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La Zone d’Intérêt

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme, Hedwig (Sandra Hüller, rôle principal de la Palme d’Or, Anatomie d’une chute), s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.

C’est au bord d’une rivière que s’ouvre La Zone d’Intérêt. Le commandant Höss passe une agréable journée avec sa famille. La journée a d’abord commencé avec un déjeuner sur l’herbe puis la joyeuse famille est allée se baigner dans le lac. Enfin, il était temps de plier bagage car un orage s’était déclaré.

Avant d’aller voir ce film, je ne connaissais rien du synopsis ni du thème abordé. Donc, j’ai été encore plus frappé par le fait que nous sommes entrainés progressivement dans l’horreur la plus glaçante. Ce qui est le plus fascinant dans ce film, c’est le fait que le réalisateur Jonathan Glazer ne fait jamais rentrer la caméra dans le camp de concentration. Tout au long du film, le spectateur ne verra que la parfaite vie de famille de Rudolf Höss de l’autre côté du mur qui jouxte celui d’Auschwitz-Birkenau.

Le retour à la réalité

Ici encore, tout se passe en subtilité. Le basculement vers l’horreur se fait étape par étape. On aperçoit d’abord cet imposant mur puis des internés du camp, et finalement la fumée sortant de l’effroyable cheminée. Dans un premier temps, on fait appel à notre vue puis à notre ouïe et enfin, à l’odorat. Et, c’est pour ce dernier sens que la réalisation s’est sublimée. En effet, comme dans un cinéma nous ne pouvons pas sentir les odeurs, Jonathan Glazer fait appel à une personne en particulier. Ce choix n’est pas anodin. Dans le film, la mère d’Hedwig vient rendre visite à la famille pour un moment. Elle ne reste que quelques instants au sein de la maison Höss car, contrairement aux autres, elle n’arrive pas à passer outre le fait que des personnes soient exterminées juste à côté. Chaque nuit, lorsque les corps sont brulés et que la fumée commence à s’échapper de la cheminée, une odeur horrible s’empare de toute l’habitation. On ne peut plus faire abstraction de la réalité. Et c’est, selon moi, le fait d’être incapable de fuir la réalité qui lui fait fuir la maison.

L’éléphant dans la pièce

L’expression anglophone the elephant in the room désigne un problème manifeste que personne ne souhaite mentionner.

Le mal est banalisé dans le quotidien de la famille Höss. L’exploitation des internés du camp de concentration est vue comme du simple travail. Ils travaillent comme jardinier, comme femme de ménage ou nounou. Mais, rien n’est dit explicitement. Pour les jardiniers, on devine qu’ils viennent du camp à leurs vêtements caractéristiques. Pour les femmes juives, qui s’occupent des tâches ménagères, ce sont les menaces de Mme Höss en l’encontre de leurs vies qui nous mettent la puce à l’oreille.

En prenant la partie de raconter la Shoah à travers les yeux du bourreau, Jonathan Glazer décide de relater l’horreur sans montrer le camp. Mais, la nature a horreur du vide et l’imaginaire du spectateur parvient à faire surgir de l’ombre l’éléphant dans la pièce.

Fortuné Beya Kabala

LA DURE A CUIRE #100

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la moins douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist homonyme !

Opinion

Opinion, c’est la rage juvénile à l’état pur. Non pas pour son côté grunge… mais pour sa soif d’expérimenter un genre musical parfois trop monotone. Le Français enregistre Horrible dans la nuit du 31 décembre au premier janvier 2023. Le résultat est gras et jouissif !

Aucklane

Avis aux fans des White Stripes ! Aucklane est de retour. Aucklane, Sonic Tides, No Prisoners, It It Anita, Naked Passion, Oghma, Empty Head, Apex Ten… le rock belge raconte, sonne, loin et fort.

The Wytches

Ca fait combien de temps que les Wytches épatent nos oreilles ?! Depuis 2014, la bande enchaine les albums réussis. Leur dernier opus en date, Our Guest Can’t Be Named, regorge encore leur énergie inspirante.

Luciano Panama

Luciano Panama reprend une incroyable chanson de Fabrizio de Andrè. Il ne reste plus qu’à lire les paroles si actuelles et pertinentes : Si accontenta di cause leggere. La guerra nel cuore. Il lamento di un cane abbatuto. Da un’ombra di passo. si soddisfa di breve agonie. Sulla strada di casa. Uno scoppio di sangue. Un’assenza apparechiata per cena. E a ogni sparo di caccia all’intorno. Si domanda Fortuna.

brunoaleas

Jeune rap belge Part 2

Etats-Unis. France. Deux pays où règnent rap et hip-hop. Que se passe-t-il en Belgique ? Qui sait jongler avec les mots ? Qui sait nous faire danser ? Réponse en deux parties.

Blu Samu

Blu Samu dégage une énergie plutôt fédératrice. Ses mots percutent les oreilles pour ensuite s’enflammer sur la piste de danse, telle la personne du clip ‘Turquoise’. Il nous reste plus qu’à écouter sa voix suave.

LaClique

LaClique est une bande composée de trois rappeur + un beatmeaker. Lorsqu’on écoute leurs sons, on ressent le plaisir du passe-passe. Comme un S-Crew partageant la même passion. ‘Dans le noir’ symbolise cet amour pour le rap.

Glauque

Sache que j’exagère la taille des détails. Que mes relations servent à écrire. -Glauque

brunoaleas

Akira Toriyama est immortel

La nouvelle est tombée… Akira Toriyama n’est plus des nôtres. Comment y croire ? L’artiste derrière Dragon BallAraleBlue Dragon, et bien d’autres dingueries, nous quitte à l’âge de 68 ans. Pourtant, il est impossible d’y croire… avouons-le, l’auteur fut la figure artistique la plus inspirante de ces dernières années. Pensez à DBZ. Combien de personnes, fans ou détracteurs, se souviennent de Goku, ses amis, ennemis et objectifs ?! Les 7 boules de crystal. Vegeta. Les haricots magiques. La liste est longue. Les références perchées et bons souvenirs sont beaucoup trop nombreux.

Le premier épisode de Dragon Ball donne le ton. On découvre Son Goku, un enfant doté d’une force surpuissante. Il se joue d’un tigre à dents de sabre et pêche un piranha géant. Il vit simplement avec ce que lui procure la nature. Il chérit aussi un don de son grand-père, une boule de cristal. Un beau jour, il rencontre Bulma, une jeune fille de la ville. Les jeunots décident ensuite de partir vers l’inconnu. Une fois aux côtés du candide Goku, nous voici plongé à l’intérieur d’un monde vaste, riche, mais surtout, surprenant. Akira Toriyama dévoile alors des scènes cocasses, érotiques, absurdes, épiques, mémorables. Ce qui démarre comme une aventure banale, deviendra un mythe. Goku représentera une figure héroïque. Pourquoi ? Le protagoniste fait preuve de bonté en respectant une attitude admirable : il relève n’importe quel défi, partout et tout le temps !

Goku marque les esprits car il ne freine devant rien, ni personne. La peur n’est plus un obstacle. La soif de pouvoir n’est nullement un idéal. Le cœur n’est pas de pierre. Vous l’aurez compris, Akira Toriyama pond une bande dessinée fascinante. Comment l’oublier ? Ou plutôt, oubliera-t-on sa patte artistique, son magnifique univers ? Le dessinateur trace une histoire intemporelle. Akira Toriyama est immortel.

brunoaleas

The Smile… la musique idéale ?

Le titre de cet article surprend, n’est-ce pas ? Il n’existe pas de musique idéale. La perfection n’existe pas. Alors, pourquoi titrer ainsi, alors qu’il s’agit de l’une de mes profondes pensées ? Je souhaite citer un groupe qui touche à la perfection. Un trio pas comme les autres. Thom Yorke, Jonny Greenwod et Tom Skinner dévoile un second album fascinant. The Smile est de retour. Le ton est sophistiqué, plus que jamais.

De fait, en peu de morceaux, les Anglais font encore preuve de magie. Wall of Eyes est un opus procurant une sensation à part. Voyager n’est plus un obstacle. The Smile réunit plusieurs mélodies accrocheuses. Une basse aux notes rondes, claires, chaleureuses. Une guitare jamais timide, assumée et piquante. Une batterie au service de musiciens débordant d’imagination. Antoine Pierre est batteur chez TaxiWars, Nex.Ape et bien d’autres projets. Il apporte son point de vue quant au jeu de Tom Skinner. Le jeune Bruxellois dépeint un musicien inspirant.

Tom Skinner est l’un des descendants de Tony Allen. J’entends beaucoup d’afrobeat lorsqu’il bat son instrument. Pour moi, c’est de la haute voltige en ce qui concerne la musique. Tom Skinner fait du bien à Thom Yorke. Ca fait du bien de l’écouter. J’ai l’impression d’écouter Radiohead avec un nouveau batteur, d’une certaine manière.

L’ADN de Radiohead est là, accompagné d’un batteur qui va un peu plus loin en termes de figures rythmiques. Rien que le premier album dévoilait des figures rythmiques ultra subtiles et intelligentes. Même si elles sonnent hyper simples, elles ne sont pas du tout carrées. Tom Skinner est super fin. Ca groove bien.

Quant aux cordes, car oui, un orchestre accompagne le groupe, que dire ? Si ce n’est : Félicitations les gars, vos composition sont toujours aussi classieuses ! Le mixage de Sam-Pett Davies (déjà présent aux côtés de Thom Yorke sur la bande originale de Suspiria) n’a rien à envier aux méthodes du grand gourou radioheadesque, Nigel Godrich.
Puis, The Smile impose la procrastination. Quand on est mélomane, il n’y a pas à craindre d’attendre la nuit la plus propice pour l’écoute d’un nouvel album. Procrastination n’est pas ignominie, d’après d’après le Christian Science Monitor⁠.

Pour éviter une tâche difficile, on finit par en accomplir une autre, comme quand Isaac Newton a procrastiné sur ses recherches alchimiques et découvert le calcul infinitésimal.

C’est pourquoi, à l’heure où j’écris ces mots, je n’ai toujours pas écouter Wall of Eyes dans son entièreté. Mais je sais qu’il n’y a rien de mal à imaginer déjà cette expérience musicale comme un moment spécial et atypique. Je serai encore largué vers une autre dimension, tels les spontanés enfants filmés pour le clip de ‘Friend Of A Friend’.

brunoaleas – Photo ©Frank Lebon

Jean Cremers Interview

L’année passée, Jean Cremers remporte le Prix Rossel de la bande dessinée. Vague de Froid ne passe pas inaperçu ! Après avoir partagé son récit fraternel, l’artiste continue son parcours chez Glénat. Dès lors, Le Grand Large apparaît sous nos yeux. Ce second livre retrace le voyage océanique de Léonie. Comprenons l’écriture de l’auteur.

Tes dialogues sonnent vachement réels. Ils n’y a rien de cadenassé, robotique. On le remarque lorsqu’on lit Vague de Froid. Comme si la lecture nous transportait aux côtés des personnages, en pleine montagne. Ecris-tu d’une traite ou alors effaces-tu ce qui n’apparaît pas authentique ?

C’est intéressant comme question, on ne me l’a jamais posée. Le scénario est le plus important pour moi, comme pour d’autres auteurs. J’ai peut-être vécu un traumatisme de cinéma qui explique tout cela. J’ai du mal à ne pas faire de liaisons avec notre réalité. Il y a une différence entre Tu sais pas et Tu ne sais pas. Ca peut vite sonner faux. Cette sorte de faux dialogue m’embête en BD. J’avais envie de rompre avec les codes de la langue française. J’aime écrire comme je parle. Surtout que Vague de Froid conte mon voyage en Norvège, une aventure avec mon frère. Je voulais rester authentique à ce niveau-là.
Vague de Froid est une belle expérience pour ce qui est de respecter l’authenticité des dialogues. Par contre, quand une phrase est importante, je la mets en bon vieux français. Histoire qu’elle ait plus d’impact, qu’on cale dessus. Puis, dans Le Grand Large, on suit trois personnages parlant de manière authentique. Je n’avais pas le temps d’y mettre les formes et de paraître désuet.

Lors de ta venue à L’Escale, une librairie liégeoise, tu révélais ô combien tu aimais écrire des scénarios. Sans un bon scénar’, est-il impossible de travailler sur une BD qui mérite d’être lue ? Le scénario demeure la base donnant envie de dessiner ou bien est-ce tout simplement accessoire vu qu’on peut tester mille et une pratiques ?

Je ne dirais pas que le scénario est accessoire. C’est le scénario qui fait la bande dessinée. Le dessin sert aussi de scénario pour certains. Je pense qu’on peut partir de n’importe quelle base. Des auteurs s’en sortent dans l’impro, d’autres via un scénario bancal devenant intéressant grâce à un dessin original. Je pense notamment à Gipi. C’est mon auteur préféré. Parfois, j’ai l’impression qu’il n’écrit pas de scénario vraiment conventionnel mais qu’il se laisse aller à son ressenti profond. C’est également une forme de scénario.
Si je devais être 100% honnête, je dirais qu’il faut une petite base. Néanmoins, des auteurs ne se préoccupent pas d’un scénario et le crée sur le moment même, dès qu’ils dessinent. C’est ça qui est merveilleux. Tout objet mérite d’être lu pour autant qu’il apporte quelque chose. Que ce soit en termes de scénar’, dessin ou couleur.

Les dialogues en disent beaucoup sur les auteurs de BD. On ne les désigne jamais comme de fins observateurs de nos faits et gestes. Quand je discutais avec Gipi, il assumait le fait d’abandonner les lectures dévoilant des récits artificiels. Vous devez sûrement avoir ce point en commun.

J’espère (rire). Il faut observer la façon de bouger des gens. L’attitude est importante. Le dessin ne se limite pas à bêtement copier une suite d’images. Il faut que ce soit crédible, authentique. C’est aussi la partie la plus amusante. Une personne n’est pas l’autre. Nos mouvements l’illustrent chaque jour. Je suis content que tu le soulèves.

A travers Le Grand Large, de jeunes personnalités sont livrées à elles-même. Contre vents et marées, elle souhaitent rejoindre la terre ferme. Je ne peux pas m’empêcher de méditer sur les paroles de Jean-Jacques Rousseau : L’homme est naturellement bon, c’est la société qui le corrompt. Selon le philosophe, le mal n’est pas inné. Dieu ne maudit pas les êtres. L’homme s’est lui-même corrompu. Cette corruption relève d’ailleurs de sa liberté. Partages-tu cette vision optimiste, imaginer les humains bons à la naissance ?

Pas vraiment. Je suis très pessimiste. Je pense qu’on est entouré de bonnes et mauvaises personnes et qu’il faut rester prudent dès la pré-adolescence. On y note des comportements bizarres. Un enfant qui harcèle quelqu’un n’est ni mauvais, ni corrompu par la société. Quand on a 12 ans et qu’on s’amuse à frapper un gosse pour faire rire les autres, ça n’a rien à voir avec un phénomène sociétal… c’est beaucoup plus de l’ordre personnel. Il n’y a qu’à penser aux gosses laissés à l’abandon.
Je ne sais pas si j’adhère à la philosophie de Rousseau, même si elle est réelle. En tout cas, je ne m’en suis pas servi pour Le Grand Large. La protagoniste, Léonie, est colérique et impulsive. Je ne sais pas si ça fait d’elle quelqu’un de mauvais. Je ne sais pas non plus ce que tu entends par un individu bon. Je ne suis pas allé aussi loin dans la métaphore, l’inspiration. Je me suis contenté de me mettre à la place de mes personnages. Je crois qu’on a tous le droit de craquer un peu, de réaliser de mauvaises actions, tant qu’elles restent relativement bonnes.
Puis, on n’est pas tous bons. Il y a des gens qui ont un mauvais fond, t’sais. Ce n’est pas du tout la société qui les corrompt. Des personnes sont égoïstes naturellement. Parfois, c’est juste un trait de caractère. Après voilà, tout est relatif quant à ce que tu définis bon et mauvais (rire). Le monde n’est ni noir, ni blanc.

J’aimerais connaître les retours au sujet du Grand Large. A mon avis, des lecteurs furent apaisés. Au fil de la lecture, on saisit la nécessité de créer du lien.

Oui. Récemment, j’étais présent au Festival d’Angoulême. Des personnes s’arrêtaient afin de prendre un exemplaire pour leur enfant. Elles m’avouaient une belle info. Ma bande dessinée aide à comprendre qu’il faut faire confiance aux gens naturellement. C’est là que je comprends enfin ta précédente question (sourire). Oui, il faut faire confiance aux gens, tout en restant prudent.
En lisant mon livre, des personnes se rappelaient de leur jeunesse, où elles étaient un peu trop naïves. Elles se souvenaient de l’époque où les erreurs les forgeaient. Des gens avec un handicap venaient aussi me trouver. Ils s’exprimaient sur le fait d’être représentés et ça leur faisait du bien, parce que ça n’avait rien de forcé. Et là, ça me soulageait. Ca prouvait que je faisais bien mon boulot. Je ne voulais pas être trop moralisateur sur la question du handicap. D’autres gens se sentaient aussi rassurés quant au départ de leur enfant. Tout le monde quitte le nid un jour ou l’autre. Ils le comprenaient. Ils s’apercevaient que ce n’est pas aussi hardcore que le récit du bouquin.

Tu expliquais ta métaphore du grand large une fois à L’Escale. Tu reprenais la figure des parents laissant leurs enfants dans la cours de récré. Comme si ces enfants n’avaient plus qu’à se débrouiller, seuls face à un nouveau monde. Que trouvais-tu de si fascinant dans cette idée ? Quel est le point de départ ?

C’est une bonne question. En vrai, c’est une épreuve que tout le monde vit, que tout le monde oublie. Tu vois ? Pour les parents, c’est évident que ça va bien se passer. Vu que ça s’est bien passé pour eux. On retombe toujours sur ses pattes. Mais ce n’est pas ça la question. La gosse va p’tet galérer pendant deux semaines, deux ans, dix ans…
En dépeignant des parents de cette façon, si détachés de la réalité, je souhaitais montrer leur oubli vis-à-vis de cette période de l’enfance. On peut prendre pour exemple un jour d’école, où c’est le bordel dans la cour de récré, et tu dois y passer la journée. C’est un peu comme ta première nuit, en tant qu’enfant. A un moment donné, t’en n’a plus conscience. Je me suis dit : Tiens, c’est marrant. C’est une épreuve tellement horrible que tout le monde fait. C’est comme le permis de conduire. On stresse, mais une fois que c’est passé, on n’en parle plus jamais. L’idée était intéressante. En même temps, j’en profitais pour réaliser une métaphore de la vie.

Quand on est adolescent, on rejoint souvent un groupe d’appartenance. Il suffit de placer une caméra dans une cour d’école pour observer plusieurs clans. Tes persos trimballent quelques failles et souffrances. Crois-tu que nos différences sont plus fédératrices que nos ressemblances ?

Ouais. Exactement. Etre différent nous rassemble. On se rejoint sur une courte durée avec les personnes qui nous ressemblent. Qui se ressemble s’assemble n’est vraiment pas une phrase correcte. Les opposés s’attirent est bien plus juste. On y trouve quelque chose qu’on ne connait pas, quelque chose de frais. Alors, ça fait peur au début, peut-être qu’on n’ose pas se lancer. Dans mon histoire, les personnages sont forcés d’être ensemble. Léonie ne laisse pas Balthazar couler. Elle n’abandonne pas Agathe dans sa décharge. Leurs différences engendrent un trio hyper dynamique. Fin, je l’espère. En tout cas, la création du trio les pousse à aller plus loin, les menant vers des problèmes, à une trame scénaristique. Donc ouais, les différences sont fédératrices, bien plus que les ressemblances qu’on croit unificatrices. C’est sûr et certain.

Ton second livre présente un personnage fabuleux nommé Agathe. Cette dame accompagne Balthazar et Léonie. Elle donne à réfléchir. Parfois, il suffit de rencontrer une personne pour que notre quotidien change du tout au tout. J’en suis convaincu. Faut-il absolument croiser une Agathe pour mieux traverser le grand large de l’adolescence ?

On serait chanceux d’en croiser une, ça c’est sûr. J’ai eu la mienne. C’était ma soeur. Bon, il va y avoir du spoil (rire). En gros, pour Agathe, je m’inspire de ce genre d’ami qu’on connait à l’école, qui, après, dégage de nos vies. Ces amis sachant qu’on ne les verra plus jamais après une certaine période. Il faut donc en profiter. Par conséquent, la relation est incroyablement fusionnelle, libératrice. Mais nous, on n’en profite pas vraiment sur le moment. On s’en rend compte bien plus tard.
J’avais un ami comme ça à Saint-Luc (ndr : école d’art, à Liège). Je l’adorais, c’était mon meilleur ami. On faisait plein de trucs ensemble. Il avait une certaine retenue. On sentait qu’il y avait un truc qui clochait, par moment. Dès notre cursus terminé, il a disparu du jour au lendemain. Ce type m’a appris énormément, comme le fait que rien n’est grave, qu’on peut toujours se relever. Je ne pensais pas rencontrer quelqu’un comme lui, jusqu’au jour où je me suis fait d’autres amis. Et lui, je l’ai vraiment vu comme Agathe. C’est-à-dire, une personne qui aide les gens à grandir. Après avoir accompli son but, cette personne s’en va pour toujours.
Pour répondre à ta question, rencontrer son Agathe ça nous apporte évidemment un gros booste. Mais en même temps, c’est un peu triste. A un moment donné, il y a une séparation. Quand on est trop proche de quelqu’un, on commence à redouter l’instant où il ne sera plus là. Ce serait un bonheur de voir des personnes découvrir leur Agathe mais certaines n’en sortiraient pas indemnes, j’crois (rire). Moi, j’ai ressenti une sensation de manque. J’étais habitué à le voir tous les jours. Je croyais que ça allait durer toute la vie. La rupture est un peu brutale. Mais ça fait partie de la vie.

Interview menée par brunoaleas – Dessins ©Jean Cremers

Anatomie d’une chute

Le 30 aout 2023, le 4e long métrage de Justine Triet, Anatomie d’une chute sort au cinéma. Depuis sa sortie, le film a remporté pas moins d’une vingtaine de prix, dont la Palme d’or au dernier Festival de Canne. Cet article ne sera pas une critique de ce film, mais l’anatomie de sa réussite.

Avant de débuter l’analyse, rappelons de quoi parle le film. Anatomie d’une chute est un film de procès dans lequel une femme se retrouve accusée du meurtre de son compagnon. Tout au long du film, il y a des allers-retours entre le futur et le présent dans le but de comprendre l’état du couple au moment de la mort du compagnon en question.

Un film de procès

C’est un film de genre et, a priori, le spectateur connait la rengaine. Mais, c’est ici que le film décide de le surprendre en lui montrant très tôt que les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît. Arthur Harari, co-scénariste du film, confirme ce choix au micro de Guillaume Erner. Ce parti pris est un élément qui peut expliquer ce succès. En effet, le but n’est pas de trouver le coupable de ce meurtre, mais comprendre comment cela a pu arriver.

Ce procédé me rappelle celui utilisé dans le film Saint Omer d’Alice Diop. Que nous affiche la réalisatrice ? La culpabilité n’est pas le centre de l’intrigue. La réalisatrice tente de nous expliquer les raisons complexes qui poussent une mère à mettre fin à la vie de son nouveau-né.

Un film de couple

Lorsque l’on se renseigne sur les raisons du succès du film, beaucoup de personnes disent aimer le film car il parle d’un couple. Et, il est question de domination et du partage équitable de responsabilité dans le couple. Une fois de plus, la thématique n’est pas particulièrement originale, mais Justine Triet décide de bousculer le spectateur dans ses certitudes. En effet, lorsqu’il s’agit de domination ou d’une relation non- équitable, dans un couple hétérosexuel, la femme est souvent la victime de la relation. Mais ici, c’est l’inverse ! Simon est celui qui estime être lésé dans la vie de couple. Et, toute la scène de la dispute illustre le mal-être de ce dernier.

Je pense que le fait de ne pas dépeindre un schéma classique de domination peut avoir contribué au succès du film. Comme expliqué plus haut, Anatomie d’une chute a pour prétention d’inviter le spectateur à se rendre compte de la complexité dans les choses simples de la vie.

La polémique

En mai 2023, Anatomie d’une chute est récompensé de la Palme d’or. Justine Triet profite de cette exposition pour critiquer la réforme des retraites. Ce discours ne plaît pas car la Première ministre de l’époque, Elisabeth Borne, déclare, dans la foulée, qu’elle n’irait pas voir le film.

Après cet épisode, Anatomie d’une chute n’a pas été choisi pour représenter la France lors de la cérémonie des Oscars alors que le film était le grand favori. Certains expliquent ce choix par le fait que Justine Triet avait critiqué le gouvernement. Quant à la commission du CNC, chargée de désigner le film français qui concourra aux Oscars, elle affirme qu’il n’y a pas eu de pression lors de cette décision.

Malgré la qualité indéniable de ce film, il me semble très probable que cette polémique ait contribué au succès de cette œuvre. Effectivement, on imagine bien que la curiosité a été la raison pour laquelle une partie du public est allée voir ce film. Les gens ont certainement voulu voir le film de la réalisatrice qui a osé critiquer la politique du gouvernement français. De même, certains ont voulu voir le film qu’Elisabeth avait refusé de voir.

Fortuné Beya Kabala

Alice on The Roof au Centre Culturel de Seraing

Alice, je m’excuse de te livrer une critique de ton concert, après 6 mois de retard…

Lorsque je sors de la salle, après le sublime moment offert le 8 septembre 2023, je fus surprise de voir le lapin de ton spectacle au détour d’un des couloirs du Centre Culturel de Seraing. Envoûtée, je le suis et comme par magie, il me transporte dans un univers, reflet de ta personnalité artistique, où tout est douceur, enchantement et drôlerie. Après des mois d’émerveillement, il est de temps de revenir à Liège afin de te dire que ta performance, que tu surnommais crash test, est infiniment réussie ! S’il existait une compagnie ‘Alice on The Roof Airlines’, ma phobie de l’avion disparaîtrait en un claquement de doigt.

Ta musique, ta présence scénique, ta direction artistique sont vectrices d’amour, de rêve. Ton public fait partie intégrante de ta performance. Quel plaisir de ne pas être juste consommateurs de divertissement. Tu crées des sons avec nous, tu ris avec nous, tu nous demandes notre avis, le tout avec une sincérité d’une rare pureté. Nous nous sentons exister, inclus. Tu réussis à faire de nous une famille, le temps d’un instant.

Je sors de ce moment les paillettes pleins des yeux et le sourire au cœur.

Je me réjouis du prochain concert. Je me réjouis de te retrouver de l’autre côté miroir.

Mouche

Zoé Médard Interview

Tisser les liens du souvenir. Voici l’objectif de Zoé Médard. La jeune artiste expose ses œuvres à La Boverie, en janvier dernier. Elle y dessine aussi les souvenirs des passants, en sondant leur intimité. Une curieuse expérience. Une démarche artistique particulière.


Interview menée par brunoaleas – Photo ©Mouche / Générique ©Clément Trouveroy

Jeune rap belge Part 1

Etats-Unis. France. Deux pays où règnent rap et hip-hop. Que se passe-t-il en Belgique ? Qui jongle avec les mots ? Qui nous fait danser ? Réponse en deux parties.

Onha

Qui se souvient des années 2000 ? Cette période dorée pour les artistes. Là où ils testaient n’importe quelle sonorité. Onha rappelle ce moment plutôt émouvant. Je joue la carte nostalgique… j’assume ! Je ne sors pas les mouchoirs. Depuis ces dernières années, le Liégeois ne pond jamais des titres homogènes. Malgré ‘l’ambiance année 2000’ propre à ‘Sentiment de Vie’, il prouve qu’on peut difficilement l’enfermer dans une case.

Isha

Bruxelles demeure une réelle source inspirante pour les rappeurs. Isha fait partie de cette jeune génération aux productions prolifiques, une génération souvent prometteuse.
Puis, qui aurait pu croire que s’allier à Limsa produirait des étincelles ?! En première partie de Lomepal, au Palais 12, le Français ne m’avait pas du tout époustouflé… en duo, la sauce prend et devient savoureuse !

Swing

La mafia serait moins dangereuse que la police… vraiment ?! Il faut l’entendre pour le croire ! Cette folie fut prononcée par Swing sur ‘Mafia’, un titre de son premier album. A-t-il déjà payé une taxe au prix de sa vie ? A-t-il déjà dû mentir pour ne pas mourir ? Tant de questions qui méritent quelques réponses. Heureusement, son opus, Au Revoir, Simeon, est foutrement dingue. Productions fraiche et fascinantes. Paroles d’une profonde introspection. Et chant accrocheur, tant l’auteur teste sa voix en long et en large, surtout au niveau des notes aiguës.
Relevons un point fort pour conclure via un message positif. Le mot
cœur est cité de nombreuses fois, lorsqu’on écoute le jeune Bruxellois. Comme si l’artiste avait mis toute son âme dans son œuvre. Tu rappes pas avec le cœur ? T’as rien à faire au stud’.

brunoaleas

LA DURE A CUIRE #99

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la moins douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist homonyme !

Peter Gabriel – i/o

Peter Gabriel s’appelle Peter Gabriel. Mais son nom, prénom et renommée ne sauveront pas ‘i/o’, un morceau ne dépassant pas les lois d’un rock daté et figé dans le temps…

The Guardians – On

Stop asking questions. The answers will never help you. Stop wasting your time with others. Don’t be a fool.

Bad Situation – Bad Situation

J’adore Dealer2Metal. Pourquoi ? Le vidéaste français ne se limite pas à critiquer ses pairs. Il joue de la musique de la façon la plus brute possible. A savoir, en duo, pour crier sa rage sur de longues et méchantes notes !

brunoaleas