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Salmo incendie les étiquettes
Salmo incendie les étiquettes. L’Italien balance un crachat de qualité, au Noël dernier. Plus de deux minutes, c’est le temps qu’il lui faut pour citer quelques angoisses. Les étiquettes sont nombreuses : fascistes, communistes, anti-vax et j’en passe. Xanax, cette foutue merde à supprimer du marché, est un mot si puissant et si révélateur de nos faiblesses, qu’il figure aussi sur la liste.
A force de nommer tout et n’importe quoi, l’être humain divise. Diviser pour mieux régner ? Si ce n’est pas l’objectif de nos dirigeants, comment nier ce fait de créer des espèces de luttes des clans en permanence ?! Pensez aux termes essentiels, non-essentiels. Pensez à cette distinction obligatoire à réduire un être humain à la figure du non-vacciné. Les mots ont une puissance. L’artiste l’a très bien compris. Il se lâche quant à son rôle, lors d’une interview face à l’acteur Alessandro Borghi (Suburra, Sulla mia pelle, Dalida).
Le problème, c’est que les gens, surtout les rappeurs, portent cette croix de devoir obligatoirement envoyer un message positif. Mais ce sont des conneries : quand tu écris une chanson, tu ne dois pas faire de la rhétorique, tu n’as pas dire aux gens ce qu’ils doivent faire.
Tu dois raconter ton histoire, et si quelqu’un a une histoire similaire à la tienne, alors là se crée la magie. –Salmo
Il révèle aussi ce qu’est le meilleur moyen de réciter devant la caméra. Il suffit de faire abstraction du jugement de soi-même, ainsi que celui d’autrui.
Dans un monde idéal, personne ne poserait de présupposé à chaque rencontre. Malheureusement, hommes et femmes ont besoin de tout expliquer. Ce constat date de la nuit des temps. A l’Antiquité, les Grecs donnent du sens à leur vie à travers leurs nombreuses mythologies.
Aujourd’hui, nos repères deviennent de plus en plus flous. Le rappeur tombe à pic.
« PLOF » traduit peut-être une seule évidence : le consensus ne nourrit pas l’esprit critique. Nous pouvons nous détacher de la novlangue des gouvernements étatiques. Nous pouvons construire un vrai raisonnement, à l’instar du punk Salmo. Il est temps de cultiver son jardin.
DRAMA – Photo ©Nicola Corradino
Eosine au Hangar
Je voue un culte pour les bières ambrées. Lorsque je fous les pieds chez l’association Le Hangar (Liège), j’aperçois la vente d’une boisson de ce type. Il est impossible de me souvenir de son nom, mon cerveau alcoolisé est à plaindre. Reprenons nos esprits ! Nous ne sommes point disposés à faire la promotion de ce Saint Breuvage ! Les concerts reprennent de plus belle. Il est temps de se manger plusieurs murs du son, et d’en parler haut et fort.
En cette soirée de février, Eosine joue devant une salle complète. La formation vient défendre un premier EP enregistré au Wood Studio, à Chênée. PopKatari, collectif liégeois porté par des mélomanes, invite les jeunes membres à faire leurs preuves.
Je ne connais rien du groupe. J’aime découvrir de nouveaux talents, en partant à l’aveuglette vers certains évènements culturels.
Eosine n’annonce rien de mauvais. J’avais eu l’occasion d’écouter un extrait de « Onyx » et je savais que ces musiciens étaient fans de Radiohead. Je ne leur ai jamais adressé la parole. Mais leurs sonorités témoignent d’un fait indubitable : ils sont fans de Radiohead.
Un bon point, n’est-ce pas ?
Passé cette déduction, le show débute et je contemple leur jeu de lumières sur scène. Diverses images aux couleurs enivrantes, saturées et psychédéliques décorent les visages et les corps des musiciens. Puis, des sortes de molécules fleurissent de plus en plus sur eux. Eosine semble nous donner un cours de biologie sous LSD. Une technique assez subjuguante. Elle colle d’autant plus à leurs morceaux planants. Cet adjectif est trop réducteur pour définir leurs sons. Parfois apocalyptiques (« Inner You ») et souvent relaxantes (« Transfusion »), leurs ambiances se marient à merveille face au public. Les spectateurs hochent de la tête, sourient et observent, figés, les performances du quatuor. Il affiche par moment la rage de Benjamin Franssen (batteur) ou un bref instant d’ire vocale d’Elena Lacroix (chanteuse principale). Qui ose s’ennuyer ?
« Antares » synthétise au mieux la signature éosienne : placer un effet reverb envoutant, de doux chants et des percussions jamais trop envahissantes.
L’éosine est une substance fluorescente connue pour ses bienfaits sur la peau.
Cette nuit hivernale, les mélodies de la bande soignent mes oreilles. Durant leur spectacle, mon esprit se détache loin du flux d’informations anxiogènes propre à notre quotidien. Eosine ne suit pas simplement les traces de Thom Yorke et de sa clique. Eosine transporte ses auditeurs vers son univers. Personne n’imitera ses concerts scientifiquement non-identifiés.
brunoaleas – Photos ©Elena Sciara – Hangar asbl, 04/02/2022
Déconstruction Part 1
La dure à cuire #58
Bo Burnham : la génération de la fin du monde (2/4)
Décembre 2013. La société avance lentement et parmi elle, la génération Internet hurle de plus en plus fort. Le média est loin de son hégémonie culturelle, mais les stars montent assurément. Toute la vie humaine s’emprunte de références et de mœurs cultivés sur la toile. Jeune encore est la génération de la fin du monde. Son influence artistique se mesure en pas de nains. Nous sommes toujours à l’époque où la télévision s’inspire d’Internet, mais ne se laisse pas phagocyter par le futur géant numérique.
Au milieu de cela, Bo Burnham s’isole depuis trois ans. L’artiste a percé le plafond. Après son premier spectacle, Words Words Words, tous les outils sont entre ses mains pour nous exposer son talent. Ce qu’il a à dire est prêt à être entendu.
En 2013 sort What, deuxième spectacle de l’artiste. Burnham a peaufiné son œuvre de manière plus fine, et l’écriture est bien plus raffinée. Chaque blague est réfléchie plus profondément, placée sur l’équilibre entre le « trop », et le « pas assez ». What sonne juste à bien des niveaux.
Entre une chanson sur le christianisme et ses sociétés, « From God’s perspective », une autre sur le consumérisme culturel, « Repeat Stuff », l’auteur brosse un portrait plus complet, bien plus pessimiste, du monde qui l’entoure. Contrairement à son spectacle précédent, il quitte une logique de comédie utilitaire. L’artiste veut faire rire, mais surtout, il veut utiliser le rire et sa voix comme instruments pour mettre le spectateur face à face aux angoisses de ce monde.
©Bo Burnham
Bien que dénonciateur, Burnham ne tombe jamais dans le cliché dépressif de l’artiste engagé, seul face aux horreurs du monde. Toujours en finesse, il ira jusqu’à se moquer du pessimisme infertile dans l’hilarante « #deep ».
Si la vie est un océan, alors je suis un poisson profond et magnifique. Un poisson qui se noie.
Burnham est encore maladroit dans certaines formulations. Parmi des passages de génie, What n’est pas exempt de bourdes, de blagues qui tombent à plat, ou qui n’ont pas vraiment d’intérêt. Fallait-il vraiment mimer une masturbation pendant trois minutes ?
Malgré cela, l’œuvre fait preuve d’une grande maturité chez l’artiste. What sera un succès. Burnham continuera dans sa dynamique d’architecte. Sortir un spectacle toutes les X années, ne rien sortir entre, et revenir avec une œuvre courte mais millimétrée, capsule temporelle des angoisses de l’époque.
What est un retentissement, et certains passages restent dans l’âme du spectateur comme un credo, telles des phrases ou se cachent des récits entiers. Par la suite, Burnham va s’isoler à nouveau et sortira une œuvre plus complète encore : Make Happy. Cinq ans avant la fin du monde.
Lou
Bruno au micro de RCF Liège
Bruno Caruana, aka brunoaleas, publie 3 nouvelles en l’An deuxzérodeuxun. Ce projet voit le jour grâce à l’aide d’Antoine Wathelet (mise en page) et Camille Chautru (illustrations). Une fois au micro de RCF Liège, le jeune écrivain pose quelques mots au sujet de ce rêve d’enfant.
Ses écrits sont-ils trop sombres ? Qu’est-ce que leur format papier a de si unique ? Tendez l’oreille vers cette interview de l’émission Nos auteurs ont la parole. Le récit CROA a droit à une analyse et est brièvement commenté par l’auteure Bernadette Pâques. Merci à Régine Kerzmann, Julien Moës, Adrien Faorlin et Pierre Reynders. Bonne écoute !
Photo ©Pierre Reynders
La dure à cuire #57
L’improbable collaboration 2022
Il y a ces jours où un canapé devient une extension d’un corps. Affalé, je zappe les dernières actualités musicales face à ma TV. Un météore pouvait détruire mon salon. L’année dernière fut splendide en termes de découvertes d’artistes. Continuer la lecture
Gomma et la vieillesse
GOMMA a la rage ! Zombie Cowboys, leur nouvel album, porte au débat. Le groupe de Caserta questionne notre système capitaliste… et il a bien raison !
L’argent appelle l’argent. L’investissement n’est pas synonyme de bonheur. Moins encore l’éternelle augmentation de capitaux.
Le thème n’est point simple à aborder.
Dès lors, comment conclure l’opus ? Les propos de « SENTENZE » s’éloignent du monde de la finance et partagent d’autres constatations. Le morceau apporte une touche de poésie mémorable à l’œuvre. Il fonde un sagace parallèle entre jeunes et vielles générations.
En tant que jeunes, nous ressentons ce qui est exprimé via « SENTENZE ». On y explore la perspective, et l’envie qui en découle, de vivre la sénilité. Cela reste un mode de vie tout à fait imagé puisque nous ne sommes pas encore vieux. C’est le dernier rempart d’espoir de ceux qui ne peuvent concevoir une idée de l’avenir. C’est-à-dire, se réfugier dans l’idée que lorsqu’on vieillit, le sentiment de résignation prendra le dessus. -Giovanni Fusco, guitariste de GOMMA
La jeunesse a un pouvoir d’action. La vieillesse signe le début de la fin. « SENTENZE » ne donne pas d’ordre. Le morceau ne se veut pas moralisateur. Il souligne une observation faite sur les générations d’antan. D’ailleurs, ce constat est rempli d’admiration. A un certain âge, ne plus protester devient naturel. Les derniers acteurs de nos sociétés cherchent bien plus souvent à se reposer, en fin de vie. Qui sommes-nous pour les blâmer ?
Le quatuor propose une vraie réflexion sur nos désirs. Ses membres ne se résument pas à de banals punks. Leurs chansons n’ont pas pour unique but d’éclater sa tête contre le Mur de Berlin. Est-ce que notre confort, notre époque, notre indifférence nous éloignent des révolutions ? « SENTENZE », via son ambiance apaisante et son message pertinent, démontre ô combien la bande sait soulever ce type question universelle.
brunoaleas – Photos ©voolvox & ©Alessandro Pascolo
Matrix 4, la suite de trop
CRITIQUE AVEC SPOILERS
Quelle douille ! Après avoir observé mes proches subir un rhume, une grippe ou le covid, me voici seul couillon au cinéma. Pas pour n’importe quel film !
Une fois ma douche de codes informatiques terminée, le jugement tombe, précis, net.
Matrix 4 n’apporte rien à l’univers de Lana Wachowski. J’adore sa saga. Néanmoins, comment peut-on la ruiner à ce point ?!
Thomas Anderson (un Keanu Reeves toujours plus mou), concepteur de jeu vidéo, est encore coincé au sein d’une matrice. Quel est son nouvel objectif ? Sauver Trinity des griffes des ténèbres. Inutile d’en ajouter. Le récit ne mérite pas tant d’attention.
Le pouvoir de l’Amour semble au centre de la nouvelle intrigue. Basta. L’œuvre n’apporte rien en termes de propos ou d’effets visuels révolutionnaires.
Mieux encore. Via ses dialogues, Matrix 4 nous prend de haut. Du bon gros discours méta-branlette 3000. Et allez là ! On se moque des fans et de leurs théories ! Ca ridiculise les prouesses techniques des premiers volets ! Bref, ce classique du cinéma n’a plus rien de subversif. Sans oublier les souvenirs de Neo, des images d’archives… rappelant aux spectateurs que la trilogie est bien supérieure à cette daube.
Sur la forme, de rares séquences marquent la rétine. Sur le fond, la réalisatrice pose ses sentiments à l’écran. Elle rend hommage à ses parents. De fait, ils sont personnifiés à travers Neo et Trinity. Mais ce clin d’œil n’aboutit jamais à une critique pertinente de notre ère, où les rois siègent chez GAFAM. C’était l’opportunité de nous foutre des coups de poing aux yeux ! Matrix exploite un genre parfait pour dénoncer la démesure humaine. Isaac Asimov, super écrivain, résume en peu de mots ce qui fait la beauté de la science-fiction !
On peut définir la science-fiction comme la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l’être humain aux progrès de la science et de la technologie.
Il faut arrêter de se branler. Cessez de trouver des sous-textes à ce long métrage sans ambition. Quel est le but ? Comprendre qu’on est des moutons qui aimons être contrôlés ? Merci Lana. Merci pour cette intervention si perspicace ! Black Mirror, Mr. Robot, The Boys sont de meilleurs outils de réflexion.
Puis Lana, si tu voulais que Trinity soit l’Elue, tu pouvais te contenter d’un tuto de 10 minutes, au lieu d’avaler le chèque de Warner Bros.
brunoaleas – Photo ©Matrix Ressurection/Warner Bros
Le shamanisme de Léonie Pernet
La musique peut fédérer. La musique peut relaxer. Elle peut surtout consoler.
Après une rupture, une déception, un dégoût inexprimable, ce n’est pas un/e proche qui venait me rassurer à 200%. Euterpe est ma seule partenaire. Elle m’accompagne dans chaque galère. L’équivalent d’une drogue sans ses côtés toxiques.
Léonie Pernet comprend cette vision du quatrième art. On l’aperçoit lorsqu’elle délivre une performance hors-norme sur Radio Nova. Elle rejoint cette force de vouloir englober tout type de public, les enjouées, tout comme les désespérés. Elle fait preuve de shamanisme. A l’inverse de l’effet d’une danse de la pluie, elle invoque le Soleil. Une magie possible grâce à ses sonorités africaines. A coups de derboukas ou de chants liturgiques, l’artiste nous emporte vers un univers très singulier. L’electro y vient apporter une touche de modernité. L’ambiance est parfaite pour la radio française l’invitant dans sa Chambre Noire.
Trop d’informations fusent dans mon cerveau, une fois initié le premier morceau. Les instrus de Léonie Pernet n’ont rien de minimal. Les synthés se fondent à merveille aux différentes atmosphères du Cirque de Consolation : la transe de « A Rebours », la rage planante propre à « Il pleut des Hommes », « Mon amour tu bois trop » et sa ténébreuse poésie.
La scène permet à la multi-instrumentiste de s’évader. Quant à sa dernière œuvre en date, elle symbolise bien plus qu’une simple évasion.
Le titre (NDRL : de son second album) recouvre à la fois l’aspect théâtral de nos vies, le besoin que nous avons d’être ensemble, mais aussi ce second souffle, ce mouvement intérieur qu’est la consolation. -Léonie Pernet (Les Inrocks, novembre 2021)
La musicienne met sa mélancolie de côté et compte célébrer la vie. L’appel aux esprits subsahariens est imminent. Qui est prêt à danser sur son coup d’Etat musical ?
DRAMA – Photo ©Jean-François Robert