Manga

Magi – The Labyrinth of Magic

Regarde ton ennemi dans les yeux et comprends ceci : toi et lui êtes semblables. Vous souvenez-vous d’une époque où vous saviez avec clarté ce qui était bien et ce qui était mal ? D’une époque où vos choix étaient clairs et limpides ? Une autre question intéressante dont j’adore débattre : combien d’épisodes, de chapitres ou de tomes donnez-vous à un manga avant de décider si vous allez le poursuivre jusqu’au bout ou non ?

Personnellement, il me semble qu’on peut se faire une bonne idée en trois épisodes ou chapitres. Ce laps de temps permet généralement de cerner l’atmosphère et les thèmes abordés. L’aventure est lancée, et il est tout de même rare qu’une œuvre change radicalement en termes de qualité.

Mais il y a bien sûr des exceptions. Je citerai par exemple Mob Psycho 100, qui devient un manga très différent (et bien meilleur, selon moi) à partir du sixième épisode. Et bien sûr, celui de cette critique : Magi : The Labyrinth of Magic.

Nous sommes dans un monde qui rappelle notre Moyen Âge, avec quelques différences notables. Les noms des nations sont légèrement modifiés (Balbad au lieu de Bagdad, l’Empire de Kô au lieu de la Chine, etc.), la magie existe, et surtout, de gigantesques bâtiments peuvent apparaître un peu partout dans le monde : les labyrinthes.

Il est dit que quiconque pénètre dans un labyrinthe et parvient à le conquérir obtiendra le pouvoir de devenir roi. Dans cet univers, nous suivons l’aventure d’Ali Baba, un jeune prince déchu rêvant de conquérir un labyrinthe. Nos yeux sont aussi rivés sur Aladdin, un petit garçon mystérieux portant une étrange flûte magique autour du cou. Une grande amitié naît entre les deux, alors que le destin les propulse au cœur d’un labyrinthe.

Sur 37 tomes, la série connaît le plus grand crescendo que j’aie jamais vu. Les premiers volumes ne paient vraiment pas de mine. On a une petite aventure shōnen avec une esthétique Mille et Une Nuits. Les héros sont un peu agaçants et les enjeux, pas très palpitants. Mais au fil des chapitres, à mesure que les secrets du monde se dévoilent et que nos héros gagnent en maturité, l’œuvre évolue de manière spectaculaire. Tout s’améliore, sans exception. On passe progressivement d’un simple manga d’aventure sympathique à l’un des meilleurs mangas de sa catégorie. Il faut juste persévérer !

Deux aspects rendent Magi absolument unique.

  • Un world-building exceptionnel

Plus l’histoire avance, plus on découvre des nations et personnages issus de cultures variées. Petit à petit, on se retrouve face à un monde foisonnant de détails et de richesse. Certains tomes entiers sont consacrés à raconter l’histoire du monde depuis ses origines, offrant ainsi une profondeur rarement atteinte dans un manga. Seul One Piece peut espérer surpasser Magi sur ce point.

  • Un traitement magistral des antagonistes

Au départ, l’histoire présente des méchants très caricaturaux : des tyrans impitoyables, des cultistes nihilistes… mais grâce à une écriture brillante, la mangaka parvient à développer des motivations extrêmement complexes et fascinantes pour chaque camp. Il n’est pas rare que les héros eux-mêmes remettent en question l’ensemble de leur système de valeurs après une simple discussion avec un adversaire.
Si vous aimez les conflits philosophiques où la force morale a plus de poids que la force physique, alors Magi est une œuvre incontournable.

L’ensemble est sublimé par le trait délicat de la mangaka. Ce ne sont pas les dessins les plus détaillés qui soient, mais ils dégagent une grâce et une fluidité remarquables. Le design efféminé de nombreux personnages apporte une touche originale, et les costumes bénéficient d’un travail soigné. Je tiens aussi à souligner un point surprenant : Magi contient des scènes d’une violence inattendue. Certains événements tragiques sont représentés avec une brutalité saisissante. L’effet de choc est redoutablement efficace.

Magi n’est pas un shōnen comme les autres. Si je l’ai commencé en pensant y trouver un divertissement léger, je l’ai terminé en étant complètement soufflé.

C’est une œuvre qui regorge de passion et d’idées. Elle respecte tant l’intelligence de ses lecteurs qu’il est impossible d’en ressortir inchangé.

Dédicace spéciale à Sindbad, qui est sans doute l’un des personnages les plus charismatiques et badass jamais vus !

Pierre Reynders

Mangas à lire une fois dans sa vie Part 3

Les mangas ? Pourquoi faire ? Ca se mange ? Posons la bonne question. Souhaites-tu lire d’incroyables bédés japonaises ? Même si tu n’y connais rien, même si tu ne sais pas où commencer, découvre nos livres, ou plutôt, des œuvres cultes.

Mauvaise Herbe – Keigo Shinzô

L’An dernier, j’affirme clair et net un fait : j’adore les œuvres dont la portée est sociale. Mauvaise Herbe de Keigo Shinzo ne me laisse donc pas indifférent. Au cours d’une descente de police dans une maison close, le lieutenant Yamada rencontre Shiori, une lycéenne fugueuse. Elle lui rappelle sa propre fille décédée et désire la protéger. Pourquoi ? À peine raccompagnée chez elle par la police, Shiori disparaît de nouveau.

Ce manga devrait être lu par les personnes fantasmant le Japon. La culture japonaise est certes fascinante, mais certaines pratiques demeurent incompréhensibles. Selon la police de Tokyo, en 2023, environ 43% des femmes arrêtées dans la rue pour prostitution ont commencé à vendre leur corps pour payer ce qu’elles devaient aux bars à hôtesses et aux proxénètes.
Le plus déprimant est de savoir ce qui se passe au centre de Tokyo. Dans le quartier de Kabukicho, le proxénétisme implique parfois des mineures dans des relations sexuelles non protégées !

Mauvaise Herbe n’est pas un livre aux propos moralisateurs, ni un reportage pénible à digérer. La lecture est intense mais il s’agit, avant tout, d’une rencontre inédite. Découvrez deux âmes en peine, ayant besoin d’une aide mutuelle pour guérir et aller de l’avant.

Quartier Lointain – Jirô Taniguchi

L’absence, la fuite ou la mort d’un parent, les regrets, l’incompréhension face au monde des adultes. Dans les pages d’un hors-série des Inrocks, Vincent Brunner énumère ces thèmes qui jalonnent l’univers de Jirô Taniguchi.

Pour mieux le comprendre, évoquons Quartier Lointain. Il s’agit là d’un classique de la littérature. Ce récit universel questionne le cocon familial et amical de tout un chacun. Un homme redécouvre son adolescence, à travers un regard d’adulte. De fait, nous suivons les pas de Hiroshi. L’homme d’âge mûr fait un détour involontaire par sa ville natale, où il perd connaissance. À son réveil, il retrouve son corps d’ado. Comment rester calme ? Comment éviter la déprime ? Comment profiter de la situation ? Jirô Taniguchi y répond sans problème.

Dragon Ball – Akira Toryama

Faut-il citer l’œuvre culte d’Akira Toriyama ? Bien sûr ! Porte d’entrée parfaite pour s’aventurer vers un monde divertissant, Dragon Ball berce et anime une flopée d’enfants. Comment l’expliquer ? Le manga présente un héros authentique nommé San Goku. Parfois, ses ennemis deviennent ses amis. Souvent, il fait confiance aux forces et qualités de ses proches.

Il y a tant à dire sur Dragon Ball ! Résumons un autre point fort. Le ton burlesque de l’auteur rythme ses histoires. Les bains de sang ne sont pas au centre de ses préoccupations. L’humour grivois et absurde des divers personnages est mémorable. Même lors du dernier arc, quand les protagonistes affrontent le terrifiant Super Buu, la bédé ne perd rien de sa légèreté !

brunoaleas – texte & photo

TOP MANGAS 2024

Bam bim bam, cette année je fais un top 100% action ! Que voulez-vous ? Il faut varier les plaisirs. J’ai mis beaucoup de seinens psychologiques dans les derniers classements, mais cette année, c’est la bagarre qui m’a conquis.

D’abord, par l’imbattable One, qui sort ENCORE une série complètement incontournable. Cet auteur me donne véritablement le tournis : il enchaîne, coup sur coup, les scénarios les plus originaux et trépidants. À chaque fois, il prend une idée de scénario qui ne semble pas très originale au premier abord, ou qui semble très difficile à faire marcher sur le papier. Puis, il nous surprend de chapitre en chapitre, sans jamais s’arrêter. L’auteur a maintenant un tel prestige qu’il peut se targuer d’avoir littéralement les meilleurs dessins du game avec One Punch Man et la meilleure (ou presque) animation de Mob Psycho 100.
Je préfère ne pas détailler cette nouvelle série nommée Versus. A mon sens, la découverte progressive de son scénario, de son univers, fait tout son sel, mais foncez ! C’est un scénario débordant d’idées, parfaitement rythmé et rempli de combats trépidants. Quant au dessin, il est assuré par Kyotaro Azuma, que je ne connaissais pas, mais qui a une patte très similaire à celle de Yusuke Murata, dessinateur de One Punch Man. Il est ultra détaillé, dynamique, épuré… bref, parfait !

La deuxième bonne surprise de l’année se révèle être The Bugle Call. On a ici un récit de dark fantasy qui est clairement là pour occuper un vide ! Avec la fin de Berserk qui arrive et celle de Übel Blatt, dévoilée il y a quelques années, aucune œuvre de dark fantasy ne se démarquait vraiment jusqu’à présent.
Et voilà Bugle Call. Avec son univers sombre et mystérieux et ses personnages très attachants, on est prêt à verser des larmes, en se laissant porter par la mélancolie de ce récit. Le rythme m’a beaucoup plu. D’un côté, on prend vraiment bien le temps de s’ancrer dans ce monde et de rencontrer les personnages, et en même temps, les évènements et les divers mystères rendent la lecture très addictive ! Les dessins de Higoro Toumori ont quelques points communs avec ceux de Fujimoto, ce qui est un beau compliment. J’aime cette façon qu’ont ces 2 auteurs de donner des expressions très étranges à leurs personnages : des sourires pincés, des regards distants. Les personnages n’en sont que plus complexes et attachants.

Et pour finir, laissez-moi vous conseiller le meilleur shonen bagarre de ces dernières années : Gachiakuta. On me parle tellement de Jujutsu Kaisen, de Dandadan, cependant, où est l’amour pour Gachiakuta ? Il faudra attendre l’anime pour que l’œuvre ait des fans, je suppose. La mangaka responsable de l’œuvre est la successeure d’Atsushi Ohkubo (Soul Eater, Fire Force). Ca se reconnaît ! Ses dessins ressemblent à une fusion entre les styles de son maître et de celui de Boichi (Dr Stone, Sun-Ken Rock). On a un univers très “tag”, avec des traits bruts et des expressions très linéaires, sans oublier ce goût de la sculpture, lorsqu’il est temps de faire du détail. Les décors, et surtout les objets, sont détaillés avec grand amour. Quant au scénario, je le décrirais comme celui de Fire Force, si les personnages étaient sympas. Nous voici plongé vers une quête de vengeance. Elle devient vite une enquête sur un univers riche, plein de rebondissements. Chaque étape du voyage amène une nouvelle confrontation et un combat très divertissant. Le héros possède une personnalité explosive, pleine de fraîcheur. Elle ne sera pas sans rappeler un certain rival dans un autre shonen plus… héroïque.

Sur ce, voilà une belle liste de lecture pour vous. N’oubliez pas. Nous aimons les récits de combat, car c’est dans la nature de l’être humain de lutter pour ce qui est important pour lui. Rien de mieux que de voir des personnages courageux donner tout pour leurs objectifs, quand on se sent démotivé. Alors, continuez à vous battre ! –Pierre Reynders

TOP 3

  1. Versus – Kyôtarô Azuma
  1. The Bugle Call – Higoro Toumori
  1. Gachiakuta – Kei Urana

Je sens une envie, un nouveau désir. Mes recherches ne seront plus pareilles… je ne suis plus le même fan de bédés qu’auparavant ! Non, je ne suis pas malade. Non, je ne vis pas une crise. Je désire lire des œuvres développant des personnages riches, aux caractères pertinents, aux idées ambitieuses.

Je ne joue pas les péteux. J’évalue autrement les mangas. Pourquoi ? Berserk et L’Atttaque des Titans sont 2 seinens qui changent radicalement mes attentes concernant mes prochaines lectures. En d’autres mots, ces titres placent la barre haute. Le fatalisme est souvent au centre de ces livres. Je ne souhaite pas pour autant me plonger dans des lectures plus déprimantes que la pluie belge, à longueur de journée.

D’ailleurs, My Hero Academia prouve encore une bonne nouvelle. Il est possible de trouver une lueur d’espoir en chacun de nous, qu’on soit mauvais ou désespéré. J’admire son auteur, Kōhei Horikoshi. Il donne tant d’importance aux détails. Quel en est le résultat ? Son scénario n’est jamais ennuyeux.
Une autre BD se focalise sur l’espoir. Versus fut la meilleure bombe de l’année ! Son scénariste, One, arrive à divertir comme à surprendre, face à des planches dépeignant le désespoir de l’humanité. Espérons voir une série illustrant la démesure et imagination propres à One.

Quant à The Bugle Call, il s’agit probablement d’un futur banger. Chaque personnage n’est pas là par hasard. Chaque réplique donne une couleur aux situations et réactions. Quel délice ! Le manga n’apparaît pas tel un vulgaire récit de dark fantasy, où l’originalité semble illusoire. Au contraire, petit à petit, des informations enrichissent un univers fou ! –brunoaleas

TOP 3

  1. The Bugle Call – Higoro Toumori
  1. Versus – Kyôtarô Azuma
  1. My Hero Academia – Kôhei Horikoshi

L’Homme qui marche

Il existe divers genres liés au manga. La tranche de vie n’est parfois pas le plus attirant. Les récits de baston ou la science-fiction retiennent souvent l’attention. Mais un auteur raconte brillamment la beauté des petits riens de la vie. Jiro Taniguchi dessine les histoires de famille, le deuil, les sacrifices, les doutes, l’amour, la grandeur de la Nature, etc.

L’Homme qui marche est littéralement une œuvre digne d’une saine expérience. Comment l’expliquer ? Elle symbolise un éloge de la flânerie. On y suit les pas d’un gars qui sait prendre le temps. Lui, c’est l’homme qui marche. Il se perd alors à regarder les oiseaux, champs et flocons.

L’auteur sait, comme personne, faire de la sagesse et de l’art avec du rien, ou presque. Le vagabondage, nez au vent et esprit léger, d’un homme qui se promène dans son quartier, l’affection d’un couple pour son vieux chien, les souvenirs d’un commercial qui déjeune dans de petits restaurants… on retrouve chez lui la vertu de non-agir que la culture japonaise a hérité du bouddhisme.Jean-Marie Bouissou, historien français

Aujourd’hui, tout le monde veut tout savoir sur tout. Le cerveau est voué à vouloir comprendre, mais l’infobésité n’aura jamais autant tuer nos neurones. Observez les chaînes d’information en continu… c’est pourquoi, lire L’Homme qui marche est une bulle d’air frais, une parenthèse parfaite pour savourer une aventure contemplative.
D’ailleurs, le mangaka décrit savamment son défi. Ce défi fait plaisir à plusieurs lecteurs souhaitant atteindre la paix intérieure.

J’ai tenté d’étendre les possibilités formelles du dessin, en m’imposant une seule contrainte dans la mise en forme du récit. Il s’agissait d’éviter autant que possible les termes servant à exprimer les émotions, tournures exclamatives et adjectifs. –Jiro Taniguchi

brunoaleas – Illustrations ©Jiro Taniguchi

Mangas à lire une fois dans sa vie Part 2

Les mangas ? Pourquoi faire ? Ca se mange ? Posons la bonne question. Souhaites-tu lire d’incroyables bédés japonaises ? Même si tu n’y connais rien, même si tu ne sais pas où commencer, découvre nos livres, des œuvres cultes.

Bleu Spring Ride – Io Sakisaka

Comme moi vous ne vous lassez jamais de ces romcoms diffusées en boucle à la télévision ? Vous attendez avec impatience le retour des films de Noël pour voir des histoires d’amour toutes mignonnes et toutes les mêmes ? Alors, laissez-vous attendrir par Bleu Spring Ride. Une histoire d’amour douce, simple, compliquée sans l’être. Ce n’est pas la meilleure dans son genre mais elle se laisse lire. C’est une belle histoire pour un premier contact avec le l’univers shōjo (histoires d’amour dont les adolescentes sont le public cible. Mais évidemment elles restent totalement accessibles et très agréables à lire pour les adultes).

Puis, soyons honnête, entre nous, quand on aime les romances un peu nunuches, peu importe que le scénario soit bon au mauvais, tant que l’on voit deux personnages tomber amoureux, c’est tout ce qui compte !

Une Sacrée Mamie – Saburō Ishikawa

Vous préférez les histoires de vie ? Celle où l’existence de monsieur et madame tout le monde est sublimée ? Souhaitez-vous partir en immersion dans une famille japonaise ?
Je ne peux que vous conseillez d’aller toquer à la porte de Sacrée Mamie. Un manga poignant, intelligent, drôle qui vous donnera l’envie de regarder les détails du quotidien avec plus d’attention. Le livre vous donnera la force de vous aimer vous-mêmes et les autres avec plus de sincérité.

Death Note – Takeshi Obata

Vous aimez les thrillers ? Vous bavez devant une série policière bien réalisée ? Vous débattez avec ardeur de la notion justice ? La remise en question ne vous fait pas peur ?
Death Note est fait pour vous ! Cette œuvre vous fera ressentir des émotions fortes jamais ressenties auparavant.

Suivez la bataille psychologique entre le plus charismatique, fascinant et effrayant des lycéens japonais dans sa quête de purge du mal. Sans oublier L, un enquêteur surdoué, intrigant et avide de justice. Votre notion de moral n’en ressortira pas indemne… et vous aussi.

Mouche – Photo ©brunoaleas

Mangas à lire une fois dans sa vie Part 1

Les mangas ? Pourquoi faire ? Ca se mange ? Posons la bonne question. Souhaites-tu lire d’incroyables bédés japonaises ? Même si tu n’y connais rien, même si tu ne sais pas où commencer, découvre nos livres, ou plutôt, des œuvres cultes.

Pluto Naoki Urasawa

Court et magistral.

Pluto est un chef-d’œuvre incomparable, combinant parfaitement les talents de 2 des plus grands génies de la bande dessinée japonaise.
Il s’agit de l’adaptation moderne d’une histoire culte d’Astro, le petit robot d’Osamu Tezuka, considéré par beaucoup comme étant le père des mangas.

L’histoire est absolument palpitante. La manière dont le mystère est amené fait vibrer les mains du lecteur, accélère le rythme des yeux et des mains. Je n’ai peut-être jamais lu aussi vite de ma vie. C’est avant tout un récit extrêmement touchant. Naoki Urasawa réutilise les thématiques de Tezuka avec une main de maître, les faisant résonner. La guerre, l’identité, le devoir, autant de thèmes sont abordés avec tant de tendresse et de mélancolie, mais aussi avec beaucoup d’intelligence. Il est certainement impossible de ne pas verser quelques larmes tout au long du récit.

Battle Royale – Masayuki Taguchi

Culte.

Je place Battle Royale dans cette liste car je considère cette œuvre comme culte incontournable. Ce manga n’est pas parfait. Néanmoins, sa prémisse fut tant réutilisée dans tant de médias différents que je pense qu’il serait une grave erreur, pour tout aficionado de récits d’action/thriller, de ne pas ajouter cette référence à leur grille de lecture.

Battle Royale est d’abord un roman, mais c’est son adaptation en manga, puis en film, qui l’a rendu culte. Les personnes n’ayant vu que le film, vous ratez beaucoup de choses ! Le manga décrit beaucoup plus en détail le parcours et l’histoire de chaque personnage. Il est aussi beaucoup moins mesuré dans la violence des événements, rendant l’expérience encore plus troublante et mémorable.

One Punch Man – Yusuke Murata

Des dessins divins.

Si je dois vous recommander une seule œuvre dont les dessins m’époustouflent, c’est One Punch Man. Certes, Berserk aurait été la suggestion facile, et d’autres mangas sont aussi bien dessinés.
Mais Yusuke Murata a un sens de la démesure qui ne manque jamais de m’époustoufler. Cette sensation de vertige lorsqu’une fresque gigantesque survient sans prévenir, au détour d’une page, est toujours aussi exaltante.
Le scénario n’est pas en reste. One, à la manière de Tatsuki Fujimoto, est un écrivain audacieux, trouvant toujours des idées jamais vues. En tout cas, on ne s’ennuie jamais !

Pierre Reynders – Photo ©brunoaleas

Notre sympathie pour Denji

Depuis quelques années, un manga apparaît comme une dinguerie. Chainsaw Man conte l’histoire de Denji. Héros malgré lui, le jeune homme se lance dans la chasse aux démons pour survivre. Assez pauvre. Quasi inculte. Denji est un protagoniste fascinant. Il fusionne avec son chien. Du jour au lendemain, il devient l’Homme Tronçonneuse ! Le jeunot suit alors les ordres de Makima et affronte les menaces aux côtés de Power.

Plus le temps passe, plus une question m’obnubile. Comment se fait-ce qu’un tel paumé soit si attachant, alors que la seconde partie du manga est moins palpitante que la première ?

Primo, nous sommes ses yeux. Comment ? Les lecteurs découvrent littéralement la folie qui s’offre à Denji. L’univers construit par Tatsuki Fujimoto est renversant. Rien n’est acquis. Des liens se font et défont. Des relations se créent et s’annihilent, en un rien de temps. Denji subit énormément de tragédies sans jamais perdre son énergie. Soudain, il devient notre envie de foncer droit dans le feu. Comme si les chapitres symbolisaient aussi notre percée dans le monde si taré du mangaka !

Secundo, l’adolescent ne suit pas exactement le parcours du héros théorisé par Joseph Campbell. Pourquoi cet auteur fut connu ? Pour son analyse du parcours héroïque des récits littéraires. S’il fallait le résumer, définissons 3 étapes : séparations, initiations, retour.
Revenons à notre blondinet. A aucun moment, au début de son aventure, se vit une initiation. Nul mentor rencontré. Inconsciemment, nous ressentons une certaine sympathie pour ce mec qui part de rien… dont les actes sont ensuite vénérés par le peuple sauvé !
En d’autres mots, Denji est livré à lui-même. Makima n’est pas une figure protectrice. Power n’est pas un ange gardien. Dès lors, l’enjeu est prononcé. A qui faire confiance ? Au fil de la lecture, la réponse semble effrayer…

Ces 2 raisons font la force de l’œuvre ! Denji est un personnage plutôt inoubliable, tant ses désirs sont d’une simplicité déconcertante : baiser et manger. Des désirs à assouvir au sein d’une société imprévisible. Des désirs nous rappelant que la normalité est bien relative.

Peut-être que je suis devenu un Chasseur de Démons pour une raison vraiment superficielle… mais je suis prêt à mourir pour continuer à vivre comme ça. -Denji

brunoaleas – Illustrations ©Tatsuki Fujimoto

Cycle de l’enfance : Digimon

L’enfance est sacrée. Parfois, on s’éloignait des codes et obligations imposés par la société… une particularité phénoménale. Certaines œuvres dépeignent les enfants comme des êtres à part. Découvrons des titres américains et japonais !

Aucun générique ne me plonge dans un sentiment de nostalgie comme celui de Digimon.

Digimon, beaucoup s’en souviennent, parfois avec cynisme, comme une pâle copie de Pokémon, créée pour vendre un maximum de jouets. Et vous savez quoi ? Je ne peux pas vraiment réfuter ces accusations.

Imaginés en 1997 pour offrir une version plus « garçon » des Tamagotchis, tous les produits dérivés, que ce soient les dessins animés, cartes ou jouets, sortent juste après le succès phénoménal de Pokémon. Il s’agit de 2 franchises dont le principe est de collectionner un maximum de petits monstres colorés, de les faire s’affronter… après tout, la comparaison est légitime. Mais clairement, Digimon a toujours eu un je ne sais quoi de différent à mes yeux. Il y a là, un design plus cru, organique et belliqueux des créatures : là ou Pokémon réalise énormément de mascottes et d’animaux colorés avec l’occasionnel dragon, Digimon est plutôt du genre à présenter des dinosaures, machines et anges en armure.
Mais si je considère vraiment cette franchise comme celle qui m’a le plus marquée dans mon enfance, c’est aussi grâce aux messages transmis par ses médias. Ils ne sont pas les mêmes que ceux de la concurrence.

Pour le comprendre, penchons-nous sur le dessin animé, et plus précisément la saison 1 et 3. Décrivons les raisons qui m’ont tant marquées.

Première saison : l’ode à l’enfance

Le tout premier dessin animé de Digimon se nomme Digimon Adventure. Il raconte l’histoire de 7 jeunes enfants transportés dans le Digi-monde. Complètement démunis dans ce monde sauvage et plein de dangers, ils rencontrent chacun un compagnon Digimon, et grâce à la force de leurs amitiés, les enfants permettent à leurs compagnons d’évoluer en de puissants monstres. Ces êtres seront alors capables de rétablir l’ordre dans un Digi-monde en proie au chaos.

Digimon Adventure est sorti en 1999, donc imaginez le coup de vieux. Eh oui, les 10 premiers épisodes n’ont qu’une vocation : montrer le plus d’évolutions possibles, afin que les enfants puissent reconnaître quels jouets acheter en magasin. Le scénario se répète en boucle. Les jeunes protagonistes arrivent dans un nouvel endroit, ils se font attaquer par un Digimon maléfique, et un Digimon gentil évolue pour le battre. Néanmoins, une fois la première partie achevée, les choses sérieuses commencent !

Contrairement à Pokémon, qui reste un road trip où très peu de choses se passent, où les épisodes ne sont reliés que par de faibles fils narratifs, Digimon ressemble beaucoup plus à un anime contemporain. Il y a de l’action, du drame, des antagonistes complexes, et même des personnages qui meurent ou se sacrifient !

Bien qu’à la base ce soit une franchise multimédia dont le but est commercial, les créateurs décident d’y mettre de l’attention, de ne pas prendre l’audience pour des bébés.

Je me souviens à quel point tomber sur cette fiction me rendait hystérique, lorsque j’étais petit. J’avais l’assurance qu’à chaque épisode, on notait un moment assez épique. Même quand tout semblait perdu, le héros du jour allait trouver la force en lui de changer, s’améliorer, et par la même occasion, permettre à son partenaire Digimon de se digivolver en un monstre puissant et majestueux. Ces scènes me remplissaient d’émotion.

Les jingles accrocheurs, la musique, tout était parfait. Des thèmes sont mis de côté. On ne contemple pas l’entraînement ou l’acquisition de force physique qui fait progresser les héros, mais bien l’amélioration de soi. Le récit me donnait l’impression que tant que je continuais de grandir, d’apprendre, rien n’était impossible.

Les liens d’amitié unissant les héros et leurs Digimons étaient si forts, si purs. C’est aussi ce genre d’idéal qui représente l’enfance à mes yeux. Trouver de la simplicité et de la force dans les jolies choses de la vie.

Lors d’une phase de la série, les héros apprennent qu’ils possèdent tous une qualité unique. Ils doivent la développer pour renforcer leurs Digimons. Le courage, la fiabilité, la gentillesse, etc. Trouver de la force dans nos propres qualités, dans ce que nous pouvons apporter aux autres, n’est-ce pas une valeur magnifique à inculquer ?

Troisième saison : ne pas avoir peur des sujets graves, quand on parle aux enfants

Si la toute première saison reste un doux souvenir nostalgique, intrinsèquement lié à mon enfance, la meilleure chose arrivée à Digimon est sa troisième saison.

Cette nouvelle partie commence déjà avec un parti pris intéressant. Faire table rase, se détacher presque complètement des premières séries. La série débute dans notre monde, où Digimon, et surtout le jeu de cartes associé, sont bien connus de tout enfant. 3 protagonistes feront cependant la rencontre, dans leurs quartiers, d’un partenaire Digimon.
Dès lors, ils devront sauver leur ville de diverses menaces, des Digimons apparaissant mystérieusement près de chez eux.

Une prémisse très simple qui, bien sûr, sert avant tout à introduire de nouveaux monstres et jouets, sauf que ! Cette nouvelle série est scénarisée par Chiaki J. Konaka, aussi connu pour l’iconique Serial Experiments Lain, une série cyberpunk, qualifiée aussi de thriller psychologique !

Digimon Tamers a donc la chance d’être beaucoup plus qu’une série pour enfants. On y retrouve tout ce qu’on recherche dans Digimon : de l’action, de l’amitié, des personnages devant faire face à leurs peurs et défauts pour triompher. De plus, des thématiques très graves sont abordées. Les sacrifices qu’on est prêt à faire pour l’ambition, la maltraitance, le deuil, la vengeance. Parfois présentée de manière sombre et sérieuse, la série ne prend pas de pincettes. Elle aborde ces thèmes de manière crue et mature. Mais le plus étonnant, c’est lorsqu’un personnage meurt et que son partenaire, déjà accablé par un deuil et une relation difficile avec sa famille, perd complètement les pédales, noyé par le chagrin. Ces séquences sont parfois dérangeantes. Digimon Tamers prend le risque de raconter un vrai récit dramatique, d’aller bien plus loin que les autres séries franchisées pour enfants. Ces scènes ne me quitteront jamais. Elles m’offrent la conviction que certaines sensations m’accompagnent jusqu’à maintenant : la tension et impression palpable des héros. Ces mêmes personnages ont quelque chose à perdre, à apprendre dans chaque situation.

Aujourd’hui, la franchise continue d’évoluer. Elle semble suivre la maturation de ses fans de la première heure. Ils viennent de sortir un jeu vidéo alliant visual novel et jeu de stratégie. L’ambiance est plus sombre (Digimon Survive). Les créateurs sont en train de lancer un nouveau jeu de cartes à jouer/collectionner plutôt compétitif, rempli d’allusions très nostalgiques des débuts de la série. Voilà une franchise qui sait utiliser le transmédia pour faire plaisir à ses fans.

Run faster than the wind !
Aim farther than the skies !
You can meet a new you
Unknown courage sleeps in your heart, and when you realize
The downpour in your heart
Will surely stop… show me your brave heart

Pierre Reynders

Cycle de l’enfance : Une Sacrée Mamie

L’enfance est sacrée. Parfois, on s’éloignait des codes et obligations imposés par la société… une particularité phénoménale. Certaines œuvres dépeignent les enfants comme des êtres à part. Découvrons des titres américains et japonais !

Je ne veux pas partir. Je veux continuer à pêcher des légumes dans la rivière tout en mangeant de faux repas avec un sourire crispé aux lèvres. Je veux être fière de ma maison. Bancale, trouée, elle sait nous protéger avec une fidélité sans faille.

Je ne me lasserai jamais du cynisme comique de mamie ! Infatigable malgré la faim et le travail acharné, elle ne cesse de me nourrir de sa sagesse. Elle m’ouvre les yeux sur le monde, les autres et mon cœur. Pour elle, la pauvreté n’est qu’une question de point de vue. La richesse d’âme ne s’achète pas, elle se cultive.

Je veux rester pour voir Akihiro grandir. Le voir jouer, courir, faire des bêtises, pleurer face à la beauté de la vie et continuer à rayonner d’amour.

Sa mamie et lui se voient relier par le destin. La mère du jeunot se retrouve dans l’impossibilité d’élever ses enfants. C’est pourquoi, elle confie Akihiro, du jour au lendemain, à sa grand-mère.

Je ne réussis pas à terminer ma lecture. Je veux encore rester avec Akihiro et sa mamie, à Saga. C’est difficile de les quitter. Quitter ce cocon de tendresse et de sincérité. Une Sacrée Mamie, sorti en 2009, imaginé par Yoshichi Shimada, me met une sacrée claque d’amour.

Mouche – Illustrations ©Yoshichi Shimada

One Piece et son final – droit de réponse

Dans ma tête, quand j’étais enfant, j’avais le fantasme de dessiner un manga où la fin est la partie la plus excitante ! Je me demande si je peux en faire une réalité désormais !
Eh bien, j’ai bientôt fini l’arc Wano. Les préparatifs sont presque terminés. Cela m’a pris 25 ans… lol… cependant, vous êtes les bienvenus si vous commencez à me lire aujourd’hui. Parce qu’à partir de maintenant ça va être – le – One Piece ! Je vais dépeindre tous les mystères de cet univers que j’ai cachés jusqu’à présent. Ça va être amusant. Attachez vos ceintures et profitez du voyage !!! -Eiichirō Oda, communiqué datant de juillet 2022

One Piece est un manga encastré dans mon cœur. On ne présente plus cette œuvre extraordinaire, mais si je devais résumer son message en quelques mots, je dirais qu’il s’agit d’une immense fresque humaniste, une ode à la liberté.

La grande quête de libération des héros passe obligatoirement par la découverte d’une histoire perdue et oubliée, effacée par les vainqueurs tyranniques qui règnent sur le monde. Rappel cruel que ce n’est qu’en détenant les clés de notre passé que nous pouvons nous défaire des chaînes qui nous oppriment. Pas d’évolution sans compréhension. Et tous ceux qui veulent faire taire ou transformer la vérité sont ceux qui veulent vous pacifier. Alors libérez-vous !

Il est facile de voir que je porte ce manga particulièrement dans mon cœur. Mais quelle n’est pas ma surprise lorsque j’entends d’infâmes détracteurs médire de ma série bien-aimée. Eh bien, Monsieur brunoaleas, laissez-moi vous dire que je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites ! Je vais démonter vos arguments :

➜ Il y a tellement de mystères à résoudre. Comment ne pas bâcler le travail ? Est-il possible de relier tous les points d’interrogations du manga ?

Oda et son équipe ont en effet créé un monde gigantesque, rempli de personnages, d’intrigues et de mystères en tous genres. Et c’est justement tous ces mystères qui planent sur ce monde qui retiennent notre attention. Si, avant les tout derniers chapitres, il ne reste rien à découvrir du monde, alors même qu’il s’agit d’un manga sur l’exploration maritime, ce serait bien étrange ! Mais il suffit de voir les derniers chapitres, remplis de personnages qu’on n’avait pas vus dessiner depuis carrément plus de vingt ans, pour comprendre que rien ne sera oublié. Oda a un plan bien en tête et toutes les ficelles seront reliées. Je dirais même que l’œuvre sera un jour complète, en un seul morceau.

➜ Si l’auteur vient à mourir, pourrions-nous voir un/e autre mangaka reprendre le flambeau ?

Mais quel pessimisme ! Ne parlons pas de malheur ainsi ! Quoi qu’il en soit, il est bien connu que les éditeurs qui ont suivi Oda durant sa longue carrière sont tous au courant des derniers secrets que recèle l’intrigue. Si, en effet, l’auteur venait à se faire frapper par la foudre – ce qui est quand même peu probable, il n’est pas si vieux que ça –, il y aurait bien des successeurs capables de reprendre le flambeau. Après tout, l’un des thèmes les plus importants de One Piece est « la transmission de la volonté par héritage ».

➜ Imaginons le final réussi. Puis, imaginons plusieurs suites publiées juste après. Ces suites ne viendraient-elles pas gâcher 30 ans de lecture ?

Boichi nous a démontré avec son spin-off One Piece épisode A, se focalisant sur le périple d’Ace, qu’il est tout à fait possible de continuer à enrichir l’univers d’Oda sans pour autant toucher à la magie de l’œuvre originale. Pour ma part, je suis ravi à l’idée que la fin de One Piece ne sera que le début d’une nouvelle ère où cette œuvre, passée au rang légendaire, deviendra un terreau fertile pour l’imagination d’une toute nouvelle génération.

➜ La conclusion de Game of Thrones fut décevante, – euphémisme activé –. Les derniers épisodes sont à ce point ruinés qu’il est impossible de conseiller la série. One Piece risque gros. Si son final est foiré, il sera difficile de conseiller la lecture du manga, comme si de rien n’était.

L’échec de Game of Thrones est explicable par plusieurs facteurs. La série Game of Thrones est l’adaptation d’un roman, tandis que One Piece est une œuvre originale. Les producteurs de la série ont clairement déclaré avoir voulu arrêter Game of Thrones afin de se diriger vers d’autres projets, tandis qu’Oda a déclaré que One Piece était l’œuvre de sa vie. Nous ne parlons pas ici d’une franchise contrôlée par le marketing dont le but est de créer le plus de contenu en moins de temps possible, mais bien d’un projet titanesque dans lequel un artiste exceptionnel a mis désormais 27 ans de son existence. Je pense que si One Piece vous plaît, la fin a peu de chance de vous décevoir. Et puis, pour citer Luffy, refusant à Usopp de se laisser dévoiler le secret du One Piece par un pirate légendaire :

Si le papy nous dit quoi que ce soit au sujet du trésor, alors moi j’arrête d’être pirate ! C’est de l’aventure que je veux ! Pas un petit voyage sans adrénaline !

Alors profitons du voyage au lieu de trop se soucier de sa fin !

Car oui, One Piece, ce n’est pas qu’un manga, c’est un voyage ! Il est long et parfois ardu, mais c’est l’expérience narrative la plus satisfaisante disponible chez votre libraire.

Alors hissez la grand-voile !

Pierre Reynders – Illustrations ©Eiichirō Oda

Blood-C

Saya Kisaragi, une jeune lycéenne japonaise, habite dans une petite ville paisible. Chaque jour, elle répète le même rituel avant de se rendre à son école. Elle salue son père qui est près d’un temple shintoïste, puis, va prendre son petit-déjeuner dans un petit café, à côté du temple dans lequel elle vit avec son père. Ce café, dénommé Guimauve, est tenu par un curieux personnage répondant au nom de Nanahara Fumito. D’apparence, il semble être une personne tout à fait normale. Mais au fil de l’histoire, nous verrons qu’il ne semble pas si normal qu’il ne le laisse transparaître.

À la nuit tombée, Saya n’est plus une lycéenne normale mais une chasseuse de démons appelés Enfants Ainés. Nous voici dans l’univers de Blood-C.

Vous me direz, pourquoi me suis-je intéressé à un anime qui ne semble proposer rien d’intéressant en termes d’intrigue ? Vous me direz qu’une histoire autour d’une personne qui mène une vie normale la journée et combat le mal la nuit n’a rien de très original. Vous avez raison. Cette façon de faire se retrouve dans tous les genres, que ce soit dans le cinéma avec le héros Batman, ou dans les dessins animés pour enfants avec Les Pyjamasques.

Blood-C semble, de prime abord, être un manga sans intérêt, mais arrivé à la moitié de l’œuvre, les choses deviennent très intéressantes car un évènement curieux se produit.

Un anime de type Power Rangers

Tout le monde connaît les Power Rangers. Mais savez-vous d’où vient ce genre de personnage très atypique ? Je vais certainement vous l’apprendre. Ca vient du Japon.

Nos Power Rangers viennent à l’origine des séries japonaises appelées sentai. Selon Ryosuke Sakamoto : Le sentai, ce sont 5 personnages identifiés par une couleur. Ils forment une équipe et se battent contre le mal.

Qu’est-ce que j’entends par anime de type Power Rangers ? Par ce terme, je parle d’une œuvre dans lequel le même schéma se répète à chaque fois. Dans les séries Power Rangers, il se passe toujours la même chose : les héros passent une journée ordinaire, un monstre apparaît, ils ont du mal à le battre, ils font appel aux Megazords puis, réussissent à vaincre le méchant de l’épisode.

Blood-C peut être placé dans ce genre car le même schéma ne cesse de se répéter. On peut le résumer de la façon suivante : Saya passe une journée ordinaire à l’école, elle rentre au temple, son père lui annonce qu’un Enfant Ainé vient de surgir, elle combat et élimine ce dernier.

Honore le pacte…

Comme déjà expliqué, l’anime est clairement ennuyeux à cause du schéma peu surprenant. Mais, un élément vient chambouler l’histoire. Saya remarque que les créatures qu’elle combat peuvent s’exprimer. Le premier Enfant Ainé qui vient à s’exprimer n’est pas très loquace.
Après avoir été vaincu, ce dernier prononce 3 mots : Honore le pacte. À partir de cet instant, le quotidien de notre héroïne n’est plus aussi répétitif. Au plus les démons sont puissants, au plus ils sont loquaces et lui rappellent qu’il y a un pacte à respecter. Mais ils n’abordent jamais le contenu de ce dernier.

Du sang mais pas que

Une des particularités de Blood-C, c’est la présence du sang. Dans le genre des animes, il est rare de voir beaucoup de sang car la censure y est monnaie courante. A travers Blood-C, oubliez ça. Vous penserez sûrement qu’il est assez normal qu’avec un tel titre, le sang soit présent. Je répondrai par l’affirmation mais je préciserai qu’il y a un double sens. En effet, visuellement, il y a beaucoup de sang mais le sang de Saya est d’un type particulier et il explique pourquoi elle est capable de combattre ces étranges créatures.

Quelle fin !

Vous souvenez-vous de la fin de Devilman Crybaby ? La fin de Blood-C est dans la même lignée, en gardant ses spécificités. Comme je ne cesse de le rappeler, tout est question de rythme dans cet anime. Et, les 2 derniers épisodes dénotent avec le reste de l’œuvre car tout s’accélère à une vitesse hallucinante. Cette accélération n’est pas un hasard scénaristique pour permettre de boucler la série au plus vite. Toutefois, elle s’inscrit dans un schéma cohérent, celui d’offrir à Saya, la compréhension du monde qui l’entoure. Au début de la série, elle n’a qu’une compréhension basique des évènements. Ensuite, arrive un élément qui lui permet de comprendre son monde. C’est également cet évènement qui marque l’accélération de la série.

Blood-C est un anime qui s’apprécie au fil des épisodes. Il nous force à nous calquer sur le rythme lent de l’intrigue. Et, cette façon de faire est intéressante car nous avons le temps de réfléchir, nous avons le temps de deviner les évènements à venir. Une fois que tous les éléments sont introduits, l’anime accélère vu que tout est lié et cela conduit à une fin des plus surprenante.

Fortuné Beya Kabala

Guts au cœur des familles

Nous sommes les seules créatures sur Terre à raconter des histoires. Aucune autre créature ne raconte des histoires, même si certaines sont très futées, comme les baleines. Nous sommes les animaux conteurs. Nous nous racontons des histoires pour comprendre qui l’on est.

Salman Rushdie prononce ces paroles récemment. Il pointe la force des humains. A savoir, transmettre des mythes et légendes de générations en générations, depuis les temps anciens. L’écrivain se serait bien entendu avec Kentaro Miura. Malheureusement, une rencontre entre les 2 artistes est irréalisable. Le dessinateur japonais décède en 2021. Il laisse derrière lui une œuvre magistrale.

Berserk suit l’épopée martiale de Guts. Ame guerrière. Homme d’action. Etre déraciné. Guts est un protagoniste fascinant. En anglais, guts signifie tripes, entrailles. Le ton est donné. Le personnage principal défie viscéralement les démons.
Comment le prouver ? Primo, suite à une catastrophe maléfique, il voit sa vie basculer de la lumière à l’ombre et porte une marque maudite attirant les menaces surnaturelles. Secundo, le chevalier noir défonce des apôtres à l’aide d’une armure absorbant son énergie vitale. Doit-on retenir la sombreur du manga comme élément pertinent ? Probablement. Pour l’instant, n’analysons pas les mésaventures sanguinaires.

Kentaro Miura exploite énormément de thèmes bouleversants. Mysticisme assumé. Courage sans borne. Amour impossible. Une thématique précise m’inspire à écrire. La place de la famille. Dès les premiers tomes de Berserk, Guts suit la Troupe du Faucon. Menée par Griffith, cette bande d’amis constitue un premier socle important pour Guts. Il s’identifie et s’affirme aux côtés de ce groupe… quand soudain, Griffith enclenche un énorme sacrifice pour le bien de son idéal.

Guts est désormais isolé, face à plusieurs diableries. Comment s’en sortir ? Kentaro Miura développe alors son talent. Il amène son personnage vers une reconstruction. Reconstruire ses valeurs et choix. Après avoir subi une tragédie, notre héros rencontre de nouvelles personnalités diverses et variées. Schierke, jeune sorcière, prudente et valeureuse. Un esprit habile et calme nommé Serpico. Farnèse, prête à survivre quoi qu’il en coûte. L’enfant impertinent qu’est Isidro. L’auteur questionne donc notre rapport aux autres. Qu’attendre de notre famille ? Quel est le meilleur enseignement qu’on accepte de recevoir ?

A une époque où médias et politiciens divisent les populations, les planches du mangaka rappellent la force du collectif. Un proverbe africain résume ma pensée : Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin.

brunoaleas – Illustrations ©Kentaro Miura