Manga

Le meilleur anime de baston est…

Actuellement, on atteint des niveaux impressionnants, en termes d’animation. Certes, Demon Slayer, L’Attaque des Titans, Jujutsu Kaisen marquent la rétine, ces dernières années. Pensez à leurs scènes de tension. Naruto demeure tout de même le meilleur anime de bagarre.

Ordre vs chaos

Quatrième Grande Guerre. Ninjas désemparés, enragés ou de nouveau à la vie. Voici le dernier arc de l’œuvre. Bien sûr, il ne sera pas retenu comme le plus incroyable (final raté + personnages souvent bâclés). Néanmoins, les combats de cette partie ne passent pas inaperçus. Vient alors un duel assez attendu : Kakashi se fritant à Obito. Ordre et chaos. Mesure contre démesure. L’histoire d’une amitié brisée. Elodie Verheyden, animatrice chez Camera-etc, décrit la beauté de la scène.

Nous sommes à un point de la série, bien après le combat entre Naruto et Pain. Les animateurs se sont retenus, cette fois. Il n’y a plus l’animation de l’extrême, composée de ralentis ou d’accélérés. Ils se sont nourris des critiques qu’on leur adressait. Là, tout est clair et lisible. Ils y ont mis l’argent. Il y a très peu d’arrêt et le combat est super bien chorégraphié.
J’aurais aimé voir plus de déformation. On ne sent pas la force des coups. Les animateurs auraient pu réaliser des séquences plus violentes.

Altruisme vs égoïsme

Une bagarre marque une génération, les enfants des années 2000. Naruto versus Sasuke. L’altruisme pur contre l’égoïsme dur. Un nouveau chapitre s’affiche devant nos yeux. Deux enfants, vivant deux solitudes différentes. L’un est souhaitant devenir chef du village, même après les moqueries subies. L’autre s’éloigne du village, afin d’assouvir sa soif de vengeance. Les voici prêts à s’arracher la face. L’animation si dynamique de ce passage n’a pas pris une ride. Elodie l’affirme sans hésitation.

Les animations en 2D, dessinées à la main, vieillissent très lentement. Contrairement à la 3D, une technique vieillissant très mal. Ici, les enfants bougent bien. Quand on regarde ça aujourd’hui, on contemple une animation toujours aussi bien rythmée.
Quand cette séquence apparait au Japon, on voit arriver une nouvelle génération d’animateurs. Ils posent les codes quant aux mouvements, au rythme, sans avoir peur de tester. Ils vont inspirer les futurs animateurs de la série. Ces mêmes personnes vont s’occuper de l’affrontement entre Pain et Naruto.

Rien n’est gratuit. Surtout pas le sang et les larmes. Masashi Kishimoto est un excellent scénariste, malgré son manga qui se termine en queue de boudin. Naruto livre réflexions et émotions !

brunoaleas – Illustrations ©Masashi Kishimoto

Amano et l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle… vaste sujet. Progrès scientifique pour certains, malédiction du siècle pour d’autres. Petite clause de non-responsabilité : je ne suis ni pour, ni contre cette nouvelle technologie.

Constatons tout de même la pertinence de l’IA dans la médecine. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale de France nous éclaire. Tentons d’expliquer le rôle des applications de deep learning. Ces réseaux neuronaux artificiels forment de nombreuses couches pour résoudre des tâches complexes. Elles traitent des images.
Ensuite, elles repèrent de possibles mélanomes sur les photos de peau ou dépistent des rétinopathies diabétiques, sur des images de rétines. Leur mise au point nécessite de grands échantillons d’apprentissage. 50 000 images dans le cas des mélanomes, et 128 000 dans celui des rétinopathies. Elles ont été nécessaires pour entraîner l’algorithme à identifier les signes de pathologies. Pour chacune de ces images, on lui indique si elle présente ou non des signes pathologiques. A la fin de l’apprentissage, l’algorithme reconnaît, avec performance, de nouvelles images présentant une anomalie !

Là où l’IA fait mal, se situe en dehors du secteur médical. C’est honteux de l’utiliser pour un vol de données. Par après, les dérives sont nombreuses. Ainsi, combien de personnes clament haut et fort que les robots remplaceront les artistes ?! Trop. Est-ce audible ? Non. Il y en a marre. La force d’un artiste réside dans sa singularité. Personne ne remplacera les aquarelles de Gipi. Personne ne peindra comme Jean-Michel Basquiat. Leur patte est unique. Puis, la machine ne captera pas les subtiles sensibilités des humains, de l’ironie à la tristesse pure.

Un autre artiste me rappelle à quel point un univers ne sera jamais copié à la perfection. L’imaginaire de Yoshitaka Amano est fou ! Il est honoré au Museo di Roma. Je découvre alors l’exposition nommée Amano Corpus Animae (visible jusqu’en octobre).
Le dessinateur naît en 1952, au Japon. En 1987, les créateurs de Final Fantasy, Squaresoft, font appel à lui pour donner corps à leur grande saga. Le but ? Etre un franc concurrent à Akira Toriyama. Ce mangaka, connu pour être le papa de Dragon Ball, fut aussi character designer de Dragon Quest.

Mais Amano ne s’arrête pas là ! Une expo lui est dédiée à New York, où il ouvre d’ailleurs un studio, en 1997. En 2019, il réalise une couverture pour Vogue. Il surprend encore, en introduisant un nouveau perso dans Fortnite, en 2023. Un an plus tard, le Japonais fait une halte à Lucca Comics, le plus grand festival de BD d’Europe.

Avril 2025. Me voici donc à une exposition dans le centre romain, inspirée par le festival de Lucca. J’y suis par hasard. Coïncidence de malade. Chance inouïe. Est-ce une expérience inoubliable ? Assurément. Je reste bouche bée, à chaque pièce. Les installations m’impressionnent. Les œuvres sont aux murs, en aluminium, et la musique rythme la promenade. L’ambiance est si agréable.
Fabio Viola, curateur de l’expo, résume parfaitement l’une des forces d’Amano. En se penchant sur ses illustrations, on y découvre leur complexité. On y aperçoit un dualisme prononcé. A savoir, le mélange entre des œuvres lisibles à distance et complexes de plus près.

Désormais, posons la vraie question. Pourquoi l’intelligence artificielle ne rivalisera jamais avec un artiste de cet acabit ?

Primo, sa patte est ultra reconnaissable, la marque des génies. Secundo, les meilleurs musiciens, peintres, écrivains ou autres esthètes, suivent souvent une seule volonté : savoir se réinventer. Yoshitaka Amano ne se voile pas la face. Il témoigne pour un livre splendide, The Art of Yoshitaka Amano. A Visionary Master (2025).

J’ai vu de nombreux artistes piégés dans leur propre style et je crains toujours ce piège.

Il ajoute une pensée merveilleuse à ce constat. D’année en année, le maître ne se décourage pas. Il continue à tendre vers des mondes inexplorés. Il travaille obstinément sur de nouveaux défis.

Le voyage de l’art, avec ses infinies possibilités, m’inspirent à explorer encore et à pousser les confins de l’imagination collective.

brunoaleas – Illustrations ©Museo di Roma & Y. Amano

Amer Béton

Qui n’a jamais rêvé de se faire la malle ? Qui n’a jamais souhaité abandonner ses terres natales pour réaliser ses rêves ? Amer Béton synthétise cette envie de fuir. Mais Noiro et Blanko, nos protagonistes, ne désirent pas l’exil. Pas directement. Ils restent dans leur ville, en luttant contre tout et tout le monde… en luttant contre eux-mêmes.

Que raconte précisément le manga de Taiyō Matsumoto ? Blanko et Noiro, des orphelins, sèment la terreur dans les rues de Takara. Rackettant bandits, yakuzas et fanatiques, les gamins, surnommés « les chats », sont agiles et prêts à vivre de périlleuses expériences. Ont-il le même caractère ? Noiro apparaît dur et enragé et Blanko, innocent et lunaire.

Le mangaka installe ce duo, au centre de l’intrigue. Pourtant, nos yeux peuvent vite se perdre, au milieu d’une ville surchargée de détails, allant des multiples panneaux publicitaires et maisons collées-serrées, au croissant de Lune, dont le visage s’affiche serein. Sakamoto Days n’est pas la seule BD à soigner ses décors. Taiyō Matsumoto illustre des environnements extrêmement beaux et créatifs. Il sublime le chaos.
Mais l’attention se porte sur Noiro et Blanko. Ils courent, volent, s’incrustent dans une ambiance survitaminée, ressentie à chaque coin de rue. D’ailleurs, la lutte est au rendez-vous, comme le cite Louis-Julien Nicolaou, dans un numéro spécial des Inrocks (mars 2017).

Dans l’œuvre de l’artiste, les jeux et élans d’invention que s’échangent les gamins se heurtent aux codes mortifères du monde adulte. Les lois absurdes des yakuzas dans Amer Béton, celles de la compétition sportive dans Ping Pong, les unes comme les autres déclinant une philosophie martiale du bushido, le code d’honneur des samouraïs. Il brise toute liberté individuelle, au profit d’un idéal de performance suprême. Cette confrontation fait de l’enfance un temps de lutte et de souffrance, où peut naître une vocation à l’insoumission perpétuelle.

Le conflit inspire donc l’auteur-dessinateur. Il va plus loin. Chaque personnage cherche sa vérité. L’homme à la fois yakuza et père de famille. Le grand-père, aimant et sage. Des enfants liés par le même destin.

Une vérité parfois interrogée, critiquée, voire malmenée.

Vers la fin du manga, un enfant fort énigmatique entre en scène pour sauver Noiro, attaqué par ses ennemis. L’étranger ne cesse de répéter les mêmes phrases. Comme si son mantra devait s’imprimer sur la couverture du livre.

C’est dans l’obscurité, et dans l’obscurité seule, qu’existe la vérité.

A-t-il raison ? Et si, finalement, les personnes ayant vécu les pires drames savent ce qu’est la vie, la vraie… ne résumons pas Amer Béton à ce simple principe philosophique.
Néanmoins, Taiyō Matsumoto a le mérite de poser les bases d’une interrogation existentielle. Une fois la lecture terminée, posez-vous sur l’herbe, admirez le ciel et interrogez-vous. Comment trouver sa place dans la société ? En la fuyant ou en la combattant ?

brunoaleas – Illustrations ©Taiyō Matsumoto

Yon

Je respire. Je n’entends que le bruit du vent. Comme si j’étais un coquillage et que l’air me traversait entièrement. Quand je peux m’allonger à même le sol et que je peux fermer les yeux, baisser ma garde, c’est là que je me sens vraiment libre. Dans la vacuité, mon âme trouve le repos.

Dans un immense internat pour jeunes filles, la vie suit son cours paisiblement. Entre la cantine, les activités sportives et les cours, le quotidien monotone de Margot n’est troublé que par quelques escapades dans une aile abandonnée de l’établissement, qui l’attire irrésistiblement. C’est justement alors qu’elle s’y aventure qu’un événement inattendu se produit : le Phénomène. Une alarme retentit, et l’internat entier est évacué dans la panique. Margot, isolée, n’a pas le temps de fuir. Coincée à l’intérieur avec d’autres élèves restées sur place, elle devra apprendre à survivre face aux dangers mystérieux que recèle ce phénomène.

Yon est une œuvre construite sur une prémisse, certes déjà vue, mais que j’adore : des enfants plongés dans une situation extraordinaire, coupés de leurs repères, forcés de s’adapter pour survivre. Ce thème a déjà été brillamment exploré dans des œuvres comme SeulsL’École emportéeDragon Head ou encore The Promised Neverland — toutes héritières, de près ou de loin, de Sa Majesté des Mouches.

Les récits d’exode sont toujours fascinants. Ils permettent d’introduire mystère et tension à travers des problématiques de survie et d’organisation collective. Ce qui les rend particulièrement puissants, c’est le choix de jeunes protagonistes.
Là où des adultes pourraient structurer la survie selon leurs compétences, leur métier ou leur statut, les enfants, eux, doivent faire émerger un ordre nouveau. Et cette dynamique est naturellement riche en conflits, en drames… donc en récits captivants.

Ici, cependant, le ton est tout autre. Du moins, dans ce premier tome. Le danger est bien présent, palpable, mais jamais écrasant ni terrifiant. Il y a moins de tension que dans d’autres récits du même genre, et bien plus d’atmosphère. Une ambiance étrange, presque onirique, où le suspense s’installe doucement.

Le contexte semble d’abord très banal, presque rassurant, mais le monde se révèle peu à peu plus étrange qu’il n’y paraît. Subtilement, détail après détail, une inquiétante étrangeté s’installe.
On remarque, par exemple, une rouille omniprésente, des salles de classe aux dimensions inhabituelles… une ambiance trouble et brumeuse se dégage de cette école, comme si elle appartenait à un autre monde. 

Margot, notre héroïne, est profondément antisociale. Décrite comme morose par ses professeurs et « pas nette » par ses camarades, elle cherche constamment l’isolement. Ce n’est pas qu’elle est rejetée ; au contraire, Margot exprime clairement son besoin de solitude. De nombreuses planches la montrent seule : elle mange seule, reste à l’écart sur le terrain de sport, et erre dans l’aile abandonnée.

Ces moments de silence et de calme sont magnifiquement rendus. Ils contrastent fortement avec les scènes de groupe, où les élèves parlent toutes en même temps, dans une cacophonie presque étouffante. L’œuvre m’a mis dans un état presque méditatif, où je ressentais chaque onomatopée, et où chaque silence semblait peser.

C’est une œuvre vraiment réussie, à la fois relaxante et haletante. On a autant envie d’en apprendre davantage sur ce monde étrange et les créatures qui y rôdent que sur les personnages eux-mêmes. C’est fluide, accessible, et porté par une ambiance unique. 

La série comptera quatre tomes, et le deuxième est prévu pour septembre. Une petite pépite francophone à ne pas manquer.

En trois minutes, le monde s’est retourné comme un gant.

Citation du manga

Pierre Reynders – Illustrations ©Camille Broutin

Magi – The Labyrinth of Magic

Regarde ton ennemi dans les yeux et comprends ceci : toi et lui êtes semblables. Vous souvenez-vous d’une époque où vous saviez avec clarté ce qui était bien et ce qui était mal ? D’une époque où vos choix étaient clairs et limpides ? Une autre question intéressante dont j’adore débattre : combien d’épisodes, de chapitres ou de tomes donnez-vous à un manga avant de décider si vous allez le poursuivre jusqu’au bout ou non ?

Personnellement, il me semble qu’on peut se faire une bonne idée en trois épisodes ou chapitres. Ce laps de temps permet généralement de cerner l’atmosphère et les thèmes abordés. L’aventure est lancée, et il est tout de même rare qu’une œuvre change radicalement en termes de qualité.

Mais il y a bien sûr des exceptions. Je citerai par exemple Mob Psycho 100, qui devient un manga très différent (et bien meilleur, selon moi) à partir du sixième épisode. Et bien sûr, celui de cette critique : Magi : The Labyrinth of Magic.

Nous sommes dans un monde qui rappelle notre Moyen Âge, avec quelques différences notables. Les noms des nations sont légèrement modifiés (Balbad au lieu de Bagdad, l’Empire de Kô au lieu de la Chine, etc.), la magie existe, et surtout, de gigantesques bâtiments peuvent apparaître un peu partout dans le monde : les labyrinthes.

Il est dit que quiconque pénètre dans un labyrinthe et parvient à le conquérir obtiendra le pouvoir de devenir roi. Dans cet univers, nous suivons l’aventure d’Ali Baba, un jeune prince déchu rêvant de conquérir un labyrinthe. Nos yeux sont aussi rivés sur Aladdin, un petit garçon mystérieux portant une étrange flûte magique autour du cou. Une grande amitié naît entre les deux, alors que le destin les propulse au cœur d’un labyrinthe.

Sur 37 tomes, la série connaît le plus grand crescendo que j’aie jamais vu. Les premiers volumes ne paient vraiment pas de mine. On a une petite aventure shōnen avec une esthétique Mille et Une Nuits. Les héros sont un peu agaçants et les enjeux, pas très palpitants. Mais au fil des chapitres, à mesure que les secrets du monde se dévoilent et que nos héros gagnent en maturité, l’œuvre évolue de manière spectaculaire. Tout s’améliore, sans exception. On passe progressivement d’un simple manga d’aventure sympathique à l’un des meilleurs mangas de sa catégorie. Il faut juste persévérer !

Deux aspects rendent Magi absolument unique.

  • Un world-building exceptionnel

Plus l’histoire avance, plus on découvre des nations et personnages issus de cultures variées. Petit à petit, on se retrouve face à un monde foisonnant de détails et de richesse. Certains tomes entiers sont consacrés à raconter l’histoire du monde depuis ses origines, offrant ainsi une profondeur rarement atteinte dans un manga. Seul One Piece peut espérer surpasser Magi sur ce point.

  • Un traitement magistral des antagonistes

Au départ, l’histoire présente des méchants très caricaturaux : des tyrans impitoyables, des cultistes nihilistes… mais grâce à une écriture brillante, la mangaka parvient à développer des motivations extrêmement complexes et fascinantes pour chaque camp. Il n’est pas rare que les héros eux-mêmes remettent en question l’ensemble de leur système de valeurs après une simple discussion avec un adversaire.
Si vous aimez les conflits philosophiques où la force morale a plus de poids que la force physique, alors Magi est une œuvre incontournable.

L’ensemble est sublimé par le trait délicat de la mangaka. Ce ne sont pas les dessins les plus détaillés qui soient, mais ils dégagent une grâce et une fluidité remarquables. Le design efféminé de nombreux personnages apporte une touche originale, et les costumes bénéficient d’un travail soigné. Je tiens aussi à souligner un point surprenant : Magi contient des scènes d’une violence inattendue. Certains événements tragiques sont représentés avec une brutalité saisissante. L’effet de choc est redoutablement efficace.

Magi n’est pas un shōnen comme les autres. Si je l’ai commencé en pensant y trouver un divertissement léger, je l’ai terminé en étant complètement soufflé.

C’est une œuvre qui regorge de passion et d’idées. Elle respecte tant l’intelligence de ses lecteurs qu’il est impossible d’en ressortir inchangé.

Dédicace spéciale à Sindbad, qui est sans doute l’un des personnages les plus charismatiques et badass jamais vus !

Pierre Reynders

Mangas à lire une fois dans sa vie Part 3

Les mangas ? Pourquoi faire ? Ca se mange ? Posons la bonne question. Souhaites-tu lire d’incroyables bédés japonaises ? Même si tu n’y connais rien, même si tu ne sais pas où commencer, découvre nos livres, ou plutôt, des œuvres cultes.

Mauvaise Herbe – Keigo Shinzô

L’An dernier, j’affirme clair et net un fait : j’adore les œuvres dont la portée est sociale. Mauvaise Herbe de Keigo Shinzo ne me laisse donc pas indifférent. Au cours d’une descente de police dans une maison close, le lieutenant Yamada rencontre Shiori, une lycéenne fugueuse. Elle lui rappelle sa propre fille décédée et désire la protéger. Pourquoi ? À peine raccompagnée chez elle par la police, Shiori disparaît de nouveau.

Ce manga devrait être lu par les personnes fantasmant le Japon. La culture japonaise est certes fascinante, mais certaines pratiques demeurent incompréhensibles. Selon la police de Tokyo, en 2023, environ 43% des femmes arrêtées dans la rue pour prostitution ont commencé à vendre leur corps pour payer ce qu’elles devaient aux bars à hôtesses et aux proxénètes.
Le plus déprimant est de savoir ce qui se passe au centre de Tokyo. Dans le quartier de Kabukicho, le proxénétisme implique parfois des mineures dans des relations sexuelles non protégées !

Mauvaise Herbe n’est pas un livre aux propos moralisateurs, ni un reportage pénible à digérer. La lecture est intense mais il s’agit, avant tout, d’une rencontre inédite. Découvrez deux âmes en peine, ayant besoin d’une aide mutuelle pour guérir et aller de l’avant.

Quartier Lointain – Jirô Taniguchi

L’absence, la fuite ou la mort d’un parent, les regrets, l’incompréhension face au monde des adultes. Dans les pages d’un hors-série des Inrocks, Vincent Brunner énumère ces thèmes qui jalonnent l’univers de Jirô Taniguchi.

Pour mieux le comprendre, évoquons Quartier Lointain. Il s’agit là d’un classique de la littérature. Ce récit universel questionne le cocon familial et amical de tout un chacun. Un homme redécouvre son adolescence, à travers un regard d’adulte. De fait, nous suivons les pas de Hiroshi. L’homme d’âge mûr fait un détour involontaire par sa ville natale, où il perd connaissance. À son réveil, il retrouve son corps d’ado. Comment rester calme ? Comment éviter la déprime ? Comment profiter de la situation ? Jirô Taniguchi y répond sans problème.

Dragon Ball – Akira Toryama

Faut-il citer l’œuvre culte d’Akira Toriyama ? Bien sûr ! Porte d’entrée parfaite pour s’aventurer vers un monde divertissant, Dragon Ball berce et anime une flopée d’enfants. Comment l’expliquer ? Le manga présente un héros authentique nommé San Goku. Parfois, ses ennemis deviennent ses amis. Souvent, il fait confiance aux forces et qualités de ses proches.

Il y a tant à dire sur Dragon Ball ! Résumons un autre point fort. Le ton burlesque de l’auteur rythme ses histoires. Les bains de sang ne sont pas au centre de ses préoccupations. L’humour grivois et absurde des divers personnages est mémorable. Même lors du dernier arc, quand les protagonistes affrontent le terrifiant Super Buu, la bédé ne perd rien de sa légèreté !

brunoaleas – texte & photo

TOP MANGAS 2024

Bam bim bam, cette année je fais un top 100% action ! Que voulez-vous ? Il faut varier les plaisirs. J’ai mis beaucoup de seinens psychologiques dans les derniers classements, mais cette année, c’est la bagarre qui m’a conquis.

D’abord, par l’imbattable One, qui sort ENCORE une série complètement incontournable. Cet auteur me donne véritablement le tournis : il enchaîne, coup sur coup, les scénarios les plus originaux et trépidants. À chaque fois, il prend une idée de scénario qui ne semble pas très originale au premier abord, ou qui semble très difficile à faire marcher sur le papier. Puis, il nous surprend de chapitre en chapitre, sans jamais s’arrêter. L’auteur a maintenant un tel prestige qu’il peut se targuer d’avoir littéralement les meilleurs dessins du game avec One Punch Man et la meilleure (ou presque) animation de Mob Psycho 100.
Je préfère ne pas détailler cette nouvelle série nommée Versus. A mon sens, la découverte progressive de son scénario, de son univers, fait tout son sel, mais foncez ! C’est un scénario débordant d’idées, parfaitement rythmé et rempli de combats trépidants. Quant au dessin, il est assuré par Kyotaro Azuma, que je ne connaissais pas, mais qui a une patte très similaire à celle de Yusuke Murata, dessinateur de One Punch Man. Il est ultra détaillé, dynamique, épuré… bref, parfait !

La deuxième bonne surprise de l’année se révèle être The Bugle Call. On a ici un récit de dark fantasy qui est clairement là pour occuper un vide ! Avec la fin de Berserk qui arrive et celle de Übel Blatt, dévoilée il y a quelques années, aucune œuvre de dark fantasy ne se démarquait vraiment jusqu’à présent.
Et voilà Bugle Call. Avec son univers sombre et mystérieux et ses personnages très attachants, on est prêt à verser des larmes, en se laissant porter par la mélancolie de ce récit. Le rythme m’a beaucoup plu. D’un côté, on prend vraiment bien le temps de s’ancrer dans ce monde et de rencontrer les personnages, et en même temps, les évènements et les divers mystères rendent la lecture très addictive ! Les dessins de Higoro Toumori ont quelques points communs avec ceux de Fujimoto, ce qui est un beau compliment. J’aime cette façon qu’ont ces 2 auteurs de donner des expressions très étranges à leurs personnages : des sourires pincés, des regards distants. Les personnages n’en sont que plus complexes et attachants.

Et pour finir, laissez-moi vous conseiller le meilleur shonen bagarre de ces dernières années : Gachiakuta. On me parle tellement de Jujutsu Kaisen, de Dandadan, cependant, où est l’amour pour Gachiakuta ? Il faudra attendre l’anime pour que l’œuvre ait des fans, je suppose. La mangaka responsable de l’œuvre est la successeure d’Atsushi Ohkubo (Soul Eater, Fire Force). Ca se reconnaît ! Ses dessins ressemblent à une fusion entre les styles de son maître et de celui de Boichi (Dr Stone, Sun-Ken Rock). On a un univers très “tag”, avec des traits bruts et des expressions très linéaires, sans oublier ce goût de la sculpture, lorsqu’il est temps de faire du détail. Les décors, et surtout les objets, sont détaillés avec grand amour. Quant au scénario, je le décrirais comme celui de Fire Force, si les personnages étaient sympas. Nous voici plongé vers une quête de vengeance. Elle devient vite une enquête sur un univers riche, plein de rebondissements. Chaque étape du voyage amène une nouvelle confrontation et un combat très divertissant. Le héros possède une personnalité explosive, pleine de fraîcheur. Elle ne sera pas sans rappeler un certain rival dans un autre shonen plus… héroïque.

Sur ce, voilà une belle liste de lecture pour vous. N’oubliez pas. Nous aimons les récits de combat, car c’est dans la nature de l’être humain de lutter pour ce qui est important pour lui. Rien de mieux que de voir des personnages courageux donner tout pour leurs objectifs, quand on se sent démotivé. Alors, continuez à vous battre ! –Pierre Reynders

TOP 3

  1. Versus – Kyôtarô Azuma
  1. The Bugle Call – Higoro Toumori
  1. Gachiakuta – Kei Urana

Je sens une envie, un nouveau désir. Mes recherches ne seront plus pareilles… je ne suis plus le même fan de bédés qu’auparavant ! Non, je ne suis pas malade. Non, je ne vis pas une crise. Je désire lire des œuvres développant des personnages riches, aux caractères pertinents, aux idées ambitieuses.

Je ne joue pas les péteux. J’évalue autrement les mangas. Pourquoi ? Berserk et L’Atttaque des Titans sont 2 seinens qui changent radicalement mes attentes concernant mes prochaines lectures. En d’autres mots, ces titres placent la barre haute. Le fatalisme est souvent au centre de ces livres. Je ne souhaite pas pour autant me plonger dans des lectures plus déprimantes que la pluie belge, à longueur de journée.

D’ailleurs, My Hero Academia prouve encore une bonne nouvelle. Il est possible de trouver une lueur d’espoir en chacun de nous, qu’on soit mauvais ou désespéré. J’admire son auteur, Kōhei Horikoshi. Il donne tant d’importance aux détails. Quel en est le résultat ? Son scénario n’est jamais ennuyeux.
Une autre BD se focalise sur l’espoir. Versus fut la meilleure bombe de l’année ! Son scénariste, One, arrive à divertir comme à surprendre, face à des planches dépeignant le désespoir de l’humanité. Espérons voir une série illustrant la démesure et imagination propres à One.

Quant à The Bugle Call, il s’agit probablement d’un futur banger. Chaque personnage n’est pas là par hasard. Chaque réplique donne une couleur aux situations et réactions. Quel délice ! Le manga n’apparaît pas tel un vulgaire récit de dark fantasy, où l’originalité semble illusoire. Au contraire, petit à petit, des informations enrichissent un univers fou ! –brunoaleas

TOP 3

  1. The Bugle Call – Higoro Toumori
  1. Versus – Kyôtarô Azuma
  1. My Hero Academia – Kôhei Horikoshi

L’Homme qui marche

Il existe divers genres liés au manga. La tranche de vie n’est parfois pas le plus attirant. Les récits de baston ou la science-fiction retiennent souvent l’attention. Mais un auteur raconte brillamment la beauté des petits riens de la vie. Jiro Taniguchi dessine les histoires de famille, le deuil, les sacrifices, les doutes, l’amour, la grandeur de la Nature, etc.

L’Homme qui marche est littéralement une œuvre digne d’une saine expérience. Comment l’expliquer ? Elle symbolise un éloge de la flânerie. On y suit les pas d’un gars qui sait prendre le temps. Lui, c’est l’homme qui marche. Il se perd alors à regarder les oiseaux, champs et flocons.

L’auteur sait, comme personne, faire de la sagesse et de l’art avec du rien, ou presque. Le vagabondage, nez au vent et esprit léger, d’un homme qui se promène dans son quartier, l’affection d’un couple pour son vieux chien, les souvenirs d’un commercial qui déjeune dans de petits restaurants… on retrouve chez lui la vertu de non-agir que la culture japonaise a hérité du bouddhisme.

Jean-Marie Bouissou, historien français

Aujourd’hui, tout le monde veut tout savoir sur tout. Le cerveau est voué à vouloir comprendre, mais l’infobésité n’aura jamais autant tuer nos neurones. Observez les chaînes d’information en continu… c’est pourquoi, lire L’Homme qui marche est une bulle d’air frais, une parenthèse parfaite pour savourer une aventure contemplative.
D’ailleurs, le mangaka décrit savamment son défi. Ce défi fait plaisir à plusieurs lecteurs souhaitant atteindre la paix intérieure.

J’ai tenté d’étendre les possibilités formelles du dessin, en m’imposant une seule contrainte dans la mise en forme du récit. Il s’agissait d’éviter autant que possible les termes servant à exprimer les émotions, tournures exclamatives et adjectifs.

Jiro Taniguchi

brunoaleas – Illustrations ©Jiro Taniguchi

Mangas à lire une fois dans sa vie Part 2

Les mangas ? Pourquoi faire ? Ca se mange ? Posons la bonne question. Souhaites-tu lire d’incroyables bédés japonaises ? Même si tu n’y connais rien, même si tu ne sais pas où commencer, découvre nos livres, des œuvres cultes.

Bleu Spring Ride – Io Sakisaka

Comme moi vous ne vous lassez jamais de ces romcoms diffusées en boucle à la télévision ? Vous attendez avec impatience le retour des films de Noël pour voir des histoires d’amour toutes mignonnes et toutes les mêmes ? Alors, laissez-vous attendrir par Bleu Spring Ride. Une histoire d’amour douce, simple, compliquée sans l’être. Ce n’est pas la meilleure dans son genre mais elle se laisse lire. C’est une belle histoire pour un premier contact avec le l’univers shōjo (histoires d’amour dont les adolescentes sont le public cible. Mais évidemment elles restent totalement accessibles et très agréables à lire pour les adultes).

Puis, soyons honnête, entre nous, quand on aime les romances un peu nunuches, peu importe que le scénario soit bon au mauvais, tant que l’on voit deux personnages tomber amoureux, c’est tout ce qui compte !

Une Sacrée Mamie – Saburō Ishikawa

Vous préférez les histoires de vie ? Celle où l’existence de monsieur et madame tout le monde est sublimée ? Souhaitez-vous partir en immersion dans une famille japonaise ?
Je ne peux que vous conseillez d’aller toquer à la porte de Sacrée Mamie. Un manga poignant, intelligent, drôle qui vous donnera l’envie de regarder les détails du quotidien avec plus d’attention. Le livre vous donnera la force de vous aimer vous-mêmes et les autres avec plus de sincérité.

Death Note – Takeshi Obata

Vous aimez les thrillers ? Vous bavez devant une série policière bien réalisée ? Vous débattez avec ardeur de la notion justice ? La remise en question ne vous fait pas peur ?
Death Note est fait pour vous ! Cette œuvre vous fera ressentir des émotions fortes jamais ressenties auparavant.

Suivez la bataille psychologique entre le plus charismatique, fascinant et effrayant des lycéens japonais dans sa quête de purge du mal. Sans oublier L, un enquêteur surdoué, intrigant et avide de justice. Votre notion de moral n’en ressortira pas indemne… et vous aussi.

Mouche – Photo ©brunoaleas

Mangas à lire une fois dans sa vie Part 1

Les mangas ? Pourquoi faire ? Ca se mange ? Posons la bonne question. Souhaites-tu lire d’incroyables bédés japonaises ? Même si tu n’y connais rien, même si tu ne sais pas où commencer, découvre nos livres, ou plutôt, des œuvres cultes.

Pluto Naoki Urasawa

Court et magistral.

Pluto est un chef-d’œuvre incomparable, combinant parfaitement les talents de 2 des plus grands génies de la bande dessinée japonaise.
Il s’agit de l’adaptation moderne d’une histoire culte d’Astro, le petit robot d’Osamu Tezuka, considéré par beaucoup comme étant le père des mangas.

L’histoire est absolument palpitante. La manière dont le mystère est amené fait vibrer les mains du lecteur, accélère le rythme des yeux et des mains. Je n’ai peut-être jamais lu aussi vite de ma vie. C’est avant tout un récit extrêmement touchant. Naoki Urasawa réutilise les thématiques de Tezuka avec une main de maître, les faisant résonner. La guerre, l’identité, le devoir, autant de thèmes sont abordés avec tant de tendresse et de mélancolie, mais aussi avec beaucoup d’intelligence. Il est certainement impossible de ne pas verser quelques larmes tout au long du récit.

Battle Royale – Masayuki Taguchi

Culte.

Je place Battle Royale dans cette liste car je considère cette œuvre comme culte incontournable. Ce manga n’est pas parfait. Néanmoins, sa prémisse fut tant réutilisée dans tant de médias différents que je pense qu’il serait une grave erreur, pour tout aficionado de récits d’action/thriller, de ne pas ajouter cette référence à leur grille de lecture.

Battle Royale est d’abord un roman, mais c’est son adaptation en manga, puis en film, qui l’a rendu culte. Les personnes n’ayant vu que le film, vous ratez beaucoup de choses ! Le manga décrit beaucoup plus en détail le parcours et l’histoire de chaque personnage. Il est aussi beaucoup moins mesuré dans la violence des événements, rendant l’expérience encore plus troublante et mémorable.

One Punch Man – Yusuke Murata

Des dessins divins.

Si je dois vous recommander une seule œuvre dont les dessins m’époustouflent, c’est One Punch Man. Certes, Berserk aurait été la suggestion facile, et d’autres mangas sont aussi bien dessinés.
Mais Yusuke Murata a un sens de la démesure qui ne manque jamais de m’époustoufler. Cette sensation de vertige lorsqu’une fresque gigantesque survient sans prévenir, au détour d’une page, est toujours aussi exaltante.
Le scénario n’est pas en reste. One, à la manière de Tatsuki Fujimoto, est un écrivain audacieux, trouvant toujours des idées jamais vues. En tout cas, on ne s’ennuie jamais !

Pierre Reynders – Photo ©brunoaleas

Notre sympathie pour Denji

Depuis quelques années, un manga apparaît comme une dinguerie. Chainsaw Man conte l’histoire de Denji. Héros malgré lui, le jeune homme se lance dans la chasse aux démons pour survivre. Assez pauvre. Quasi inculte. Denji est un protagoniste fascinant. Il fusionne avec son chien. Du jour au lendemain, il devient l’Homme Tronçonneuse ! Le jeunot suit alors les ordres de Makima et affronte les menaces aux côtés de Power.

Plus le temps passe, plus une question m’obnubile. Comment se fait-ce qu’un tel paumé soit si attachant, alors que la seconde partie du manga est moins palpitante que la première ?

Primo, nous sommes ses yeux. Comment ? Les lecteurs découvrent littéralement la folie qui s’offre à Denji. L’univers construit par Tatsuki Fujimoto est renversant. Rien n’est acquis. Des liens se font et défont. Des relations se créent et s’annihilent, en un rien de temps. Denji subit énormément de tragédies sans jamais perdre son énergie. Soudain, il devient notre envie de foncer droit dans le feu. Comme si les chapitres symbolisaient aussi notre percée dans le monde si taré du mangaka !

Secundo, l’adolescent ne suit pas exactement le parcours du héros théorisé par Joseph Campbell. Pourquoi cet auteur fut connu ? Pour son analyse du parcours héroïque des récits littéraires. S’il fallait le résumer, définissons 3 étapes : séparations, initiations, retour.
Revenons à notre blondinet. A aucun moment, au début de son aventure, se vit une initiation. Nul mentor rencontré. Inconsciemment, nous ressentons une certaine sympathie pour ce mec qui part de rien… dont les actes sont ensuite vénérés par le peuple sauvé !
En d’autres mots, Denji est livré à lui-même. Makima n’est pas une figure protectrice. Power n’est pas un ange gardien. Dès lors, l’enjeu est prononcé. A qui faire confiance ? Au fil de la lecture, la réponse semble effrayer…

Ces 2 raisons font la force de l’œuvre ! Denji est un personnage plutôt inoubliable, tant ses désirs sont d’une simplicité déconcertante : baiser et manger. Des désirs à assouvir au sein d’une société imprévisible. Des désirs nous rappelant que la normalité est bien relative.

Peut-être que je suis devenu un Chasseur de Démons pour une raison vraiment superficielle… mais je suis prêt à mourir pour continuer à vivre comme ça. -Denji

brunoaleas – Illustrations ©Tatsuki Fujimoto

Cycle de l’enfance : Digimon

L’enfance est sacrée. Parfois, on s’éloignait des codes et obligations imposés par la société… une particularité phénoménale. Certaines œuvres dépeignent les enfants comme des êtres à part. Découvrons des titres américains et japonais !

Aucun générique ne me plonge dans un sentiment de nostalgie comme celui de Digimon.

Digimon, beaucoup s’en souviennent, parfois avec cynisme, comme une pâle copie de Pokémon, créée pour vendre un maximum de jouets. Et vous savez quoi ? Je ne peux pas vraiment réfuter ces accusations.

Imaginés en 1997 pour offrir une version plus « garçon » des Tamagotchis, tous les produits dérivés, que ce soient les dessins animés, cartes ou jouets, sortent juste après le succès phénoménal de Pokémon. Il s’agit de 2 franchises dont le principe est de collectionner un maximum de petits monstres colorés, de les faire s’affronter… après tout, la comparaison est légitime. Mais clairement, Digimon a toujours eu un je ne sais quoi de différent à mes yeux. Il y a là, un design plus cru, organique et belliqueux des créatures : là ou Pokémon réalise énormément de mascottes et d’animaux colorés avec l’occasionnel dragon, Digimon est plutôt du genre à présenter des dinosaures, machines et anges en armure.
Mais si je considère vraiment cette franchise comme celle qui m’a le plus marquée dans mon enfance, c’est aussi grâce aux messages transmis par ses médias. Ils ne sont pas les mêmes que ceux de la concurrence.

Pour le comprendre, penchons-nous sur le dessin animé, et plus précisément la saison 1 et 3. Décrivons les raisons qui m’ont tant marquées.

Première saison : l’ode à l’enfance

Le tout premier dessin animé de Digimon se nomme Digimon Adventure. Il raconte l’histoire de 7 jeunes enfants transportés dans le Digi-monde. Complètement démunis dans ce monde sauvage et plein de dangers, ils rencontrent chacun un compagnon Digimon, et grâce à la force de leurs amitiés, les enfants permettent à leurs compagnons d’évoluer en de puissants monstres. Ces êtres seront alors capables de rétablir l’ordre dans un Digi-monde en proie au chaos.

Digimon Adventure est sorti en 1999, donc imaginez le coup de vieux. Eh oui, les 10 premiers épisodes n’ont qu’une vocation : montrer le plus d’évolutions possibles, afin que les enfants puissent reconnaître quels jouets acheter en magasin. Le scénario se répète en boucle. Les jeunes protagonistes arrivent dans un nouvel endroit, ils se font attaquer par un Digimon maléfique, et un Digimon gentil évolue pour le battre. Néanmoins, une fois la première partie achevée, les choses sérieuses commencent !

Contrairement à Pokémon, qui reste un road trip où très peu de choses se passent, où les épisodes ne sont reliés que par de faibles fils narratifs, Digimon ressemble beaucoup plus à un anime contemporain. Il y a de l’action, du drame, des antagonistes complexes, et même des personnages qui meurent ou se sacrifient !

Bien qu’à la base ce soit une franchise multimédia dont le but est commercial, les créateurs décident d’y mettre de l’attention, de ne pas prendre l’audience pour des bébés.

Je me souviens à quel point tomber sur cette fiction me rendait hystérique, lorsque j’étais petit. J’avais l’assurance qu’à chaque épisode, on notait un moment assez épique. Même quand tout semblait perdu, le héros du jour allait trouver la force en lui de changer, s’améliorer, et par la même occasion, permettre à son partenaire Digimon de se digivolver en un monstre puissant et majestueux. Ces scènes me remplissaient d’émotion.

Les jingles accrocheurs, la musique, tout était parfait. Des thèmes sont mis de côté. On ne contemple pas l’entraînement ou l’acquisition de force physique qui fait progresser les héros, mais bien l’amélioration de soi. Le récit me donnait l’impression que tant que je continuais de grandir, d’apprendre, rien n’était impossible.

Les liens d’amitié unissant les héros et leurs Digimons étaient si forts, si purs. C’est aussi ce genre d’idéal qui représente l’enfance à mes yeux. Trouver de la simplicité et de la force dans les jolies choses de la vie.

Lors d’une phase de la série, les héros apprennent qu’ils possèdent tous une qualité unique. Ils doivent la développer pour renforcer leurs Digimons. Le courage, la fiabilité, la gentillesse, etc. Trouver de la force dans nos propres qualités, dans ce que nous pouvons apporter aux autres, n’est-ce pas une valeur magnifique à inculquer ?

Troisième saison : ne pas avoir peur des sujets graves, quand on parle aux enfants

Si la toute première saison reste un doux souvenir nostalgique, intrinsèquement lié à mon enfance, la meilleure chose arrivée à Digimon est sa troisième saison.

Cette nouvelle partie commence déjà avec un parti pris intéressant. Faire table rase, se détacher presque complètement des premières séries. La série débute dans notre monde, où Digimon, et surtout le jeu de cartes associé, sont bien connus de tout enfant. 3 protagonistes feront cependant la rencontre, dans leurs quartiers, d’un partenaire Digimon.
Dès lors, ils devront sauver leur ville de diverses menaces, des Digimons apparaissant mystérieusement près de chez eux.

Une prémisse très simple qui, bien sûr, sert avant tout à introduire de nouveaux monstres et jouets, sauf que ! Cette nouvelle série est scénarisée par Chiaki J. Konaka, aussi connu pour l’iconique Serial Experiments Lain, une série cyberpunk, qualifiée aussi de thriller psychologique !

Digimon Tamers a donc la chance d’être beaucoup plus qu’une série pour enfants. On y retrouve tout ce qu’on recherche dans Digimon : de l’action, de l’amitié, des personnages devant faire face à leurs peurs et défauts pour triompher. De plus, des thématiques très graves sont abordées. Les sacrifices qu’on est prêt à faire pour l’ambition, la maltraitance, le deuil, la vengeance. Parfois présentée de manière sombre et sérieuse, la série ne prend pas de pincettes. Elle aborde ces thèmes de manière crue et mature. Mais le plus étonnant, c’est lorsqu’un personnage meurt et que son partenaire, déjà accablé par un deuil et une relation difficile avec sa famille, perd complètement les pédales, noyé par le chagrin. Ces séquences sont parfois dérangeantes. Digimon Tamers prend le risque de raconter un vrai récit dramatique, d’aller bien plus loin que les autres séries franchisées pour enfants. Ces scènes ne me quitteront jamais. Elles m’offrent la conviction que certaines sensations m’accompagnent jusqu’à maintenant : la tension et impression palpable des héros. Ces mêmes personnages ont quelque chose à perdre, à apprendre dans chaque situation.

Aujourd’hui, la franchise continue d’évoluer. Elle semble suivre la maturation de ses fans de la première heure. Ils viennent de sortir un jeu vidéo alliant visual novel et jeu de stratégie. L’ambiance est plus sombre (Digimon Survive). Les créateurs sont en train de lancer un nouveau jeu de cartes à jouer/collectionner plutôt compétitif, rempli d’allusions très nostalgiques des débuts de la série. Voilà une franchise qui sait utiliser le transmédia pour faire plaisir à ses fans.

Run faster than the wind !
Aim farther than the skies !
You can meet a new you
Unknown courage sleeps in your heart, and when you realize
The downpour in your heart
Will surely stop… show me your brave heart

Pierre Reynders