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Qu’en restera-t-il ?

Qu’en restera-t-il ? C’est la question qui suit l’ensemble du documentaire réalisé par Hugo Pillard. Tim Dup essaye d’y répondre. Difficile de traiter de sa musique. Ce jeune Français émeut énormément. Difficile de poser des mots sur des chansons riches d’une poésie rappelant le romantisme d’antan. On y retrouve souvent des thèmes évoquant la futilité des choses, l’importance des souvenirs ou tout ce que la vie a de plus doux et amer.

Tim Dup est chanteur d’une mélancolie heureuse.

En 15 minutes, il voyage, rencontre et découvre. Ses expériences nourrissent l’essence de son second album. Mettre en images ces instants passés, tel est le défi. L’émotion se veut partagée. Celle devant des paysages qui nous dépassent. Celle accompagnée des personnes aimées. Voyager devient synonyme de grandir. Le corps se déplace, évolue, emportant avec lui une culture parfois inconnue à ses yeux.

Et au moment où la beauté des séjours exotiques nous transcendent, nous avouons notre petitesse. L’artiste nous susurre que nous sommes de passage. Des poussières perdues dans l’infini. Une hantise qui définit notre mortalité. Comme si notre destin est de laisser des traces indélébiles derrière nous. Pourtant, qui croit connaître le sens de l’existence ?

Qu’en restera-t-il ? laisse peser ce brouillard. L’art embellit le mystère.

Se dire qu’on ne fait que passer, c’est vivre. C’est vivre chacun et chacune avec ses armes comme on peut. Mais dans un présent. Une réalité sans déraison. Même si on n’est pas grand chose dans ce petit espace-temps qui nous est confié, on est tout. Et alors, on raconte des histoires. On prend des shots avec les gens qu’on aime. On écrit des poésies dans l’espoir qu’elles puissent s’envoler au-delà des stratosphères. -Tim Dup

brunoaleas – Photo ©Hugo Pillard

Noel Gallagher vs Liam Gallagher

Noel et Liam Gallagher sont notamment connus pour avoir joué dans Oasis. Depuis leur séparation, des mélomanes fantasment une reformation. Noel a dernièrement laissé penser qu’il s’y consacrerait en 2022. Je n’ai rien d’un fan désespéré du groupe. A choisir, je préfère mille fois Blur, bande rivale. Goût du risque. Provoc’ intelligente. Vive Blur. Oasis a tout de même influencé le paysage rock 90’s.
Désormais, les frères mancuniens se vannent à distance et continuent de jouer de la musique dans leurs projets respectifs. Mais qui des deux diablotins mérite v
raiment l’écoute ?

Classicisme vs anti-nostalgie

Liam Gallagher représente le plus les sonorités Oasis. Cette flamme rock perdure à travers ses albums. Cependant, il ne sort en aucun cas de sa zone de confort et produit ce qu’un groupe de rock exécute de plus basique, à savoir le bon vieux couplet/refrain/couplet just wow . Difficile pourtant de critiquer un morceau tel que ‘One Of Us’. Pourquoi cracher sur de mélodieux violons et un chant fédérateur ? Sans oublier ‘Shockwave’, rappelant que les Gallagher, tout comme Alex Turner et Miles Kane, font partie des héritiers directs des Beatles.

Noel Gallagher, lui, s’éloigne de son frère, en proposant une sauce bien plus perchée ! Parfois planant, souvent dansant, son troisième opus, Who Built the Moon ? (2017), est une réussite. Chaque partie instrumentale de l’album est soignée. On a l’impression que toute personnalité y ayant participé s’est totalement lâchée. Il sonne telle une bande originale d’un James Bond, version asiatique, sous acide. ‘The Man Who Built the Moon’ est à des années lumières d’un Liam Gallagher devenu une caricature d’Oasis. A chaque écoute, la chanson tient en haleine. Ses notes allongées et torturées se fondent parfaitement aux chœurs, ainsi qu’à une reverb ambiante. Son atmosphère en est d’autant plus grandiose !

Personnalité zéro

On se fout des déclarations polémiques des deux frangins. On ne juge pas l’homme en dehors de son art. Même si, entre-nous, je ne souhaite pas aller boire un verre avec ces grandes gueules. Par contre, si j’ai l’occasion d’embarquer vers un concert psychédélique de Noel, alors, pourquoi pas ?

brunoaleas – Illustration ©Dibbs Clothing

Sorry – Snakes

Nous ne voulions pas faire un album de rock. D’ailleurs je n’aime pas trop nos premiers singles grunge…Asha Lorenz

La chanteuse de Sorry s’exprime ainsi au sujet de leur album à venir, 925. Elle-même et le guitariste Louis O’Brien attirent l’attention pour un tas de raisons.
A la base, ils étaient en compétition. Ils postaient des morceaux sur Soundcloud en tant que rivaux. Ces jeunes Londoniens ont ensuite assemblé leur force afin de former Sorry. Ils ont vite partagé la scène avec d’autres groupes du Sud de Londres (Shame, Goat Girl ou encore HMLTD).
Bref, au lieu de bûcher à l’unif, ils ont passé leur temps libre dans leurs chambres jouant de la musique ensemble.

Le jeu électrisant d’O’Brien et la nonchalance vocale de Lorenz participent à créer un univers particulier. A l’écoute de Snakes, on étouffe aussi bien avec la guitare qu’avec la batterie. Cette dernière délivre des coups emplis d’échos, comme si son enregistrement s’était déroulé dans un hangar désaffecté. Cette angoisse permanente nous traverse également via les paroles.

And every time I made you cry
I was crying too

Right Round The Clock démontre que les deux membres savent fusionner leurs voix avec brio. Des chants en partie de ping pong, portés par un saxophone enrichissant les mélodieux piano, basse et guitare.
Quant à Rock’n’Roll Star, il clôt l’EP sur une touche positivement virulente ! Un saxo qui n’est jamais de trop. Une batterie d’une très bonne vivacité. Et une voix qui passerait crème dans un bar miteux. Prions pour que la chanson soit transmise dans une saison de True Detective !
La capitale anglaise grouille de futures pépites musicales. On mise sur Sorry. Des sonorités qui se rapprocheront d’une pop malsaine.

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King Krule – Man Alive!

Le premier album est souvent le meilleur. Le second confirme si tel artiste ou tel groupe demeure talentueux. King Krule en est à son troisième opus. Man Alive! se compose de 14 morceaux qui ont la force de mêler plusieurs genres musicaux (dub, jazz, electro, etc.). Tellement iconoclaste que Mowno pose l’étiquette « indie philosophique » au disque. Autant dire qu’on n’est pas les seuls à fumer la moquette.

Archy Marshall (de son vrai nom) revient après une longue période d’absence. En novembre 2019, il nous balançait déjà de quoi nous guérir le mental: un court métrage nommé Hey World!, réalisé par sa compagne Charlotte Patmore et lui-même. On y découvrait 4 titres inédits, enregistrés à l’arrache, dans des décors typiquement anglais. Il y avait de quoi saliver quant à l’attente d’un nouveau projet, même si les 4 morceaux étaient présentés de façon claquée. Mais c’est aussi pour cela qu’on aime ce Roi du spleen britannique. Ne venez pas nous ennuyer à résumer ses productions d’attrape-hipsters. King Krule a un style… Et quel style !

Man Alive! s’ouvre avec un morceau fort dynamique, porté sur une paranoïa (« Cellular »). L’observation d’un monde qui s’écroule. Encore une preuve que ses habituels accords jazz collent parfaitement à ces sons electros, bizarroïdes, envahissant l’auditeur du début à la fin. On continue notre traversée via plusieurs chansons plus sombres les unes des autres. Comment oublier « Stoned Again », où une voix caverneuse nous chante les déboires d’une jeunesse chaotique ? King Krule fonctionne comme un Andy Shauf (artiste folk de talent).

L’important, c’est d’accrocher l’auditeur dès la première ligne. Mais aussi de vivre ce que tu écris. C’est pour ça que je passe beaucoup de temps seul, à l’extérieur, dans un bar ou autre, à écouter et à regarder ce qu’il se passe autour de moi. Sinon je ne peux pas en parler.King Krule

« Comet Face », lui, est une véritable poussée d’adrénaline bercée par un saxophone endiablé et une basse sortant d’un cartoon maléfique.

A chaque fin de morceau débute la musique de la piste suivante. Comme si tout coulait de source. Comme si on ne pouvait pas changer la liste proposée. Du feu infernal des 4 premiers titres à la glace paradisiaque du reste de l’album.

« The Dream » marque un point de rupture. C’est à se demander si le chanteur n’a pas appris qu’il allait devenir père à ce moment-là de la conception de l’opus. En effet, la suite nous réserve une déclaration d’amour envers sa femme et sa fille (« Perfecto Miserable »), et un cri d’optimisme lancé à ce monde cruel (« Alone, Omen 3 »).

« (Don’t Let The Dragon) Draag On » a moins de puissance que le reste de Man Alive! à cause de sa boucle d’accords répétée encore et encore. Mais ce qui arrive par après amène à planer. « Underclass » représente la classe king krulienne par excellence. On saisit là toute l’adoration jazz de l’artiste, grâce à un saxophone qui se lâche de façon hyper mélodieuse (tel un orgasme tant attendu !).

Man Alive! est un savant mélange du premier et second album d’Archy. La noirceur de 6 Feet Beneath the Moon (2013) et l’expérimentation de The OOZ. L’aboutissement d’une grande force musicale enfin reconnue. Maintenant, une seule question se pose…
Qui sera prêt à détrôner le Roi ?

DRAMA  Illustration ©Sound of Brit / Man Alive!

fuck covid-19

On ne pouvait pas rester les bras croisés. Ce foutu coronavirus peut vite rendre paranoïaque. C’est pourquoi, il était évident qu’on vous préparait une playlist afin de vous remonter le moral. Partons du principe que la musique est souvent un remède aux maux de nos sociétés. 13 morceaux vous sont alors offerts pour danser, vous relaxer ou planer en quarantaine!
Des Cranberries à Eté 67. De Billy Joel à Amandine Bourgeois.
On espère que vous prendrez votre pied comme lorsqu’on a conçu cette liste.
Spéciale dédicace à Classic 21, une radio vraiment inspirante.

DRAMA
Illustration ©L’Internaute / Jim Carrey

Dark Waters, ou la culture de la claustrophobie

En termes de cinéma, on pourrait qualifier l’année 2019 d’« année de la claustrophobie ». Ce courant esthétique, né il y a quelques années, ne cesse de se réinventer en proposant bon nombre de prisons différentes. Le seul désir des héros de ces films est de s’en échapper pour retrouver l’air libre. Ces prisons peuvent être physiques (The Lighthouse), sociales (Joker), relationnelles (Marriage Story), ou culturelles (Midsommar). Cependant, elles se ressemblent en plusieurs points: elles sont épouvantables, mais le héros y entre de son plein gré.

Peut-être pourrions-nous en apprendre plus sur ce courant en jetant un œil à un des premiers succès critique de l’année: Dark Waters de Todd Haynes.

Nous sommes en 1997 et l’avocat Robert Bilott est employé dans la défense d’une immense industrie chimique. Mais un éleveur de son village natal va voir toutes ses vaches mourir les unes après les autres. L’avocat réalisera immédiatement que ces mortalités sont dues à un déversement chimique à proximité, commandé par sa propre firme.

Bilott va tenter de prouver la nocivité de ces déchets. Il va s’acharner en dépit de sa propre santé mentale pendant 23 ans, aujourd’hui encore. Il passera toute sa vie à se battre seul contre une firme puissante qui va tout faire pour prouver la non-nocivité des déchets, malgré les preuves accablantes.

Et c’est ici que se trouve le principal point négatif du film. Nous pensions finie l’ère des « vilaines corporations contre le petit peuple », mais cette tradition manichéenne subsiste encore dans certains films, comme Dark Waters. Le scénario en souffre puisque sans croyance morale solide pour l’adversaire, le conflit perd toute nuance, toute ambigüité.

Dark-Waters-film-Todd-Haynes©Le Rayon Vert

Mais outre cela, le principal intérêt du film ne concerne pas l’histoire, somme toute banale, mais la manière dont elle est racontée. Et pourquoi elle est racontée de cette manière.

Difficile en effet de faire plus claustrophobique que Dark Waters. L’histoire, par la manière dont elle est montée, cadrée, et écrite, est un véritable cauchemar. Le film est une terreur sans conclusion, vu qu’actuellement, Billot combat encore pour la même cause.

Lorsqu’on visionne Dark Waters, on vit un véritable enfer. On veut s’échapper pendant toute sa durée. Puis, on en sort, mais l’enfer n’est pas terminé, étant donné que le film n’a pas de conclusion. On se rend compte alors que c’est le monde réel, comme prolongement du film, qui est un enfer. Telle est une interprétation du métrage.

Si on le prend à l’image d’un miroir du monde réel, comme il est perçu, on est en droit de se demander si ce n’est pas aussi le cas pour tous les films claustrophobiques sortis ces derniers temps.

Ce courant esthétique peut être compris comme un reflet de notre réalité. Rempli de personnes cherchant une issue, une fin, une solution aux problèmes de plus en plus complexes qui parcourent notre humanité.

Si des films comme Joker ou Parasite, deux des plus grands succès de 2019, traitent de ces thèmes, Dark Waters l’aborde sous un angle plus direct. Il retraduit à merveille l’ambiance de son époque, ses préoccupations et ses angoisses.

Lou – Illustration bannière ©CHEM Trust