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LA DURE A CUIRE #110

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la moins douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist homonyme !

Naked Passion

Naked Passion, c’est fini. J’apprends la nouvelle, lorsque j’arpente les plages portugaises… j’aurais aimé découvrir leur prochain album. ‘Overdensities’ est leur dernier titre ravageur. Je félicite ces jeunes Belges. Insert Name devenait leur tremblement de terre. A chaque opus, se ressentait de savoureuses tensions. Bravo. Bonne continuation !

Highly Suspect

I wanted space and time, spend time in space. But what does it matter now that nothing remains. I cannot sleep when all I hear is a silent symphony of pain and disgrace.

delving

Qui se cache derrière delving ? Nicholas DiSalvo, musicien chez Elder. Par le passé, l’artiste prouve ô combien son jeu aboutit à de riches mélodies pour l’Histoire du Rock.
Le voici à nouveau dans nos oreilles. Son nouvel album vient de sortir. Rien n’est laissé au hasard. Dès lors, surfons sur sa vague psychédélique !

brunoaleas

IAMWILL Interview

Guillaume Vierset s’éloigne des collectifs. En solo, il livre une musique plus intimiste. Voix et guitare deviennent ses meilleures compagnes sur scène. Première interview pour IAMWILL, une bouffée d’air frais dans le paysage musical.

Au sein du groupe Edges, tu exprimais un ras le bol de la société. Aujourd’hui, sens-tu une forme d’apaisement ? Vas-tu chercher d’autres émotions ?

Alors, le second album d’Edges sortira au printemps prochain. Il sera pire que le premier. Donc, je n’accepte pas encore les choses. IAMWILL est une réaction au fait de devoir tourner en Wallonie, à Bruxelles. D’abord, j’exprime l’amour de cette musique, le folk. Je mélange un peu toutes mes influences. Que ce soit folk, pop indé, que ce soit jazz, parce que ça improvise aussi. Puis, l’autre face de cette réaction est de jouer en solo. Pour un artiste en Fédération Wallonie-Bruxelles, être programmé, c’est de plus en plus dur. L’étau se resserre. Proposer quelque chose en solo, c’est beaucoup plus facile à défendre.
Voici les 2 penchants de ce projet.

A certains concerts, une idée martèle mon crâne. Plusieurs groupes sonnent comme les Beatles. Comme si mon cerveau était piégé dans leurs notes et influences. Toi, t’assumes tes influences : Elliott Smith et Nick Drake. Souhaites-tu te distinguer de ces artistes, proposer quelque chose de singulier ? Ou alors, embrasses-tu cet héritage ?

J’ai embrassé cet héritage et j’ai essayé de le comprendre comme moi je le comprenais. Le but est de le ressortir avec d’autres choses. J’ai une connaissance de l’harmonie assez approfondie de la musique jazz et plus populaire. Je suis instrumentiste avant tout, je suis improvisateur avant tout, et donc, tout ça fait que j’essaie de proposer une musique liée à cet héritage, mais d’une manière différente.
Mais il y a des actions qui sont inévitables. Par exemple, tu citais les Beatles. Récemment, je réécoutais l’album blanc, le White. C’est quand même inévitable de jouer comme les Anglais. Cet album est majestueux en tout point de vue. Par conséquent, c’est difficile de ne pas le compter dans ses propres influences. Je pense que tout le monde, d’une manière ou d’une autre, vit les effets des Beatles.
Par rapport à Nick Drake et Elliott Smith, ben oui, ce sont des songwriters qui font souvent des concerts en solo, instaurant une ambiance assez troublante, nostalgique. C’est sûr que ça reflète considérablement la musique. Ce sont mes premières influences. Néanmoins, j’essayerai de proposer quelque chose d’un peu plus ouvert, d’un peu moins dark. J’essaye en tout cas. Et puis, il y a aussi toutes les techniques actuelles. Ici, c’est la première fois où je vais utiliser quelques séquences (ndr : juste après l’interview, l’artiste jouait au café Le Parc, à Liège). J’utilise aussi des percussions. C’est assez nouveau. Là, j’essaye de réussir un son plus auto-satisfaisant, en solo.

Une fois sur scène, tu adores ce goût du risque. Finalement, Guillaume Vierset, plus il vieillit, plus il recherche cette envie et sensation.

J’ai besoin de me mettre en danger pour me sentir vivre. Je ne pourrai pas me reposer sur mes lauriers. Quand c’est le cas, c’est cool, je n’ai plus aucun stress et du coup, je fais autre chose. Je continue le projet, mais je vais plus loin. Moi, j’ai besoin de me sentir vivre, de me sentir vivant. Il y a des gens qui ont besoin de sauter en parachute. Moi, j’ai besoin de sauter dans le vide avec de nouveaux projets, des productions strictement jamais réalisées. Voilà, ici, je me retrouve seul avec un micro devant moi. C’est quelque chose que je n’ai plus fait depuis l’âge de 17 ans. J’avais complètement oublié quelques actes. Donc, j’ai dû réapprendre certains réflexes.
Malgré tout, ces techniques demeurent plus ou moins dans le sang. C’est un saut dans le vide, avec tout ce que ça implique : le son, les paroles, la gestion de l’instrument. Mais c’est hyper excitant. En fait, j’adore ça. Je n’ai pas dormi cette nuit. Ça n’a rien avoir avec le stress. Je suis super excité de jouer à Liège.

Tu te lances de nouveaux défis. On se concentre sur une toute autre réflexion.

Complètement. Le message, c’est : Venez, entrez dans ma bulle. Voilà ce que j’ai à proposer, de petites histoires. Et si on est toujours dans cette bulle, ça va bien se passer.

Quant aux paroles de tes chansons, tu aimerais qu’elles soient moins sombres. Peut-on carrément qualifier tes mots d’optimistes ?

Alors, autant être clair, j’écris 15% des paroles. L’autre pourcentage provient de David Bartholomé (ndr : chanteur/bassiste de Sharko). Il m’aide beaucoup. Ce sont des paroles assez poétiques, oniriques, à prendre un peu comme on veut. Je les interprète d’une certaine manière, lui les écrit en les interprétant à sa façon. Il ne m’a pas dit comment les interpréter. Au bout du compte, je les comprends à ma sauce. Oui, parfois c’est dark, parfois pas. Il y a quand même de l’espoir dans tout ça, sinon, autant abandonner.

La plume de David Bartholomé, parlons-en. Qu’aimes-tu le plus dans son écriture ?

Ce n’est pas sa plume que j’aime, mais c’est le personnage dans son entièreté. C’est une personne extrêmement intelligente, cultivée, avec qui j’adore parler. Il a souvent un avis bien tranché. C’est quelqu’un qui va dire les choses, sans prendre de pincettes. Il m’a considérablement fait avancer, à bien des égards.
Concernant ses textes, ce que j’aime, c’est qu’il arrive à faire rimer les paroles à ma manière. Je lui transmets des lalala, des ohoho, etc. Ensuite, quand j’écoute ses paroles, je reconnais presque les onomatopées envoyées. Puis, il a cette intelligence de comprendre exactement la couleur de cette musique.

Sans compter l’ironie.

Oui, bien sûr. Il y a beaucoup d’ironie, mais de nouveau, chacun y trouvera sa signification. Il y a plusieurs angles choisis pour les paroles. Mais oui, il y a beaucoup d’ironie. Forcément. On parle quand même de David Bartholomé. (grand sourire)

Qu’aimerais-tu que le public retienne de tes concerts ?

J’ai envie qu’on retienne une intégrité à 100%, quelque chose de terriblement sincère. Je suis tout seul en scène, donc si je me trompe, tout le monde va l’entendre. Et j’aime bien jouer avec ça. J’aime bien jouer avec les silences. C’est quelque chose qu’on ne fait plus du tout maintenant. Désormais, la musique est extrêmement chargée. Il y a des éléments dans tous les sens. On ne distingue plus qui joue quoi. Ici, je suis à poil avec ma guitare.
J’aimerais qu’on se souvienne de concerts authentiques. Même si voilà, comme je l’ai dit, j’utilise aussi des éléments plus modernes. Comme pour quelques morceaux, j’ai des petites séquences qui sont lancées, enregistrées par moi-même avec mes instruments. Il n’y a rien d’électronique. C’est ultra sincère, intimiste. Et la musique intimiste, c’est quelque chose qui s’oublie un petit peu.
Alors, c’est sûr, je ne ne vais pas jouer à 22h30 aux Francofolies ou à Werchter. Ça n’arrivera certainement jamais. Mais en tout cas, je désire proposer une musique qui est beaucoup plus proche du public. Puisqu’en Wallonie-Bruxelles, à nouveau, c’est de plus en plus dur. C’est un peu comme dans la vraie vie, il y a les riches et les pauvres, les choix politiques, la gauche et la droite. Actuellement, il n’y a plus de milieu. Pareil pour le milieu musical. En tout cas, je parle bien de la Wallonie-Bruxelles. Je pense qu’en Flandre, c’est différent. Soit, on est un artiste qui ramène 10 000 personnes, et alors, on joue en festival. Soit, on n’est rien du tout. Il n’y a plus de milieu, où être artiste entre les 2 est possible. J’estime que je ne suis rien du tout et que ma place, pour le moment, est de jouer dans des petits endroits de proximité. Mon rôle n’est pas de jouer dans de grands festivals. Ce n’est pas le but. Que les gens retiennent cette démarche, retrouver l’essence même des choses, même au niveau des festivals. Récupérons la culture à taille humaine, ainsi que la culture à frais humain. La culture, ça ne doit pas être cher. C’est de l’enseignement. Ça doit être gratuit, même s’il faut rémunérer les artistes. Tout le monde devrait pouvoir en profiter.

Interview menée par brunoaleas

Cycle de l’enfance : Digimon

L’enfance est sacrée. Parfois, on s’éloignait des codes et obligations imposés par la société… une particularité phénoménale. Certaines œuvres dépeignent les enfants comme des êtres à part. Découvrons des titres américains et japonais !

Aucun générique ne me plonge dans un sentiment de nostalgie comme celui de Digimon.

Digimon, beaucoup s’en souviennent, parfois avec cynisme, comme une pâle copie de Pokémon, créée pour vendre un maximum de jouets. Et vous savez quoi ? Je ne peux pas vraiment réfuter ces accusations.

Imaginés en 1997 pour offrir une version plus « garçon » des Tamagotchis, tous les produits dérivés, que ce soient les dessins animés, cartes ou jouets, sortent juste après le succès phénoménal de Pokémon. Il s’agit de 2 franchises dont le principe est de collectionner un maximum de petits monstres colorés, de les faire s’affronter… après tout, la comparaison est légitime. Mais clairement, Digimon a toujours eu un je ne sais quoi de différent à mes yeux. Il y a là, un design plus cru, organique et belliqueux des créatures : là ou Pokémon réalise énormément de mascottes et d’animaux colorés avec l’occasionnel dragon, Digimon est plutôt du genre à présenter des dinosaures, machines et anges en armure.
Mais si je considère vraiment cette franchise comme celle qui m’a le plus marquée dans mon enfance, c’est aussi grâce aux messages transmis par ses médias. Ils ne sont pas les mêmes que ceux de la concurrence.

Pour le comprendre, penchons-nous sur le dessin animé, et plus précisément la saison 1 et 3. Décrivons les raisons qui m’ont tant marquées.

Première saison : l’ode à l’enfance

Le tout premier dessin animé de Digimon se nomme Digimon Adventure. Il raconte l’histoire de 7 jeunes enfants transportés dans le Digi-monde. Complètement démunis dans ce monde sauvage et plein de dangers, ils rencontrent chacun un compagnon Digimon, et grâce à la force de leurs amitiés, les enfants permettent à leurs compagnons d’évoluer en de puissants monstres. Ces êtres seront alors capables de rétablir l’ordre dans un Digi-monde en proie au chaos.

Digimon Adventure est sorti en 1999, donc imaginez le coup de vieux. Eh oui, les 10 premiers épisodes n’ont qu’une vocation : montrer le plus d’évolutions possibles, afin que les enfants puissent reconnaître quels jouets acheter en magasin. Le scénario se répète en boucle. Les jeunes protagonistes arrivent dans un nouvel endroit, ils se font attaquer par un Digimon maléfique, et un Digimon gentil évolue pour le battre. Néanmoins, une fois la première partie achevée, les choses sérieuses commencent !

Contrairement à Pokémon, qui reste un road trip où très peu de choses se passent, où les épisodes ne sont reliés que par de faibles fils narratifs, Digimon ressemble beaucoup plus à un anime contemporain. Il y a de l’action, du drame, des antagonistes complexes, et même des personnages qui meurent ou se sacrifient !

Bien qu’à la base ce soit une franchise multimédia dont le but est commercial, les créateurs décident d’y mettre de l’attention, de ne pas prendre l’audience pour des bébés.

Je me souviens à quel point tomber sur cette fiction me rendait hystérique, lorsque j’étais petit. J’avais l’assurance qu’à chaque épisode, on notait un moment assez épique. Même quand tout semblait perdu, le héros du jour allait trouver la force en lui de changer, s’améliorer, et par la même occasion, permettre à son partenaire Digimon de se digivolver en un monstre puissant et majestueux. Ces scènes me remplissaient d’émotion.

Les jingles accrocheurs, la musique, tout était parfait. Des thèmes sont mis de côté. On ne contemple pas l’entraînement ou l’acquisition de force physique qui fait progresser les héros, mais bien l’amélioration de soi. Le récit me donnait l’impression que tant que je continuais de grandir, d’apprendre, rien n’était impossible.

Les liens d’amitié unissant les héros et leurs Digimons étaient si forts, si purs. C’est aussi ce genre d’idéal qui représente l’enfance à mes yeux. Trouver de la simplicité et de la force dans les jolies choses de la vie.

Lors d’une phase de la série, les héros apprennent qu’ils possèdent tous une qualité unique. Ils doivent la développer pour renforcer leurs Digimons. Le courage, la fiabilité, la gentillesse, etc. Trouver de la force dans nos propres qualités, dans ce que nous pouvons apporter aux autres, n’est-ce pas une valeur magnifique à inculquer ?

Troisième saison : ne pas avoir peur des sujets graves, quand on parle aux enfants

Si la toute première saison reste un doux souvenir nostalgique, intrinsèquement lié à mon enfance, la meilleure chose arrivée à Digimon est sa troisième saison.

Cette nouvelle partie commence déjà avec un parti pris intéressant. Faire table rase, se détacher presque complètement des premières séries. La série débute dans notre monde, où Digimon, et surtout le jeu de cartes associé, sont bien connus de tout enfant. 3 protagonistes feront cependant la rencontre, dans leurs quartiers, d’un partenaire Digimon.
Dès lors, ils devront sauver leur ville de diverses menaces, des Digimons apparaissant mystérieusement près de chez eux.

Une prémisse très simple qui, bien sûr, sert avant tout à introduire de nouveaux monstres et jouets, sauf que ! Cette nouvelle série est scénarisée par Chiaki J. Konaka, aussi connu pour l’iconique Serial Experiments Lain, une série cyberpunk, qualifiée aussi de thriller psychologique !

Digimon Tamers a donc la chance d’être beaucoup plus qu’une série pour enfants. On y retrouve tout ce qu’on recherche dans Digimon : de l’action, de l’amitié, des personnages devant faire face à leurs peurs et défauts pour triompher. De plus, des thématiques très graves sont abordées. Les sacrifices qu’on est prêt à faire pour l’ambition, la maltraitance, le deuil, la vengeance. Parfois présentée de manière sombre et sérieuse, la série ne prend pas de pincettes. Elle aborde ces thèmes de manière crue et mature. Mais le plus étonnant, c’est lorsqu’un personnage meurt et que son partenaire, déjà accablé par un deuil et une relation difficile avec sa famille, perd complètement les pédales, noyé par le chagrin. Ces séquences sont parfois dérangeantes. Digimon Tamers prend le risque de raconter un vrai récit dramatique, d’aller bien plus loin que les autres séries franchisées pour enfants. Ces scènes ne me quitteront jamais. Elles m’offrent la conviction que certaines sensations m’accompagnent jusqu’à maintenant : la tension et impression palpable des héros. Ces mêmes personnages ont quelque chose à perdre, à apprendre dans chaque situation.

Aujourd’hui, la franchise continue d’évoluer. Elle semble suivre la maturation de ses fans de la première heure. Ils viennent de sortir un jeu vidéo alliant visual novel et jeu de stratégie. L’ambiance est plus sombre (Digimon Survive). Les créateurs sont en train de lancer un nouveau jeu de cartes à jouer/collectionner plutôt compétitif, rempli d’allusions très nostalgiques des débuts de la série. Voilà une franchise qui sait utiliser le transmédia pour faire plaisir à ses fans.

Run faster than the wind !
Aim farther than the skies !
You can meet a new you
Unknown courage sleeps in your heart, and when you realize
The downpour in your heart
Will surely stop… show me your brave heart

Pierre Reynders

Fabien Vehlmann Interview Part 1

Les mangas attirent les plus jeunes. Et les bédés franco-belges ? En 2006, Fabien Vehlmann obtient un prix au festival d’Angoulême pour Seuls. On y suit Dodji, Terry, Leïla et d’autres enfants, au sein d’une ville sans adultes. L’auteur décrit ses envies artistiques !

Avant d’analyser Seuls, je remarque que tu exploites souvent un thème bien précis. La disparition. On le retrouve dans La Cuisine des Ogres. Cette thématique est généralement visible dans les films d’horreur. La technique du hors champ est fascinante. Il y a quelque chose d’attirant et excitant, quand on ne perçoit pas la menace. C’est vraiment une belle façon d’amener le public à découvrir l’œuvre. Le thème de la disparition est-il un bon point de départ pour créer une œuvre artistique ?

La difficulté et parfois le défaut de la bande dessinée, c’est qu’elle peut tout montrer, et souvent elle le fait. Pour un dessinateur, représenter une bataille spatiale est aussi simple que dessiner un embouteillage, mais bien plus excitant pour un jeune lecteur adolescent. C’est pourquoi, la bande dessinée s’est appropriée des genres comme la science-fiction et l’horreur, difficiles à représenter dans d’autres médias. Cependant, cela peut entraîner une perte de la force de l’hors-champ, qui est si puissante en littérature et au cinéma, obligeant le lecteur ou le spectateur à imaginer ce qui n’est pas montré.

Dans Seuls, cette question de ce qu’on montre ou non est centrale. La disparition des adultes dans un récit jeunesse est un choix évident. Mais la mise en scène soulève aussi la question de ce qui doit être montré. Faut-il montrer la mort d’un enfant ?
Trouver un équilibre entre montrer trop, ou trop peu, est crucial.
Un exemple de ce choix narratif se trouve dans Le Clan du Requin, le troisième tome de la série. Nous avions la possibilité de montrer un requin blanc sous tous les angles, mais nous avons choisi une approche cinématographique, inspirée des Dents de la Mer, en montrant très peu le requin. Par exemple, quand Camille descend dans un souterrain et voit le requin à travers une grande baie, nous avons privilégié l’angle émotionnel des enfants qui perçoivent une menace sans la voir entièrement.
Dès lors, qu’est-ce qui est intéressant ? Les lecteurs peuvent se représenter un millier de choses possibles. Le premier cycle, qui s’étend sur 5 albums, se concentre sur l’envie de laisser les lecteurs imaginer les raisons des disparitions. De cette manière, chacun envisage des scénarios inexistants, des éléments absents. C’est peut-être cela qui nous a permis de conserver une certaine forme de succès commercial, malgré le fait que nous ne soyons des flèches.
Avec Bruno Gazzotti (ndr : dessinateur de Seuls), nous ne sommes pas extrêmement rapides. Cela a parfois été un défaut, ralentissant notre rythme de publication annuel. Or, ce mystère et cette attente ont permis aux enfants de rêver ce qu’ils imaginaient comme la suite idéale. Jouer sur cette attente, jouer avec l’imagination des enfants, est devenu un des piliers de la série.

Ces dernières années, on ne compte plus les œuvres postapocalyptiques. The Walking Dead, The Last of us, Mad Max… quant à Seuls, comment éviter le déjà-lu ? Comment ne pas répéter les mêmes rebondissements, les mêmes récits ?

Tout d’abord, il est presque impossible de ne pas tomber dans certains clichés, lorsqu’on aborde un genre. Les clichés sont inhérents au genre lui-même. Ils peuvent être agaçants parce qu’on les voit mille fois, mais aussi rassurants pour la même raison, car ils posent rapidement une scène. Par exemple, on sait immédiatement si on est dans un film de zombies ou un film postapo comme Mad Max, en quelques plans. Cela permet de gagner beaucoup de temps narratif. Cette technique peut ensuite être utilisée pour écrire quelque chose d’original.
Bruno et moi utilisons joyeusement quelques clichés. Mais, notre récit se distingue de la plupart des récits postapocalyptiques par une approche joyeuse, voire humoristique, malgré la gravité de l’histoire. Seuls fait peur, mais permet aussi aux enfants de dire des bêtises et de jouer à Robinson Crusoé dans une ville.
Un contre-exemple serait un récit où une maladie tue les adolescents à la puberté, telle l’histoire de la bande dessinée La Dernière Récré. Cette idée, bien que réaliste, entraînerait des cadavres partout, rendant impossible l’humour et les jeux entre enfants. La vraie bonne idée de Seuls était d’imaginer une disparition « indolore » : on ne sait pas ce qui s’est passé. Cette méthode permet aux enfants d’avoir peur, tout en s’imaginant le pire, à leur mesure.
Pour un enfant lisant cette BD, ce pire n’est peut-être pas si grave. La bande dessinée peut être perçue comme une histoire amusante avec des aliens, rien de très grave. Un enfant plus angoissé y projettera des peurs plus profondes. J’aime beaucoup cette notion présente dans les contes, où certains passages sont reçus différemment selon le degré de maturité du lecteur. Et dans Seuls, il y a de ça aussi.

C’est vrai. La joie est un aspect important de la bande dessinée. Je suis content que tu en parles. Cette joie se reflète dans les pouvoirs des enfants. Puis, plus l’aventure continue, plus la mission épate. Il s’agit d’une belle mission, apporter la paix. Des lectrices et lecteurs ont souvent soif de violence. Seuls parle de paix. Ce concept sert à atteindre les portes du paradis. J’apprécie. La joie apparaît dans plusieurs pages. Tu te mets donc à la place des enfants, dès que tu écris.

Bien sûr. Pour moi, cette notion de joie, même dans des sujets douloureux, comme le deuil et la mort, est essentielle. Dans Seuls, on aborde ces thèmes. Cette joie est très liée à ce que je considère comme inhérent à l’enfance : la capacité de passer d’une émotion à une autre, en quelques secondes. J’aime souvent raconter cette anecdote : lors de l’enterrement de mon père, mes neveux et nièces, encore enfants, pouvaient être en larmes pendant l’homélie, puis jouer joyeusement en sortant de l’église, avant de décider de faire une collecte pour offrir une fleur à leur grand-mère, et revenir aux larmes, quelques minutes plus tard.
Les émotions fortes et changeantes sont très proches de l’enfance. On peut être très triste, puis excité, puis effrayé, en très peu de temps. J’ai voulu refléter cela dans Seuls. Néanmoins, défendre des valeurs comme la paix et le vivre-ensemble est plus compliqué, surtout dans le cadre d’un récit occidental, classique. Les mangas ont un niveau d’acceptation de la violence beaucoup plus grand qu’avant. Cela ne signifie pas pour autant qu’on doit toujours aller vers cette violence.
Au début de la série Seuls, on nous voyait comme très transgressifs. Les gens disaient que ce n’était pas une série pour enfants. Aujourd’hui, avec la popularité des mangas, nous paraissons presque traditionnels.

J’ai une problématique similaire avec La Cuisine des Ogres. Les lecteurs adultes pensent que ce n’est pas pour les enfants, alors que je crois fermement que c’est un récit pour eux. Il y a toujours un moyen de rester transgressif. C’est rassurant.
Dans Seuls, promouvoir la paix et montrer que des enfants tentent d’éviter une guerre, plutôt que de se précipiter dedans pour la gagner, est une idée que je tiens à défendre.
C’est un sacré défi narratif, car ce n’est pas forcément ce qu’attendent les lecteurs. Trouver la bonne manière de raconter cela n’est pas simple. Il y a des tensions, des lignes de fracture, entre les anciens et nouveaux lecteurs, dont les attentes ne sont pas les mêmes.
Prenons un exemple typique : dans l’album 13, à la fin du troisième cycle, on découvre que les enfants de Fortville ont des pouvoirs. Pas des pouvoirs incroyables, mais des pouvoirs tout de même. Cela a suscité un débat sur les forums des amateurs de Seuls. Les premiers lecteurs, maintenant jeunes adultes, disaient que ce n’était pas une bonne idée. Cela leur semblait trop cliché. Ils pensaient que c’était quelque chose qu’on avait déjà vu mille fois.
Mon argument était de dire que, oui, c’est peut-être un peu cliché, mais il faut attendre de voir ce que nous allons en faire. Dans le tome 14, Dodji a beaucoup de mal à maîtriser ses pouvoirs, et pour Terry, c’est un peu du n’importe quoi. D’autre part, il serait dommage de ne pas tenir compte des attentes du nouveau public, notamment les jeunes lecteurs de 10 ans. Ils sont maintenant très influencés par le manga. Leurs attentes sont complètement différentes de celles des lecteurs des années 2000, même s’il y avait déjà des mangas à l’époque.
Il est intéressant de voir que les anciens lecteurs, que j’appelle les gardiens du temple, préfèrent une approche plus sobre, sans pouvoirs. J’ai beaucoup d’affection pour eux. Nos échanges sont toujours pertinents. En revanche, les jeunes lecteurs de 10 ans sont ravis que l’histoire entre enfin dans le vif du sujet avec l’apparition des pouvoirs.
Avec Bruno, nous cherchons un équilibre. Il est normal qu’un jeune lecteur ait envie de voir ses héros vivre des aventures extraordinaires, impliquant des effets spectaculaires. Nous sommes dans un univers appelé Les Limbes, ou La Quatrième Dimension et Demie, où des enfants peuvent théoriquement avoir des pouvoirs. Cela a déjà été le cas dans la série. Il serait dommage de ne pas utiliser cette puissance narrative.
D’un autre côté, je comprends le besoin de sobriété de certains premiers lecteurs, car je le partage. L’overdose actuelle de super-pouvoirs dans les blockbusters américains m’agace. Je la trouve dangereuse politiquement, au sens large. Rien ne semble pertinent en termes de messages véhiculés quant à la vision du monde, de la société. J’ai peur qu’ils promeuvent un modèle axé sur le pouvoir, la domination des uns sur les autres, et l’extractivisme, c’est-à-dire l’exploitation des ressources de la nature, quel qu’en soit le prix.
Entre l’excitation des jeunes lecteurs qui veulent de l’action et le désir de ne pas promouvoir le pouvoir comme une fin ultime pour les héros, il faut constamment chercher un équilibre, comme sur un surf. On est toujours en train de chercher le bon moment, en évitant de tomber, tout en restant dans le bon flow.

Interview menée par Pierre Reynders & brunoaleas – Illustrations ©Bruno Gazzotti

Cycle de l’enfance : Sixième Sens

L’enfance est sacrée. Parfois, on s’éloignait des codes et obligations imposés par la société… une particularité phénoménale. Certaines œuvres dépeignent les enfants comme des êtres à part. Découvrons des titres américains et japonais !

Vous savez pourquoi vous avez peur quand vous êtes seuls ? Non ?
Vincent Gray le savait, lui. Il le savait car il possédait un sixième sens que son ancien psychiatre n’avait pas su voir en lui. D’où vient cette séquence de cinéma ? Du thriller fantastique de M. Night Shyamalan, tout part de là. 

La scène d’ouverture du Sixième Sens nous sert sur un plateau d’argent absolument toutes les clés de compréhension de l’intrigue. Suivez-moi, je vous explique. Le docteur Malcolm Crowe se prend une cuite chez lui avec sa femme, Anna. Ils sont en train de fêter une récente distinction professionnelle qui assure les compétences de Malcolm en tant que psychiatre pour enfants. Alors que le couple admire le cadre hors de prix qu’ils ont devant eux, Anna remarque que d’un seul coup il fait très froid, donc, elle donne un pull à son mari et enfile un gilet. Peu après cela, la température monte entre eux, ce qui les conduit à se rendre dans leur chambre. Ils sont en train de se déshabiller puisqu’ils ont l’intention de faire l’amour. Mais en fait, Malcolm n’enlève uniquement son pull et Anna, son gilet. C’est là qu’Anna marche sur du verre brisé et que leur bonheur conjugal se transforme en drame.  

Quelqu’un est entré chez eux par effraction ! Et cette personne n’est autre que Vincent Gray. Nu, ou presque, dans leur salle de bain, il réclame ce que le docteur pour enfants lui avait promis. Ce qu’il veut par-dessus tout est de ne plus avoir peur. Il le dit et le montre. Mais comme il ne ressent pas d’entrain immédiat de la part de Malcolm, qui d’ailleurs ne l’avait pas reconnu, Vincent décide de tuer son ancien psychiatre par balle, sous les yeux de sa femme, avant de se suicider. 

Un écriteau de transition annonce ensuite que la scène qui suit se déroule à l’automne prochain.  

On y voit Malcolm Crowe assis sur un banc, prendre des notes devant la maison d’un petit garçon de 9 ans. Ce dernier sort de chez lui et se rend jusqu’à une église non loin de là, à toutes jambes, suivit par le psychiatre, qui le rejoint à l’intérieur. On comprend aisément qu’il s’agit de leur première rencontre.
À partir de là, il y a déjà quelque chose qui cloche. Malcolm ne pouvait pas connaître ce petit garçon, alors pourquoi prend-il des notes sur lui, et qui plus est, en le suivant ? Depuis quand les psys se comportent ainsi ? C’est totalement creepy ! Et c’est pour ainsi dire normal, puisque ce mec est un revenant. Rien d’autre ne peut l’expliquer. Il n’y a qu’à voir la tête que tire le petit Cole, en le voyant le suivre et entrer dans l’église. Sur son visage, je lis de la peur car il sait ce qu’il voit. De plus, il lui parle, se présente comme un médecin compétent qui veut l’aider alors que rien n’est prévu pour que cela se produise. À aucun moment du film le docteur ne parle à quelqu’un d’autre que Cole. Il reste vêtu de la même manière tout du long, à part quelques fois où on le voit avec le pull donné par sa femme quand ils avaient froid, la nuit de sa mort. Pour moi, il est clair que cette façon de faire lui est dictée par son instinct. Malcolm a quelque chose à régler. Il veut absolument aider un enfant dans la même situation que Vincent, afin de réparer ses torts et partir en paix. Il agit à chaud, exactement comme les autres revenants qui visitent Cole, si ce n’est qu’il fait preuve de plus de maîtrise, ce qui explique que l’enfant baisse la garde en sa compagnie. 

Je rappelle que nous avons clairement assisté à un meurtre dès le début. On pourrait bien sûr penser qu’une blessure par balle n’est pas toujours fatale, si on est rapidement emmené à l’hôpital le plus proche. Après tout, Anna était là et s’est précipitée à son chevet. Mais moi, je n’avais aucun doute. Tout ce que j’ai vu par la suite n’a fait que confirmer ce que je pensais.
Petit détail très parlant, quand Cole sort de l’église juste après sa première rencontre avec le psy, il choppe une statue religieuse au passage. On voit par la suite qu’il s’est constitué un autel anti-revenants dans sa chambre pour être un peu tranquille quelque part. Quand Malcolm rend visite à Cole chez lui, on sent bien que le petit est retissant à l’idée de parler à voix haute avec lui, de peur d’être prit pour un fou par sa mère, exactement comme avec ses camarades de classe. 

Parlons-en de ses camarades ! Lors d’une fête d’anniversaire à laquelle Cole avait été invité par le père du petit Darren, ce dernier, ainsi que Toni, l’acteur en herbe complètement naze, décident d’enfermer Cole dans ce qu’ils appelaient un donjon. Sauf qu’il y avait un vieux revenant violent dedans, qui a conduit le petit médium à se faire hospitaliser. Là-bas, M. Night Shyamalan fait son caméo. Il incarne un médecin et accuse la mère de maltraitance car ils ont trouvé des plaies, partout sur le corps du petit. Même là, Malcolm est présent et personne ne le calcule. Malgré l’ignorance de tous, ce psy garde la tête froide et s’accroche à sa vision rationnelle du monde, tout comme la mère et le médecin de l’hôpital. 
D’ailleurs, dans ce film, il y a un puissant symbolisme dans les couleurs. Le vert est utilisé pour représenter le rationnel. Lynn, la mère de Cole, est très souvent vêtue de vert, car elle se demande qui fait du mal à son fils. Puis, elle ne comprend pas les manifestations de l’au-delà, celles qui gravitent autour de son enfant. Donc, elle se torture à trouver des explications logiques. Au moment où elle discute avec le réalisateur indien, on les perçoit tous les 3 accablés par des inquiétudes beaucoup trop terre à terre, ce qui ne colle pas avec la situation. Ces personnages sont tant rationnels face à l’enfant qu’ils provoquent une confusion. Une confusion encore plus appuyée à l’apparition d’un jeu en bois, vert, face aux protagonistes, placé là comme un rappel artistique. A l’inverse, c’est la présence du rouge qui représente le surnaturel. Teinte complètement absente, lors de ce dialogue.  

S’ensuit une scène absolument mythique dans laquelle Cole demande au doc pourquoi il est triste. Alors, le perso joué par Bruce Willis se confie à propos de Vincent, le patient qu’il n’a pas pu aider. Malcolm pense également que sa femme n’aime pas l’homme qu’il est devenu et que c’est pour cela qu’ils se comportent maintenant comme des étrangers. – Non mec, elle t’aime, c’est juste que t’es mort –.  

Soudainement le petit raconte son secret. Pourquoi ? Les confidences personnelles de son revenant préféré déclenchent cette volonté. J’ai trouvé cela très attendrissant. Cette scène est pour moi l’une des plus importantes, avec celle du meurtre, car quand on pense aux 2 simultanément, tout s’éclaire d’un coup.  

Laissez-moi vous montrer ce que j’y ai vu : 
  
Je vois des gens qui sont morts. 
 
En rêves tu veux dire ? 
 
Cole fait non de la tête. 
 
Quand tu es éveillé ? 
 
Là c’est un oui. 
 
Tu vois des morts, dans des tombes, des cercueils ?
 
Non ! Ils vont et viennent comme n’importe qui, ils ne se voient pas entre eux, ils ne voient que ce qu’ils ont envie de voir, ils ne savent pas qu’ils sont morts. 
 
Et tu en vois souvent ? 

Tout le temps ! Ils y en a partout. 

À ce moment précis, Cole vient d’énoncer des infos primordiales sur les morts qui sont partout autour de lui et cela inclut Malcolm Crowe. Plus aucun doute n’est possible, il est indéniable que ce visage sceptique cache un savoir inconscient. En voyant cette scène, je ressens indubitablement une présence fantomatique. Puis, Cole a froid. Il dit qu’il voit des morts tout le temps. Il est clair qu’il n’énonce pas tous ces détails sur les perceptions des morts pour rien. Il le fait car il aimerait lui aussi aider le psy.
La scène du secret est vraiment un point culminant du jeu d’acteur de Haley Joel Osment. Au moment du tournage, il n’avait que 12 ans, mais il joue parfaitement du début à la fin. Grace à cela, son personnage nous fait comprendre énormément de choses, sans nous les montrer, sans les dire avec l’aide des dialogues, mises en situations. En l’observant bien, je comprends qu’il connait l’origine et la nature de Malcolm mais qu’il ne le lui dit pas pour ne pas le brusquer. Il trouve plutôt des moyens détournés pour lui ouvrir les yeux. 

Maintenant accrochez-vous ! 

Ce film n’est pas du tout un long métrage à twist ! Il n’y a aucune révélation de fin à proprement parlé puisqu’il est facile pour tout spectateur attentif de comprendre la condition fantomatique de ce psy. Il n’y a que Malcolm qui doit comprendre ce qu’il est. Mais avant, il doit commencer par croire au sixième sens de Cole. 

Ce qui se produit quand il se rend compte des paroles similaires dites par Vincent et Cole. Une révélation s’empare alors de lui quand il écoute une cassette d’un entretien enregistré avec Vincent, il y a longtemps. Non seulement il croit au sixième sens des 2 gamins, mais en plus de cela, il trouve une solution pour que Cole se débarrasse de ses peurs. Je vous la donne en mille : l’aide avec un grand A. A cet instant, mes sentiments se mitigent car on se retrouve face à une facilité scénaristique, plus précisément, quand Cole aide son premier fantôme. En effet, une petite fille nommée Kyra vient le voir et lui demande de l’aider. Dans quel but ? Dire à son père que sa belle-mère l’a empoisonné. Et là, on nous montre encore une révélation avec l’aide d’une cassette ! Cole la donne au père qui la visionne tout de suite. Il peut y voir une petite partie d’un spectacle de marionnettes de sa fille, jusqu’à ce que la belle-mère entre avec le dîner. On la voit mettre un liquide bizarre dans la soupe, avant de la servir à la petite. À mon sens, c’est bien trop simple pour être crédible, d’autant plus que les morts ne sont pas censés savoir qu’ils sont morts. Mais passons. 

Kyra, comme les autres morts, possède un instinct qui la conduit à Cole. Dans le bus, l’enfant déclare même à Malcolm qu’elle est venue de loin pour le voir, au constat de la route qui n’en finit pas. Les revenants savent que le garçon peut les voir. Tout comme le docteur, un revenant l’aidant pour s’aider lui-même. Et c’est précisément cette valeur d’entraide que j’aime dans ce film. Elle est accompagnée d’un symbolisme immense. Cette technique ne laisse personne indifférent. Je me dois de la saluer.
Regarder ce film est pour moi un immense plaisir. Je l’ai vu pour la première fois à mes 11 ans. Il est même devenu mon film préféré de cette époque. C’est pourquoi, je lui pardonne tous ses défauts. Tout d’abord, ce que je ressens en le visionnant est plus fort que toutes mes petites déceptions. Ensuite, j’admire le travail réalisé. Tout cet effort déployé par les acteurs, par la place du symbolisme, des détails, par la musique qui déclenche de fortes émotions et qui est bien en accord avec les rebondissements et la tension dramatique. Gros big up à James Newton Howard, au passage, pour ses compositions musicales qualitatives ! 

J’aime ce film et ça ne changera jamais. Si vous ne l’avez pas vu, foncez le voir, même si je vous déballe presque tout. Sorry, mais il le fallait, sinon j’allais dire quoi sérieux ? Non en vrai, ça va, je vous épargne moult subtilités.  

Tatiana Kazakova

Slomosa au Misery Fest

Ce n’est plus un secret. En Belgique, les douches sont gratuites en été. Il suffit de mettre sa tête dehors pour recevoir la pisse des Dieux. Mais ! Mais, mais, mais ! Lorsqu’une brasserie organise un petit festival pour fêter son anniversaire, en pleine campagne, comment refuser ?! Il faut affronter vents et marées !

Je me dirige alors vers le Misery Beer. Le manoir est plutôt connu pour ses bières spéciales, son cadre verdoyant et son ambiance rock’n roll. L’endroit fête son cinquième anniversaire. Fonçons. E25, me voilà !

La Province de Liège s’apparente aux décors de Silent Hill… rien ne m’arrête. A 20h se pointe un quatuor plutôt incroyable. Slomosa fut surprenant à Leuven (Het Depot, novembre 2023). Ma mémoire ne peut défaire ce souvenir. La voix fédératrice. Les gros riffs efficaces. Une nostalgie aimée et retrouvée pour les fans de Kyuss ou Fu Manchu. Juste avant l’arrivée des Norvégiens sur scène, 2 personnes souriantes prennent le micro. Le propriétaire de la brasserie entame un discours émouvant, aux côtés de sa femme.

Recevoir Slomosa, ici… je ne comprends rien à ma vie. Merci ! Les gars, sachez-le, j’étais un cancre. J’étais un cancre !

Le concert commence, l’énergie du groupe est à nouveau remarquable. Epaté par la force de frappe, je confirme une vieille idée. Slomosa est vraiment balèze sur scène. 2 membres de Silenceless acquiescent et valident cette observation. Nul besoin de feu d’artifice, lumières psychédéliques ou costumes carnavalesques… ici, on se concentre sur un jeu stoner, décoiffant. Le groupe kiffe sa vie et sourit face à un public en délire.

Pogos en veux-tu en voilà et joyeux lurons frôlant les airs – plusieurs personnes se laissent porter par d’autres bras pour ensuite être bousculées h24, l’euphorie au max –. J’ai rarement autant ri, lors d’un concert. A ce point là ?! Fuck yeah. Le public crée le show, digne d’une comédie inouïe ! Un dinosaure muni d’une coupe afro, un masque de cheval ou d’autres fantaisies rythment le spectacle.

Like animals, we dig the earth, chante Benjamin Berdous. ‘Battling Guns’ illustre l’absurdité de la guerre et pointe une sorte de fatalisme… mais à cette soirée, tout le monde souffle un vent de joie incomparable. Comme quoi, danser et fêter sont des actes salvateurs – clin d’œil aux politicards pro confinements –.

Longue vie à Slomosa ! Hâte d’écouter Tundra Rock, un prochain album à hurler haut et fort !

brunoaleas – Photos ©Dominique Bernard

LA DURE A CUIRE #109

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la moins douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist homonyme !

Mk.gee

En septembre, je vous lâche un article sur Mk.gee… impossible de nier cette surprise de l’année !

Nilüfer Yanya

Lost to a cult, let me bend this light beam. They replace my bloodstream. You should pull that trigger, aim it at my liver. Losin’ a pulse and all my problems. I love to dance in my new costume.

Screaming Females

On continue l’hommage dédié à Steve Albini. L’ingé son s’occupait de Screaming Females, en 2012. Pour quel résultat ? Une bouffée d’air frais balancée par un trio à la discographie dorée.

brunoaleas

Cycle de l’enfance : Une Sacrée Mamie

L’enfance est sacrée. Parfois, on s’éloignait des codes et obligations imposés par la société… une particularité phénoménale. Certaines œuvres dépeignent les enfants comme des êtres à part. Découvrons des titres américains et japonais !

Je ne veux pas partir. Je veux continuer à pêcher des légumes dans la rivière tout en mangeant de faux repas avec un sourire crispé aux lèvres. Je veux être fière de ma maison. Bancale, trouée, elle sait nous protéger avec une fidélité sans faille.

Je ne me lasserai jamais du cynisme comique de mamie ! Infatigable malgré la faim et le travail acharné, elle ne cesse de me nourrir de sa sagesse. Elle m’ouvre les yeux sur le monde, les autres et mon cœur. Pour elle, la pauvreté n’est qu’une question de point de vue. La richesse d’âme ne s’achète pas, elle se cultive.

Je veux rester pour voir Akihiro grandir. Le voir jouer, courir, faire des bêtises, pleurer face à la beauté de la vie et continuer à rayonner d’amour.

Sa mamie et lui se voient relier par le destin. La mère du jeunot se retrouve dans l’impossibilité d’élever ses enfants. C’est pourquoi, elle confie Akihiro, du jour au lendemain, à sa grand-mère.

Je ne réussis pas à terminer ma lecture. Je veux encore rester avec Akihiro et sa mamie, à Saga. C’est difficile de les quitter. Quitter ce cocon de tendresse et de sincérité. Une Sacrée Mamie, sorti en 2009, imaginé par Yoshichi Shimada, me met une sacrée claque d’amour.

Mouche – Illustrations ©Yoshichi Shimada

One Piece et son final – droit de réponse

Dans ma tête, quand j’étais enfant, j’avais le fantasme de dessiner un manga où la fin est la partie la plus excitante ! Je me demande si je peux en faire une réalité désormais !
Eh bien, j’ai bientôt fini l’arc Wano. Les préparatifs sont presque terminés. Cela m’a pris 25 ans… lol… cependant, vous êtes les bienvenus si vous commencez à me lire aujourd’hui. Parce qu’à partir de maintenant ça va être – le – One Piece ! Je vais dépeindre tous les mystères de cet univers que j’ai cachés jusqu’à présent. Ça va être amusant. Attachez vos ceintures et profitez du voyage !!! -Eiichirō Oda, communiqué datant de juillet 2022

One Piece est un manga encastré dans mon cœur. On ne présente plus cette œuvre extraordinaire, mais si je devais résumer son message en quelques mots, je dirais qu’il s’agit d’une immense fresque humaniste, une ode à la liberté.

La grande quête de libération des héros passe obligatoirement par la découverte d’une histoire perdue et oubliée, effacée par les vainqueurs tyranniques qui règnent sur le monde. Rappel cruel que ce n’est qu’en détenant les clés de notre passé que nous pouvons nous défaire des chaînes qui nous oppriment. Pas d’évolution sans compréhension. Et tous ceux qui veulent faire taire ou transformer la vérité sont ceux qui veulent vous pacifier. Alors libérez-vous !

Il est facile de voir que je porte ce manga particulièrement dans mon cœur. Mais quelle n’est pas ma surprise lorsque j’entends d’infâmes détracteurs médire de ma série bien-aimée. Eh bien, Monsieur brunoaleas, laissez-moi vous dire que je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites ! Je vais démonter vos arguments :

➜ Il y a tellement de mystères à résoudre. Comment ne pas bâcler le travail ? Est-il possible de relier tous les points d’interrogations du manga ?

Oda et son équipe ont en effet créé un monde gigantesque, rempli de personnages, d’intrigues et de mystères en tous genres. Et c’est justement tous ces mystères qui planent sur ce monde qui retiennent notre attention. Si, avant les tout derniers chapitres, il ne reste rien à découvrir du monde, alors même qu’il s’agit d’un manga sur l’exploration maritime, ce serait bien étrange ! Mais il suffit de voir les derniers chapitres, remplis de personnages qu’on n’avait pas vus dessiner depuis carrément plus de vingt ans, pour comprendre que rien ne sera oublié. Oda a un plan bien en tête et toutes les ficelles seront reliées. Je dirais même que l’œuvre sera un jour complète, en un seul morceau.

➜ Si l’auteur vient à mourir, pourrions-nous voir un/e autre mangaka reprendre le flambeau ?

Mais quel pessimisme ! Ne parlons pas de malheur ainsi ! Quoi qu’il en soit, il est bien connu que les éditeurs qui ont suivi Oda durant sa longue carrière sont tous au courant des derniers secrets que recèle l’intrigue. Si, en effet, l’auteur venait à se faire frapper par la foudre – ce qui est quand même peu probable, il n’est pas si vieux que ça –, il y aurait bien des successeurs capables de reprendre le flambeau. Après tout, l’un des thèmes les plus importants de One Piece est « la transmission de la volonté par héritage ».

➜ Imaginons le final réussi. Puis, imaginons plusieurs suites publiées juste après. Ces suites ne viendraient-elles pas gâcher 30 ans de lecture ?

Boichi nous a démontré avec son spin-off One Piece épisode A, se focalisant sur le périple d’Ace, qu’il est tout à fait possible de continuer à enrichir l’univers d’Oda sans pour autant toucher à la magie de l’œuvre originale. Pour ma part, je suis ravi à l’idée que la fin de One Piece ne sera que le début d’une nouvelle ère où cette œuvre, passée au rang légendaire, deviendra un terreau fertile pour l’imagination d’une toute nouvelle génération.

➜ La conclusion de Game of Thrones fut décevante, – euphémisme activé –. Les derniers épisodes sont à ce point ruinés qu’il est impossible de conseiller la série. One Piece risque gros. Si son final est foiré, il sera difficile de conseiller la lecture du manga, comme si de rien n’était.

L’échec de Game of Thrones est explicable par plusieurs facteurs. La série Game of Thrones est l’adaptation d’un roman, tandis que One Piece est une œuvre originale. Les producteurs de la série ont clairement déclaré avoir voulu arrêter Game of Thrones afin de se diriger vers d’autres projets, tandis qu’Oda a déclaré que One Piece était l’œuvre de sa vie. Nous ne parlons pas ici d’une franchise contrôlée par le marketing dont le but est de créer le plus de contenu en moins de temps possible, mais bien d’un projet titanesque dans lequel un artiste exceptionnel a mis désormais 27 ans de son existence. Je pense que si One Piece vous plaît, la fin a peu de chance de vous décevoir. Et puis, pour citer Luffy, refusant à Usopp de se laisser dévoiler le secret du One Piece par un pirate légendaire :

Si le papy nous dit quoi que ce soit au sujet du trésor, alors moi j’arrête d’être pirate ! C’est de l’aventure que je veux ! Pas un petit voyage sans adrénaline !

Alors profitons du voyage au lieu de trop se soucier de sa fin !

Car oui, One Piece, ce n’est pas qu’un manga, c’est un voyage ! Il est long et parfois ardu, mais c’est l’expérience narrative la plus satisfaisante disponible chez votre libraire. Alors hissez la grand-voile !

Pierre Reynders – Illustrations ©Eiichirō Oda

Le Deuxième Acte

4 persos. 1 resto. 1 histoire commune. Il n’en faut pas plus pour Quentin Dupieux. Il a déjà assez pour délirer. Le Deuxième Acte regorge de répliques reflétant l’impertinence créative du réalisateur. Quel bien fou ! Le Français n’en est pas à son premier film choral. Incroyable Mais Vrai entrecroise déjà de curieux protagonistes.

Pour cette treizième œuvre, le cinéaste dépeint un scénario assez banal. Florence est déterminée à présenter l’homme de ses rêves, David, à son père Guillaume. Cependant, David ne partage pas les sentiments de Florence. Dès lors, il concocte un plan pour la dissuader de son affection en la poussant vers son ami Willy.

Encore une fois, je tire mon chapeau. Non pas pour l’effet poupée russe déployé à l’écran, illustrant une histoire dans une histoire. Non pas pour le minimalisme assumé de Quentin Dupieux (peu de décors et personnages, film à la durée très courte, etc.).
Saluons plutôt sa critique d’une société à la fois conformiste et pathétique… car tout le monde y passe ! L’intelligence artificielle. Les acteurs-violeurs. Les artistes moralisateurs et leur hypocrisie. Bref, Le Deuxième Acte offre un moment de répit. Cette bouffée d’air frais est bien plus subversive que n’importe quel film d’un yes man hollywoodien respectant des quotas ethniques. Parlons-en. Cette exécrable méthode est taillée pour s’acheter une bonne conscience.
Oui, on peut rire de tout. Sauf que l’humour noir ne peut satisfaire tout le monde. Chaque individu est sensible à sa manière. Et non, la censure n’est pas un nouveau phénomène.

La liberté d’expression, c’est un immense débat. On avait tendance à dire qu’avant c’était mieux, qu’on pouvait dire plus de choses. C’est totalement faux. Renaud avait ses chansons censurées à la radio. Coluche s’est fait virer d’Europe 1. La censure, il y a en toujours eu, il y a en a partout. Tout le monde peut être plus ou moins touché par la censure. Il ne faut pas faire de généralité. Elle peut venir de n’importe où.Jérémy Ferrari

Je partage l’avis de l’humoriste. Ne voyons pas la censure tel un obstacle. Si les artistes souhaitent rester authentiques, autant considérer les censeurs à l’instar de brebis égarées. Le défi est à surmonter, comme le fait Dupieux.
Alfred Hitchcock avait tout compris. Via Psycho, son honorable thriller, il détourne le code Hays, une censure mise en place par l’institution Motion Pictures Producers and Distributors Association (1934-1966). Selon darchinews, la loi interdisait l’apparition de violence, les scènes à connotations sexuelles, ou les antihéros à l’écran. Le Maître du Suspense filme alors une violence et nudité suggérées. Un tueur poignarde une jeune femme sous la douche. Pour éviter qu’on la voit nue, les spectateurs n’aperçoivent pas un plan rapproché. Hitchcock découpe le corps en une série de gros plans, évitant soigneusement la poitrine. Il en va de même pour le couteau touchant la peau de la femme. Le plan est coupé dans le but de ne pas voir l’arme rentrer dans le corps.

Actuellement, certains artistes se plaignent pourtant d’un climat tendu. Je comprends. Parfois, des voix s’élèvent pour un rien. Emotions et déraisons guident trop d’idiotes personnes. En 2015, la France en paye le prix…

Depuis les attentats de Charlie Hebdo, force est de constater que la liberté de création est de plus en plus mise en péril.Bastien Vivès

Lors de cet attentat, un cap brutal fut franchi. Faut-il abandonner ? Faut-il s’avouer vaincu ? Comme si le dissensus valait moins que la doxa… la vie est trop courte pour se laisser malmener. Qui ose avouer que des dessinateurs méritaient de mourir ?! S’il faut se battre pour qu’on réfléchisse ensemble sur la pratique de l’humour noir, battons-nous.
Le Deuxième Acte est un film au propos intelligent. En cassant le quatrième mur, les personnages questionnent directement notre bienséance, ou plus précisément, le politiquement correct. A présent, que faut-il saisir ? Ce qui nous dérange, la raison de notre malaise.

brunoaleas

LA DURE A CUIRE #108

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la moins douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist homonyme !

Vampire Weekend

Only God was Above Us est un album à poncer. Vampire Weekend mêle mille instruments sans aboutir à la cacophonie. La bande livre là un nouvel origami auditif !

Causa Sui

Causa Sui se donne depuis 2005. Leurs instrus offrent un rock sophistiqué impossible à nier !

Tacoblaster

Comment prolonger l’ambiance des années 90 ? Ecoutez Tacoblaster. Le jeune groupe balance son premier album qui ravira les fans d’une autre époque !

brunoaleas