Melting God

LA DURE A CUIRE #71

Arctic Monkeys – The Car

Le nouvel album des Singes divise. The Car n’est pas la bande son d’un ascenseur poussiéreux d’un hôtel 5 étoiles. Mais plutôt l’incarnation de la classe musicale. Le compositeur Alex Turner épate à nouveau. Il puise du côté des Beatles et honore Ennio Morricone.

Eosine

Comme à son habitude Eosine soigne son imaginaire. Leur nouveau clip offre encore psychédélisme et accalmie. Un style musical commence vraiment à caractériser le quatuor liégeois…
quoi de plus prometteur pour la suite ?

Elder – Innate Passage

Lorsqu’un morceau stoner fait plus de 5 minutes, soit ça passe, soit ça casse.
Elder n’ennuie jamais via Endless Return.

Clayton Ravine – EP1

Réunissez les fans de Weezer ou de Nada Surf, ils aimeront Clayton Ravine. Le rock sympatoche de la bande est très appréciable.
A l’avenir, espérons qu’ils pourront se distinguer de leurs aînés.

DRAMA
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Arctic Monkeys, la fascinante évolution

Alex Turner a 20 ans, lorsque le premier disque des Singes de l’Arctique est distribué. Nous sommes en 2006. Les jeunes Arctic Monkeys s’affichent tels des fans des Strokes, à l’énergie débordante et au succès immédiat.
Ses membres sont-ils toujours à considérer comme des artistes inspirés ? La réponse est affirmative. Un détail est à ajouter. Chaque album composé par le groupe est différent de l’autre. S’écoute alors une discographie passant d’un jeu plutôt punk à des ballades sans riff brutal, sans percussions sauvages.

L’évidence est certaine. Alex Turner a grandi. D’un vulgaire vendeur de concessionnaires (époque AM) au crooner et digne héritier des Beatles (désormais, via The Car), l’Anglais évolue sans perdre de visions précises dictant la couleur de ses productions. D’abord, en s’alliant avec Miles Kane, aux commandes de The Last Shadow Puppets, bande morriconienne ressuscitant les cendres d’un rock décomplexé. Puis, travaillant depuis le second opus avec James Ford. Cet homme de l’ombre produit à nouveau la richesse sonore des nouveaux titres du quatuor.

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Certes, Alex Turner ne propose rien de neuf. Impossible de le comparer à l’avant-gardiste nommé Mike Patton. Pourtant, il grandit (insistons). J’évolue pratiquement au même rythme que lui. Aujourd’hui, j’admets vouloir écouter des chansons calmes, bien plus qu’hier. Fut une époque, Slipknot, Children of Bodom ou Machine Head envahissaient mes oreilles, 27 heures sur 24. J’avance avec Turner, depuis ses débuts sur scène. Voir cet artiste proposer de telles ballades, où violons et basses règnent sur les morceaux, me réjouit. Sans compter son audace à imaginer des concepts farfelus : l’hôtel sur la Lune propre au sixième album et la bagnole énigmatique de The Car. Il faut applaudir.
Une question demeure : leur huitième projet survivra-t-il à l’épreuve du temps ? On ne jouera pas les voyants. Par contre, le successeur de The Car confirmera à jamais leur place de musiciens inspirants.

Je suis à l’aise avec l’idée que les choses n’ont pas à être une chanson pop.Alex Turner

DRAMA – Photo bannière ©Mojo

Aussi tribal que The Smile

Moult médias affichent leur condescendance vis-à-vis de The Smile. Le nouveau projet de Thom Yorke et Johny Greenwood est trop souvent comparé à Radiohead. Les Anglais ont toujours une empreinte reconnaissable dans chacun de leur projet. L’amour electro de Yorke chez Atoms for Peace. Ou le soin apporté aux instruments à cordes, lorsque Greenwood compose des bandes originales.

Il est temps d’assumer les faits. Le trio The Smile est unique en son genre ! Pourquoi ? Pour une et seule raison. Tom Skinner, batteur de Sons of Kemet, apporte une sonorité très prononcée. Les Anglais délivrent des performances tribales. Que ce soit les percussions, les guitares, la basse, plusieurs morceaux dégagent des ambiances africaines. Comment ne pas penser à Tony Allen à l’écoute de ‘The Smoke’ ?

L’afrobeat s’entend aussi sur ‘The Opposite’. Ce style de musique, à la rythmique répétitive, se construit sur peu d’accords joués en boucle par des guitares. Quant au percussion, elles invitent souvent à s’agiter, à entamer une danse de la pluie. Bien sûr, Thom Yorke y apporte sa science : échos, cris aigus, déformations vocales. Les musiciens l’accompagnant partagent un univers chaleureux, froid et moqueur (‘You Will Never Work in Television Again’, étant une satyre du show-business). Enfin, et pour dernière preuve, le clip propre à ‘Free in the Knowledge’ dévoile des scènes shamaniques, comme intrinsèque à l’univers de la bande.
Laissons à ce torchon de 
Libé l’envie d’assimiler passé et présent. Yorke et Greenwood demeurent créatifs, même aux côtés d’un batteur jazz.

De nos jours, il est fréquent que les individus considèrent que leur véritable personnalité s’exprime dans les activités auxquelles ils consacrent leur temps libre. Conformément à cette perception, un bon travail est un travail qui vous permet de maximiser les moyens de poursuivre ces autres activités à travers lesquelles la vie a enfin un sens. -Extrait d’Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail écrit par Matthew B. Crawford

brunoaleas – Photo ©Alex Lake – Two Short Days

L’imprévisible Whorses

Si Whorses était un mammifère, ce serait un malinois. Belge. Energique. Vif. Décrivons un univers captivant. La bande sort un double album mémorable, en avril dernier. Une première partie hostile et une seconde chaleureuse. L’exercice est réussi. Mais que vaut le groupe en live ?

Ses musiciens délivrent des mélodies déstructurées. Une impression notée pour la première partie de l’opus éponyme. Leur technique casserait les attentes des radios ! J’assiste à leur spectacle au Reflektor de Liège, après avoir paumé ma carte d’identité. Le concert commence et un tsunami noise me fend le visage. Ma déprime s’estompe quelques instants. Ma cure est surprenante. Je chope encore plus de cheveux blancs. Je danse devant ces fous du larsen. Whorses est imprévisible. Quand son chanteur monte sur le bar. Quand ses membres se confondent sur scène. L’expérience est intense, même entouré de trois pelés et deux tondus.
Dès lors, une question se pose afin de comprendre cet effet : comment composent les Flamands ? Le guitariste Timotheus De Beir éclaire notre lanterne.

Il n’y a pas de ligne directrice rationnelle. Les mélodies dérivent de manière intuitive. Nous jouons juste ce qui nous semble juste à la composition.

Une réponse simple, efficace. D’autres éléments participent à leur rage indescriptible : la courte durée des morceaux, les voix de sale gosse, les riffs lourds et incisifs. Pour découvrir cette joie épileptique, fonçons à l’Ancienne Belgique. Fin septembre, Whorses joue en première partie d’It It Anita. La fusion colle parfaitement. La capitale risque de trembler.

DRAMA – Photo ©DRAMA

Bienvenue dans l’Enfer selon black midi

black midi est de retour (déjà ?) après Cavalcade, album qui à lui seul aurait pu assurer la satisfaction d’un jeune groupe pour pour le restant de leurs jours. Les feux de l’enfer font rage. Le vertige de la chaleur omniprésente, de la grandeur presque théâtrale, du rythme immodéré, ferait perdre la tête à quiconque, avertis y compris, s’aventurerait dans le terrible Hellfire. L’Enfer de black midi n’a rien d’une solitude éternelle chargée de lentes lamentations. Bienvenue en Enfer. Un message adressé à ceux qui oseraient poursuivre la route effrénée aux milles péchés, où nous mènent les Londoniens. Continuer la lecture

L’Orient en Belgique

Notre pays fut bercée par l’immigration. En Belgique, quelques artistes participent au folklore oriental. Leurs compositions caressent nos oreilles, loin des mélodies dominant les radios. Exit la trap parisienne, drill ou autre hérésie. Tamino et Wyatt. E attirent l’attention. Comment ? Pourquoi ? Découvrons leur musique.

Tamino

Tamino est envoûtant. Via sa voix, son regard ou son jeu gracieux à la guitare, le musicien illustre son héritage en musique. Tamino-Amir Moharam, d’origine égyptienne, obtient les faveurs du public à la sortie de Indigo Night. Le succès est immédiat grâce à une performance vocale jouant sur plusieurs octaves. L’apport créatif du bassiste de Radiohead, Colin Greenwood, participe aussi à la magie du tube.

Pour son retour, Tamino ne mise pas sur un single des plus radiophonique. Au contraire, The First Disciple et ses six minutes nous transporte vers un territoire mystique. Dès les premières notes, le voyage est intense. Comme s’il était impossible à l’artiste de se détacher de ses racines. On ne sait vers où il se dirige dans son clip si enivrant. Mais une pensée du navigateur français Titouan Lamazou résume cette posture : c’est l’errance qui nous oriente. Après deux années où le contact social fut prohibé, Tamino se joint aux autres, en pleine communion. Puis, on comprend que sa chanson remet en question une figure idolâtrée.

They would pay any price to kiss your skin. Don’t tell me that is loving.
You know that don’t mean nothing.

Sahar, futur second opus, aura-t-il pour thème principal la fascination ? Une initiative qui serait fascinante, à une époque où la starification devient de plus en plus malsaine. A suivre.

Wyatt E.

Wyatt E. réussit l’exploit d’invoquer les Dieux mésopotamiens. A leur écoute, quelle est la première divinité qui vient à l’esprit ? Ishtar, déesse étroitement associée à l’amour et la guerre. Comme si le trio incarnait douceur et brutalité sonores. Le disque āl bēlūti dārû invite bel et bien à planer.

L’album est sans équivoque un voyage. Il s’agit là d’une suite solide de Exile to Beyn Neharot. Marche militaire. Saz. Saxophone. A travers la recherche instrumentale du groupe, les références propres au monde oriental sont toujours aussi puissantes.
D’ailleurs, il s’y se cache un désir intime. A savoir, une volonté plutôt assumée de réaliser une introspection.

On a longtemps cherché l’identité du groupe. Avant de devenir Wyatt E., nous avons tourné en rond quelques années. Notre musique était clairement drone. Le changement s’est opéré à l’époque où nous avons rencontré notre premier batteur. C’est avec lui, en esquissant les bases musicales de ce qu’est devenu Wyatt E., que j’ai pensé que le groupe pouvait ne faire qu’un avec un projet personnel qui me trottait dans la tête depuis longtemps déjà.
J
’ai des ancêtres juifs ashkénazes d’Europe de l’Est dont l’origine est assez claire, mais également des juifs mizrahis de Syrie, et là l’origine est plus laborieuse à trouver.
Cette poursuite d’identité a été fondatrice dans l’élaboration de l’univers où le groupe allait évoluer. Stéphane Rondia m’accompagne dans cette quête.
-Sébastien von Landau, guitariste et claviériste de Wyatt E.

Le fond de l’histoire est le déracinement, ajoute le musicien. Lorsque Nabuchodonosor II, roi de l’Empire néo-babylonien capture les élites juives de Jérusalem, il les envoie ensuite à Babylone. Wyatt E. s’approprie ce fait historique. Le déracinement tient alors une place centrale dans l’imaginaire de āl bēlūti dārû.

Découvrir Babylone à travers les yeux des ancêtres ouvrait un champs des possibles incroyable.

DRAMA – Photo ©Antonino Caruana

L’équilibre de Jack White

Jack White sort des sentiers battus depuis quelques années. Il assume une posture de géant du blues contemporain. Ses deux premiers albums demeurent très accessibles. Puis, advient un jet très expérimental, voire trop foireux. Boarding House Reach mêle un foutoir impossible à retenir. L’opus est au carrefour entre hip hop, rock, sonorités de science-fiction…
Heureusement, Jacques commence à contrôler ses désirs de surprendre. La ballade If I Die Tomorrow illustre le point d’équilibre de l’artiste. On s’éloigne des lubies artistiques. On s’approche d’un morceau folk, au mixage policé.
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LA DURE A CUIRE #66

Kwoon

Sandy Lavallard, nomade et aventurier, voyage seul. Jusqu’aux premières notes du moins, car c’est alors qu’il nous invite parmi les rochers inquiétants du phare hanté de Tévennec. Le voyage ne s’arrête pas là : cette valse battant au rythme des vagues versatiles se matérialise en une vidéo narrative et virevoltante. Sa fluidité entre air et eau fait presque oublier que la plasticine utilisée colle trop aux doigts que pour accompagner une musique si aérienne.

Marble

Marble ne sont pas aussi sphériques et compacts que le suggère leur nom. Leur premier single Myth, en référence au mythe de Sisyphe; cherche sa personnalité parmi des influences s’annulant parfois les unes les autres dont la résultante est une indie pop/rock catchy, simple et efficace. A la complexité du discours sur l’œuvre se heurte une simplicité solaire musicale, visuelle et lyrique. Elle n’a finalement rien à envier aux prises de tête intellectuelles annoncées par le groupe. Less is more.

Clipperton

Même au beau milieu d’un décor excentrique, la sobriété lumineuse de Clipperton attire instantanément le regard et l’oreille. Pour leur live session intimiste, le trio est accompagné d’une claviériste chanteuse dont les harmonies confirment l’élégante limpidité des compositions.
Clipperton interprète humblement et justement (à tous les sens du terme) 4 titres pop mais mélancoliques, dont Abyss sorti il y a quelques mois.

Elena Lacroix
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