UssaR Interview

UssaR partage ses émotions depuis quelques années. Pour Des Nu.es, son nouvel opus, il s’éloigne des synthétiseurs ou autres machines. Il dépose son cœur sur le piano. Le jeune auteur se livre sur plusieurs sujets : la boxe, les loosers et la valeur des mots !

Quand j’écoutais ton mini album, il y a une chanson que j’aimais réécouter plusieurs fois. Elle se nomme ‘Podium’. Le texte est dédié aux loosers magnifiques. Parfois, les gens ont du mal à s’exprimer sur les actions dont ils sont fiers. C’est plus facile de se plaindre ? Cette idée est présente sur le titre ?

Je ne sais pas. Rendre hommage aux loosers magnifiques, c’est quelque part un sujet de société. Cette société qui nous tire durement vers le bas, vers une insatisfaction, où chaque conquête est plus difficile à avoir, où chaque victoire est de plus en plus mince et lointaine. C’est une belle figure le looser magnifique. On en retrouve partout, au cinéma, au théâtre, en littérature. Pensons aux héros de John Cassavetes.
Puis, je suis très sportif. Je suis fasciné par celles et ceux qui n’arrivent pas à accomplir leur objectif. La personne glorieuse m’intéresse moins. A l’inverse de celle qui vient de perdre 10 ans de sa life finissant quatrième sur le podium (rire). Parfois, elle ne se plaint pas. Je pense qu’elle a gagné quelque chose au final. Quant au jeu d’écriture, c’est un plaisir de pouvoir dérouler des métaphores sportives tout au long du morceau.

Parlons-en du sport. Que retrouves-tu dans ton sport qui est introuvable en musique ?

(court silence) C’est étonnant comme question. Moi, je fais de la boxe. J’en fais pas mal. C’est une école de la confrontation. Tu es face à un adversaire mais tu es toujours ton propre adversaire. Il faut maîtriser son souffle, sa peur, ses appréhensions. Les parallèles avec la musique sont en rapport avec l’ancrage, les liens au sol. En musique, si tu flottes de manière éthérée, sans base solide, sans le savoir d’artisan qu’est composer des harmonies, sans un travail de parolier, tu vas te perdre. Tu risques de t’essouffler, te retrouver dans les cordes.
Bon après, dans le sport, il y a des perdants et gagnants. En musique, tu ne sais jamais si tu gagnes ou si tu perds. Tu flottes dans un entredeux (rire). Je ne crois pas aux prix et distinctions. Il n’y a pas de récompense. Il n’y a que celle que tu t’attribues à toi-même.

Revenons sur le thème de la fierté. De quoi es-tu le plus fier lorsque tu penses à tes nouvelles chansons ?

Je ne vais te mentir, j’en suis très fier de cet EP. Je suis très content de ce que j’ai réussi à faire. Il est arrivé d’un geste, à poil. J’ai réussi à garder, même dans sa production, les dépouillements, petits bruits, souffles, imperfections. C’était voulu. Pour être honnête, je suis vraiment très fier du travail harmonique posé sur certains morceaux. Les morceaux comme ‘Ouistreham’ ou ‘Il pleut encore’ sont de beaux morceaux, bien écrits. Il y a quelque chose qui se tient. Ca reste pop, en ayant une exigence au niveau de l’écriture harmonique. Ca fait mec qui se la pète mais j’en suis fier (rire). La réussite de cet EP, c’est son côté léché. Par le passé, j’avais oublié que les gens veulent être avec toi, à l’endroit de l’écoute. Pour Des Nu.es, je me suis dit que les auditeurs devaient être assis à côté de moi, dans la pièce. Ils doivent entendre le piano, les fins de morceaux. Comme si on était à un endroit précis et qu’on n’y bouge pas pendant 6 morceaux.

Le piano est le meilleur instrument pour traduire ce qu’on ressent durant l’hiver.

En fait, sur Des Nu.es, le piano est à la fois le médium et la finalité. Je compose souvent au piano. J’avais envie de composer des chansons. J’entends par là, délaisser les expérimentations. Revenir aux couplets, refrains, harmonies, des choses plus chansonesques. Quand j’ai eu ces chansons, il fallait refaire un chemin, c’est-à-dire, écrire des partitions pour se servir du piano. Donc, trouver la chanson qui colle le mieux à l’instrument. C’est un double processus. D’abord composer au piano, puis réécrire au piano.

Sur ‘Moitié beaux’, tu chantes Tout finit trop tôt. Te détaches-tu de ce genre de phrase ou est-ce vraiment toi que l’on identifie dans ton écriture ?

Il y a très peu cynisme à travers mon écriture. Il n’y a pas d’utilitarisme. Je ne suis pas en train d’utiliser les mots pour plaire ou séduire à tout un chacun. Je pense vraiment que tout finit trop tôt. Les bonheurs sont passagers. Les amours meurent trop tôt. Les succès, passions et joies sont évanescents.
L’introduction de L’Insoutenable Légèreté de l’être m’avait marqué à vie. Kundera écrivait que nous faisons de nos vies des croquis, sans jamais avoir le temps de finir le tableau, qu’on est déjà sur le croquis suivant. Il y a un écho à ça, à quelque chose qui nous échappe, qui coule entre nos mains et qui nous condamne… à cette insoutenable légèreté de l’être (rire). UssaR me permet une catharsis, d’être le réceptacle noir de mes émotions, pensées et ressentis. La sincérité fait vraiment partie de mon écriture. Je l’espère. S’il y a l’épaisseur d’un papier de cigarette entre ce que je pense et écris, c’est bien.

Interview menée par brunoaleas – Photos ©Lara Sanchez

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