King Krule – The OOZ

BLUE BLUES BLUESY

Après 4 ans d’absence en tant que King Krule, Archy Marshall est revenu aux bases de tout ce que ses multiples projets (Edgar The Beatmaker, Zoo Kid, DJ JD) ont constitués.
Les sonorités dub, rock, jazz et son expérience de rappeur donnent une ambiance incroyable à ce deuxième album.

Enregistré sur sa terre natale, en Angleterre, ce second opus se voile d’un mystère particulier. Que ce soit les significations liées à la pochette, aux paroles ou au fil rouge de l’œuvre, des questions se trament par millier dans la tête de l’auditeur.
Ce qui rend d’autant plus l’écoute de The OOZ, intéressante, pertinente et intrigante.

Si l’on se centre sur les histoires contées dans ses chansons, le jeune roux londonien les décrivait ainsi au New York Times:

Gritty stories about the streets with a sensitive and romantic side.
Take social realism and make it surrealism.

Un résumé efficace qui permet de très bien comprendre où nous mènent les paroles abstraites de ce poète des rues: au sein de la mentalité d’un jeune adepte au spleen anglais.

La poésie d’Archy nous emporte vers un univers où les illusions, l’imaginaire et l’extraordinaire s’emparent d’évènements banals.

Nul besoin de décrire toutes les lignes écrites par ce parolier car nombreuses sont les interprétations que l’on peut attribuer aux textes de ce chanteur à la voix nonchalante.
Grâce à sa poésie, une image me reste en mémoire, celle d’une aventure sans fin, dans ce qu’il y a de plus urbain, personnelle et nocturne. Ne serait-ce que les sons de gouttes de pluies insérées dans quelques chansons, m’immergent totalement dans un climat froid et humide, où l’obscurité l’emporte sur les lumières de la ville.

La couleur que porte ce jeune musicien est le bleu et l’adjectif qui lui sied à ravir est « lunatique » plus que « mélancolique ».

C’est à travers certains morceaux beaucoup plus posés, lents, jazzy et tristes qu’il dévoile le plus souvent tout son talent à composer une espèce d’avant-gardisme. Alors que le punk au ralentis de « The Locomotive » et le rock perturbant de « Dumb Surfer » rappellent la fougue de l’artiste, « Czech One », « Logos » ou même « Sublunary » se détachent du ton général, pour s’envoler vers un style plus proches de visionnaires tels que James Blakes, ou tels que ses compatriotes de Mount Kimbie.

Il ne serait en rien étonnant de s’apercevoir que King Krule influencera pas mal d’artistes,
tant sa polyvalence dans le monde musical est admirable.

Il arrive à prouver que la musique est toujours renouvelable et qu’il est possible de composer en s’inspirant de ses influences intimes et en les façonnant à sa manière.

Il est le genre d’artiste à refuser une collaboration avec Kanye West pour se donner corps et âme à son projet. Ainsi, son authenticité artistique ne prend aucun coup et ce même refus expose un King Krule décidé et convaincu d’accomplir ses idées déjà toutes tracées, sans freiner un seul instant.

L’argument ridicule voulant faire de lui un « musicien pour hipster », démontre bel et bien qu’il divise encore une fois de par sa capacité à proposer une large palette de morceaux les plus différents les uns des autres. Il est pathétique de lui faire un pareil reproche, autant ne pas écouter de discographies qui s’éloignent d’un « déjà entendu » ou du champ commercial de la musique.
On ressuscite l’ancien pour en faire du nouveau, tout comme l’ont très bien réussi Only Real ou Cosmo Pyke.

Autre découverte: cet Anglais se rattache au Sud. « Half Man Half Shark » dégage une aura tribale pour enfin se terminer avec une transition beaucoup plus calme, enivrée de boucles répétées d’accords de guitares, mêlées à des notes planantes de piano. La voix rauque d’Archy se déploie avec effervescence et des chœurs s’y ajoutent à un moment donné, faisant des paroles, un hymne chanté par des personnes en transe ou possédées par une force surnaturelle.
Un magma bouillonne avec ce titre.

La chaleur de The OOZ est entre autres hispanique. Archy avait une muse barcelonaise. Elle présente en espagnol, au passage de  « Bermonsday Bosom (Left) », un antagonisme qui va nous suivre tout au long de l’album, et qui sera encore cité dans « Bermonsday Bosom (Right) », mais cette fois-ci, via la voix britannique de son père:

Parasite, paradise, parasite, paradise

Cette opposition permanente n’est pas entendue à chaque morceau, mais est ancrée de manière efficiente pour qu’elle résonne de plus belle dans le crâne.
Ces deux mots expriment tellement de choses. Ils renvoient à la Vie et au Réel, à l’inverse d’une philosophie manichéenne, où certains préfèrent penser que le monde se sépare entre le Bien et le Mal. Il n’y a pas de blanc ou de noir, il n’y a que du gris.

The OOZ comporte dix-neuf morceaux, ce qui rend le sourire à ceux qui attendaient ce retour avec impatience. Prenez-en de la graine Arcade Fire!
Dix-neuf pépites qui nous entraînent dans des alentours paradisiaques, où les parasites se cachent partout.

DRAMA

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