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Conclave

Le film Conclave (2024), réalisé par Edward Berger et adapté du roman éponyme de Robert Harris, est un thriller politique captivant, se déroulant au Vatican. Il met en scène Ralph Fiennes dans le rôle du cardinal Thomas Lawrence, doyen du Collège des cardinaux, chargé de superviser l’élection du nouveau pape à la suite du décès soudain du souverain pontife.

Alors que les cardinaux sont réunis en conclave, l’arrivée inattendue de Vincent Benitez, un missionnaire mexicain, récemment nommé cardinal en secret par le défunt pape, suscite la surprise. Au fil des délibérations, Lawrence découvre des scandales de corruption impliquant certains candidats, notamment des achats de votes, ce qui ébranle la confiance au sein du Collège.

La clé pour diriger l’Eglise

Le mot « conclave » vient du latin conclavum, qui signifie littéralement « pièce fermée à clé ». Ce mot est lui-même formé de « con » un préfixe latin signifiant « avec » ou « ensemble » et de « clavis » : signifiant « clé ».

A l’origine, aucun mode de scrutin n’était prévu pour l’élection du Saint-Père. Au Moyen-Âge, Après la mort du pape Clément IV en 1268, l’élection de son successeur dura près de trois ans, à Viterbe. Les cardinaux étaient indécis, et les factions divisées. Face à cette impasse, la population locale et les autorités en vinrent à enfermer les cardinaux, à réduire leurs rations de nourriture, voire à retirer le toit du palais pour accélérer leur décision.

Le pape Grégoire X, élu à l’issue de ce conclave chaotique, promulgua en 1274, lors du concile de Lyon IIj la bulle Ubi periculum. Ce texte établit formellement les règles du conclave.

Le Conclave est ainsi, d’une certaine façon, la clé pour diriger l’Eglise. En effet, ce scrutin permet d’élire le successeur de Saint-Pierre donc celui qui dirigera l’Eglise.

Le poids de la responsabilité

Dans le film, l’attitude du cardinal Thomas Lawrence (Ralph Fiennes) illustre parfaitement le caractère grave du Conclave. En tant que doyen des cardinaux, il est à la charge de la bonne tenue de l’élection. De ce fait, repose sur ses épaules, l’avenir de l’Eglise catholique.

Cette responsabilité, comme spectateur, nous la ressentons particulièrement dans la scène d’ouverture. En effet, dans cette dernière, le cardinal Lawrence est en train de se rendre vers les appartements du défunt Pape pour attester de son décès. Nous voyons successivement les scènes suivantes : le cardinal Lawrence de dos respirant fortement à l’instar d’une personne angoissée ; la caméra se fixe ensuite sur sa main qui sert fortement sa mallette et ses fortes respirations continuent ; dans l’ascenseur, il s’agrippe par la suite sur sa calotte ; son visage, très grave, apparait enfin sur l’écran.

Le spectateur pourrait être tenté d’attribuer ce stress à l’annonce du décès du Saint-Père. Mais, selon nous, la responsabilité d’être le garant de la bonne conduite du Conclave est la cause du stress qui l’habite dans les premières minutes du film.

Un choix politique ou spirituel ?

Le Conclave a la particularité d’être une investiture tant politique que spirituel. Edward Berger, à notre sens, s’est énormément concentré sur l’aspect politique, au détriment du spirituel. En effet, bien que le choix du Pape soit hautement politique, car il assure également le rôle de chef d’Etat, il demeure néanmoins la plus haute autorité de l’Eglise catholique.

La dimension religieuse transparait quand est mentionnée la lutte entre conservateurs et progressistes. Cependant, j’aurais aimé voir comment le fait religieux influence les cardinaux électeurs, lors des votes.

En effet, différents facteurs peuvent influencer les cardinaux dans leurs choix. Ceux mis en avant par le réalisateur sont intéressants, mais demeurent trop « temporels » et pas assez de l’ordre de la croyance. Par exemple, le cardinal Lawrence veut écarter un candidat, car celui-ci est trop conservateur. Il aurait été intéressant, dès lors, d’expliquer en quoi ce cardinal était trop conservateur par rapport aux dogmes catholiques. Or, Edward Berger choisit d’expliquer son conservatisme seulement du point de vue de l’ouverture ou non de l’Eglise aux autres religions.

En somme, Conclave est un très bon film sur les intrigues du Vatican, pas un film sur l’Eglise catholique.

Fortuné Beya Kabala

Fight Club

La violence est partout. Difficile de le nier. Les règles d’un système voué à te faire payer ou la dureté de la vie, avec son lot de meurtres et d’accidents, ces épreuves sont parfois trop nombreuses.

Fight Club l’illustre tellement bien. Ses propos sont toujours d’actualité. Encore aujourd’hui, son récit reste fascinant. On y suit un jeune expert en assurance. Il est insomniaque, mais aussi désillusionné par sa vie personnelle et professionnelle. Ce Narrateur rencontre, par hasard, Tyler Durden, figure à la fois énigmatique et chaotique. Ensemble, ils fondent le Fight Club. Ils y organisent des combats clandestins, destinés à évacuer l’énergie négative des participants.

Globalement, ce long métrage est une critique du consumérisme. Le sang coule, le temps d’avouer notre petitesse face à notre confort. Il dépeint également une brutalité sociale, où le seul exutoire possible devient la baston pure et dure. Saigner pour exister. Se sentir vivre à travers coups et blessures.

Dès lors, il ne reste plus que cette échappatoire pour fuir les chaînes du capitalisme. Aujourd’hui, qui se plaint de son Iphone ? Comment s’en sortir sans bagnole ? Quel alien ne désire pas la 5G ?!
Fight Club fait un bien fou. Il démontre ô combien tout est calculé afin que les dominants tracent le chemin des dominés. Comment atteindre l’objectif ? Ecrire et inventer des personnages charismatiques. Le journaliste Aurélien Lemant développe l’idée. Il considère le réalisateur comme un passionné de loups solitaires. Si passionné, qu’il est prêt à les filmer. Il va plus loin !

La propension à s’identifier aux personnages, ces êtres déphasés, toujours solitaires, ouvre un passage. Car aussi saturé que soit l’étoffe, dont David Fincher conçoit ses films, le train-train de ses personnages, lui, suppure un vide à investir. Et c’est là que germe toute la sensibilité du réalisateur. Tous ses personnages finissent par ruminer la vacuité de leur vie privée devant un réfrigérateur ou à rêvasser seuls, cloitrés dans leur logement désert. Leur consistance ne tient qu’à leur quête obsessionnelle.

A. Lemant (La Septième Obsession, n° 31)

Figh Club apparaît donc comme un pamphlet à lire. Ou plutôt, comme une prise de conscience nécessaire pour les esclaves du métro-boulot-dodo. La vie est trop courte pour subir autant d’obligations. Puis, si la philosophie de Tyler Durden est si démente, c’est parce qu’il symbolise aussi bien un agent du chaos, qu’un esprit libre.
Imaginez. Nos habitudes sont dictées par des multinationales. Alors, on concocte des bombes, bousille les antennes et baise les banques. Changer nos habitudes est parfois synonyme de liberté.

En 2020, je pars découvrir l’œuvre, une seconde fois. Un pigeon bourré de laxatifs me chie dans le coup, avant la séance prévue au Churchill (Liège)… je repense aux paroles de Dick Tomasovic, prof de cinéma, présentant le film devant le public : « En ces temps troubles, on voudrait tous d’un Fight Club dans sa cave ». Qu’écrire de plus ?

PS : Voir une pareille tuerie, une deuxième fois, est une incroyable expérience. L’art de savourer une écriture toujours aussi folle.

brunoaleas

Marion Fritsch Interview

L’amour alimente le moteur caché en nous. Depuis 2020, Marion Fritsch partage ses poèmes sur le thème, via Instagram. L’année dernière, elle publie son premier livre, Les Fragments du Cœur. Rencontre à Paris avec l’artiste lucide et fière de ses écrits !

Les Fragments du Cœur présente 4 chapitres, une histoire d’amour divisée en 4 saisons. On commence par l’automne. En lisant tes poèmes, on entre dans ton intimité, la description de ton quotidien. A quel moment t’es-tu sentie prête à exposer ce style de poésie ?

Ma force, c’est que je ne me suis jamais posée de questions sur ce sujet. Je ne me disais jamais que c’était intime. Pour moi, c’est avant tout de l’écriture.
Finalement, pour moi, l’écriture, c’est comme une excuse. On s’autorise à pouvoir parler de choses extrêmement intimes parce que c’est avant tout de l’art et de la poésie. Et donc, c’est plus grand que moi et ma propre petite vie. Je suis juste le témoin de quelque chose qui me traverse, en l’occurrence, une émotion et un sentiment amoureux qu’on a tous connu, connaîtra, ou qu’on connaît. En fait, j’en suis une simple témoin. Je ne me demandais pas du tout comment en parler, sans que ça m’expose trop. Parce que ce n’est pas moi.

Tu préfères les œuvres où les auteurs illustrent leur intimité, facilement.

J’ai une appétence pour l’autofiction. J’aime beaucoup l’écriture au plus proche du réel, au plus proche de ce qui se passe, autant dans les faits que dans le ressenti intérieur. J’aime lire la façon dont le banal de cette vie nous traverse et ce qu’il en reste, ce que ça fait naître. Oui, j’aime beaucoup cette écriture de l’ordinaire.

Passons à la suite, l’hiver. A la page 89, tu écris : « Je me moque bien de l’avenir. C’est ennuyeux l’avenir. Moi ce que je veux c’est vibrer, voler ». Je me suis très vite arrêté sur ces phrases. Se moquer de l’avenir, c’est aussi ne pas vouloir contrôler. Crois-tu que les jeunes couples confondent aimer et contrôler ? A-t-on affaire à des personnes qui ne savent plus se surprendre ?

Cette phrase, elle m’est venue, en rencontrant une personne très légère, très volage, très relax, qui ne voulait rien calculer, qui voulait juste vivre, ici et maintenant. Elle ne communiquait pas, ne verbalisait pas et était très fuyante.
C’est tout l’inverse de moi. Je vais toujours vouloir contrôler. Ça me mettait vachement en souffrance. A un moment dans la relation, il faut, quand même, un petit peu de solide. En tout cas, à l’âge qu’on avait mutuellement, moi, ça me paraissait assez normal. Je pense que dans cette phrase là, ce que j’aborde, c’est aussi quelque chose de très générationnel. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, pour les nouvelles générations, c’est un peu tabou de parler de choses sérieuses. Il faut que les discussions restent très légères, même si c’est sérieux, en réalité. Il ne faut pas qu’il y ait trop de mots posés sur la relation. Effectivement, je pense que non, aimer, ce n’est pas contrôler. Mais on a des croyances dans cette société. Tout comme des normes sur ce qu’est le couple. Elles nous invitent à penser que l’amour, c’est être dans le contrôle et que l’amour équivaut à un cadre, celui du respect. Les nouvelles générations se confrontent entre ces croyances et ce couple très normé, la monogamie, face à cette nouvelle façon d’aborder l’amour qui est sans statut, sans propos, très ouvert, très léger.
Et qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce donc l’amour, actuellement ? Qu’est-ce qui est sain ? Qui a raison ? Qui a tort ? Il n’y a pas forcément de réponse. Ça se heurte. Ça fait des histoires comme Les Fragments du Cœur (rire).

Le regard des autres. Ce thème n’est pas tant exploité dans le livre.

Je ne me suis jamais souciée du regard des autres. Lors de l’écriture, je n’avais rien à prouver. Si on n’a rien à prouver, on peut se détacher de la pression sociale. J’ai des valeurs et idéaux découlant d’un schéma familial. Inconsciemment, j’ai vu ensuite l’amour et désamour, selon mon idée du couple monogame et banal. Je ne suis pas enfant de parents divorcés. Je ne sais pas comment vivent ces enfants. Ils ont peut-être un rapport à l’amour et aux relations beaucoup plus ouvert, voire, désengagé. On ne sait pas à quel point une rupture peut nous impacter. En tout cas, quand on aborde l’amour, on l’explique bien plus d’après notre enfance. Et bien moins selon la question sociale. 

C’est l’heure du printemps. Page 128 : « Je rêve chaque jour d’être consolée, par la même personne qui m’a brisée ». Et page 15 : « En premier lieu, tu tombes toujours amoureux d’une faille qui s’imbrique parfaitement, secrètement, intimement avec la tienne ». Il semble que la boucle soit bouclée. Comme si le physique d’une personne passait en second plan, derrière les faiblesses. 

Quand j’écrivais cette histoire, elle s’inspirait d’une rencontre assez inexpliquée et inattendue, que ce soit physique ou psychique. C’était quelqu’un qui ne correspondait pas à mes attentes. Avec du recul, notre relation reposait vraiment sur nos failles communes. Évidemment, il y a l’admiration de l’autre. Mais il y a aussi, les blessures. Ce sont des blessures qu’on trouve belles. Je crois que c’est ça, l’amour. C’est vraiment quand tu réussis à trouver l’autre beau, même dans ses faiblesses. Ça, c’est pour la première phrase lue. 
Quant à la deuxième, ma meilleure amie dit souvent : « On ne pas être le poison et l’antidote ». Quand je rêve chaque jour d’être consolée par la personne qui m’a brisée, ça se réfère à l’instant où t’es au fond, dans un chagrin amoureux très profond. Néanmoins, tu rêves d’une chose, voir arriver cette personne, qui te fout en vrac, pour te consoler. C’est schizophrénique. Moi, je me revois, et je pense que je ne suis pas la seule, à me faire des films, à presque souhaiter qu’il m’arrive une tuile pour que cette personne puisse débarquer dans ma vie et qu’il y ait prétexte à ce qu’elle y revienne. On l’a tous plus ou moins vécu. Ça nous a tous, plus ou moins, traversé. C’est le propre du chagrin amoureux. Cette personne nous faisant tant sourire et sourire, au début, devient l’objet de tous nos maux.

Terminons avec l’été. Cette saison me rappelle les plages italiennes et Rome. J’ai découvert ton univers via une vidéo publiée sur Insta, quand tu présentais Un amour pour rien. Aimerais-tu écrire comme l’auteur de ce un roman, à la façon de Jean d’Ormesson ?

Je suis dans la poésie. Pourquoi pas se lancer dans un roman. Bref, je n’ai pas fini d’explorer ma poésie pour le moment. Ça ne fait que commencer. L’amour sera toujours quelque chose qui traversera mes textes. Je suis née pour parler d’amour. Pas seulement l’amour amoureux. L’amour, ça, oui. C’était le tout premier sujet qui me qui me venait dans mon début de carrière. C’est un peu le sujet qui nous bouscule tous. Maintenant, j’ai l’impression d’avoir envie de parler d’autres choses. Et je sens que c’est quelque chose qui m’appelle. Il y aura toujours à un moment, une histoire que je vivrai, à raconter amoureusement. Mais je n’ai spécialement pas le désir de reparler de ça. C’est comme si j’avais fait le tour. J’ai l’impression d’avoir complètement essoré le sujet, autant dans le livre que sur les réseaux.

Interview organisée par brunoaleas (2025)

La Rivière donne le sourire ?

La Rivière est le nom de deux musiciennes composant des mélodies entêtantes. Trompette, guitare, piano, elles jouent pour un univers doux-amer. Comme si Pomme et l’Orient n’étaient pas très loin. Leur communiqué de presse nous en apprend davantage. « Je te laisse le Soleil » est un hymne aux périodes de tristesse, d’abattement, pour s’immerger complètement dans ses fardeaux personnels, avec douceur et lucidité.

Le duo belge donne le sourire ? Oui. Le sourire d’une personne acceptant le destin, mais aussi ses aléas. Le sourire d’une âme en peine, ne cherchant pas à savoir quand la douleur s’arrête, mais à surmonter l’épreuve, sans jamais oublier.

Puis, quelle joie de revoir Bini. Cette artiste livre, une fois de plus, une poésie légère. Ses paroles rappellent souvent la pensée de Baruch Spinoza (1632-1677) : il n’y a ni Bien, ni Mal, seulement du bon et mauvais. Vigilance et nuance sont mots d’ordre. Surtout quand de pseudos-érudits s’adonnent à l’essentialisme. L’humain n’est ni bon, ni mauvais par Nature. On laisse à ces individus les oiseaux, les plages, le Soleil, pour méditer sur la complexité de la vie.

Et la musique là-dedans ? Elle demeure un pont entre nos voix et émotions profondes… La Rivière le prouve en une seule chanson.

brunoaleas – Photos ©Lauren Pearson & ©Gaetan Streel

LA DURE A CUIRE #132

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la plus douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist !

TURNSTILE

You move and I swing, you move and I swing
And now my heart is hanging by a thread
Now my heart is hanging by a thread

FRAGILE

Peigner des tableaux de vies avec les gens. Tel est l’objectif du nouveau clip de FRAGILE. On ressent l’urgence, mais aussi, l’envie de danser, sans jamais s’arrêter.

HOON

HOON est l’enfant caché d’IDLES ? Un test sanguin est nécessaire. Ou une collab’ entre les deux groupes. Pourquoi ? Pour le plus grand bonheur de nos oreilles.

Degeyter

Désinvolture. Energie imprévisible. Rock. Voici Degeyter.

brunoaleas

LA DURE A CUIRE #131

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la plus douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist !

Finn Wolfhard

Djo, Maya Hawke, et bien sûr, Finn Wolfhard ne sont pas de simples acteurs. Stranger Things est un show dévoilant de vraies pépites artistiques. Happy Birthday sera le premier album de Mike Wheeler, emdéher. Il sort bientôt. Bref, hâte d’écouter le rock basique, mais accrocheur, de Finn !

The Fearless Flyers

Vulfpeck n’est pas le seul projet gravitant autour des membres. The Fearless Flyers vole grâce aux compositions toujours aussi folles du bassiste Joe Dart et guitariste Cory Wong. Ils sont accompagnés de Nate Smith et Mark Lettieri, autres musiciens géniaux ! Le cocktail est ouf. Au point d’offrir un ticket pour le Moyen-Orient via « The Warped State of… ».

DC Lou

Alerte à tous les fans de Cosmo Pyke et King Krule ! DC Lou n’est pas seulement journaliste chez Jam. Elle dépasse les fréquences radiophoniques pour jouer un rock léger et mélodieux.

elie zoé

Que se passe-t-il en Suisse ? Du beau monde se réunit pour le meilleur. Elie zoé compose un titre en deux parties. « Change my name » partage une énergie indéniable. La recette, la voilà : le jeu à vif du batteur Luc Hess (Coilguns, Beurre), se conjuguant à la mastérisation de Johann Meyer (Gojira, Grammy Awards 2025). De quoi détruire son jardin pour ensuite planter les plus belles roses.

brunoaleas

Amano et l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle… vaste sujet. Progrès scientifique pour certains, malédiction du siècle pour d’autres. Petite clause de non-responsabilité : je ne suis ni pour, ni contre cette nouvelle technologie.

Constatons tout de même la pertinence de l’IA dans la médecine. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale de France nous éclaire. Tentons d’expliquer le rôle des applications de deep learning. Ces réseaux neuronaux artificiels forment de nombreuses couches pour résoudre des tâches complexes. Elles traitent des images.
Ensuite, elles repèrent de possibles mélanomes sur les photos de peau ou dépistent des rétinopathies diabétiques, sur des images de rétines. Leur mise au point nécessite de grands échantillons d’apprentissage. 50 000 images dans le cas des mélanomes, et 128 000 dans celui des rétinopathies. Elles ont été nécessaires pour entraîner l’algorithme à identifier les signes de pathologies. Pour chacune de ces images, on lui indique si elle présente ou non des signes pathologiques. A la fin de l’apprentissage, l’algorithme reconnaît, avec performance, de nouvelles images présentant une anomalie !

Là où l’IA fait mal, se situe en dehors du secteur médical. C’est honteux de l’utiliser pour un vol de données. Par après, les dérives sont nombreuses. Ainsi, combien de personnes clament haut et fort que les robots remplaceront les artistes ?! Trop. Est-ce audible ? Non. Il y en a marre. La force d’un artiste réside dans sa singularité. Personne ne remplacera les aquarelles de Gipi. Personne ne peindra comme Jean-Michel Basquiat. Leur patte est unique. Puis, la machine ne captera pas les subtiles sensibilités des humains, de l’ironie à la tristesse pure.

Un autre artiste me rappelle à quel point un univers ne sera jamais copié à la perfection. L’imaginaire de Yoshitaka Amano est fou ! Il est honoré au Museo di Roma. Je découvre alors l’exposition nommée Amano Corpus Animae (visible jusqu’en octobre).
Le dessinateur naît en 1952, au Japon. En 1987, les créateurs de Final Fantasy, Squaresoft, font appel à lui pour donner corps à leur grande saga. Le but ? Etre un franc concurrent à Akira Toriyama. Ce mangaka, connu pour être le papa de Dragon Ball, fut aussi character designer de Dragon Quest.

Mais Amano ne s’arrête pas là ! Une expo lui est dédiée à New York, où il ouvre d’ailleurs un studio, en 1997. En 2019, il réalise une couverture pour Vogue. Il surprend encore, en introduisant un nouveau perso dans Fortnite, en 2023. Un an plus tard, le Japonais fait une halte à Lucca Comics, le plus grand festival de BD d’Europe.

Avril 2025. Me voici donc à une exposition dans le centre romain, inspirée par le festival de Lucca. J’y suis par hasard. Coïncidence de malade. Chance inouïe. Est-ce une expérience inoubliable ? Assurément. Je reste bouche bée, à chaque pièce. Les installations m’impressionnent. Les œuvres sont aux murs, en aluminium, et la musique rythme la promenade. L’ambiance est si agréable.
Fabio Viola, curateur de l’expo, résume parfaitement l’une des forces d’Amano. En se penchant sur ses illustrations, on y découvre leur complexité. On y aperçoit un dualisme prononcé. A savoir, le mélange entre des œuvres lisibles à distance et complexes de plus près.

Désormais, posons la vraie question. Pourquoi l’intelligence artificielle ne rivalisera jamais avec un artiste de cet acabit ?

Primo, sa patte est ultra reconnaissable, la marque des génies. Secundo, les meilleurs musiciens, peintres, écrivains ou autres esthètes, suivent souvent une seule volonté : savoir se réinventer. Yoshitaka Amano ne se voile pas la face. Il témoigne pour un livre splendide, The Art of Yoshitaka Amano. A Visionary Master (2025).

J’ai vu de nombreux artistes piégés dans leur propre style et je crains toujours ce piège.

Il ajoute une pensée merveilleuse à ce constat. D’année en année, le maître ne se décourage pas. Il continue à tendre vers des mondes inexplorés. Il travaille obstinément sur de nouveaux défis.

Le voyage de l’art, avec ses infinies possibilités, m’inspirent à explorer encore et à pousser les confins de l’imagination collective.

brunoaleas – Illustrations ©Museo di Roma & Y. Amano

Reflet dans un diamant mort 

Je me souviens d’un rêve que j’ai fait, quand j’avais cinq ans. Ce devait être mon tout premier cauchemar. Un vieil homme venait m’enlever alors que je jouais dans ma rue, et un adulte surgissait pour me secourir, armé d’une batte de baseball. J’en ai frémi pendant des jours. Ce qui est étrange, c’est que le souvenir de ce cauchemar est bien plus vif que n’importe quel autre souvenir de ma petite enfance. Dites… c’était bien un cauchemar, n’est-ce pas ?

Un vieux monsieur passe un agréable séjour dans un bel hôtel de la Côte d’Azur, quand soudain, le reflet d’un diamant porté par sa charmante voisine de chambre le replonge dans ses souvenirs de jeunesse : sa vie d’espion international. Mais ces visions sont-elles de véritables souvenirs, des affabulations, ou bien encore autre chose ?

Reflet dans un diamant mort n’est pas un film fait pour le grand public. La plupart des gens va au cinéma pour se divertir. Ici, on a affaire à une véritable œuvre d’art — comme il en existe tant, certes, mais qui, comme peu d’autres, laissent une empreinte durable. Un des livres qui m’a le plus marqué est La Jalousie de Robbe-Grillet : un chef-d’œuvre, sans aucun doute. Un bon moment ? Pas si sûr.

De la même manière, si Reflet dans un diamant mort commence sur une note étrange, voire rebutante, il suffit, cependant, de lâcher prise, de s’immerger dans son univers et d’accepter ses enjeux, pour qu’il révèle peu à peu sa richesse. On réalise alors qu’il s’agit d’une œuvre qui fait naître des sentiments inédits, ouvrant l’esprit à une autre vision du monde.

Non, je ne peux pas qualifier ce film de divertissant.

En revanche, je le qualifie volontiers de fascinant.

Film de genre, créé par des artistes passionnés par leur médium, Reflet dans un diamant mort prend la forme d’un film d’espionnage pulp et ringard — c’est volontaire. Plutôt que de se contenter de faire référence aux dizaines de films d’espionnage de série B, auxquels il pourrait ressembler, il se présente comme ce à quoi ressemblerait l’adaptation d’une vieille bande dessinée pulp d’espionnage, empreinte de Satoshi Kon (Millennium Actress). Diabolik, une BD italienne, est d’ailleurs, clairement référencée. Et comme dans un film de Satoshi Kon, la structure non linéaire perdra absolument chaque spectateur durant les premières minutes, mimant ce qui semble être la structure d’un esprit sénile.

Réalité, fantasme, émotion et imagination s’entrecroisent sans cesse. La fragmentation du récit, à travers plusieurs lignes de temps et de réalité, exige une attention constante. Ce film est presque éprouvant : il vous saisit et ne vous lâche plus. Il offre peu de répit. Soit, vous lâchez prise et vous vous laissez porter par le tumulte émotionnel imposé, soit, vous vous accrochez et tentez de donner du sens à ce chaos.

Et bon Dieu, que c’est satisfaisant de reconnecter, rétrospectivement, deux scènes semblant totalement incohérentes, à première vue.

Tout dans ce film est une épreuve : suivre l’intrigue est déjà difficile, et saisir toutes les subtilités du récit est impossible en un seul visionnage. La violence de certains passages est aussi très crue, parfois insoutenable : les corps sont mutilés, et la souffrance, sublimée. Enfin, la bande sonore est parfois assourdissante. On ressort de ce film essoufflé, étourdi, confus.

Ce qui, paradoxalement, en fait une expérience cinématographique puissante — une de celles qui vous habitent encore longtemps après la projection.

Pierre Reynders

Amer Béton

Qui n’a jamais rêvé de se faire la malle ? Qui n’a jamais souhaité abandonner ses terres natales pour réaliser ses rêves ? Amer Béton synthétise cette envie de fuir. Mais Noiro et Blanko, nos protagonistes, ne désirent pas l’exil. Pas directement. Ils restent dans leur ville, en luttant contre tout et tout le monde… en luttant contre eux-mêmes.

Que raconte précisément le manga de Taiyō Matsumoto ? Blanko et Noiro, des orphelins, sèment la terreur dans les rues de Takara. Rackettant bandits, yakuzas et fanatiques, les gamins, surnommés « les chats », sont agiles et prêts à vivre de périlleuses expériences. Ont-il le même caractère ? Noiro apparaît dur et enragé et Blanko, innocent et lunaire.

Le mangaka installe ce duo, au centre de l’intrigue. Pourtant, nos yeux peuvent vite se perdre, au milieu d’une ville surchargée de détails, allant des multiples panneaux publicitaires et maisons collées-serrées, au croissant de Lune, dont le visage s’affiche serein. Sakamoto Days n’est pas la seule BD à soigner ses décors. Taiyō Matsumoto illustre des environnements extrêmement beaux et créatifs. Il sublime le chaos.
Mais l’attention se porte sur Noiro et Blanko. Ils courent, volent, s’incrustent dans une ambiance survitaminée, ressentie à chaque coin de rue. D’ailleurs, la lutte est au rendez-vous, comme le cite Louis-Julien Nicolaou, dans un numéro spécial des Inrocks (mars 2017).

Dans l’œuvre de l’artiste, les jeux et élans d’invention que s’échangent les gamins se heurtent aux codes mortifères du monde adulte. Les lois absurdes des yakuzas dans Amer Béton, celles de la compétition sportive dans Ping Pong, les unes comme les autres déclinant une philosophie martiale du bushido, le code d’honneur des samouraïs. Il brise toute liberté individuelle, au profit d’un idéal de performance suprême. Cette confrontation fait de l’enfance un temps de lutte et de souffrance, où peut naître une vocation à l’insoumission perpétuelle.

Le conflit inspire donc l’auteur-dessinateur. Il va plus loin. Chaque personnage cherche sa vérité. L’homme à la fois yakuza et père de famille. Le grand-père, aimant et sage. Des enfants liés par le même destin.

Une vérité parfois interrogée, critiquée, voire malmenée.

Vers la fin du manga, un enfant fort énigmatique entre en scène pour sauver Noiro, attaqué par ses ennemis. L’étranger ne cesse de répéter les mêmes phrases. Comme si son mantra devait s’imprimer sur la couverture du livre.

C’est dans l’obscurité, et dans l’obscurité seule, qu’existe la vérité.

A-t-il raison ? Et si, finalement, les personnes ayant vécu les pires drames savent ce qu’est la vie, la vraie… ne résumons pas Amer Béton à ce simple principe philosophique.
Néanmoins, Taiyō Matsumoto a le mérite de poser les bases d’une interrogation existentielle. Une fois la lecture terminée, posez-vous sur l’herbe, admirez le ciel et interrogez-vous. Comment trouver sa place dans la société ? En la fuyant ou en la combattant ?

brunoaleas – Illustrations ©Taiyō Matsumoto

LA DURE A CUIRE #130

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la plus douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist !

DaviD

Avis aux fans de Pleymo, Watcha ou AqMe ! McFly fait de la zic… et ça tue.

Causa Sui

Un voyage de 16 minutes ? Un bain de vagues dorées ? Causa Sui propose l’expérience.

IAMWILL

Guillaume Vierset apaise les esprits les plus sauvages. Comment ? Avec sa guitare et voix. Oui, nulle besoin de plus. Ciao les artifices.

brunoaleas