Erudition Sans Complexe

Arthur Teboul : devenir poète public

La vie nous réserve bien des surprises, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Des hauts et des bas. Des montagnes russes plutôt incontrôlables. Lire des poésies revient à profiter de notre meilleure évasion.
Comment mieux le comprendre ? Au 24 juin 1936, de sages paroles s’immortalisent à Londres. Lors d’une conférence à l’occasion de l’Exposition des surréalistes, organisée par Roland Penrose, Paul Eluard se prononce sur la figure du poète.

Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. Les poèmes ont toujours de grandes marges blanches, de grandes marges de silence où la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé. Leur principale qualité est non pas, je le répète, d’invoquer, mais d’inspirer. Tant de poèmes d’amour sans objet réuniront, un beau jour, des amants.

Aujourd’hui, un artiste suit les traces du surréalisme littéraire. Arthur Teboul publie un premier livre nommé Le Déversoir. Connu pour jouer au sein de Feu! Chatterton, le voici désormais auteur d’un recueil de poèmes-minute. L’objectif est simple. Ecrire des poésies en très peu de temps. L’écriture automatique est le seul moyen d’y parvenir. Rédiger sans réfléchir. Encrer sans calculer. La poésie équivaut à un terrain de jeu formidable. Le Français nous le rappelle en plus de 200 pages. Lui qui aime interpréter Jacques Prévert ou Aragon, il livre ses pensées brutes sur le papier. On y ressent une certaine légèreté. Tout un chacun peut s’identifier à tel ou tel passage farfelu. D’ailleurs, un poème me parle énormément. Je voyage vers mes souvenirs urbains, teintés de mélancolie, lorsque mes yeux se posent sur Boulevard vide.

Mais pourquoi découvrir Le Déversoir plus qu’un autre bouquin ?! L’œuvre se veut plus qu’une lecture. Arthur Teboul ouvre un cabinet. Le but est d’y prendre rendez-vous afin de recevoir son écrit personnalisé. La Ville Lumière apparaît différente, l’espace d’un instant. Devenir poète public, telle est la mission atypique du jeune Parisien. Un jour, verra-t-on plus d’initiatives de ce genre aux coins des rues… qui sait ?
Je ne possède aucune boule de cristal. Voir surgir des lieux culturels si émouvants, si ludiques, serait génialissime ! Depuis l’adolescence, je suis juste conscient d’un fait impérissable : j’aime partager mes poèmes. En d’autres mots, confronter les mots et provoquer d’inédites réactions.
Souhaitons joie et bonheur à Arthur. La poésie est un reflet indescriptible de nos réalités. Je désire qu’elle le demeure pour l’éternité.

brunoaleas – Photo ©Clément Doumic

La poésie ne doit pas périr

La poésie est un moyen d’expression rejeté en bloc par de nombreuses personnes. Pour certains, la connaître, la comprendre, c’est être snob, c’est le signe d’un niveau d’éducation élevé, c’est scolaire, codifié, ennuyeux. Pour d’autres, il s’agit d’une source d’inspiration inégalable.

La poésie, on la rencontre très tôt, en classe, où on la récite sans vraiment en comprendre le sens, dans l’unique but d’exercer sa mémoire. Plus tard, on analyse son fond et sa forme, on compte ses vers et ses figures de style, on en apprend les principaux mouvements, tout cela sans jamais s’émerveiller sur la beauté de cet art.
Comme les romans, la poésie raconte des histoires. Mais avec une longueur aussi limitée, le choix des mots est d’autant plus important. Les poèmes laissent aussi place à l’imagination du lecteur pour combler les trous. Le but est de raconter une émotion, le plus souvent relative au vécu de l’auteur, et ceci de la manière la plus esthétique possible.

Un poème n’est souvent pas bien long et pourtant il rebute. Il faut dire que les termes qui y sont utilisés ne sont pas toujours courants et que certains poètes jouent sur l’hermétisme de leurs textes pour limiter leur accès aux membres de la haute société.
Au contraire, certains poèmes sont très simples, très courts, certains poèmes sont en prose, certains poèmes ne suivent aucune règle. Relevons le voile de mystère qui entoure la poésie et l’empêche d’être appréciée à sa juste valeur.

Tout le monde peut lire de la poésie. Il faudrait même encourager chacun.e, dès l’enfance, à profiter de cette mine d’or insoupçonnée qui permet d’améliorer son vocabulaire, son orthographe et son niveau de langue en général mais aussi, peut-être, d’acquérir un goût esthétique et un peu de culture générale supplémentaire.
Enfin, tout le monde peut écrire de la poésie. La poésie, ce sont des émotions, des points de vue sur la vie et puis des jolies formules. Pas besoin d’y mettre les idées les plus profondes, les choses les plus simples sont souvent les plus belles. Suivez autant de règles que vous voulez, mais surtout ne vous mettez pas la pression.

Isa – Photo ©brunoaleas
Texte écrit lors d’un atelier Scan-R

L’étendard d’UssaR

Pensiez-vous vraiment en terminer avec mon discours sur l’amour ? Le thème est de nouveau sous vos yeux, tant il semble de plus en plus nécessaire d’écouter des paroles amoureuses. Ca ne vient pas de moi. Certains artistes honorent encore la chanson française. UssaR dévoile son intimité via sa voix grave, sa délicatesse au piano. L’artiste confirme l’arrivée de son nouvel album, début janvier. Découvrons son univers à la fois sincère et accrocheur.

Le ton est donné lorsque le titre ‘6 milliards’ arrive à nos oreilles. UssaR ne cache pas une fatalité propre au sentiment amoureux. Plus on aime, plus on prend des risques. Lesquels ? Vivre une rupture, le manque viscéral, les maladroits désaccords, le chantage affectif, et j’en passe !
Le chanteur est comparable aux romantiques du XIXe siècle.

L’amour romantique est une maladie de l’âme car la passion qui l’anime résonne avec souffrance. Véritable aliénation, la passion reste cependant préférable à toute forme de compromis pour les romantiques. -La conférencière Catherine de Laborderie

N’imaginez pas les morceaux du jeune francophone comme ultra déprimants. L’écriture du parolier est très accrocheuse. La sève artistique d’Alain Souchon, ou de Michel Berger, expose la beauté des petits rien de la vie. UssaR le comprend. Que sa passion continue de l’enflammer !

J’aimerais seulement m’endormir. Ma tête sur ta robe noire. Comme un enfant dans un sourire. Quand lève le vent, notre étendard. -UssaR

brunoaleas – Photo ©Jeanne Lula Chauveau

L’Amour est le Message

Haïr est plus facile qu’aimer. Des mots que prononceraient les grands révoltés du système. Une pensée que brandirait les rejetés de notre société. Nulle envie de jouer les prêtres du dimanche… rappelons juste une idée. Certains décérébrés préfèrent nous voir ignorants et soumis, plutôt que cultivés et curieux.

Chaque année, je vis le mois de janvier comme une période mélancolique. Le 7 janvier symbolise l’anniversaire de la personne que j’aimais le plus au monde. Mais pas que. La date est un tragique évènement : l’attentat contre Charlie Hebdo.
Quel est le rapport entre Je Crie C’est La Musique et le journal français ?! Charlie Hebdo pratique la satyre depuis 1970. Vous méfiez-vous des médias dits traditionnels ? Je vous conseille la lecture pertinente de Charlie, porté par des caricaturistes. Une fois mes yeux posés sur l’hebdomadaire, ma joie éclate de mille feux. JCCLM se veut aussi pointu, réfléchi, culotté. Même si nous souhaitons nous éloigner des affaires politiques, tout est politique. Détruire une œuvre est un acte politique. S’affranchir de la politique est une démarche politique.

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Dessiner encore – Coco

Un désaccord est une affaire politisée… nous le constations en 2015. Une page se tourne à tout jamais. Les frères Kouachi entrent dans les locaux du journal et assassinent 12 personnes. A l’époque, j’étais adolescent. Je ne connaissais rien de l’hebdo. Aujourd’hui, plus je pense à cette tragédie, plus j’en suis choqué. La dessinatrice Coco, rescapée de la fusillade, témoigne à cœur ouvert dans un numéro du Vif (avril 2021).

Cet attentat est une charge, qui pèse sur notre insouciance, mais il aurait tué l’insouciance dans n’importe quelle rédaction, dans n’importe quelle équipe.

Je ne veux pas être pessimiste. Je n’imagine pas Charlie Hebdo à feu et à sang. Nous pouvons à tout moment contrer cette avancée des haineux. La rage ne l’emportera pas. Je désire ouvrir l’année via un article rempli d’espoir. L’espoir de ne plus s’attaquer à l’art. Le désir de réfléchir collectivement, sans massacre. Un tel 7 janvier ne doit plus advenir. La France était en deuil, tout comme celles et ceux qui souhaitent lire et rire… Charlie Hebdo illustre avant tout des dessins. Faudrait arrêter de le confondre avec un tract malveillant. Ne soyons pas responsables de barbaries au nom d’une croyance. Nos convictions doivent être ébranlées. Qu’y a-t-il à gagner, lorsqu’on impose une et une seule vision de la réalité ?

Au oui, mais vous l’avez un peu cherché, avec vos dessins que l’on nous oppose, je réponds qu’au Bataclan, il n’y avait pas de dessinateurs, dans le métro de Bruxelles non plus, à la basilique de Nice non plus. -Coco

brunoaleas – texte & photo

Dead Cross et la triste vérité

Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.

2 jours après l’explosion de la bombe atomique sur Hiroshima, Albert Camus fustige l’invention infernale (édito tiré du journal Combat, 1945). Il dénonce cette révolution scientifique créée par des hommes prêts à livrer l’arme ultime. L’écrivain pointe déjà le mal incarné, à savoir les côtés toxiques et fatalistes de l’humanité.
L’être humain ne se limite pas à dévorer d’autres êtres vivants pour survivre… en 1945, il balance un fléau sur le Japon. Résultat ? 
70.000 morts.

Aujourd’hui, un artiste rejoint la pensée de l’auteur : Mike Patton. De retour après avoir affronté son agoraphobie et ses problèmes d’alcool, le musicien avant-gardiste (écoutez Fantomas ou sa collab’ avec Vannier) bouscule la doxa. Il chante une triste vérité sur ‘Reign of Error’.

Who is our problem ? We are the problem.

L’homme est le pire ennemi de l’homme. Lorsqu’on questionne le chanteur sur son écriture sur le deuxième album de Dead Cross, il affirme ne rien dévoiler d’inédit. Bien joué Mickey. La brutalité du quatuor nous fait prendre conscience d’une autre brutalité. Politiciens, lobbyistes ou autres magnats font trop souvent preuve d’indifférence face à un monde moins privilégié, comme certains scientifiques sans foi ni loi. En juin dernier, la Cour suprême des États-Unis enterre l’arrêt Roe vs Wade qui, depuis près d’un demi-siècle, garantissait le droit des Américaines à avorter. Quelle en est la conséquence ? Chaque État sera libre d’autoriser l’avortement ou non. Le clip de ‘Reign of Error’ se moque ouvertement des nantis, prenant des décisions à la place des Américaines.

Mike Patton s’éloigne de l’industrie musicale en fondant son label Ipecac. Aujourd’hui, il dénonce un secteur encore plus vaste. Comme si les systèmes établis n’étaient plus une source de bonheur. Comme si les mesures liberticides de ces dernières années reflétaient les vrais intérêts des gouvernants. Ne pas se rapprocher. Etre divisé. Et mieux subir l’insupportable norme.

Dead Cross assume sa veine contestataire depuis ses débuts. A nous de savoir si ses avertissements méritent une ou plusieurs écoutes. Pour ma part, mes oreilles en redemandent.

brunoaleas – Photo ©Becky DiGiglio

Lomepal : exit urbi

Lomepal n’est plus à ranger dans la case rap. Le fan des Strokes annonçait déjà la volonté d’insuffler du rock à son prochain album. Cette envie s’écoute et se comprend à l’arrivée de « Tee ». L’ombre d’une guitare règne en première partie du morceau. A sa conclusion, deux grattes bercent les auditeurs. Laissons de côté ces mélodies. Il est temps de se focaliser sur l’imaginaire de son nouveau clip. Il fascine mes yeux.

L’image l’emporte sur l’instru. Un plan égale une idée. Une philosophie visuelle déjà aperçue à foison sur les derniers clips de Kendrick Lamar.
Le single du francophone suit une direction assez similaire. Chaque séquence se calque sur les paroles de Lomepal (la marinade, le combiné, etc.).
Puis, un contraste se note excellemment bien. Les premières minutes de « Tee » affichent un Antoine Valentinelli caché. En ville, il fuit les regards, évite notre attention, tourne le dos à la caméra. Comme s’il trainait sur trop d’endroits anxiogènes. Une fois en pleine campagne, on admire le visage de l’artiste. Le décor s’ouvre sur une verdure rayonnante. Loin de la pluie et de la froide architecture des mégapoles, Lomepal forme un quatuor.

« Tee » synthétise l’ambiance de ces deux dernières années. La ville enfermait les citoyens dans une espèce de cauchemar. Surveillés. Epiés. Contrôlés. L’urbanisme s’apparentait à une dystopie. Des mesures liberticides dictaient nos pas. Sortir de chez soi devenait une contrainte. Dès lors, la nature était notre porte ouverte vers un Ailleurs plus que nécessaire. Nous avions tout le temps de découvrir de nouveaux coins abandonnés ou isolés. Se reconnecter à la nature fait un bien fou. Parfois, le vrai visage des humains se révèle s’il se trouve sur des plaines verdoyantes. Qui sait ? La foule n’a jamais été de bon augure. La présence des insectes, des plantes ou de l’air frais sont à des années lumières des quelconques préoccupations existentielles.

brunoaleas – Photo ©Victor Boccard

Arcade Fire et la transmission parentale

Qui est blasé d’écouter Arcade Fire ? La question se pose suite à leurs récentes activités.
Après un Everything Now en demi-teinte, plongé vers un surplus de néons, d’electrosonorités lourdes, et d’ambiance trop festoyeuse, la bande désire encore surprendre notre ouïe. Les derniers titres proposés ne s’éloignent pas de leur une zone de confort. La recette se résume à des chants fédérateurs, de joyeux changements de cadence, un jeu rapide et entrainant. Arcade Fire ne surpasse aucun niveau avant-gardiste. Néanmoins, leurs messages engagés apportent une vraie couleur et une sacrée force à leur prochain projet !

WE offre 40 minutes de réflexion. Le groupe partage ce qu’ils savent faire de mieux : porter un cri engagé vers les masses endormies. L’objectif de l’album est d’afficher les forces qui menacent de nous séparer des gens que l’on aime et le besoin urgent de les dépasser, dévoile un communiqué de presse. Comment ne pas penser à ces dernières années hors du temps ?
Les Canadiens suivent une philosophie aristotélicienne. Les humains sont des animaux politiques. Leur communauté est source de satisfaction.

Arcade Fire enfonce le clou via « Unconditional I (Lookout Kid) ». Les musiciens livre un texte rempli d’émotions fortes. Là où certains ne souhaitent plus élever d’enfants sur une planète surexploitées, Win Butler chante une ode à la transmission parentale. La société impose de futiles priorités : posséder une voiture, fonder une famille, finir ses études, sourire à pleines dents, marcher droit, etc. L’artiste n’oublie pas ces faits absurdes. Il écrit aux futures générations. Il partage une vérité loin d’un égoïsme pesant, proche d’une empathie certaine.

Lookout kid, trust your body
You can dance, and you can shake
Things will break, you make mistakes
You lose your friends, again and again
’cause nothing is ever perfect
No one’s perfect
Lеt me say it again : no one’s perfеct

Win Butler a les yeux en face des trous. Au lieu de cacher les tristes réalités aux futures génération, il sacrifie son temps et sa sagesse pour la bonne cause. L’artiste n’hésite pas à jouer « Unconditional I (Lookout Kid) » au festival Coachella. Prêt à ouvrir son cœur pour bâtir un monde meilleur, il pleure devant son public. Notre passé influence notre présent.
Si les citoyens préfèrent supporter des
mesures liberticides pour le bien-commun, l’apocalypse est à prévoir. Si les citoyens préfèrent vivre en adéquation avec les bouleversements culturels et les aléas de la vie, l’ataraxie est envisageable… pour nous et nos enfants.

brunoaleas – Photo ©SilverDave

Loons et la relance rock

Le rock n’est pas mort. Une telle évidence n’est plus à écrire. Pourtant, notons un détail assez superfétatoire. Certains articles parlent de revival dès que des groupes ravivent les cendres du rock and roll… comme si leur style se résumait à une simple relance. Au diable les étiquettes ! Au diable les cases trop réductrices !

Montpellier voit naître un trio percutant les oreilles. Loons n’a rien d’une relance rock. Je prie pour que la bande soit au contraire, un fer de lance pour d’autres jeunots souhaitant dégommer les scènes. Signé sur Flippin’ Freaks, le groupe d’adolescents sort un premier EP nommé Cold Flames. Quelle est la raison de cet oxymore ? La volonté de proposer des mélodies à la fois calmes et brutales. Non pas à la manière des Pixies composant des morceaux très courts, mais plus à la façon de Nirvana suintant la rage d’un jeu rapide, sans fioriture où chants et instruments flirtent avec les notes graves. Montpellier n’est pas Néo-Seattle, berceau d’un futur grunge prononcé. Il s’y trouve tout de même des mélomanes friands de rock post 2020.

Comment expliquer un tel phénomène ?

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Aujourd’hui, il y a plein de gens ouverts d’esprit. Quand on joue à Montpellier, on voit pas mal de jeunes à nos concerts et c’est cool. On sait que ce n’est pas leur musique de premier choix, mais on arrive à leur partager quelque chose. D’autant plus que c’est le public qu’on vise indirectement.
On ne fait pas de la musique pour ce que ça plaise. Mais on se dit que si ça nous plaît, ça plaira forcément aux gens de notre âge.
-Elio Richardeau, chanteur et guitariste de Loons

Après avoir subi deux années de blocage intense au niveau culturel (aussi bien en France qu’en Belgique), il nous fallait un groupe comme Loons afin de suer en paix !

Lorsqu’on est sur scène, on ressent une sensation très spéciale. Elle permet de libérer son esprit. C’est le moment où on se lâche avec la réalité, comme si l’instrument se mettait à parler.
Et oui, de notre côté, on dégage beaucoup d’énergie.
-Antoine Bay, bassiste de Loons

Le musicien complète en comparant ses performances artistiques à la puissance d’un Super Saiyan. On n’aurait pas trouver meilleure image. Sur scène, l’énergie déployée par la bande est un point positif pour leurs auditeurs. Energie et curiosité nourrissent donc le rock de Loons. Dès lors, arrêtons de simplement résumer leur genre aux codes des années 90, une période rock reflétant des cheveux gras, des pulls à rayures et des sourires ravagés… les clichés sont à oublier.

brunoaleas – Photos ©Bertrand Richardeau

Måneskin n’est qu’un effet de mode ?

Måneskin rayonne jours et nuits. Ces Italiens commencent doucement mais sûrement.
En 2017, ils terminent en seconde place du podium de X Factor, en Italie. Puis, s’annonce une excellente nouvelle : les voici triple disque de platine, à la sortie de leur premier album.
Dès 2021, le quatuor enchaîne de mémorables réussites. Il gagne le Grand Prix au 71e Festival de Sanremo, véritable institution de la chanson italienne.
Il remporte ensuite la 65e édition de l’Eurovision !

La bande fait grand succès à la vitesse du son. Pour les mélomanes habitués aux sonorités du rock italien, Måneskin n’apporte point une plus-value extrême sur la scène. Leurs riffs et mélodies ont de quoi accrocher. Mais Le Vibrazioni ou les projets de Piero Pelù attirent bien plus mon attention en termes de compositions brutes et efficaces. Heureusement, une évidence est de mise. Le chant de Damiano David apparaît comme la plus grande force de Måneskin. Je veux savoir jusqu’où sa voix caverneuse peut surprendre nos oreilles !

Quant à son attitude, le groupe reflète une image maîtrisée. Le côté androgyne des musiciens, leurs performances extraverties, le goût de la provocation érotique…
ces facteurs nourrissent leur univers. Devant de telles constations, une et une seule interrogation se pose : et si Måneskin n’était qu’un effet de mode ?

Le fait de jouer sur son image, ça n’a rien de nouveau. Les codes repris par Måneskin datent des années 70. Ils ne le cachent pas. Ils empruntent aux groupes glam rock, à Roxy Music, aux personnages de David Bowie. Ces artistes jouaient beaucoup sur leur aspect androgyne via leur attitude. Ils proposaient aussi une musique en adéquation avec leur style vestimentaire.
A cette époque, certains se questionnaient pour savoir si l’esthétique ne l’emportait pas sur la musique. L’Histoire a prouvé que leur musique était extrêmement importante. Elle continue d’être célébrée aujourd’hui.
Laurent Rieppi

Le journaliste et auteur belge complète par un sagace parallèle. Måneskin suit les traces d’un mouvement de libération sexuelle initié durant les années 70 (pensons à la bissexualité assumée de David Bowie). Le groupe utilise des modes d’expression du passée pour les adapter à l’heure actuelle. Même s’il est facile de pointer le côté politiquement trop correct de leurs démarches, la position de Måneskin n’a rien d’inintéressant. Ses membres partagent une certaine volonté : tout le monde est la bienvenue à leurs concerts. Nous balanceront-ils des messages politiques, baignant dans la même soupe musicale d’année en année ? Mamma mia !
Profitons d’abord de leurs derniers morceaux en date.

DRAMA – Photo ©Ilaria Leie

Par.Sek et l’incompréhension

Par.Sek s’inspire de ces derniers mois aux évènements inédits. L’arrivée de la pandémie provoque un chamboulement de nos habitudes, ainsi que 5 nouveaux morceaux du duo ! Aux sonorités dansantes et relaxantes, Les vrais trucs est l’EP qu’il défendra sur scène.
Une espèce de fil rouge se note tout au long de l’écoute. Plusieurs thèmes sont abordés, du climat à l’amour de l’Autre. Une thématique prime au-dessus du reste : notre incompréhension face au monde. Une sensation qui nous suit depuis la naissance.

Même si cela semble trompeur, l’œuvre n’est point un tract militant pour l’écologie, la paix dans le monde ou la fin d’un capitalisme toxique… Par.Sek n’a pas cette prétention.
Leur démarche est bien plus socratique qu’il n’y paraît. Que chacun demeure juge de ses pensées personnelles. Nul besoin d’imposer une morale à tout un chacun.

VISUEL_LIVE2_Crédits Ronan Dore

Ecrire des chansons me fait un bien fou. Cela me permet de comprendre des choses, en tout cas de voir où j’en suis par rapport au monde. S’il y a des gens qui sont touchés par mes textes, c’est très cool. Mais je n’ai pas l’impression d’y montrer la réalité. C’est bien plus de l’ordre du regard. D’où le titre de l’EP qui est une blague.
On ne peut pas prétendre refléter la réalité via un regard très personnel lié à un endroit, à un contexte de vie propre à une personne.
-Simon Padiou, chanteur et claviériste de Par.Sek

Lorsque le flou des mesures sanitaires, la séparation de nos proches et la déprime dictent nos journées, des poètes pointent le bout de leur nez pour poser des mots justes. A une époque où l’on échange sa liberté contre un QR Code, quelques artistes (Vald, Eric Clapton) dénoncent les folies actuelles, sans censure, sans regret.
« RIEN » est né durant le premier confinement. Ce morceau sonne optimiste. Il est important de construire un avis critique, loin des influences malsaines (la biz à Victor Bonnefoy, vidéaste confondant la propagande d’Etat aux discours critiques sur le cinéma).
Les dernières paroles de la chanson m’évoquent une autre pensée : qui nous empêche de considérer les réflexions de notre entourage comme source de sagesse ? Diminuer notre incompréhension journalière commence souvent au moment où l’on écoute les idées d’autrui. Laissons l’art de convaincre aux corrompus, aux moralistes, aux bien-penseurs… la musique est notre cure.

DRAMA  Photos ©Manon Sabatier & ©Ronan Dore

Salmo incendie les étiquettes

Salmo incendie les étiquettes. L’Italien balance un crachat de qualité, au Noël dernier. Plus de deux minutes, c’est le temps qu’il lui faut pour citer quelques angoisses. Les étiquettes sont nombreuses : fascistes, communistes, anti-vax et j’en passe. Xanax, cette foutue merde à supprimer du marché, est un mot si puissant et si révélateur de nos faiblesses, qu’il figure aussi sur la liste.

A force de nommer tout et n’importe quoi, l’être humain divise. Diviser pour mieux régner ? Si ce n’est pas l’objectif de nos dirigeants, comment nier ce fait de créer des espèces de luttes des clans en permanence ?! Pensez aux termes essentiels, non-essentiels. Pensez à cette distinction obligatoire à réduire un être humain à la figure du non-vacciné. Les mots ont une puissance. L’artiste l’a très bien compris. Il se lâche quant à son rôle, lors d’une interview face à l’acteur Alessandro Borghi (Suburra, Sulla mia pelle, Dalida).

Le problème, c’est que les gens, surtout les rappeurs, portent cette croix de devoir obligatoirement envoyer un message positif. Mais ce sont des conneries : quand tu écris une chanson, tu ne dois pas faire de la rhétorique, tu n’as pas dire aux gens ce qu’ils doivent faire.
Tu dois raconter ton histoire, et si quelqu’un a une histoire similaire à la tienne, alors là se crée la magie.
Salmo

Il révèle aussi ce qu’est le meilleur moyen de réciter devant la caméra. Il suffit de faire abstraction du jugement de soi-même, ainsi que celui d’autrui.
Dans un monde idéal, personne ne poserait de présupposé à chaque rencontre. Malheureusement, hommes et femmes ont besoin de tout expliquer. Ce constat date de la nuit des temps. A l’Antiquité, les Grecs donnent du sens à leur vie à travers leurs nombreuses mythologies.

Aujourd’hui, nos repères deviennent de plus en plus flous. Le rappeur tombe à pic.
« PLOF » traduit peut-être une seule évidence : le consensus ne nourrit pas l’esprit critique. Nous pouvons nous détacher de la novlangue des gouvernements étatiques. Nous pouvons construire un vrai raisonnement, à l’instar du punk Salmo. Il est temps de cultiver son jardin.

DRAMA – Photo ©Nicola Corradino

Gomma et la vieillesse

GOMMA a la rage ! Zombie Cowboys, leur nouvel album, porte au débat. Le groupe de Caserta questionne notre système capitaliste… et il a bien raison !
L’argent appelle l’argent. L’investissement n’est pas synonyme de bonheur. Moins encore l’éternelle augmentation de capitaux.

Le thème n’est point simple à aborder.
Dès lors, comment conclure l’opus ? Les propos de « SENTENZE » s’éloignent du monde de la finance et partagent d’autres constatations. Le morceau apporte une touche de poésie mémorable à l’œuvre. Il fonde un sagace parallèle entre jeunes et vielles générations.

gomma corps

En tant que jeunes, nous ressentons ce qui est exprimé via « SENTENZE ». On y explore la perspective, et l’envie qui en découle, de vivre la sénilité. Cela reste un mode de vie tout à fait imagé puisque nous ne sommes pas encore vieux. C’est le dernier rempart d’espoir de ceux qui ne peuvent concevoir une idée de l’avenir. C’est-à-dire, se réfugier dans l’idée que lorsqu’on vieillit, le sentiment de résignation prendra le dessus. -Giovanni Fusco, guitariste de GOMMA

La jeunesse a un pouvoir d’action. La vieillesse signe le début de la fin.
« SENTENZE » ne donne pas d’ordre. Le morceau ne se veut pas moralisateur. Il souligne une observation faite sur les générations d’antan. D’ailleurs, ce constat est rempli d’admiration. A un certain âge, ne plus protester devient naturel. Les derniers acteurs de nos sociétés cherchent bien plus souvent à se reposer, en fin de vie. Qui sommes-nous pour les blâmer ?

Le quatuor propose une vraie réflexion sur nos désirs. Ses membres ne se résument pas à de banals punks. Leurs chansons n’ont pas pour unique but d’éclater sa tête contre le Mur de Berlin. Est-ce que notre confort, notre époque, notre indifférence nous éloignent des révolutions ? « SENTENZE », via son ambiance apaisante et son message pertinent, démontre ô combien la bande sait soulever ce type question universelle.

DRAMA – Photos ©voolvox & ©Alessandro Pascolo