, lors de mes rapports sociaux. La photographie implique les rapports sociaux. La prise de vue, enclencher ton appareil photo, j’ai l’impression que parfois que ce n’est qu’un dixième du travail. J’explore tout le côté relationnel lié à l’art de la photographie. C’est là-dedans que j’explore vraiment ce que je suis, mes failles et comment réagir aux fragilités des gens en face de moi. Dès lors, je me suis rendue compte que j’étais une boule d’éponge. C’est un travail de valeurs, un exercice technique. Il faut être sur tous les fronts. Ça m’épuisait. Le travail m’a donc aidé à mieux comprendre mon tempérament. Quand je vois la Marjo d’il y a quelques années, l’étudiante prête à faire des reportages de guerre, ça me fait bien rire. Je suis parfois en PLS devant des femmes qui ont vécu des violences conjugales. C’est utile d’être à l’écoute de soi, sans trop s’auto-centrer. Parfois, il ne faut pas hésiter à se mettre de côté pour laisser la place aux autres, tout en gérant les prises de parole. Que chaque femme de mes ateliers puisse s’approprier sa photo. De base, la photographe, c’est moi, mais les idées viennent d’elles.
Merci de livrer tant de pensées intimes. Maintenant, j’aimerais citer le journaliste Ryszard Kapuscinski. Il était connu pour ses travaux sur le monde oriental. Selon lui, pour effectuer un bon reportage, il faut être un homme bon. Lors de mes études de journalisme, les professeurs n’insistaient pas sur ce point. Préfères-tu garder tes distances ou montrer de l’empathie, pendant une situation tendue ?
Autant y aller à fond, hein (rire). Il y a de plus en plus d’histoires humaines derrière mes photos. Ça me booste énormément. Lors de mes voyages, je peux ressentir à la fois de l’excitation et de la peur. Au Kirghizistan, j’ai vécu une agression sexiste. J’étais assez sonnée parce que je n’avais pas une image négative de ce pays. J’étais sidérée quand j’avais failli me faire embrasser par un guide. Je ne bougeais plus. Je lui refusais son envie plusieurs fois. J’avais plein de photos de ce gars. Au début, le contact passait bien. Survient le problème du patriarcat. Vu que je lui souriais, il s’est cru tout permis. Il y a un problème de considération dans le monde entier. Nous ne sommes pas épargnées en Belgique. Le patriarcat a plein de formes différentes. Ça m’a mis du temps de publier une photo de lui sur mon compte Instagram. Je voulais jouer la carte de l’honnêteté. Je voulais jouer sur le côté vendeur du réseau social. Il y a souvent un aspect vendeur qui se dégage des photos Insta. Cela me rappelle la signification de ‘Kalopsia’, une chanson de Queens of the Stone Age. Le groupe décrit le concept de voir les choses plus belles qu’elles ne le sont en réalité. Je trouve qu’on vit à fond là-dedans. Et avec la photographie, on peut très vite y basculer. Même si ce cas d’agression au Kirghizistan semble isolé, je voulais raconter mon histoire. Je souhaitais voir les réactions des gens. Autant être honnête et y aller à fond. Autant illustrer ses expériences. Tu peux laisser les spectateurs interpréter les messages de tes photos. C’est ce qui fait la beauté de l’art et qui participe à ses libertés. Pour mon cas, sans son contexte, il était impossible de deviner qu’à travers le portrait de mon guide, se cachait un potentiel violeur. Je ne désirais pas avoir peur de me livrer. C’est aussi ça que m’a apporté mon vécu de militante, le fait d’assumer que ma vie intime est politique. Je remarquais aussi que la photo sert aussi à croire les victimes.
Laissons libre cours à ton imagination. Durant le confinement, j’ai écrit ma première nouvelle. Le Dernier Cliché met en scène un photographe. Il excelle dans sa profession. Il arrête le temps pour photographier de magnifiques paysages. Si tu possédais ce pouvoir, quel endroit serait à immortaliser ?
Aaah, fameuse question. Il triche ton personnage. C’est un sacré tricheur (rire). Alors, si je pouvais arrêter le temps… je réfléchis… (silence) Je ne choisirais pas cette option. A mon avis, je passerais à côté de plein de trucs. J’aurais peut-être la sensation de tricher. Il n’y aurait plus cette tension face aux personnes. La dimension humaine de la photo n’y serait plus. C’est un moment hyper fragile. En secondaire, j’avais déjà un coup de cœur sur les reportages. J’imaginais traverser la Turquie pour rencontrer des Peshmergas luttant pour les libertés kurdes. Ce type de voyage me fait toujours vibrer à mort. Si je pouvais fantasmer mon arrivée sur ces lieux, ce serait pour être dans le feu de l’action… mais le feu de l’action, c’est quoi ? Être dans la guerre ? Nous ne sommes ni des cowboys, ni des cowgirls. Si j’arrêtais le temps, je vivrais un problème d’intégrité. D’où l’idée de cette triche… est-ce qu’il va chez le psy ton personnage ?
Il devrait… mais c’est pour ça que je l’aime bien !
Allons en thérapie, c’est super ! (rire) C’est terrible de rater le moment parfait pour capturer une photo. Mais ça fait partie du deal. C’est comme ça qu’on apprend de ses échecs. Avoir trop de maîtrises sur tout, c’est impossible. S’imaginer qu’il y a un bon moment pour une prise photo, c’est utopique. C’est à toi de te plier. Ce n’est pas à toi de décider. Je t’avoue cela, mais peut-être que dans deux heures, je changerais d’avis (rire). La sensation de triche serait trop présente en moi. Comme je suis une pro pour culpabiliser pour rien, c’est bon quoi. Non merci, pas de super pouvoir. (rire)
Les années covid sont derrière nous ! Enfin, nous pouvons savourer la paix, la liberté, les excès en tous genres… Très vite, 2022 rappelle la réalité physique que derrière chaque vague, secache souvent une plus haute. Certains ont pris le temps d’optimiser leur technique de surf, car pourquoi faire autrement quand ça a toujours fonctionné ? D’autres se concertent, s’associent de manière parfois inattendue, innovent. La musique de 2022 contraste dans le rapport à l’identité. Pour être nous mêmes, doit-on évoluer radicalement, innover et tenter de surfer la vague avec un nouveau catamaran supersonique ? Ou doit-on rester fidèle à ce qui a fait un jour notre identité ? En 2022, pas de demi mesure, personne n’a pensé à s’acheter simplement une nouvelle planche de surf… et les extrêmes dans leurs deux asymptotes, ça passe ou ça casse.
The Smile n’est pas un sourire de béatitude. C’est celui d’une personne qui nous ment, tous les jours, comme l’exprimait leur chanteur Thom Yorke. Cette subtilité, cette nuance d’angoisse colore chaque morceau. Jamais de noir, jamais de blanc (sauf dans le clip merveilleusement glauque de Thin Thing). The Smile est une nouvelle formation qui existe indépendamment de Radiohead, étiquette tatouée par certains sur le front des musiciens. Les parties de la somme ont fait preuve dans ce projet tant d’authenticité que d’expérimentation, d’ailleurs habituelle à ces virtuoses alchimistes. Quant à Fontaines D.C., ils présentent en ce début d’année Skinty Fia, dont les mises en goût ont été efficaces et juste assez innovantes. Les singles Jackie Down The Line et I Love You ont tout ce qu’il faut à un morceau pour devenir un hit : un refrain entêtant, des premières secondes instantanément reconnaissables et quelques riffs à chaque instrument qu’on attend systématiquement lorsqu’on lance le morceau. L’appétit suscité par ces délicieux avant-goûts a été pleinement rassasié à la découverte de l’album. Les morceaux se suivent et ne se ressemblent pas. Tant par l’inattendu que par la cohérence, cette unité surprend et garde en haleine : au fil de ces 10 morceaux, on finit par nous-mêmes s’indigner au rythme des paroles revendicatrices et dévouées de Grian Chatten. Skinty Fia est équilibré au beau milieu d’une cuvée 2022 justement et fortement tiraillée dans les extrêmes.
Petite note concernant le terme flop : il n’est pas question ici d’albums n’ayant pas généré suffisamment de streams par rapport aux moyennes de l’artiste, ni d’ailleurs d’une moyenne des notes récoltées sur d’autres médias de critique musicale. Cette catégorie devrait ainsi n’avoir que relativement la connotation négative, car la notion de flop se rapporte aux attentes depuis des singles prometteurs, au suspens attisé par les artistes, qui ont, à mon sens, éclos de façon anti-climatique. Pétard juste un petit peu plus mouillé que prévu. J’appellerai donc cette catégorie « pétard légèrement humide ». Petit déchirement myocardique en pensant à The Haunted Youth, qui a évidé son premier album de tous les morceaux phares avant le jour, souvent assez symbolique, de la sortie d’un premier opus. Ces flops sont donc à mon sens fortement inégaux en leur sein et méritent clairement une oreille en raison des merveilles spoilées qu’ils contiennent ! Enfin, les yeux les plus attentifs auront remarqué le paradoxe Once Twice Melody. Ne pas placer Beach House au plus haut d’un top paraît indigne de la fan de dreampop que je suis ! Cette combinaison de 4 EP, sortis au compte goutte durant l’hiver dernier, semble avoir visé la quantité plutôt que la qualité sur le long cours. Une distillation de ce 18 titres aurait produit sans aucun doute un album dignedes plus cultes du légendaire groupe de dreampop américain. –Elena Lacroix
L’exercice devient de plus en plus difficile à accomplir. Classer les albums du pire au meilleur est trop complexe cette année. Comme si plusieurs artistes respiraient enfin après deux années étouffantes. Jovanotti nous fait oublier la périod covid, où nos dirigeants nous obligeaient à ne plus vivre. Arcade Fire conçoit l’album le plus propre, s’écoutant le mieux d’une traite. The Smile est une expérience à part, tant ses membres réunissent afrobeat et ambiance shamanique. Quant à Arctic Monkeys, quelle évolution ! Loin de leur minimaliste AM, la bande accompagne des violons envoutants et enivrants via The Car.
Moult artistes méritent bel et bien la médaille d’or. Pourquoi poser Verdena en première place !? Les musiciens annonçaient déjà un retour extraordinaire à la sortie de America Latina, une bande son composée pour des cinéastes. Ils pondent ensuite de nouveaux titres pour un album plus qu’attendu, après 7 ans d’absence. Une évidence frappe aux oreilles. Par rapport à d’autres projets de l’An, leurs mélodies me ressemblent le plus ! Comment diantre une musique peut s’assimiler à une personnalité ? C’est très simple Jamy. Volevo Magia sonne comme une tuerie écoutée durant mon enfance et adolescence. Les sensations sont nombreuses : planer, détruire, danser. Ces mêmes sensations désirées lorsque je me rends à un concert.
Verdena plaira à divers auditeurs. Celles et ceux sensibles aux arrangements rappelant les disques des Beatles. Sans oublier, les passionnés de rock et les amoureux de l’effet distorsion. Même si ses membres sont désormais de vieux adultes, le groupe italien ne perd rien de son énergie. Une force se traduisant aussi comme accalmie. Certi Magazine et Nei Rami signent mes nuits rêveuses. Ces morceaux me guident vers un ciel étoilé. Des cieux plus intéressants que des fans de Coupe du monde, de vaccins tout terrain, de… pouvoir. –Drama
Reste sage est le morceau que j’écoute le plus cette année, paraît-il. Comment le prouver ? Spotify déballe ses chiffres (c’est aussi une réalité). Dès lors, partageons le double clip de Pogo Car Crash Control pour fêter ce fait d’importance musicale !
Bad Situation – Electrify Me
Dealer 2 Metal est un vidéaste qui s’implique à fond. Il ne se limite pas à parler rock sur Youtube, il en joue ! Son duo Bad Situation sort un premier EP. Même si les passages vocaux, très « boys bands », des chansons ne donnent pas envie d’écouter l’opus, les titres dégagent une foutue énergie… parfois ça suffit amplement.
Mr. Bungle – The Raging Wrath of the Easter Bunny Demo
Deux ans après la sortie du quatrième album de Mr. Bungle, que reste-t-il ? Un live gratuit partagé pour petits et grands. Des oreilles en miettes. Une envie de détruire.
JOI – Mk I
JOI est un duo rock d’Annecy. En juin dernier, les musiciens sortent un EP calibré pour la scène. On sent déjà la sueur des mélomanes. On voit déjà les doigts écorchés du bassiste, tout comme la rigueur et précision du batteur. Quant au premier titre du mini-album, Edges, il embarque directement les auditeurs dans une aventure rock.
Le bilan ? Deux instruments règnent via des morceaux fins et bourrins.
MÖBIUS 99 – MÖBIUS A
Nous étions un peu tous en train de terminer nos études et faisions face à beaucoup d’anxiété : la crise environnementale, l’isolement social du confinement, devoir trouver un travail, changer de vie, etc. Alors, nous nous sommes réunis pour créer et faire sortir tout ça de nous. On voulait un peu se lâcher ! -Lucille, chanteuse et claviériste de Möbius 99
Le cinéma français brille énormément en cet An de grâce. De pertinentes propositions artistiques foisonnent. Prenons Quentin Dupieux et Céline Devaux. Ils apparaissent comme un fer de lance d’une génération à l’inventivité folle, à l’humour pointu et réfléchi. Quant aux USA, Joe Biden doit remercier les Daniels. Ce duo de choc (bien connu pour la conception de clips totalement barjos) réalise le meilleur film de l’année… la meilleure pièce technique. Everything Everywhere All at Once contient tout ce que je recherche dans un film : un scénario sagace, des acteurs crédibles, un univers à la fois loufoque et fascinant. Ses concepteurs maîtrisent d’ailleurs un thème de bout en bout. A l’écran, on observe le respect apporté au métavers (une prouesse, n’est-ce pas Marvel ?). Daniel Kwan et Daniel Scheinert filment une famille, plus précisément les troubles d’une mère face à sa fille, pour ensuite créer la plus grande folie visuelle de ces dernière années. Chapeau !
Le projet des Daniels semblait gagner la première place du classement. Une dernière sortie ciné change la donne. Philosophons. La liberté est impossible à définir. Le cinéaste Luca Guadagnino dépeint des personnages libres de vivre leurs pulsions. Qu’elles soient primaires, sexuelles ou existentielles, ces pulsions reflètent aussi une société incapable d’accepter les différences. Si via Call Me by Your Name, les corps se mêlaient à une chaleur italienne, cette fois, le réalisateur colle les chairs au milieu des campagnes américaines. Bones and All est une œuvre d’une extrême beauté. Que retenir d’autre ? La cruauté de son propos obsède beaucoup trop. Le film illustre l’impossible acceptation d’êtres sanguinaires. Même si ses deux protagonistes, Timothée Chalamet et Taylor Russell, suivent une éthique détestable, il n’empêche qu’ils incarnent notre peur… peur de se faire rejeter. Leurs actes sont inobservables. Leurs pensées sont amorales. Pourtant, ils s’aiment. Tout porte à croire qu’ils se cherchent dans un microcosme fermé d’esprit. Mais comment prendre parti pour ces jeunes gens ? Bravo Guadagnino, me voici sans réponse. –Drama
Depuis mon enfance, je ressens toujours la joie à l’idée de rentrer dans une salle obscure. Rien n’a changé. C’était mon excursion préférée. J’aimais et j’aime toujours cette sensation de magie que me procure le cinéma. C’est un endroit hors du temps, hors du monde, qui me transporte la durée d’un film vers un autre univers. Je ne suis pas passive à regarder des images qui défilent. Je suis actrice invisible. Je me balade, observe et vis l’histoire se déroulant sous mes yeux.
Cette année, le grand écran m’emmène dans une Russie étrange. Je me fait ballotter, secouer par des histoires dures aux humains abîmés par la vie. Tout ça dans rythme tantôt paisible, tantôt effréné. Je ne ressors pas indemne de ce voyage. Bloquée dans mon siège, je me demande ce qui avait bien pu se passer ? Petrov m’avait transmis sa fièvre.
Puis, lorsque j’ai pu me lever et changer de salle, j’arrive dans un monde où je pouvais faire Tout partout et les deux à la fois. Je me transforme en ninja aux techniques de combat épiques pouvant passer d’univers à univers. Le rythme est vif, l’humour savamment orchestré, les mondes fous et colorés. C’est les yeux grands, psychédéliquement ouverts, que je termine ce film.
Quand ma vue se rétablit, je passe Troismille ans à attendre, poétiquement, une histoire d’amour fine, profonde, philosophique dans un décor aux douces senteurs orientales, chargé d’histoire et de magie. Soudain, sans crier gare, l’amour se présente et nous changeons de salle ensemble ! Prit d’une folie, aussi incroyable mais vraie, nous achetons une maison malicieuse et étrange. Nous y rigolerons beaucoup, mais avec un goût amer. Un tunnel bien sarcastique nous enverra mine de rien vers nos vices. Un Maestro touchant, déterminé, drôle, talentueux viendra nous sauver avec ses musiques de films inégalées ! Ennio, merci de nous avoir sorti de là !
J’espère que 2023 me transportera autant. Je vous laisse. 2022 se conclut doucement mais quelques films attendent encore d’être vécus. A bientôt pour de nouvelles aventures cinématographiques ! –Mouche
L’été dernier, Bruno Caruana, aka brunoaleas, publiait sa quatrième nouvelle. Bienvenue à Bossanova mêle plusieurs genres. Définissons cet écrit comme tragi-comique. Grâce à l’aide d’Antoine Wathelet (mise en page & illustrations), le projet s’imprime en risographie aux Ateliers du Toner. Après être passé sur les ondes de RCF Liège, l’auteur répond aux questions de Nathalie Born sur Equinoxe FM. Bonne écoute !
Il est bon d’être fan de manga. Cette année nous régale vraiment. One Piece a fait revivre le feu sacré des fans en se lançant dans sa dernière saga avec un panache inégalé. Les animes de cette saison d’automne sont en train de redéfinir les standards de qualité de l’industrie. La surreprésentation de la fantasy est enfin en train de ralentir un peu pour laisser place à un peu plus de variété. Et cerise sur le gâteau, Hunter X Hunter fera son retour triomphal.
Les nouvelles sorties de cette année ne reflètent pourtant pas cet état d’esprit positif. J’ai eu l’impression que beaucoup de nouvelles œuvres abordaient des sujets sombres comme la mélancolie, le deuil et la perte de repère. Il semblerait que la société que le covid laisse derrière nous porte en elle un vent de désespoir qu’il est important d’aborder.
C’est donc sans surprise que les trois meilleures nouvelles sorties en librairie de l’année sont des œuvres adultes sombres réussissant à cristalliser ce besoin d’expression.
En première position, nous retrouvons la nouvelle œuvre de Sui Ishida (Tokyo Ghoul) que j’attendais avec impatience. Même si le récit prend un peu de temps avant de démarrer, l’auteur a clairement profité de sa pause pour raffiner encore ses dessins. D’ailleurs, les cases débordent de style et de personnalité. J’ai particulièrement hâte de voir la suite.
Ensuite, le nouvel opus de l’auteure du cultissime Dorohedoro. On a clairement affaire ici à un ovni. A contempler : des dessins très détaillés avec un style brut et crasseux. Un univers foisonnant, déjanté et mystérieux. Un récit où tenter de comprendre ce qu’il se passe ne sert pas à grand-chose, mais où on se laisse entrainer volontiers.
Enfin, présentons une surprise inattendue nommée Boy’s Abyss. Ce drame psychologique est une belle réussite. Pour un thème assez peu représenté (découvrez pas vous-mêmes), le dessin est très beau, bien qu’il manque un peu de personnalité. La poésie intrinsèque, la complexité de chacun des personnages, et surtout le rythme du récit exécuté parfaitement, réussissent à envouter le lecteur. –Pierre Reynders
TOP 3
Choujin X – Sui Ishida
Dai Dark – Q Hayashida
Boy’s Abyss – Ryou Minenami
Cette année fut si particulière. Je ne me suis jamais autant intéressé aux bandes dessinées. Découvrant de fond en comble l’univers d’Urasawa, m’émerveillant encore devant les récits de CLAMP ou adorant l’inventivité subversive de Fujimoto, je suis optimiste quant aux futurs travaux des mangakas.
Actuellement, un et un seul défaut se note parmi leurs propositions artistiques. Un maudit thème revient sans cesse, jusqu’à lasser les plus passionnés de lecture… la chasse aux démons. O combien de mangas abusent de ce fil narratif ! On n’en peut plus ! Heureusement, une exception vaut le détour : Chainsaw Man.
Mon classement s’éloigne donc de la thématique maintes fois répétées. Laissons savourer le goût du vomi aux fanatiques.
Le recueil de nouvelles de Tatsuki Fujimoto. La série riche en émotions de Kôhei Horikoshi. La dernière dinguerie de Q Hayashida. Mes coups de cœur de l’An ont de la gueule ! Ces lectures provoquent diverses sensations. Peur. Admiration. Soif de curiosité. Je ne demande qu’à découvrir les nouvelles planches de ces auteurs. Leurs aventures me font toujours rêver, qu’elles soient sordides ou émouvantes. –Drama
Quelle mission respecter à l’écoute des nouveaux albums sur le marché actuel ? Dois-je aimer chaque tube passé en radio ? Dois-je lécher les artistes anglais car ce sont souvent les meilleurs sur la scène musicale ? Niet.
Je recherche la surprise. Mes vœux sont exaucés grâce à Porcupine Tree ! Prog, rock, metal et tutti quanti, nombreuses sont les étiquettes posées sur le groupe.
Aujourd’hui, CLOSURE / CONTINUATION sonne comme leur dernier album. De mon côté, je découvre ces artisans du sound design via cette production. L’opus ne me charme pas instantanément. Mais avouons qu’il n’y qu’à écouter le bassiste et le batteur pour comprendre la maestria de l’œuvre. Je devais dévoiler la raison qui fait de ce groupe une perle rare parmi les perles.
Au 21e siècle, il est évident que nous sommes dans une ère électronique, où la guitare est mise au second plan. Ce qui nous ramène à Walk the Plank qui illustre bien mon désintérêt pour la guitare. (…) si je devais résumer ma pensée, je dirais qu’il est très difficile pour moi, et même pour la grande majorité des guitaristes, de prendre une gratte et se dire Wow, je n’ai jamais entendu ça de ma vie !, à moins d’utiliser une tonne de technologie pour trafiquer le son. Tout a déjà été fait un millier de fois. En revanche, si tu prends un synthétiseur ou un logiciel, tu peux encore créer des sons inédits. -Steven Wilson, guitariste, bassiste, claviériste et chanteur de Porcupine Tree (New Noise Magazine n°63)
Phoenix – Alpha Zulu
Ouh. Ah. Phoenix et son retour sans fracas. Précisons un fait. J’adore la quasi totalité de leurs morceaux. Wolfgang Amadeus Phoenix fait d’ailleurs partie de mes albums préférés. Une curiosité s’enflamme donc à la vue de leur nom. Néanmoins, force est de constater que les membres ne proposent plus rien de frais.
Alpha Zulu sonne comme une mauvaise repompe des sonorités propres aux derniers albums, sans aucune plus value. The Only One répète sans cesse une phrase insupportable. Winter Solstice ne décolle jamais. Tonight est entrainant mais les adjectifs s’arrêtent là. Lomepal l’annonçait, la Ville Lumière repose sur ses lauriers. Les Versaillais semblent faire de même…
Qui désire lire mon avis à chaud sur le nouveau tube de Metallica ? Les gaillards font leur retour et la fougue de James Hetfield défonce encore des amplis. Rien de neuf sous le Soleil, même si la bande attise ma curiosité.
The Murder Capital – Gigi’s Recovery
The Murder Capital dégage une aura malsaine. Elle m’attire (c’est bon signe). Elle donne envie de découvrir leurs morceaux encore et toujours. Ethel semble tenir en haleine mais demeure avant tout, un single fort, brut et dont la mélodie demeure entêtante.
Johnnie Carwash – Teenage Ends
Notre album Teenage Ends parle de la vie de tous les jours, d’amitié, de rupture, d’amour…
On s’inspire des choses du quotidien. S’il y a un fil rouge, ça serait guitare-basse-batterie, nous trois, l’amitié, le partage et le fun ! -Johnnie Carwash
Satchel Hart
Le morceau est important à mes yeux parce que ça parle de poulet. Quand j’étais petit, j’avais peur du cri du coq, mais pas du coq en lui-même. Tous les matins, je me réveillais en chialant. J’ai décidé d’écrire une chanson dessus pour ne plus avoir peur.
Ça a l’air con comme ça, mais c’est vrai. -Satchel Hart
Ils ne passent pas inaperçus. Gros son, grosses touffes de cheveux, gros paris assumés tant musicaux qu’esthétiques, les Liégeois de Gros Cœur sont pourtant tout sauf grotesques ! Quittant le studio d’enregistrement pour un premier disque, ces savants fous mêlent studio et live dans leurs productions. Rencontre psychédélique et voyage surréaliste dans leur bromance improvisée à la belge.
Votre premier morceau, Java, est disponible sur toutes les plateformes sous la forme d’une version live, c’est assez peu commun !
Quelles places ont la pratique du jam et le live dans votre projet ?
Jimmy (guitare, percussions, chœurs) : Pour une petite remise dans le contexte, on a déposé notre candidature au concours « Du F dans le texte », et pour poser cette candidature, il fallait impérativement une chanson en français. C’était un peu une espèce de pression dans le temps, on a été au moins coûteux et au plus pratique, car nous avions à l’époque un super local qui nous permettait ce genre d’enregistrements. C’était un peu la seule possibilité dans l’immédiat.
Adrien (guitare, chant lead) : Ce n’était pas uniquement par dépit ! Faire une session live offrait des moyens faciles, mais aussi un avant-goût rapide aux gens, de ce qui se construisaient.
Jimmy : La place de la jam dans le groupe, c’est super central parce que simplement, ça a commencé comme ça. On ne se connaissait pas vraiment bien. On a fait une grosse jam et ça a cliqué à fond. On a décidé qu’on allait composer comme ça ! En pratique, Adri arrive avec des riffs, des bases de morceaux et on remanie tout complètement en live, ensemble. Et c’est ce qui est le plus représentatif de ce qu’on veut faire avec le groupe, c’est ce qui fonctionne le mieux, c’est le live.
On enregistre actuellement (ndlr : septembre 2022) un album, et tout est enregistré de cette façon-là, sans clic, c’est tout organique. On a envie que ça sonne comme ça, que certains morceaux sonnent comme des jams et que la longueur soit variable, qu’on se regarde simplement quand on veut changer de partie. Les places du live et de la jam sont super centrales.
Adrien : J’arrive avec une idée de composer. Je n’ai pas envie d’imposer mes idées. Ce que j’aime avec le concept de jam, c’est que chacun peut trouver sa zone de création, même s’il y a un fil conducteur qui est apporté à la base. C’est ça qui fait que parfois musicalement, ça part un peu dans tous les sens, parce que justement, chacun apporte ses influences. Il faut sacrément être sûr de soi pour apporter une compo de A à Z et l’imposer à tes musiciens. Notre pari a pu être un peu risqué mais on s’est rendu compte très rapidement, dès la première répète, que c’était ça qui fonctionnait.
Quand on vous entend, on est face à un kaléidoscope, tant visuellement que musicalement. Pourtant, le projet est très cohérent, et on en vient à se demander comment personne n’avait pensé à un tel mélange très éclectique, mais très efficace.
De quoi est composé ce patchwork ?
Adrien : je voulais commencer à jouer avec un groupe de rock psyché. Mais je n’avais pas beaucoup de connaissance, car je venais d’un milieu plus électronique. Puis j’ai rencontré Jimmy, qui m’a fait découvrir plein de choses… ensuite, je me suis lancé à corps perdu dans un océan de psyché.
Julien (basse, claviers, chœurs) : Auparavant, on faisait tous déjà de la musique. Mais la chose qui m’a marquée au début de nos sessions d’impro, c’était cette volonté de ne pas se brider. C’était un peu un pari car on avait conscience du coté un peu patchwork de ce qu’on fait. Puis, assez rapidement, on s’est dit qu’on voulait aller dans une direction plutôt dansante, et sur scène, le coté rock marche bien aussi. On a fini par se dire qu’un mélange des deux marchait bien, en gardant toujours cette dimension organique, sans trop contrôler. Le projet est par ailleurs né pendant le confinement. Dès le début, on a voulu garder une dimension assez second degré dans ce contexte de pertes qu’on a tous traversé. On voulait que les gens puissent danser et on ne voulait pas se brider, ni sur la longueur, ni dans l’aspect rock ou plus dansant.
Niveau influences, on écoute vraiment beaucoup de choses.
Jimmy : Si on devait donner les noms des groupes ou artistes favoris des membres, ce serait très différent pour chacun.
Adrien : Jimmy adore le son clean, type Arctic Monkeys début 2006. C’était déjà à l’époque du rock dansant. Au moment où les Anglais l’amenaient vraiment, avec des Franz Ferdinand.
Jimmy : Au départ, je ne suis vraiment pas technicien. Je jouais de la guitare directement, sans aucune pédale. C’est Adrien qui m’a imposé ça (rires). Au départ je ne suis pas guitariste, donc je n’avais pas envie de bidouiller des effets.
Adrien : Je me dis souvent Pourquoi activer une pédale quand, tu peux en activer 5 ? J’aime bien surenchérir les effets, et avec Jimmy on se complète bien car il a un son plus sec, plutôt rock rythmique, alors que de mon côté, j’ajoute plutôt du psyché.
Jimmy et moi, on gravite à deux autour de la musique. Julien et Alex apportent toute l’assise, toute la puissance du projet.
Jimmy : On a la chance d’avoir un super batteur et un super bassiste, bassiste imposé et batteur confirmé ! J’ai vu deux bons batteurs dans ma vie, c’était Alex, et le batteur de Green Day (rires)
Alex : On nous a dit plusieurs fois que ça aurait pu se casser la gueule. On n’a jamais vraiment décidé de faire ce genre de musique. On l’a fait parce que ça s’est mis comme ça. Mais un jour, c’est tout à fait possible qu’on fasse un nouveau morceau et que les gens ne suivent pas…
Adrien : … que ce soit celui de trop (rires)
Alex : On a beaucoup profité de ce confinement, au départ c’était fort classique, du rock psyché en anglais avec un drum normal… On devait jouer avant, en juin 2020, puis le covid nous est tombé dessus et on a seulement pu faire notre premier concert en 2022. On a continué à répéter, à rajouter de nouvelles choses, des percussions, parce qu’on en a trouvé et que c’était drôle. Puis, on s’est dit que c’était quand même chiant l’anglais et qu’on allait passer au français. Toutes ces choses auraient pu être des idées de deuxième ou troisième album, si on n’avait pas eu cette opportunité.
Adrien : Et les liens se rapprochaient de plus en plus !
C’est vraiment ce qui se ressent sur scène ! Cet effet kaléidoscopique, mosaïque, on le retrouve également dans vos clips. D’où vient cette esthétique psychédélique et complètement excentrique, mais très assumée ?
Adrien : On voulait faire du fond vert parce qu’on n’avait pas de scénario écrit à la base, ça nous laissait beaucoup de possibilités. Alex et Julien sont intervenus dans la création, car Alex est cinéaste et Julien est vidéaste. Ils se sont alliés pour construire ce clip. On a tout fait sans moyens, à part le drap vert et les expérimentations fumigènes et fluides…
Julien : De nouveau, c’est comme pour la musique, c’est beaucoup d’expérimentations. On voulait une dimension improvisée et pas trop sérieuse. La chanson parle de café, et c’est à peu près la seule chose abordée. On filme beaucoup de conneries ! On a pris deux jours pour le faire en entier.
Adrien : Le petit personnage, c’est Jimmy, et il représente la caféine. Au début, on voit le groupe, les tasses. A la fin, ce petit personnage tout excité danse, bouge…
Jimmy : En fait, on met surtout du sens après coup (rires)
Adrien : S’il y a une phase à propos d’un morceau, on peut vraiment en discuter. On s’écoute et on avance. On fonctionne vraiment comme lorsqu’on joue. On enlève un passage, on en rallonge un autre… c’est un peu aussi comme ça pour le clip.
Jimmy : On est tout de suite devenu de très bons amis. C’est un peu aussi pour ça qu’on a appelé le projet Gros Cœur, pour cette histoire de coup de foudre amical. Ça nous permet de faire beaucoup de conneries et d’en discuter ensemble.
Adrien : On réfléchit aussi beaucoup en amont pour l’aspect visuel sur le fait que nos morceaux sont très longs… Ce n’est pas évident du tout de clipper un morceau qui est très long. On va alors chercher des parades ou des tricks. On se repose plus sur l’association d’idées, sur le principe du cadavre exquis que sur le story telling très long. On en revient à la première question sur notre premier morceau. Un morceau de 10 minutes à clipper, c’est vraiment un défi. C’est un peu un casse-tête aussi niveau visuel. On réfléchit aussi à nos sessions live pour trouver les manières de les rendre originales.
Jimmy : Je tiens à faire un jour un clip chorégraphié car j’aime beaucoup la danse contemporaine, et c’est ma seule demande (rires). On danserait tous. Mais encore une fois, il y aurait une grande place pour l’impro. Je trouve que Gros Cœur a ce truc très corporel qui s’y prêterait bien.
Chanter en français pour ce genre de musique, c’est un petit peu briser les traditions. Quand il y a du français dans la musique, c’est souvent l’instrumental au service des paroles. Pourquoi ce choix de chanter en français ?
Adrien : Ce n’était pas vraiment dans l’idée de casser les règles, mais simplement je ne savais pas choisir entre le français en l’anglais, donc j’ai essayé les deux. Sauf que pour la seconde langue, je me suis retrouvé sur Google Traduction à essayer de traduire et ça n’allait pas du tout (rires)
Jimmy : En plus, on avait l’habitude avec Adrien d’écrire en français, car on avait fondé un projet où on écrivait à deux en français (ndlr : Johnny & Charly Ciccio).
Adrien : Le français, ça ne nous mettait aucune barrière. Vu qu’on voulait travailler avec beaucoup d’effets sur les voix, que ce soit de l’anglais ou du français, c’est relativement masqué, même si on arrive parfois à distinguer quelques mots.
Jimmy : Nous ne sommes pas anglophones. On ne parle pas à des anglophones de pure souche. On a aussi découvert la scène québécoise, et là-bas, il se servent du français comme d’un instrument mélodique, qui est sous-mixé (ndlr : à moindre volume qu’habituellement) par rapport à ce qu’on entend d’habitude en français.
Julien : C’est vraiment une différence culturelle. On a l’habitude, en France et en Belgique francophone, que le français soit du texte. Au Québec, il n’y a pas cette différence par rapport à l’anglais.
Vous venez de terminer d’enregistrer un nouveau « disque » chez Laurent Eyen, connu pour avoir travaillé avec It It Anita, Phoenician Drive, Naked Passion. Est-il dans la continuité de vos morceaux actuels ? Quelle en est la ligne directrice ?
Alex : On n’est pas le groupe le plus rapide de la terre. On aimerait rattraper le retard qu’on a pris (rires). Ces morceaux, c’est notre set live actuel en fait, couchés sur un disque. On réfléchir maintenant sur la manière de produire ça comme un disque, et pas que ce soit simplement une photographie du live. On souhaite que ce soit représentatif du live. Chez Roo (ndlr : Laurent Eyen), ça s’y perte très bien. On peut enregistrer tous ensemble. Tous les instruments repassent dans les micros de tout le monde. C’est ça qu’on recherche aussi.
Adrien : On a enregistré le disque en juin et on a pris un mois et demi pour le mixer. On termine actuellement le mixage. Demain, c’est notre dernière journée, et on aurait comme objectif de le sortir au printemps 2023.
On en parle comme d’un disque car on les choix s’offrant à nous se situe entre album et EP. Pour sortit notre premier album, on aurait envie de se trouver un label. Donc on n’a pas vraiment l’impression de sortir un premier album, même si le minutage correspond plutôt à un album. On mettra 5 ou 6 morceaux, c’est un peu comme un EP, sauf que les morceaux durent environ 10 minutes. On est donc plus sur une idée d’EP, mais qui fait la longueur d’un album, donc on l’a appelé Disque.
Vous respectez une vraie cohérence, dans l’idée de ne pas faire de compromis.
Adrien : Le tout c’est de ne rien prendre mal, musicalement parlant. On ne s’attaque jamais. Il y a toujours quelque chose de constructif qui est présent tout le temps : en répète, sur notre visuel mais aussi en studio. C’est peut-être notre force, et en tout cas ça fonctionne très bien… On fonctionne au ressenti, à part peut-être pour les mixages car il y a ce côté figé dans le temps. Il faut qu’on soit bien tous d’accord, mais en ce qui concerne la musique et ce qu’on joue en live, on se laisse un peu aller. On ne se fait pas des debriefs de dingues. On avance chacun à notre rythme. Je pense qu’on ne s’est jamais mis des bâtons dans les roues.
Jimmy : On essaie de ne pas figer les choses trop vite car on est encore un jeune projet. On a encore pas mal de choses à sortir. On rigolait avec l’idée d’appeler ce disque Gros Disque. On ne sait pas si ça restera, mais ça permet encore une fois de ne pas devoir trancher entre EP, LP, surtout avec les plateformes, le rapport au shuffle, l’écoute d’albums en intégrité par les médias… on trouve ça très bien.
Adrien : Je pense qu’on va l’appeler Gros Disque (rires)