Musique

Hetouht à la Légia

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Au bord de la Meuse se trouve une excellente salle de concert : la Péniche Légia.

En ce mois d’octobre, les deux ex-membres de Mølk, Ben (guitariste) et Yoni (batteur), y jouaient en seconde partie de Little Lucid Moments. Ces jeunes musiciens forment dorénavant un groupe stoner, où l’instrumentale est maître mot : Hetouht !

La magie de ce duo réside en de nombreuses caractéristiques particulières.
Jouant sous un décors spécial, ils assument un univers qui leur est propre. Sur une toile est projetée La Planète Sauvage (1973), un film d’animation magnifiquement glauque. A quoi s’ajoute une odeur d’encens allumé, histoire de se sentir à une séance de yoga pervertie par deux musiciens exceptionnels. L’auditeur est alors spectateur d’un trip au cocktail malfaisant : une pluie de riffs sauvages, un rythme dynamique et un dessin animée déconseillé au moins de 99 ans.

Quant à la symbiose des deux compères, elle est assez incroyable! Bruts et minimalistes telle leur mise en scène, Ben et Yoni savent mêler des mélodies tout aussi sophistiquées que pulsantes. Mention honorable à un invité, le temps d’un morceau et pro au tambourin, un instrument dont on oublie souvent la complexité. Concernant Ben, tous les guitaristes bloqueront leurs vues au moins une fois sur l’ensemble de ses pédales ou de sa guitare sur table… la distorsion se voit manipulée de plusieurs manières !

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Dans une ambiance où un pogo s’animait devant la scène, les mélomanes de la Légia vivaient un sacré concert. Sur cette péniche, il est aisé de ressentir toute la puissance sonore d’un groupe. Cet énorme avantage me donne envie d’y voir passer des musiciens aux morceaux toujours plus agressifs !

L’avantage est que tout est enregistré en pistes séparées, en vidéo aussi. On a alors tout récupéré et on va certainement sortir un album live, une fois mixé par notre ingé son, Gabriel Hanquet. L’acoustique est assez appréciable aussi. Ça peut aller fort sans pour autant te niquer les tympans. Puis, jouer dans un bateau, ça reste quand même hyper cool. -Yoni

Parfois, peu de choses amènent à un spectacle hors norme. Tout comme les White Stripes, Royal Blood ou encore Blood Red Shoes, Hetouht se constitue seulement de deux personnes pour réussir des exploits musicaux. Ils méritent le coup d’œil, tant leur performance scénique ne peut être comparée à un autre groupe belge.

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Photos ©DRAMA – Légia, 28/09/2018

Publié le 14 octobre 2018

Gorillaz – The Now Now

Je n’avais pas d’histoire particulière à raconter, je voulais simplement chanter avec mon cœur. C’est un album doux, émotionnel, le plus tendre de Gorillaz.
La vie est courte, il faut se faire plaisir…

Ainsi s’explique Damon Albarn au sujet du sixième album des Gorillaz. Pour ceux qui ont raté des épisodes liés à son parcours artistique, ce collectif symbolise un de ses plus grands projets musical. Né de sa collaboration avec le dessinateur Jamie Hewleet, ce groupe fusionne bande-dessinée et musique pop, électro, rap, et déjantée !

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Publié le 6 juillet 2018

Arctic Monkeys – Tranquility Base Hotel & Casino

J’avais très très très peur d’écouter le sixième album des Arctic Monkeys.

J’ai découvert la musique de ces Anglais via leur deuxième opus, Favourite Worst Nightmare (2007). L’adolescent que j’étais avait besoin d’un album de ce type pour pouvoir se défouler dans les règles de l’art. Ensuite, point d’attente pour découvrir une discographie où un seul constat prenait toute son importance : il n’y avait pas un morceau que je n’aimais pas de ce groupe ! Tous les projets d’Alex Turner (The Last Shadows Puppets, l’album solo pour Submarine) me fascinent.
J’ai vraiment un respect hors norme pour ces Singes de l’Arctique.

D’ailleurs, Suck It And See (2011) représente une des plus belle surprises de mon adolescence. Cet album parfait m’avait et me marque toujours autant de par son hétérogénéité sonore. N’oublions pas aussi des paroles mémorables écrites par Turner. Suck It And See, incroyablement bien mixé, présentant les jeunes singes comme désormais de vrais adultes, synthétisait une formidable carrière musicale.

Puis vint le drame…

L’avant dernier bébé, AM (2013), symbolise une des plus grandes (si ce n’est LA PLUS GRANDE) déceptions musicales de ma vie. Qu’était-il arrivé à ces musiciens qui composaient des chansons illustrant leurs talents exceptionnels ? Quel gâchis… Matt Helders (le batteur) avait sûrement consommé la plus efficace des morphines pour jouer à une vitesse égale à une course d’escargots. Les paroles sombraient dans les récits d’un Turner qui semblait avoir pris le melon, partageant ses histoires amoureuses pour pécho de la minette encore et encore. Bref, ce boys band n’avait plus rien à voir avec le quatuor d’ados qui faisaient du punk accessible à tous.
Malgré le fait que les Arctic Monkeys ont toujours trouvé la force de se réinventer à chaque album (punk, shoegaze, stoner, garage, psyché), AM ennuie profondément. Nulle envie de danser durant l’écoute, pas de riff intéressant (quelle farce ce « Do I Wanna Know ? ») et aucun morceau qui se distingue plus qu’un autre (même si « R U Mine ? » sauve en partie l’album). Le seul point positif de ce navet se résume aux solos de guitare très soignés de Turner.
Il n’empêche que je préfère oublier cette bouse du quatrième art.

Tranquility Base Hotel & Casino n’avait aucun single de sorti à l’avance. Les auditeurs ne pouvaient se faire une idée de ce qui les attendait. Néanmoins, un petit clip vidéo, faisant office d’aguiche, présentait déjà des sons interstellaires de synthé et ceux d’une guitare brute (extrait de « Four Out Of Five »). Le tout entouré d’une mystique maquette à la couleur presque dorée.
Le suspens était immense et l’attente phénoménale.

Certains clament que l’opus ressemble trop à ce que produisent les Last Shadow Puppets, et d’autres affirment qu’on a affaire à un album solo d’Alex Turner. Je me tourne beaucoup plus vers le second bilan. Tout a été composé par Turner. Ce dernier a livré son univers à ses potes et le groupe a enrichi l’ensemble pour donner un œuvre indispensable.

Turner a choisi un tout autre instrument pour s’inspirer et s’appliquer à la conception de ce 11 titres : il a échangé sa guitare par un piano offert par son producteur James Ford.

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Le résultat : moyennement grandiose.

Il m’a fallu plusieurs écoutes avant d’accrocher à l’entièreté de l’album. Cependant, on ne peut nier qu’on y retrouve un travail beaucoup plus abouti que celui lié à AM. Les paroles du chanteur captivent, les lignes de basse de Nick O’Mayley envoutent et les accords au piano/synthé n’ont rien de désagréable. Le seul musicien qui contient encore une fois tout son potentiel artistique, n’est autre que Matt Helders (qui se lâche un peu plus sur « She Looks Like Fun »).

Tranquility Base Hotel & Casino a des traits rétro-futuristes. « Rétro » pour sa pochette d’album montrant une espèce de machine d’un passé lointain et surtout pour ses mélodies assez « années septante ». Et « futuriste » pour les textes cryptiques et métaphysiques de Turner.

Il n’y a qu’à se pencher sur « Four Out Of Five » (meilleur morceau de l’album) pour mieux comprendre mes propos. Cette chanson nous explique qu’il existe sur la Lune une taquería du nom de « The Information Action Ratio » (en référence au nombre incalculable d’informations reçus et transmis des médias de notre époque) qui accueille des humains de classe moyenne (des divisions entre les peuples subsisteront toujours). Ce délire assumé par Turner m’a donné une folle envie d’apprendre les paroles par cœur pour saisir l’ampleur de ce voyage surnaturel. « Four Out Of Five » reflète une prophétie surréaliste qui donne à réfléchir sur notre condition humaine.

Aux sonorités menées par un synthé qui fait planer tout auditeur, cette ballade rock’n’roll ne prouve pas que les Arctic Monkeys demeurent le seul groupe rock encore sur Terre (plus gros mensonge pour les mélomanes). N’ayons pas peur des mots : elle démontre à quel point ces musiciens sont les héritiers directs des Beatles ! Les paroles de « Four Out Of Five » contiennent également un clin d’œil à Orange Mécanique (1972) réalisé par Stanley Kubrick (1928-1999) : Hockey Cokey. « Suck It And See » était aussi un titre qui apparaissait sur un mur présent lors d’une séquence d’Orange Mécanique. Turner étant fan de ce cinéaste (géant du cinéma), est allé jusqu’au bout de ses idées à travers le clip de « Four Out Of Five » : esthétique très colorée, des plans aux cadres symétriques et des images qui dépeignent une certaine démesure.

Good morning
(She looks like fun)
Cheeseburger
(She looks like fun)
Snowboarding
(She looks like)

Ces paroles, dignes d’un lyriciste qui ne se pose plus aucune limite, proviennent de « She Looks Like Fun ». L’ironie touche bien sûr à ce sinistre texte. Turner témoigne d’une préoccupation au sujet des dérives contemporaines insécables des applications technologiques. Imaginez-vous vous lever un matin et saluer du regard des postes pathétiques d’Instagram, ne plus savoir vous ennuyer, et découvrir que plus rien n’est privé en ce bas monde.
Il traite d’obsessions propres à une grosse majorité des populations mondiales.

Si le fond de Tranquility Base Hotel & Casino charme aisément, la forme, elle, est moins extraordinaire. Turner, assagi, ne joue plus aucun titre explosif. Il se manifeste comme le chanteur d’un saloon perdu, ne buvant que du scotch et produisant des envolées lyriques remplies de références cinématographiques ou littéraires.

Quand j’aurai l’âge de Turner, je ne sais pas si j’aurais le même avis sur Tranquility Base Hotel & Casino. En tout cas, j’ai hâte d’observer les prochaines évolutions des Arctic Monkeys.

Drama

Publié le 23 mai 2018