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Dunkerque

Cinéaste adoré et des critiques et du grand public s’il en est, Christopher Nolan a réussi l’entreprise, entamée il y a plus de dix ans avec Batman Begins et concrétisée avec The Dark Knight de faire partie du cercle très fermé des réalisateurs disposant de la totale confiance des studios. Fort de ce statut, le bougre a eu la chance de pouvoir réaliser des films aux ambitions toujours plus démesurées. De là à dire que Christopher Nolan est le nouveau David Lean, il n’y a qu’un pas. Cependant, il semble que deux de ses trois longs-métrages les plus aimés (voire même adorés et défendus en vers et contre tout par une infatigable horde de fans), The Dark Knight, Inception et Interstellar montrent toutes les limites de ce cinéaste. Le premier est le meilleur des trois: tout en proposant ce qui est sans doute le plus grand film sur la société occidentale, et plus particulièrement américaine, post-11 septembre, Nolan réalise le mètre étalon du blockbuster contemporain enrobé d’un héritage très « Michael Mannien » qui n’étouffe pas le film, un des chefs-d’œuvre de ce début de siècle. A contrario, Inception, se reposant beaucoup trop sur son concept, peine à faire exister ses personnages et propose une vision de l’onirisme très froide, très clinique et se finit par un pseudo-twist absolument inutile et malvenu tant le déroulement du film n’est pas aussi tortueux et complexe que Nolan et beaucoup de ses fans aimeraient le faire croire. Quant à Interstellar, les magnifiques images de l’espace peinent à rattraper des personnages aux relations bien trop platoniques pour soutenir un propos vantant justement le pouvoir de l’amour et dont les dialogues semblent servir à expliquer les élucubrations scientifiques de ce bon vieux Christopher. Ajouté à cela un aspect métaphysique balourd et pompeux assez détestable qui est bien loin de rivaliser avec 2001 : L’odysée de l’espace, modèle assumé du cinéaste.

Une fois Dunkerque annoncé, le projet étonne tant le sujet ne se prête absolument au high-concept Nolanien, marque de fabrique tristement réductrice pour un cinéaste pouvant proposer bien d’autres choses, comme le prouvent son trop méconnu Insomnia et The Dark Knight.

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L’introduction donne le ton. Après que soient montrés des soldats anglais pris pour cible dans les rues de Dunkerque par un ennemi qui restera invisible durant tout le film, est dévoilée la plage de Zuydcoote remplie de figurants. Nolan cadre directement son sujet : il veut raconter l’évacuation des soldats anglais depuis la France vers leur île suite à la débâcle de la Bataille de France. Plus haut était à dessein évoqué David Lean, car la révélation de la plage fourmillant de figurants en uniforme et véhicules d’époque n’est pas sans rappeler les longues et ambitieuses fresques historiques du génial réalisateur du non moins génial Lawrence of Arabia. Mais Nolan fait tout autre chose de l’ampleur de son métrage. S’il se concentre sur les destins particuliers d’une poignée de soldats et civils, sur terre (Fionn Whitehead et de l’étonnant Harry Styles), sur mer (Kenneth Brannagh, Mark Rylance), et dans les airs (Tom Hardy et Jack Lowden), il omet totalement l’aspect politique et extérieur au lieu des opérations pour proposer autant un thriller haletant qu’un film de guerre. C’est là que la mise en scène de Nolan, renforcée par la sublime froideur de la photographie de Hoyte van Hoytema, montre toute son efficacité, voire sa virtuosité. Non seulement le spectateur est à proximité immédiate des différents protagonistes, de telle sorte qu’on se croirait avec eux sur la plage, essuyant les tirs des monstrueux et bruyants Stuka de la Luftwaffe, ou dans l’eau, en train de se noyer suite au torpillage d’un destroyer. Mais en plus de cela, il réussit à faire planer sur tout son film l’ombre monstrueuse, presque mythologique, de l’avancée inéluctable de l’armée allemande. Ainsi, Dunkerque fait ressentir dans sa quasi-totalité, une sensation pesante d’oppression et de resserrage d’un étau terrible et destructeur. Le tout auréolé d’une extraordinaire maîtrise du suspense, malgré un deus ex machina assez malvenu en fin de film, Christopher Nolan étale ici tout son talent de metteur en scène mais aussi de faiseur d’images. Seule ombre au tableau, la présence dans le décors de lotissements, immeubles et autres installations urbaines datant au mieux des années 60, qui n’ont rien à faire dans le Dunkerque de 1940. Cela peut sembler être un détail, mais l’œil un tant soit peu attentif sortira du film à la vue de ces anachronismes.

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Si on pouvait faire confiance au talent de metteur en scène de Nolan, c’est bien l’écriture qui suscitait une vive appréhension. Le côté explicatif et pompeux d’Inception et Interstellar, ainsi que son appui trop fort sur ses high-concepts, boursouflaient ces deux films et les rendaient insupportablement prétentieux. Mais, miracle, les défauts de ces deux films sont largement effacés, quand ils n’étaient pas simplement absents. Ici, Nolan se montre avare en dialogues et autres logorrhées explicatives indigestes. Cette sous-écriture toute relative, nous parlons quand même de Christopher Nolan, s’applique aussi aux personnages, qui n’ont pas besoin d’être davantage développés tant l’impression de danger approchant, et de huis clos du film, suffisent à ressentir un attachement pour ces personnages. Nul besoin qu’un soldat montre une photo de sa jolie fiancée l’attendant au pays pour s’attacher à lui, seule l’urgence d’un départ qui semble impossible et l’importance de sauver l’armée anglaise permet de ressentir un attachement presque immédiat pour ces soldats et civils. Une qualité qu’on n’espérait plus voir dans un film de Christopher Nolan, malgré un final tout de même assez pompeux, la faute à un élan de patriotisme quelque peu lourdaud.

Autre ombre au tableau est la composition d’une paresse impressionnante de Hans Zimmer (mais est-ce une surprise ?). Le bougre ne semblant plus capable de faire autre chose que du crescendo. Pire, la musique se fait par moments trop envahissante alors que la seule puissance visuelle de la mise en scène Nolan aurait suffi, c’est là qu’on retrouve soit le caractère pompier de Nolan, souhaitant appuyer la grandiloquence de son film, soit un manque de confiance du réalisateur envers son propre cinéma. Reste à espérer que pour son prochain film, Nolan changera de compositeur comme il avait remplacé, pour le meilleur, son directeur de la photographie Wally Pfister par Hoyte van Hoytema en ce qui concerne Interstellar.

Avec ce dernier film, Nolan semble entamer un tournant dans sa filmographie, se reposant davantage sur sa mise en scène que sur son écriture et ses dialogues. Dunkerque montre qu’il est capable de bien d’autres choses que de films dont on se souvient juste à cause d’une toupie qui tourne ou de Matthew McConaughey qui pleure en gros plan. Si certains défauts du cinéma de Nolan sont toujours présents, ils sont suffisamment discrets pour que s’impose la proposition de cinéma incroyablement maîtrisée, puissante et d’une qualité qu’on n’avait pas retrouvé chez Nolan depuis The Dark Knight. Sans pour autant accéder au panthéon du genre du film de guerre, Dunkerque est une réussite qui donne non seulement envie de voir l’évolution de la carrière d’un Nolan ayant, espérons-le, gagné en maturité. Il ne reste désormais plus qu’à attendre de voir comment Ridley Scott s’occupera de la « suite » avec son projet sur la Bataille d’Angleterre.

Clément Manguette

Spider-Man: Homecoming

Le rêve si cher aux fans du Marvel « Cinematic » Universe, à savoir l’intégration du personnage de Spider-Man dans la grande fresque super-héroïque du studio, concrétisée à la truelle dans le désastreux Civil War, a enfin pu se confirmer au travers d’un premier film. Cinq ans après le désastreux reboot The Amazing Spider-Man et dix ans (déjà) après la fin de la fabuleuse saga de Sam Raimi, le film, se consacrant uniquement à cette nouvelle lecture de l’homme araignée, fut attendu. Est-ce que Marvel Studios et Jon Watts réussissent à faire oublier l’affreux dyptique de Marc Webb et à atteindre le niveau du maître Raimi? Rien n’est moins sûr.

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King’s Game

Depuis le phénomène Battle Royale, le survival game est devenu un véritable genre indépendant avec ses propres codes et clichés dans le panorama de la culture japonaise. Le genre est extrêmement populaire et a engendré de nombreuses œuvres, parfois excellentes, mais souvent peu originales. King’s Game est un symptôme typique de cette  » tendance ».

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STUFF. – old dreams new planets

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Il y a énormément de choses à dire sur les gars de STUFF. La bande flamande emmenée par leur batteur atypique, Lander Gyselinck, est peut-être tout simplement le groupe de néo jazz électronique (si je puis dire) se démarquant le plus de la flopée de groupes du genre. En quelques années, leurs sons électroniques et leurs mélodies groovies et sinueuses sont devenues une particularité et une qualité qu’eux seul, dans la lignée de Marc Moulin et de son groupe Placebo, ont su se réapproprier à la perfection.

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Rétrospective Spider-Man: le diptyque de Marc Webb

Immédiatement après l’annulation du regretté Spider-Man 4 de Sam Raimi en 2010, Sony Pictures décide de relancer une saga, voire carrément un univers partagé, évoluant autour de l’homme-araignée. Notons également que relancer l’exploitation du personnage a permis à Sony de prolonger son exclusivité sur le personnage, l’empêchant de rentrer chez Marvel studios, le concurrent direct. Cependant, cette nouvelle saga arrive après un film qui a tout changé sur les super-héros au cinéma mais aussi sur le cinéma Hollywoodien en général: le chef d’œuvre The Dark Knight de Christopher Nolan, sorti en 2008. Sans aucun doute le plus grand film sur l’Amérique post-11 septembre. Il est également un véritable bouleversement esthétique: il n’est pas question pour Nolan de faire entrer quelque élément surnaturel, tout est rationalisé à l’extrême, plus réaliste, et surtout plus sombre. Ces différents bouleversements provoquent la disparition totale du canon introduit par Richard Donner en 1978 avec Superman, et dont le dernier soubresaut fut le cruellement mésestimé Superman Returns de Bryan Singer en 2006 et Spider-Man 3, dans une moindre mesure.

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Dario Mars and The Guillotines Interview

Le nouvel album, The Last Soap Buble Crash, des Dario Mars and The Guillotines ne pouvait passer à la trappe ! Bruno s’accorde un entretien spécial pour décrypter l’univers, la méthode de travail et les inspirations de cette bande de rockers.

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Qui est véritablement Dario Mars, comment est-il né ?

C’est un nom qui évoque pour nous la magie, le mystère… C’est notre Ziggy Stardust.

Pourquoi avoir enregistré d’abords les basse/batterie dans un gros studio, sur un 24 à bande, puis dans une petite maison au milieu de nulle part, jour et nuit au moyen d’un studio mobile ?

La section rythmique est pour nous à la base d’une composition. C’est ce qui donne à mon sens, le cachet d’un groupe, son style, sa griffe qui te fige dans une époque ou pas.
Nous avons, avec David, voulu soigner ce jeu, qui oscille entre late sixties rock, space rock et rock’n’roll. On a voulu habiter notre base rythmique pour qu’elle sonne à la fois nerveuse et puissante. Nous avions besoin du studio et du mec qui pourrait faire sonner ça. Cette personne était Jean-Charles Cremers du Chênée Palace, un vieux complice à moi qui a notamment produit le premier EP de Hulk. Ensuite, nous avons voulu soigner le « reste » en vase clos. C’est-à-dire qu’on a bidouillé nous-même des sons et chercher la prise ultime, surtout au niveau des chants.

Y a-t-il un message derrière la chanson « Gone With Sorrows » ?

Pas de réel message. C’est une chanson d’amour, ou un défunt parle a un être aimé toujours en vie… en l’occurrence, j’ai écrit cette chanson pour mon frère décédé, il y a 10 ans.

Si vous pouviez retourner dans les années 70, et que vous pouviez choisir de voir un groupe en concert, lequel serait-il ?

David Bowie, Iggy Pop, Black Sabbath avec le line up original, AC/DC avec Bon Scott, Aerosmith, DMZ, MC5, Dr. Feelgood, The Stranglers, The Damned, The Saints, Grandfunk Railroad, Tony Joe White, Creedence Clearwater Revival. Y en a tellement que je me bornerai à ceux-là! Tu dois lire Le Temps Du Twist de Joel Houssin.

Est-ce que les réalisateurs viennent vers toi Renaud, lorsqu’il faut composer une bande originale d’un film, ou c’est plutôt toi qui opte avec qui collaborer ?

Ce sont eux qui, invariablement viennent vers moi, sinon je ferais 3 fois plus de films !

Avez-vous plus de liberté à composer de la musique pour un long métrage ou pour un album ?

Un album, sans hésitation. Ce qui est dur dans une musique de film, c’est que primo, il faut faire en sorte que ça marche (musique-image), deuxio que ça me plaise et tertio que ça plaise au réalisateur. Tout est question de compromis, de remises en question, d’essais… c’est parfois une somme de travail immense. Pour un album, c’est beaucoup plus simple, il faut juste que ça nous plaise.

Vu qu’il y a deux vocalistes, comment vous vous organisiez pour savoir qui chantait quoi et à quel moment ?

J’ai un timbre et une façon de chanter beaucoup plus rythmique, typé rock’n roll 50. Bineta a une voix qui s’envole et te prend sur les mélodies, des trucs plus intenses, plus « chantés ».
Disons que les textes où il y a plus de consonnes, c’est moi, et ceux avec plus de voyelles, c’est elle
(rire). Sinon, il y a beaucoup d’harmonies, comme sur « Gone With Sorrows », nous chantons tous les deux du début à la fin. Nous adorons faire ça.

Votre public a sûrement de quoi être particulier.

En général, ce sont plus des mélomanes que les membres d’une « secte » (métal-rock-stoner, etc.), vu qu’on passe au mixer 3 décennies de rock, ça se comprend aisément… et c’est très bien comme ça !

brunoaleas – Interview faite le 29/06/17

Rétrospective Spider-Man: la saga de Sam Raimi

Depuis plus de sept décennies, les super-héros sont présents dans les salles obscures. Si leur présence s’est faite plus intense depuis le Superman de Richard Donner en 1978, ce n’est qu’au tournant des années 2000 que ceux qui étaient autrefois les idoles de quelques originaux à grosses lunettes sont devenus de véritables icônes culturelles, pour le meilleur et (surtout) pour le pire. Car à bien y regarder, des films de l’acabit du Superman cité précédemment, des adaptations de Batman par Tim Burton puis Christopher Nolan, des X-Men de Bryan Singer ou encore du récent Logan de James Mangold sont plus l’exception qu’ils ne sont la règle. En effet, la popularité grandissante de ces personnages a la matrice d’une grande fresque cinématographique est rapidement devenue une véritable machine uniformisatrice de tout un pan de la production super-héroïque. En plus d’être castratrice pour tout réalisateur qui oserait apporter des idées un tant soit peu originales à son film. Si le dernier véritable auteur à en avoir fait les frais est Shane Black sur Iron Man 3, le point d’orgue de cette dynamique fut le départ d’Edgar Wright de ce qui allait devenir Ant-Man, le Britannique refusant de voir le scénario du projet qu’il a porté durant huit ans charcuté par des liens inutiles aux autres films du studio. Notons également le renvoi de Phil Lord et Christopher Miller de la réalisation du spin-off Star Wars sur Han Solo par Disney, qui est également à l’origine du mode de production de Marvel, il n’y a pas de hasard. Que ce soit dans le cas de Wright ou de Lord et Miller, il y a de quoi grincer des dents.

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Bigflo et Oli – La Vraie Vie

Le grand moment de la confirmation est venu pour Bigflo et Oli. Une étape importante dans la carrière d’un artiste mais pas pour autant la plus compliquée. En tout cas, d’un point de vue purement commercial. D’autant plus simple quand on sait le succès rencontré par un premier album tel que La Cour Des Grands. Un principe très connu est alors de rigueur pour rééditer une telle réussite : on ne change pas une équipe qui gagne !

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