Musique

Les rappeurs, entrepreneurs 2.0

Les rappeurs multiplient les coups de communications divers et variés pour promouvoir leur musique. De la réalisation d’un film à la production de chocolat. Petit passage en revue de ce marketing des temps modernes.

Octobre 2017,  une photo de Paul Rosenberg, le manager d’Eminem, circule sur Instagram. Il y présente le CD Trial by Fire de Yelawolf devant une affiche publicitaire dotée d’un « E » inversée et imaginée pour le médicament Revival. Puis vient une vidéo diffusée sur Youtube, où l’on voit des patients assurer la promotion d’un nouveau genre de médicament : « Revival », sorte de pilule magique destiné à éradiquer les « musiques atroces ».

L’ensemble est évidemment un fake, un détournement, une campagne choc conçue par le rappeur Eminem pour promouvoir son nouvel album et toucher le plus de gens possibles. La technique n’est pas novatrice. Elle a fait ses preuves depuis des années sur le sol américain. Mais on la retrouve désormais en France, et en Belgique, où les rappeurs multiplient les démarches inédites et parfois farfelues.

L’originalité à la française

Poids lourd du rap français, Nekfeu disparaît des radars entre 2016 et 2019. Il revient en force avec un album décliné sous divers formats, tout en restant très silencieux sur ses activités. Sort alors au même moment, Les Etoiles Vagabondes. Ce documentaire, réalisé par Syrine Boulanouar et Nekfeu lui-même, se centre sur la création de ce nouvel opus.

Diffusé lors d’une date unique dans 200 salles françaises et d’autres pays francophones, ce long métrage est visionné par près de 100 000 personnes en même temps, le 6 juin à 20h.
Les surprises ne s’arrêtent pas là ! Il était prévu qu’un album éponyme soit disponible le même soir. Mais un autre album vient s’y ajo
uter quelques jours après ! Intitulé Les Étoiles Vagabondes : Expansion, il regroupe 34 morceaux sur un double volume. S’ensuit le clip de « Sous les nuages », une façon de capter l’attention du public. Résultat : un disque de platine en moins de 2 semaines pour le premier disque et 39 667 exemplaires écoulés pour le second.

Face à ce phénomène, PNL, déjà applaudi pour son clip réalisé sur la Tour Eiffel (« Au DD »), riposte. Le duo dévoile quatre titres inédits disponibles en exclusivité sur Apple Music, pendant une semaine. Il cultive lui-aussi le mystère et suit à la lettre un code particulier très strict. Les frères refusent toute interview et s’adressent régulièrement à leurs fans à travers des vidéos live.

Vald surprend également, puisqu’il intègre une dimension participative à son travail. Deux exemples à la clé. Le clip de « Eurotrap » (2017) met en scène le rappeur dans une pièce tapissée de fond-vert. Il donne la possibilité à plusieurs internautes d’incruster ce qu’ils y veulent. Même raisonnement pour la pochette de XEU (2018), entièrement blanche, que n’importe qui peut illustrer à sa manière et la partager publiquement.

Quant à Lomepal, le 30 avril dernier, en partenariat avec Radio Nova, il accomplit un de ses rêves : présenter son propre programme audiovisuel en direct, Le Vérité Show. Il le prépare et l’anime de A à Z. La radio française lui laisse ses locaux, le temps d’organiser une soirée pleine de surprises et de réaliser un clip en direct. De quoi tourner un clip avec Orelsan, mener des interviews avec ses amis (Roman Frayssinet, Caballero, Roméo Elvis, etc.) et traiter de sujets peu présents dans le monde de la télévision (les feux tricolores à Paris). 

Une fierté d’être belge

Au plat pays, les artistes contemporains ont aussi recours à ce genre d’astuce marketing. Citons Stromae qui n’a cessé de mêler auto-dérision et idées saugrenues.
En avril dernier Roméo Elvis, lui, s’allie à une entreprise belge de confiserie ! Lors de la sortie de Chocolat (2019), il s’associe à Galler afin de produire des « Crocs Roméo », de petites barres chocolatées aux couleurs de son album. Fanatique des crocodiles, le Bruxellois collabore également avec une marque de vêtement, Lacoste en l’occurrence. Une pratique courante chez nos amis Français, notamment pour Orelsan, égérie d’Avnier x Umbro.

brunoaleas – Illustration ©13or_du_hiphop

Publié le 21 juillet 2019

The Black Keys – Let’s Rock

Le duo de rock américain sort un neuvième album au titre digne d’un slogan pour pogoteurs: Let’s Rock. Tout ce qui entoure l’univers de ces musiciens de l’Ohio continue de fasciner… A l’opposé d’un projet qui s’essouffle.

L’écart d’inquiétude était de 5 ans. On doutait sur un possible retour des Black Keys. Jusqu’en septembre dernier, les deux compères revenaient à l’attaque, sans réunion, de “pré-production” ou de chansons écrites à l’avance. Continuer la lecture

Publié le 14 juillet 2019

TH da Freak – Freakenstein

La créature de Frankenstein car il est un peu couillon

Telle était la réponse de TH da Freak lorsqu’on leur demandait quel monstre les symbolise. Via cette figure fictionnelle, on devine que la bande pratique le fantastique et la dérision à travers ses créations. La pochette de leur troisième album, Freakenstein, témoigne d’un amour déraisonné pour la bête de Mary Shelley. D’ailleurs, l’intro de l’album nous embarque vers une troublante ambiance proche d’un film de Tod Browning (Dracula, Freaks). Continuer la lecture

Publié le 28 juin 2019

Raketkanon à L’Entrepôt

Il y a une sacrée trotte de Liège à Arlon ! Pourtant, mon frère et moi partons vers L’Entrepôt afin d’assister à ce que décrit le nom d’un évènement : une déflagration sonore. En première partie, on retrouve Brutus (que l’on n’a pas vu). Raketkanon assure en tête d’affiche. Notre objectif se limite à se diriger vers l’attraction forte.

Trois chansons suffisent pour dépeindre le contexte dans lequel on a sué. Trois moments forts propres à Raketkanon.

Anna

Perfectionniste acharnée, Anna sort de l’ordinaire. Assez douce, elle sort souvent les griffes pour convaincre son audience. On la retient pour son tempérament atypique. Elle qui mélange son thé au whisky. Elle qui se marie à Las Vegas l’hiver prochain.

Débutant sur une fausse note du guitariste, tout est oublié juste après cette faute au vu du groupe délivrant une prestation hors-norme. « Anna » a très bien ouvert le bal. Il est étonnant d’ailleurs de commencer avec un tel morceau à la fois brutal et doux. Le chant déformé de Pieter-Paul Devos nous éclate directement à la face. Comme si sa voix devenait un nouvel instrument à part entière. L’auto-tune pétée de Booba ne fait pas le poids ! Le groupe se la joue radicale en désirant peut-être nous habituer à ce chant anormal dès les premiers instants du live.

Ernest

Tout le monde connaît Ernest. Depuis son enfance, il porte l’étiquette d’enfant terrible. Celui qui s’amuse à poser des punaises sur les chaises de chacun. Celui qui préfère démonter des serrures plutôt que de s’ennuyer.

Véritable bombe sur scène, « Ernest » représente un des morceaux les plus violents du groupe. Deux guitares au lieu d’une seule, des riffs bruts et efficaces, ainsi que des alarmes jouées au synthé, similaires à une sirène militaire prévenant d’une menace imminente.

Une installation en métal (logo de la bande, au fond de la scène) s’illumine aux couleurs du nouvel opus, RKTKN #3… L’épilepsie provoquée est minime tant les danses s’enchaînent au sein du public (yeux fermés ou têtes balancées à tout sens). Impossible de ne pas crier :

C’est Hiroshima !

Comme tant d’autres pistes du concert, la durée de « Ernest » est écourtée. L’effet n’a rien de décevant. Le concert est d’autant plus carabiné ! Etions-nous prêts pour une telle torgnole ? Clairement pas ! « Ernest » est parfait pour la scène. Une preuve que le groupe se renouvelle dans son genre, tout en gardant un esprit taillé à tout balayer en quelques minutes.

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Lou

Faut-il résumer Lou à un cliché d’adolescente incomprise ? Parfois, elle se remémore ses périodes de scarifications. Sans oublier ses petits rituels satanistes, où les esprits lui soufflaient ses décisions d’avenir. Aujourd’hui, Lou travaille dans la finance. Bizarrement, elle est l’employée modèle respectée de tous…

Pour clôturer ce spectacle, « Lou » est un très bon choix. Comparable à « Anna » pour certains aspects de sa composition, « Lou » synthétise l’atmosphère du dernier album. Au ton schizophrène, les 9 morceaux de RKTKN #3 voguent entre agressivité et berceuses malsaines.

Les gobelets plastiques jetés en l’air, la bière pleuvant sur nous et les pogos terminés, la foule souhaite un autre morceau. Le temps pour Pieter-Paul Devos d’envoyer à la merde un gus qui ne cessait de répéter que le concert était dégueulasse. Le chanteur ne se gène pas pour un fameux

Fuck you all

3 mots qui résument la simplicité de Raketkanon. Lors de l’ultime morceau, un pogo repart de plus belle. Devant la scène, les lumières aux diverses teintes transpercent les yeux des fans.

Le Luxembourg a vibré ce soir-là. Deux souvenirs inoubliables : une ambiance folle et un spectacle intense. Quand sonne la fin, on est presque en manque… Et on prie pour que le quatuor passe prochainement à la Cité Ardente !

brunoaleas – Photos ©Pasquale Caruana et ©Ludovic André – L’Entrepôt

Publié le 9 juin 2019

Metronomy 4Eva

Avant de nous balancer leur nouvel album, les Anglais de Metronomy nous ont concocté un peu plus de 3 heures de musique! Une playlist disponible sur Itunes, Spotify et Youtup’! Au nom de Metronomy 4Eva, on se ballade parmi ce qui a sûrement inspiré les sonorités de la bande. De R.E.M. à Sébastien Tellier, on a même droit à du blink-182. Il serait réducteur de résumer l’ambiance des Britanniques à de la simple électro… C’est bien plus que cela. Un mélange des tubes ultra-dansants parfois trop oubliés et un rock gras et soigné par des professionnels de la guitare.

DRAMA

Publié le 30 mai 2019

Mac DeMarco – Here Comes the Cowboy

Vous pensiez vous endormir pour This Old Dog (2017), alors autant vous promettre le coma artificiel avec Here Comes The Cowboy ! Trève de plaisanterie. Il est évident que si l’on se moque de la douceur liée aux morceaux de Mac DeMarco, c’est pour pointer du doigt une précision. Au lieu d’évoluer vers une rage musicale, il semblerait que le Canadien s’adoucit d’année en année. Un zen mélancolique remplace l’aspect plus loufoque de sa musique. Continuer la lecture

Publié le 12 mai 2019

Mike Krol au Reflektor

L’ASBL PopKatari amène du beau monde à Liège ! L’Américain Mike Krol est tête d’affiche au Reflektor. Après une tournée américaine, Mickey s’attaque aux villes européennes. Point le temps de niaiser pour promouvoir son quatrième album, Power Chords. Le nom de cet opus résume l’état d’esprit de tout un groupe. Les « accords de puissance » sont des accords de guitares renforçant la sonorité d’une note. Utilisés à divers rythmes, vous obtenez les compositions d’un Nirvana (leurs morceaux sont majoritairement composés via cette suite d’accords) ou des Pixies. Dieu sait ô combien le punk a besoin de tels morceaux !

Nombreuses sont les anecdotes au Reflektor. Adorant le punk, un assistant de mes professeurs est présent au concert. Puis, des spectatrices se montrent ultra curieuses au sujet de jcclm. Mais je ne n’oublie pas mon but premier : prendre la claque de Pâques !

Malheureusement, j’ai découvert tardivement la rage musicale de Krol. Par contre, quel plaisir de découvrir cette brutalité quasi-viscérale sur scène !

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Un code vestimentaire colle au groupe. Chemises rayées, tronches parfois défoncées, on comprend vite à quel point ils embrassent le délire du leader. Ce dernier a un œil au beurre noire, joue avec le feu lorsqu’il monte sur tout et n’importe quoi (grille devant la scène ou batterie) et fait toujours valser son tambourin (une maltraitance inouïe).

Durant le spectacle, j’ai eu l’impression d’avoir les traits du chanteur… En sang devant une telle furie sonore ! Au fur et à mesure que le show avance, j’ai la sensation d’assister à un « concert mitraillette ». Me prenant en pleine la face le chagrin chanté par Mike Krol. Les larsens et les riffs énergiques et flous (fuzzy, garage) s’enchaînent à la vitesse de la lumière. L’organisateur du concert énonce qu’une vingtaine de chansons ont été jouées. Rien d’étonnant vu le format court et direct liés aux chansons de la bande.

Côté voix, Mike Krol la détruit sauvagement. Il la modifie sur scène, muni d’une multitude de pédales. Assume-t-il le ton de sa voix ? Une question à mettre aux oubliettes. La force du groupe tient beaucoup plus à ses parties instrumentales.

Je quitte la salle en me demandant quand Monsieur Acouphène viendra sonner à ma porte. Devant la scène, j’aime absorber un rock à la fois crasseux et féroce.

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brunoaleas – Photos ©brunoaleas – Reflektor

Publié le 20 avril 2019

Pourquoi Flume demeure une icône de l’electro ?

Sur ce site, on en parle sans en parler! Flume a toujours été le grand manitou de l’électronique. Après avoir défini ses héritiers (en trois parties), il est temps de rétablir une vérité. On ne peut nier l’apport d’un artiste aux mille et une surprises.

Flume-Live©Unity Travel

Une influence

Originaire de Sydney, la musique de Flume ne se limite pas à conquérir le territoire australien. Producteur et DJ, il obtient un Grammy Award en 2017, dans la catégorie « Best Dance/Electronic Album », lors de la sortie de son deuxième opus (Skin). A quoi s’ajoutent en 2016, les prix du ARIA (Australian Recording Industry Association Music Awards) du meilleur producteur et ingé son ! Rappelons que Flume n’a que 27 ans ! Le talent ne se mesure pas aux prix gagnés lors de telles cérémonies. Néanmoins, ils demeurent des preuves irréfutables faisant de ce DJ une icône de l’electro. Pendant que certains pensent qu’il n’a rien apporté de nouveau, d’autres certifient qu’il amène des sonorités inédites… Qu’il est le fer de lance d’une nouvelle génération de musiciens, comme Petit Biscuit, Fakear ou encore Møme.

Une mise en avant

Les artistes électros collaborent souvent avec une multitude de personnes venant de tout horizon. Flume ne cesse de s’allier à des personnalités tout aussi connues qu’inconnues. Amenant découvertes et émerveillements. Que ce soit la voix angélique d’Anna Lunoe, la magie de Chet Faker, la précision de Beck ou la délicatesse de George Maple, les featurings de l’Australien valent de l’or. Pour sa dernière mixtape, il fait également appel à un rappeur en pleine percée: JPEGMAFIA. Ecouter Flume équivaut à atterrir vers d’autres paysages musicaux.

Une originalité

Une fois les clips du second album dévoilés, une certitude était sur mes lèvres: Flume séduit aussi via l’image. L’esthétique liée à son univers s’apparente notamment à de nombreuses couleurs mêlées à la nature. Fleurs, déserts, lacs, tout y est sublimé par ses compositions. Hi This Is Flume démontre l’originalité du jeunot: un clip de 42 minutes à l’image d’une aventure surnaturelle. En plus de synthétiser le meilleur du DJ (grésillements, voix féminines modifiées, morceaux planants), cette mixtape envoûte grâce à une réalisation hors-pair.

Drama

Publié le 23 mars 2019