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Lomepal – 3 jours à Motorbass
Antoine Valentinelli a tourné deux fois la page dans sa carrière.
La première avec FLIP (2017). Personne ne s’attendait à une telle rafale de classiques. Une collection de sons composés par d’excellents producteurs tels que Superpoze, Ponko ou Le Motel!
La seconde avec Jeannine (2018). Une introspection aux paroles et thèmes universels. Une dédicace à sa grand mère et aux âmes torturées.
L’enfant du 13e arrondissement ne nous offre pas un vulgaire et banal best of… Mais bien une session acoustique qui donne ses lettres de noblesse à son chant et surtout, à ses chansons. Il s’enferme du 29 au 31 mai au studio parisien de Motorbass. Son objectif: reprendre 15 titres de ses précédents opus, accompagné de Pierrick Devin (Phoenix, Nekfeu) à la guitare, du percussionniste Aymeric Westrich, de Rami Khalifé au vibraphone, et d’Ambroise Willaume (Sage) au piano, wurlitzer et guitare. Chacun s’applique à remanier les tubes du chanteur.
Durant ces 3 jours, le fan des Strokes capture la délicatesse de ses paroles. Que ce soit son cri d’amour à la jeunesse (« Môme ») ou ses délires frénétiques (« 70 », « 1000° »), l’ambiance montmartroise enferme l’auditeur dans une bulle sensible. Pianiste et guitariste participent à créer cette magie. De la beauté non négligée des cordes de « Trop Beau » ou de l’interprétation soignée de « Bécane », ce projet s’écoute d’une traite comme un hymne à la chanson française. Mention honorable à « Tout Lâcher » renouvelant parfaitement sa version originale.
Ce live enregistré reflète également un souhait caché de l’artiste.
J’ai plus un background rock à la base. Le rap était un moyen de me faire entendre. -Lomepal
Charles Baudelaire affirmait qu’un poète jouit d’un incomparable privilège: être à sa guise lui-même et autrui. Antoine, tu traces ta route tout en t’éloignant des normes du rap. Bravo Palpal. Bravo.
brunoaleas
Vald – Ce monde est cruel
Vald est le pote à la fois intello et défoncé qu’on aimerait avoir. Capable du pire (ses morceaux trop trap) comme du meilleur (Agartha étant un immanquable du rap francophone), le jeune français revient avec Ce monde est cruel. Un opus qui rappelle certaines duretés de la vie.
Quelques mélomanes le considèrent comme le meilleur rappeur babtou. Je ne valide pas cela vu le talent et l’écriture d’un Lomepal ou d’un Nekfeu. On va s’en tenir à un constat: Valentin Le Du est le rappeur le plus fou du rap français. Ses divers flows, ses multiples tonalités de voix, ses textes… Tant de points qui rendent son univers assez délirant. Pensons à « Pensionman », où il se lâche complètement afin de traiter des impôts et de l’argent! Une parenthèse teintée d’humour donnant à réfléchir quant aux séparations de couples. Des situations qui mènent souvent à de belles catastrophes économiques chez l’un ou l’autre partenaire. Non, Vald n’a pas arrêté de rire.
Qui veut un salaire? Je lui fais un gosse. -Vald
Et on en parle de l’alchimie parfaite qui coexiste entre Vald et Suikon Blaze AD?! Puis, il suffit à Suikon de balancer un son avec son pote pour mettre à genou tous les autres paroliers de France. « NQNTMQMQMB » démontre que les deux loubards ont encore et encore du feu à nous délivrer. Ça débite lentement, rapidement, et surtout de mille façons différentes. Une fois le morceau terminé, impossible de nier l’incroyable technique vocale des deux amis.
Malgré les nombreuses qualités de Vald, je ne peux me résoudre à écouter sa voix modifiée à l’auto-tune. Si Kanye West fait de l’auto-tune une espèce d’instrument à part entière, il n’en est pas le cas de tous les chanteurs.
J’ai dû passer un plusieurs titres de Ce Monde est cruel. Ce n’est pas pour autant un mauvais projet. L’évolution artistique de Vald demeure stupéfiante.
L’homme décrivant le rap tel une philosophie pour les nuls nous réserve un prochain album rempli d’amour. Il compte également créer son propre label. Avant de se prendre un nouvelle ère en pleine face, souvenez-vous de ce monde cruel.
brunoaleas
La playlist RELAX le retour
Joker
La haine n’engendre que la haine. Serait-ce réducteur de résumer ainsi le Joker de Todd Phillips (Very Bad Trip, War Dogs) ? Le long métrage réussit à sublimer cet adage.
On peut très vite douter qu’une énième adaptation du Joker délivre un propos intelligent. Joaquin Phoenix, avec ses 23 kilos en moins, ou New York devenu le Gotham des damnés… déjà assez de points pour attirer le public ?
Aaaaaah ahahaha aaaaahaha. Ce rire saccageur équivaut à « oui ». Vous le comprendrez dès les premières scènes du film: le Joker n’est que malheurs dont on a pitié. Il n’a pas pioché les bonnes cartes. Malgré son surnom d’Heureux, nulle vie en rose de son côté. Sa misère, il la subit comme de nombreux oubliés de la société. Le spectateur assiste alors à la descente en enfer d’un personnage brûlant déjà depuis belle lurette.
©The Telegraph
Douloureux est le visionnage, jouissive est l’évolution de notre anti-héros. Avant de devenir le rival de Batman, Arthur Fleck essaye de s’en sortir. Ses lésions crâniennes provoquent un rire imprévisible et éprouvant à regarder. Ses agressions s’enchaînent et son entourage s’en moque ouvertement. La folie du clown se sent presque à chacun de ses échecs. Si le ridicule ne tue pas, notre martyr prouve petit à petit le contraire.
L’interprétation de Joaquin Phoenix devient un modèle pour chaque personne embrassant le délire comme voie échappatoire. Quant à l’œuvre dans sa globalité, elle démontre qu’il suffit d’un auteur et d’un acteur de qualité pour proposer un art atypique des standards hollywoodiens.
Les studios nous ont suivis et nous ont laissés faire exactement ce que nous voulions. Joker est un personnage complexe dont les origines n’avaient jamais été contées. C’était assez libérateur car il n’y avait pas de frontières et de règles. -Todd Phillips (Le Soir)
Manifeste politique ou non, Joker remet en question la virulence de nos déclarations et actes. Quand la bestialité l’emporte sur l’homme, il faut tout redéfinir, de notre environnement à notre condition humaine.
brunoaleas
Marina Cedro Interview
Marina Cedro viendra présenter son second album à La Cité Miroir (Liège) ce vendredi 4 octobre. Très engagée, elle chante et danse le tango depuis son plus jeune âge. A la question « Etes-vous une chanteuse engagée ? », la chanteuse argentine répond du tac au tac par l’affirmative. Mais ses nombreux textes sur la dictature argentine et ses messages d’amours libres ne résument pas entièrement son univers. L’artiste d’une quarantaine d’années chante la vie, ses émotions, ses souvenirs, reprend quelques classiques (Creep de Radiohead, I Put a Spell on You de Screamin’ Jay Hawkins) et fait vivre le tango de son pays avec passion.
Vous donnez quatre concerts en Belgique sur cette tournée, pourquoi ?
J’ai conservé un beau souvenir de mon concert à Charleroi en 2009. Initialement, j’avais même pour objectif de revenir durant un mois entier en Belgique. C’est un pays que j’adore parce que ’y retrouve une belle écoute de la chanson et un respect de la poésie.
Votre musique est passionnée, engagée. J’ai l’impression que de nombreuses causes vous animent.
Il faut avant tout que ce que je chante soit vrai. Je revisite mes paroles et mes écrits via mes émotions. Mes chansons parlent de tout. De l’amour, la colère, la révolte, la passion, le bonheur. Le message qui doit découler de tout cela est la vérité. Quand je chante une chanson d’amour, je la vis entièrement du début à la fin. Peut-être que cela éveille l’amour chez une autre personne. C’est cela que j’appelle l’émotion vraie.
Vous parlez beaucoup de l’Argentine de 1972. À quoi ressemble le pays aujourd’hui ?
Il n’y a plus de militaires. Mais il reste des silences et des blessures dans le pays. La censure et le tabou sont encore d’actualité. La force artistique argentine avait pu sublimer l’ancienne dictature. Ce qu’on a vécu devient aussi notre patrimoine. Notre rôle d’artiste est de continuer à créer.
L’Argentine est un pays à l’histoire riche, aux influences multiples. Comment le traduire en musique ?
Les migrants sont à l’origine de la naissance de Buenos Aires. Ils venaient de tout horizon. Tout le monde souhaitait faire sa vie dans ce pays où il n’y avait rien. Ces instants de trouvailles et retrouvailles demeurent une richesse. Nous sommes un pays très curieux. Dès que les Argentins sortent de leurs terres, ils vont s’intéresser aux autres cultures et reviennent avec leurs savoirs. Ce qui alimente notre amour de la psychologie, aussi. On est toujours en quête de soi vu que notre peuple est le mélange d’autres cultures. C’est ça le tango : être une éponge, une évolution constante. Je fais du jazz, du folklore et du classique, mais avec le tango, j’ai trouvé une façon de m’exprimer. C’est la voix de l’âme.
Vous expliquez également dans plusieurs interviews que le tango vous permet de tout essayer.
C’est une musique qui naît de plusieurs cultures. Le tango s’exprime autant dans la danse que dans les paroles. Toutes les émotions peuvent y être transposées : la mort, la solitude, la joie. C’est une trilogie : il y a le corps, la parole et la musique. J’ai appris les trois disciplines quand j’étais petite. Lorsque je joue du piano, je peux aussi danser avec mes jambes ou mon bras. C’est tout que j’aime dans le tango.
Votre tango est assez moderne. Votre collaboration avec le rappeur Mike Ladd y participe. Pourquoi l’avoir choisi pour ce second album ?
J’aime bien le rap mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est dire les choses. Le rap est une manière de transmettre la vérité et de la manifester en rythme. Avec Buenos Aires 72, je voulais parler de révoltes. Mike Ladd a sa place dans La noche de los lapices. C’est une chanson qui décrit la Nuit des Crayons où des étudiants argentins ont été torturés et tués. Il me fallait une force pour expliquer ce qui s’était passé.
DRAMA – Photo ©Nathalie Carlier
Mike Patton & Jean-Claude Vannier – Corpse Flower
Plus qu’un mythe du rock actuel, Mike Patton (Mr. Bungle, Faith No More, Tomahawk) est le meilleur magicien pour mélomane. Chaque année, il surprend avec un nouveau projet. Il reprend notamment des classiques de la musique italienne avec Mondo Cane (2010). Sans compter Fantomas, où il délivre des prestations iconoclastes, en se jouant des codes rock/métal. Personne n’arrête Mikey !
Alors quand on apprend que Jean Claude Vannier (auteur-compositeur-interprète et arrangeur musical français) s’entretient avec Mike Patton via mails… Comment ne pas sauter de joie ?! Cloclo Vannier n’est pas n’importe qui. Papa entre autres de l’Histoire de Mélody Nelson (Serge Gainsbourg, 1971), il compose autant au cinéma, en télévision qu’au théâtre !
La fusion Patton/Vannier semble improbable. Pourtant, Monsieur Vannier aime l’humour du chanteur américain… Une porte s’ouvre dès lors à cette collaboration.
L’opus Corpse Flower sonne comme une lettre d’amour aux styles respectifs des deux artistes. Si l’on retrouve de méticuleux violons ou des guitares rockabilly pour Vannier, les chœurs (‘Chansons D’Amour’) et cris glaçants (‘Ballade C.3.3’) de Patton ne passent pas inaperçus !
La classe et la fantaisie. Le rire et la tétanie. Le café et le sang.
Encore une fois, Mike Patton prouve qu’il ne joue pas dans la même cour que ses contemporains. C’est une ballade mi-française, mi-anglaise, qu’il nous demande d’écouter…
Une orchestration millimétrée et transcendante.
Je me méfie des faiseurs de systèmes et m’écarte de leur chemin. L’esprit de système est un manque de probité. -Friedrich Nietzsche
brunoaleas
Il est mort le Soleil
Vue verdoyante
La playlist dure à cuire #10
Se souvenir de Pouchkine
Pouchkine, c’est ce genre de fille parfumée d’éthanol.
Mon regard se posait sur elle à un concert de l’armée russe. La puissance des chœurs nous enfermait dans une bulle hors du temps. Un seul réflexe me traversait l’esprit. Il fallait la suivre dans les rues enneigées du kremlin.
Le ciel était de plus en plus triste. A une terrasse, elle demandait l’addition et j’observais au loin ses mains bleues fuchsia. Ses doigts témoignaient d’un dur labeur, révélateurs d’un passé ancré dans l’artisanat et l’artistique. Car oui, j’avais déjà vu son visage au théâtre. Je connaissais déjà ce sourire atypique. Elle n’avait rien d’une femme éteinte.
J’étais le pire épicurien. Cependant, seul le réel compte. Mes quelques mots auraient défini mon destin. Pouchkine m’attirait beaucoup trop. Je ne pouvais rester inactif. Il y avait du vent, je n’avais qu’à vivre. Au lieu d’attendre une poussée d’adrénaline, une voix intérieure me criait : Demain, c’est déjà maintenant. Dès lors, je prenais mon courage à deux mains et rejoignais la table de l’érudite.
Ses yeux étaient rivés sur un bouquin de Dostoïevski. Petite vilaine, elle me payait un verre. J’étais là, comme un grand con à l’écouter parler de tout et de rien. Je me perdais dans le fond de ses yeux. L’ambiance semblait si onirique. Le vin ne faisait plus d’effet. Chaque mot de Pouchkine rimait avec déconne.
On quittait le Delta Bar pour se diriger vers la gare du Nord. Je la raccompagnais sous les lampadaires. Sa main empoignait la mienne. Elle me conduisait à son appartement pour un dernier café. Elle me faisait écouter son jeu à la guitare, docile et relaxant. Elle passait également le dernier disque d’un groupe français. Un son ultra-moderne fissurait les murs. Plutôt excellent. De l’electro grasse mêlée à la douce langue de Molière.
On n’avait plus qu’à danser. La vodka dictait nos pas. Une fumée cannabis décorait la pièce.
Elle m’embrassait au cou et me susurrait : Suis-je ta reine d’amour ?
C’était la dernière fois que je la voyais.
Pouchkine, c’est surtout un souvenir inoubliable… se souvenir du présent.
Drama – Photos ©Romain Winkler & Alix Caillet
AqME Interview
Après 20 ans de carrière metal/rock, le groupe français AqME tire sa révérence cette année. Quelques dates sont alors prévues en Belgique. Que retenir de leurs expériences ? Vincent Peignart-Mancini (chant) et Etienne Sarthou (batteur) délivrent leurs pensées sur le monde musical. Ils nous apportent leurs réponses le temps d’un entretien au Reflektor (Liège). –DRAMA
Générique Clément Trouveroy
Musique finale AqME – « Sans oublier »
Photo ©Maëva Brifflot