Logan

ATTENTION CRITIQUE AVEC SPOILERS

Wolverine va sortir ses griffes… Une dernière fois.

On ne l’attendais plus, on n’y croyait plus, depuis le temps nous avions abandonné tout espoir de voir enfin le film Wolverine de nos rêves. Un film qui explore la psyché torturée du personnage, tout en rendant hommage à sa bestialité, mais aussi à son humanité.

Après un X-Men Origins de triste mémoire qu’on essaiera tous d’oublier, et un The Wolverine en demi-teinte, un exercice tenté sans jamais avoir réellement abouti, James Mangold, réalisateur du précédent volet, revient avec un Hugh Jackman bien décidé à faire le film ultime qu’on les a empêché de réaliser. Selon Hugh Jackman lui-même, il tenait à ce que se soit James Mangold qui réalise encore ce volet, mais plus que tout, qu’il en prenne la direction scénaristique. Le réalisateur de COP-LAND, 3h10 pour Yuma, Walk The Line et du mitigé The Wolverine, revient derrière la caméra avec carte blanche pour nous livrer sa vision du plus célèbre des X-Men.

Ayant mis de coté les compromis à la PG-13 (qui selon moi était les vraies raison de l’échec de The Wolverine), Mangold s’attaque à ce troisième et dernier volet, en embrassant le genre qui a fait sa renommée, à savoir le western.
Mais si Logan apparaît aux premiers abords comme un semi-western maquillé en film de super-héros, sachez qu’il n’en est rien. Car Logan est à la fois un pur western movie, un pur film de James Mangold, ainsi qu’une vraie adaptation libre de Old Man Logan (dont les inspirations sont minimes), et ne peut être en aucun cas pris comme un film de super héros lambda.

Véritable déclaration d’amour au personnage, Jackman/Mangold laissent exploser leurs talents d’acteur et de metteur en scène pour nous offrir un film à contre courant de tout ce que l’on connaissait des films de super-héros.
C’est ainsi que Logan prend place dans une Amérique alternative, en 2029. Monde où les mutants n’ont plus leur place et où ils ont presque tous disparus. Choisissant une approche sobre, Mangold fait de Wolverine non pas un survivant au bord de l’extinction, mais un vieux mutant rouillé, boiteux, dont les pouvoirs de régénération semblent dépérir et ayant des tendances limites suicidaires.

Sous fond d’un contexte politique appliqué intelligemment et subtilement, Logan se permet même d’avoir des élans de film dystopique. Mais les influences de Logan sont bien plus nombreuses que l’on pourrait le croire. Avant tout, Mangold a voulu traduire grâce au R-rated, la violence d’un monde ou d’une société, avant de traduire celle de son personnage.
Le ton est très vite donné puisque dès la scène d’introduction, la ligne directrice du film nous est présentée. Ce n’est donc pas de manière iconique que le titre « Logan » est amené, mais bien symbolique. Le faisant apparaître au moment où Logan se fait tiré dessus pour la première fois dans le film, le voyant ainsi couché, blessé, fatigué, et ayant perdu sa rage d’antan. Une démarche crépusculaire de la part de Mangold, qui nous livre une mise en scène sobre et brutale (la plus brutale qui soit d’ailleurs), cherchant à faire de l’univers de Logan une vraie allégorie de notre monde moderne. Celui-ci va jusqu’à faire le parallèle (involontaire qui plus est) avec l’Amérique de Trump, en appuyant le coté immigration/expulsion des citoyens étrangers à la frontière mexicaine.

Puisant même dans son esthétique musical, le film prend le temps de nous amorcer les personnages gravitant autour de sa figure principale, sans pour autant traîner à les humaniser. C’est donc un Patrick Stewart de retour en Charles Xavier que l’on retrouve faible et malade, sujet à des crises d’amnésie, lui-même symbole d’un passé oublié, ayant fini par dépérir sous les yeux d’un Logan impuissant.

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Faisant de la survie du personnage de Charles une priorité pour Logan, pendant les 2 tiers du film, Mangold s’approprie avec brio la quintessence même de la relation de ces 2 personnages, celle du maître et de son élève, qu’il traite sous une forme beaucoup plus intimiste, celle d’un père et de son fils. Le parallèle à cette évolution est d’ailleurs faite au détour d’une scène de dîner familial absolument brillante dans son écriture.

Au même titre qu’un Hugh Jackman, Patrick Stewart est prêt à faire ses adieux à son personnage, qui rend son interprétation encore plus bouleversante. On sent que ces 2 figures, tout droit sortis du comics, ont encore quelque chose à nous dire et souhaite se démarquer une dernière fois. Il est donc normal de faire de Charles Xavier, une figure de sagesse s’éteignant à petit feu, dépassé par le monde qu’il tentait d’unifier par le passé et de Logan, un vieux lone-cowboy désabusé ayant toujours besoin d’un but pour continuer à exister.
Il y a d’ailleurs de nombreuse référence faites au genre du western en lui-même, mais je laisserai le soins à un autre de les énumérer tant elles sont nombreuses et bien amenées.

Mais si les performances des 2 acteurs atteignent leurs sommets dans ce film, c’est surtout la jeune Dafne Keen, interprète de X-23, qui sort son épingle du jeu. On pourrait même s’amuser à dire qu’une grosse partie du film repose sur ses petites épaules… Mais quelles épaules !

Mangold ayant compris que c’est surtout l’intimité entre ces personnages qui fait la force de son film, et non sa teneur en action, il était évident, quand on y repense, que le clone de Wolverine devienne sa fille. Ayant comme parti pris de rendre le personnage muet pendant les 2 plus gros tiers du film, le personnage de X-23 (nommée aussi Laura) reflète la démarche artistique libre du film, aussi bien spirituellement que métaphoriquement parlant.

Faisant d’elle une page blanche qui débarque dans la vie de Logan, Laura symbolise aussi à sa manière la volonté de James Mangold de s’affranchir des influences comics pour en faire sa propre interprétation. Ne connaissant du monde rien d’autre qu’une cellule, la protagoniste évolue en fonction des images et des choses qui lui sont présentées : une vue sur une ville éclairée, un vieux film à la télé, de la musique, etc.

En enregistrant des choses sans les comprendre, elle démontre son incapacité à comprendre les émotions humaines, choses dont ses créateurs ont cherché à la priver. C’est ainsi qu’une scène banale, où la jeune fille contemple une vitrine avec deux mannequins habillés (un père et son enfant) se tenant la main, prend tout son sens, lorsque celle-ci tente de reproduire la pose et le geste mais sans le comprendre réellement. La compréhension de ce geste symbolique ne viendra bien entendu qu’à la fin du film, lorsque celle-ci aura été marquée par sa profondeur humaniste et tout ce qu’il implique.

On comprend très rapidement que la volonté de Mangold est de faire de Laura le miroir dans lequel Logan refuse de se voir. Son existence symbolisant l’erreur de la sienne, car celle-ci a gâché celle de son propre enfant. À l’instar de sa relation avec Charles Xavier, qu’il refuse d’écouter pour mieux le protéger, Logan fonctionne ainsi en refusant de s’impliquer pleinement dans la vie de Laura, pensant que ce serait une erreur. La filiation entre ces 3 personnages sonnent alors comme le cœur du film. Sans avoir recours à de la nostalgie complice comme certains, Logan se différencie, car celui-ci ne cherche au final rien d’autre qu’à parler de l’homme et de sa quête d’identité dans ce grand désert qu’est la vie.

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Au même titre qu’un Mad Max, lui aussi grande source d’inspiration pour Logan, c’est en s’enfonçant dans cette désolation qu’est le monde, que nous pourrons trouver le meilleur de nous-même. Il est donc étonnamment logique que c’est lorsque Logan trouve ce fameux Eden (ou Paradis), qu’il se retrouve confronté à la fois entre son passé et son futur. Un passé symbolisé par cette tribu d’enfants tout droit sortie Dôme du Tonnerre (coucou Mad Max 3), cherchant à gagner leur liberté coûte que coûte et dont les expérimentations dues à leurs origines sont celles initiées par Logan. Quant au futur, il est symbolisé par sa décision à vouloir se battre une dernière fois pour la cause mutante (cause qu’il avait rejoins grâce à Charles Xavier et auquel il ne croyait plus), et voir même à lui donner sa vie.

Le fin du film se permet d’ailleurs une certaine audace puisque la réponse à cette dualité n’est pas vraiment donnée.
Logan donne sa vie, non pas pour une cause ou par culpabilité, mais par amour pour sa fille. Cette même opposition à son passé est d’ailleurs très bien appuyée avec X-24, copie conforme de ce qu’est Logan, ou plutôt de ce qu’aurait du être Wolverine. Lorsque ce dernier affronte son clone, c’est comme si le personnage se battait contre sa propre nature. Nature, qui symboliquement, le dominera jusqu’à son dernier combat, mais probablement aussi pour le reste de la carrière de l’acteur…

Avec Logan, James Mangold nous livre une déclaration d’amour absolue au western mais confirme surtout l’importance de ce genre dans sa façon de traiter les mythes et autres allégories qui définissent à la fois l’histoire de son pays d’origine, mais aussi de ce cinéma.

Wolverine n’est plus, il ne reste que Logan. Son titre révélateur confirme d’ailleurs la volonté de ce film d’être à la fois une conclusion, mais aussi un correctif des 2 précédents volets.

Les thèmes effleurés par le passé sont ici pleinement assumés, que ce soit la mortalité de Logan, ou bien les origines sombres et violentes de son passé. Certaines scènes font d’ailleurs écho directement à d’autres de Origins ou The Wolverine, comme cette scène où un couple de fermiers accueille Logan et « sa famille », et dont le triste sort de celle-ci nous poussera à questionner la place de Logan (et de Laura) dans ce monde. Ce qui poussera également le réalisateur à assumer jusqu’au bout la teneur adulte, ultra-violente et crépusculaire de son film.

Logan n’est pas un grand film de supers héros, c’est un grand film qui nous pousse à aimer les supers-héros et ce qu’on peut faire de leurs mythes.
James Mangold a compris que parfois, pour mieux rendre hommage à un certain genre, il faut savoir le détourner pour mieux le questionner. Une logique déjà pratiquée par le passé par Bryan Singer (le papa des 2 premiers films X-Men) et Sam Raimi (La trilogie Spider-Man).

Après un Deadpool plus enfantin, mais tout aussi passionné (et libre artistiquement parlant), il serait temps que certains studios commencent à réaliser l’énorme potentiel qu’ils ont entre les mains. Quand on voit le parcours difficile des films centrés sur Wolverine, on en viendrait presque à croire aux miracles, tant ce troisième et dernier volet marque de façon plus qu’élogieuse, le début et la fin d’une ère pour les supers-héros. Il ne reste plus qu’à savoir si les autres suivront…

Logan est à mon sens la preuve ULTIME que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Une accroche d’autant plus ironique, quand on sait que son heure est venue…

Le Daron

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