Musique

Gomma et la vieillesse

GOMMA a la rage ! Zombie Cowboys, leur nouvel album, porte au débat. Le groupe de Caserta questionne notre système capitaliste… et il a bien raison !
L’argent appelle l’argent. L’investissement n’est pas synonyme de bonheur. Moins encore l’éternelle augmentation de capitaux.

Le thème n’est point simple à aborder.

Dès lors, comment conclure l’opus ? Les propos de « SENTENZE » s’éloignent du monde de la finance et partagent d’autres constatations. Le morceau apporte une touche de poésie mémorable à l’œuvre. Il fonde un sagace parallèle entre jeunes et vielles générations.

gomma corps

En tant que jeunes, nous ressentons ce qui est exprimé via « SENTENZE ». On y explore la perspective, et l’envie qui en découle, de vivre la sénilité. Cela reste un mode de vie tout à fait imagé puisque nous ne sommes pas encore vieux. C’est le dernier rempart d’espoir de ceux qui ne peuvent concevoir une idée de l’avenir. C’est-à-dire, se réfugier dans l’idée que lorsqu’on vieillit, le sentiment de résignation prendra le dessus. -Giovanni Fusco, guitariste de GOMMA

La jeunesse a un pouvoir d’action. La vieillesse signe le début de la fin. « SENTENZE » ne donne pas d’ordre. Le morceau ne se veut pas moralisateur. Il souligne une observation faite sur les générations d’antan. D’ailleurs, ce constat est rempli d’admiration. A un certain âge, ne plus protester devient naturel. Les derniers acteurs de nos sociétés cherchent bien plus souvent à se reposer, en fin de vie. Qui sommes-nous pour les blâmer ?

Le quatuor propose une vraie réflexion sur nos désirs. Ses membres ne se résument pas à de banals punks. Leurs chansons n’ont pas pour unique but d’éclater sa tête contre le Mur de Berlin. Est-ce que notre confort, notre époque, notre indifférence nous éloignent des révolutions ? « SENTENZE », via son ambiance apaisante et son message pertinent, démontre ô combien la bande sait soulever ce type question universelle.

brunoaleas – Photos ©voolvox & ©Alessandro Pascolo

Le shamanisme de Léonie Pernet

La musique peut fédérer. La musique peut relaxer. Elle peut surtout consoler.
Après une rupture, une déception, un dégoût inexprimable, ce n’est pas un/e proche qui venait me rassurer à 200%. Euterpe est ma seule partenaire. Elle m’accompagne dans chaque galère. L’équivalent d’une drogue sans ses côtés toxiques.

Léonie Pernet comprend cette vision du quatrième art. On l’aperçoit lorsqu’elle délivre une performance hors-norme sur Radio Nova. Elle rejoint cette force de vouloir englober tout type de public, les enjouées, tout comme les désespérés. Elle fait preuve de shamanisme. A l’inverse de l’effet d’une danse de la pluie, elle invoque le Soleil. Une magie possible grâce à ses sonorités africaines. A coups de derboukas ou de chants liturgiques, l’artiste nous emporte vers un univers très singulier. L’electro y vient apporter une touche de modernité. L’ambiance est parfaite pour la radio française l’invitant dans sa Chambre Noire.

Trop d’informations fusent dans mon cerveau, une fois initié le premier morceau. Les instrus de Léonie Pernet n’ont rien de minimal. Les synthés se fondent à merveille aux différentes atmosphères du Cirque de Consolation : la transe de « A Rebours », la rage planante propre à « Il pleut des Hommes », « Mon amour tu bois trop » et sa ténébreuse poésie.

La scène permet à la multi-instrumentiste de s’évader. Quant à sa dernière œuvre en date, elle symbolise bien plus qu’une simple évasion.

Le titre (NDRL : de son second album) recouvre à la fois l’aspect théâtral de nos vies, le besoin que nous avons d’être ensemble, mais aussi ce second souffle, ce mouvement intérieur qu’est la consolation. -Léonie Pernet (Les Inrocks, novembre 2021)

La musicienne met sa mélancolie de côté et compte célébrer la vie. L’appel aux esprits subsahariens est imminent. Qui est prêt à danser sur son coup d’Etat musical ?

DRAMA – Photo ©Jean-François Robert

Odezenne au-delà du malheur

Je souhaitais disparaître des radars. Notre société et les réseaux sociaux sont source d’angoisse, de colère. Trop de discours, peu d’idées. Soudain, un évènement permet de relativiser. Un miracle bouleverse mon train-train quotidien. Odezenne est de retour via un cinquième album, 1200 mètres en tout. Les Bordelais régalent en partageant 16 morceaux !

Une question pend à mes lèvres : vont-ils encore nous emporter au-delà des cieux ?

Leur ambiance nous propulse bel et bien dans les nuages. « Mr. Fétis » ouvre le bal, de quoi assumer une couleur électro, du début à la fin. Dès les premiers sons, on sniffe du kérosène, on voltige près des hirondelles.
Les propos de l’opus attirent bien plus mon attention. Ils sont à la fois solaires et sinistres. Ils décrivent une palette d’émotions, mais aussi les hommes, les femmes et leurs complexités. L’amour incommensurable envers une personne incomparable (« Caprice »). Le mépris face à d’inutiles gamineries (« Bitch »). Notre éternel optimisme (« Vu d’Ici »). C’est à se demander si ces chansons ne furent pas trop difficiles à rédiger. Quoi qu’il en soit, saluons ce travail d’auteur.
Mattia enrichit cet accomplissement grâce à ses instrus planantes. Elles servent à merveille la langue de Molière. Les jeux de mots, les métaphores imprévisibles et nos vieilles expressions déformées font la part belle de ce disque !

Que retenir à la fin de l’écoute ? O2ZEN souhaite peut-être se cacher dans le silence. Une manière de grandir pour un mieux, à des kilomètres d’un champ de flammes. Loin de la montée des extrêmes en politique. Loin d’une pandémie définissant l’avenir des peuples.
Toutefois, du silence jaillit une tonne de mots salvateurs. Leurs paroles affables inspirent à écrire, sans aucune peur de partager quelconque malheur. L’exercice de l’écriture a d’ailleurs des vertus thérapeutiques. Marichela Vargas, Docteur en psychologie, clarifie cette observation.

L’écriture, comme la parole orale, participe à un processus de symbolisation, c’est-à-dire, à un processus de représentation. Ce qui est pure souffrance devient mise en mots. Mettre de mots sur sa peine procure le fait de nommer les choses, les structurer et les ordonner, leur donner un sens. Les psys appellent ceci élaboration. Il s’agit d’une sorte de digestion de la souffrance, de métabolisation. L’écriture amène à ce que la souffrance soit déposée sur le papier, extériorisée.
Nommer sa souffrance implique déjà de s’en séparer, de la mettre en perspective.

Le groupe signe son projet le plus profond. Certes, au niveau des textes, plusieurs passages résultent très abstraits. Néanmoins, leur poésie touche à des thèmes universels : combattre la maladie, l’insomnie, la haine. Qui veut absolument synthétiser nos pensées noires, suite à ces dernières années merdiques ? L’enjeu est tout autre. Gardons espoir. Dansons avec nos proches. Distribuons des confettis tel un Jaco sur « Géranium ».

Nos vies ne sont que des montagnes russes émotionnelles. Rien n’interdit de le chanter.

DRAMA – Photo ©Edouard Nardon

Down to Dust au Wood Studio

Les lumières sanguinaires du Wood Studio (Chênée) n’inspirent pas l’hostilité. Au contraire, elles accueillent des mélomanes afin d’aider Pilori. Suite à une de leur date annulée, des Belges sont venus à leur secours ! (bien sûr) Quoi de mieux qu’un spectacle à deux centimètres des musiciens, sur quelques mètres carré ?! Vu que plus on est de fous, mieux on rit, Down to Dust s’occupe de la première partie, le soir même.

Après leur venue à La Zone, la force de frappe est toujours présente.

La guitare s’embrouille dans une disto aussi féroce que la voix d’Olivier Jacqmin. Ce chanteur partage une rage très communicative. Durant les morceaux, il n’hésite pas à crier loin du micro. Ce crachat de poumons n’est pas le seul point attirant mon regard. Il se pose également sur le jeu de batterie d’Hadrien Panelli. L’artiste délivre une performance tribale et brutale, au service du post-metal !

Groupe Metal 1 Chenée-5

« Savour Your Days » demeure leur morceau le plus accessible, de par sa durée et sa structure efficace. Le titre est une belle synthèse de leur premier EP, Demonstration. « The light above us » apparaît comme une respiration, où basse et batterie captent l’attention. Quant à « Upstair till the unknown », il est très intelligent de le jouer en dernier. Cette tuerie est bel et bien faite pour la scène ! Son riff final est si lourd qu’il me file la patate, m’excite, m’oblige à pactiser avec le Diable. Bref, il laisse un bon souvenir. Par les temps qui courent, c’est assez énorme.

Certains miracles ont lieu, lors de nos journées dignes de La Quatrième Dimension. Surveillons l’évolution de ce groupe… et profitons des concerts, secrets ou illégaux, modafucka !

brunoaleas – Photos ©Kyra Thonnard – Wood Studio, novembre 2021

7 clips inoubliables de nos foutues années

Nous publierons notre playlist des meilleurs clips de l’année, dans quelques mois.
En attendant, voici une sélection de 7 coups de poing visuels (2020-2021). Il est temps de saisir la situation ! La poésie d’Alix Caillet (O2ZEN) qui balaye des gobelets, métaphores des métastases. Chiello et son ambiance sanguinaire. Le gigantisme propre à l’univers de Woodkid ! Et tant d’autres trouvailles mémorables à l’image. Bon visionnage.

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OrelSan a tout dit

Quoi ? Qu’est-ce qu’on vient d’entendre ?! Pardon, Aurélien ? OrelSan est de retour ! Ce n’est pas l’instrumentation de ‘L’odeur de l’essence’ qui me ravit. Je n’accroche toujours pas aux délires de Skread. Il livre des sonorités datés, sans grand renouvellement…
qui s’apparentent à du Kanye West de Wish.
Via ce nouveau clip, l’attention est directement portée sur les paroles du rappeur !

Titre politique. Punchlines politiques. Attitude ? Politique, bien sûr ! OrelSan passe le cap de la maturité. Fini le temps où sa pensée se limitait à Les mecs du FN ont la même tête que les méchants dans les films. Son morceau, tiré de Civilisation, dépeint des constats bien plus poignants. L’hypocrisie humaine : critiquer les riches quand on aime posséder de l’argent. L’incompréhension face au système scolaire : on ne forme pas des citoyens, on le devient. L’échec des dirigeants étatiques : le ras-bol se ressent et se ressentira dans les rues. Et surtout (merci Orel d’en parler) : une paranoïa toujours plus grandissante, où tout semble trop sensible.

Une phrase particulière marque l’esprit. Elle symbolise une idée éternelle.

L’histoire appartient à ceux qui l’ont écrite.

Je vous laisse interpréter ce passage. Pour ma part, je crois qu’il souffle un vent d’optimisme, malgré la noirceur de ‘L’odeur de l’essence’. Il n’est jamais trop tard pour faire valoir son dégoût de la société. OrelSan le fait à travers son art. Il passe au scanner nos actualités, nos peurs et nos problématiques.
Certes, son instru ne casse pas trois pattes à un canard. Néanmoins, ‘L’odeur de l’essence’ donne une sacrée envie de découvrir
le quatrième album de l’artiste !

brunoaleas – Photo ©OrelSan