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Gros Cœur Interview

Ils ne passent pas inaperçus. Gros son, grosses touffes de cheveux, gros paris assumés tant musicaux qu’esthétiques, les Liégeois de Gros Cœur sont pourtant tout sauf grotesques ! Quittant le studio d’enregistrement pour un premier disque, ces savants fous mêlent studio et live dans leurs productions. Rencontre psychédélique et voyage surréaliste dans leur bromance improvisée à la belge.

Votre premier morceau, Java, est disponible sur toutes les plateformes sous la forme d’une version live, c’est assez peu commun !
Quelles places ont la pratique du jam et le live dans votre projet ?

Jimmy (guitare, percussions, chœurs) : Pour une petite remise dans le contexte, on a déposé notre candidature au concours « Du F dans le texte », et pour poser cette candidature, il fallait impérativement une chanson en français. C’était un peu une espèce de pression dans le temps, on a été au moins coûteux et au plus pratique, car nous avions à l’époque un super local qui nous permettait ce genre d’enregistrements. C’était un peu la seule possibilité dans l’immédiat.

Adrien (guitare, chant lead) : Ce n’était pas uniquement par dépit ! Faire une session live offrait des moyens faciles, mais aussi un avant-goût rapide aux gens, de ce qui se construisaient.

Jimmy : La place de la jam dans le groupe, c’est super central parce que simplement, ça a commencé comme ça. On ne se connaissait pas vraiment bien. On a fait une grosse jam et ça a cliqué à fond. On a décidé qu’on allait composer comme ça ! En pratique, Adri arrive avec des riffs, des bases de morceaux et on remanie tout complètement en live, ensemble. Et c’est ce qui est le plus représentatif de ce qu’on veut faire avec le groupe, c’est ce qui fonctionne le mieux, c’est le live.
On enregistre actuellement (
ndlr : septembre 2022) un album, et tout est enregistré de cette façon-là, sans clic, c’est tout organique. On a envie que ça sonne comme ça, que certains morceaux sonnent comme des jams et que la longueur soit variable, qu’on se regarde simplement quand on veut changer de partie. Les places du live et de la jam sont super centrales.

Adrien : J’arrive avec une idée de composer. Je n’ai pas envie d’imposer mes idées. Ce que j’aime avec le concept de jam, c’est que chacun peut trouver sa zone de création, même s’il y a un fil conducteur qui est apporté à la base. C’est ça qui fait que parfois musicalement, ça part un peu dans tous les sens, parce que justement, chacun apporte ses influences. Il faut sacrément être sûr de soi pour apporter une compo de A à Z et l’imposer à tes musiciens. Notre pari a pu être un peu risqué mais on s’est rendu compte très rapidement, dès la première répète, que c’était ça qui fonctionnait.

Quand on vous entend, on est face à un kaléidoscope, tant visuellement que musicalement. Pourtant, le projet est très cohérent, et on en vient à se demander comment personne n’avait pensé à un tel mélange très éclectique, mais très efficace.
De quoi est composé ce patchwork ?

Adrien : je voulais commencer à jouer avec un groupe de rock psyché. Mais je n’avais pas beaucoup de connaissance, car je venais d’un milieu plus électronique. Puis j’ai rencontré Jimmy, qui m’a fait découvrir plein de choses… ensuite, je me suis lancé à corps perdu dans un océan de psyché.

Julien (basse, claviers, chœurs) : Auparavant, on faisait tous déjà de la musique. Mais la chose qui m’a marquée au début de nos sessions d’impro, c’était cette volonté de ne pas se brider. C’était un peu un pari car on avait conscience du coté un peu patchwork de ce qu’on fait. Puis, assez rapidement, on s’est dit qu’on voulait aller dans une direction plutôt dansante, et sur scène, le coté rock marche bien aussi. On a fini par se dire qu’un mélange des deux marchait bien, en gardant toujours cette dimension organique, sans trop contrôler. Le projet est par ailleurs né pendant le confinement. Dès le début, on a voulu garder une dimension assez second degré dans ce contexte de pertes qu’on a tous traversé. On voulait que les gens puissent danser et on ne voulait pas se brider, ni sur la longueur, ni dans l’aspect rock ou plus dansant.
Niveau influences, on écoute vraiment beaucoup de choses.

Jimmy : Si on devait donner les noms des groupes ou artistes favoris des membres, ce serait très différent pour chacun.

Adrien : Jimmy adore le son clean, type Arctic Monkeys début 2006. C’était déjà à l’époque du rock dansant. Au moment où les Anglais l’amenaient vraiment, avec des Franz Ferdinand.

Jimmy : Au départ, je ne suis vraiment pas technicien. Je jouais de la guitare directement, sans aucune pédale. C’est Adrien qui m’a imposé ça (rires). Au départ je ne suis pas guitariste, donc je n’avais pas envie de bidouiller des effets.

Adrien : Je me dis souvent Pourquoi activer une pédale quand, tu peux en activer 5 ? J’aime bien surenchérir les effets, et avec Jimmy on se complète bien car il a un son plus sec, plutôt rock rythmique, alors que de mon côté, j’ajoute plutôt du psyché.

Jimmy et moi, on gravite à deux autour de la musique. Julien et Alex apportent toute l’assise, toute la puissance du projet.

Jimmy : On a la chance d’avoir un super batteur et un super bassiste, bassiste imposé et batteur confirmé ! J’ai vu deux bons batteurs dans ma vie, c’était Alex, et le batteur de Green Day (rires)

Alex : On nous a dit plusieurs fois que ça aurait pu se casser la gueule. On n’a jamais vraiment décidé de faire ce genre de musique. On l’a fait parce que ça s’est mis comme ça. Mais un jour, c’est tout à fait possible qu’on fasse un nouveau morceau et que les gens ne suivent pas…

Adrien : … que ce soit celui de trop (rires)

Alex : On a beaucoup profité de ce confinement, au départ c’était fort classique, du rock psyché en anglais avec un drum normal… On devait jouer avant, en juin 2020, puis le covid nous est tombé dessus et on a seulement pu faire notre premier concert en 2022. On a continué à répéter, à rajouter de nouvelles choses, des percussions, parce qu’on en a trouvé et que c’était drôle. Puis, on s’est dit que c’était quand même chiant l’anglais et qu’on allait passer au français. Toutes ces choses auraient pu être des idées de deuxième ou troisième album, si on n’avait pas eu cette opportunité.

Adrien : Et les liens se rapprochaient de plus en plus !

C’est vraiment ce qui se ressent sur scène ! Cet effet kaléidoscopique, mosaïque, on le retrouve également dans vos clips. D’où vient cette esthétique psychédélique et complètement excentrique, mais très assumée ?

Adrien : On voulait faire du fond vert parce qu’on n’avait pas de scénario écrit à la base, ça nous laissait beaucoup de possibilités. Alex et Julien sont intervenus dans la création, car Alex est cinéaste et Julien est vidéaste. Ils se sont alliés pour construire ce clip. On a tout fait sans moyens, à part le drap vert et les expérimentations fumigènes et fluides… 

Julien : De nouveau, c’est comme pour la musique, c’est beaucoup d’expérimentations. On voulait une dimension improvisée et pas trop sérieuse. La chanson parle de café, et c’est à peu près la seule chose abordée. On filme beaucoup de conneries ! On a pris deux jours pour le faire en entier.

Adrien : Le petit personnage, c’est Jimmy, et il représente la caféine. Au début, on voit le groupe, les tasses. A la fin, ce petit personnage tout excité danse, bouge…

Jimmy : En fait, on met surtout du sens après coup (rires)

Adrien : S’il y a une phase à propos d’un morceau, on peut vraiment en discuter. On s’écoute et on avance. On fonctionne vraiment comme lorsqu’on joue. On enlève un passage, on en rallonge un autre… c’est un peu aussi comme ça pour le clip.

Jimmy : On est tout de suite devenu de très bons amis. C’est un peu aussi pour ça qu’on a appelé le projet Gros Cœur, pour cette histoire de coup de foudre amical. Ça nous permet de faire beaucoup de conneries et d’en discuter ensemble.

Adrien : On réfléchit aussi beaucoup en amont pour l’aspect visuel sur le fait que nos morceaux sont très longs… Ce n’est pas évident du tout de clipper un morceau qui est très long. On va alors chercher des parades ou des tricks. On se repose plus sur l’association d’idées, sur le principe du cadavre exquis que sur le story telling très long. On en revient à la première question sur notre premier morceau. Un morceau de 10 minutes à clipper, c’est vraiment un défi. C’est un peu un casse-tête aussi niveau visuel. On réfléchit aussi à nos sessions live pour trouver les manières de les rendre originales.

Jimmy : Je tiens à faire un jour un clip chorégraphié car j’aime beaucoup la danse contemporaine, et c’est ma seule demande (rires). On danserait tous. Mais encore une fois, il y aurait une grande place pour l’impro. Je trouve que Gros Cœur a ce truc très corporel qui s’y prêterait bien.

Chanter en français pour ce genre de musique, c’est un petit peu briser les traditions. Quand il y a du français dans la musique, c’est souvent l’instrumental au service des paroles. Pourquoi ce choix de chanter en français ?

Adrien : Ce n’était pas vraiment dans l’idée de casser les règles, mais simplement je ne savais pas choisir entre le français en l’anglais, donc j’ai essayé les deux. Sauf que pour la seconde langue, je me suis retrouvé sur Google Traduction à essayer de traduire et ça n’allait pas du tout (rires)

Jimmy : En plus, on avait l’habitude avec Adrien d’écrire en français, car on avait fondé un projet où on écrivait à deux en français (ndlr : Johnny & Charly Ciccio).

Adrien : Le français, ça ne nous mettait aucune barrière. Vu qu’on voulait travailler avec beaucoup d’effets sur les voix, que ce soit de l’anglais ou du français, c’est relativement masqué, même si on arrive parfois à distinguer quelques mots.

Jimmy : Nous ne sommes pas anglophones. On ne parle pas à des anglophones de pure souche. On a aussi découvert la scène québécoise, et là-bas, il se servent du français comme d’un instrument mélodique, qui est sous-mixé (ndlr : à moindre volume qu’habituellement) par rapport à ce qu’on entend d’habitude en français.

Julien : C’est vraiment une différence culturelle. On a l’habitude, en France et en Belgique francophone, que le français soit du texte. Au Québec, il n’y a pas cette différence par rapport à l’anglais.

Vous venez de terminer d’enregistrer un nouveau « disque » chez Laurent Eyen, connu pour avoir travaillé avec It It Anita, Phoenician Drive, Naked Passion. Est-il dans la continuité de vos morceaux actuels ? Quelle en est la ligne directrice ?

Alex : On n’est pas le groupe le plus rapide de la terre. On aimerait rattraper le retard qu’on a pris (rires). Ces morceaux, c’est notre set live actuel en fait, couchés sur un disque. On réfléchir maintenant sur la manière de produire ça comme un disque, et pas que ce soit simplement une photographie du live. On souhaite que ce soit représentatif du live. Chez Roo (ndlr : Laurent Eyen), ça s’y perte très bien. On peut enregistrer tous ensemble. Tous les instruments repassent dans les micros de tout le monde. C’est ça qu’on recherche aussi.

Adrien : On a enregistré le disque en juin et on a pris un mois et demi pour le mixer. On termine actuellement le mixage. Demain, c’est notre dernière journée, et on aurait comme objectif de le sortir au printemps 2023.
On en parle comme d’un disque car on les choix s’offrant à nous se situe entre album et EP. Pour sortit notre premier album, on aurait envie de se trouver un label. Donc on n’a pas vraiment l’impression de sortir un premier album, même si le minutage correspond plutôt à un album. On mettra 5 ou 6 morceaux, c’est un peu comme un EP, sauf que les morceaux durent environ 10 minutes. On est donc plus sur une idée d’EP, mais qui fait la longueur d’un album, donc on l’a appelé
Disque.

Vous respectez une vraie cohérence, dans l’idée de ne pas faire de compromis.

Adrien : Le tout c’est de ne rien prendre mal, musicalement parlant. On ne s’attaque jamais. Il y a toujours quelque chose de constructif qui est présent tout le temps : en répète, sur notre visuel mais aussi en studio. C’est peut-être notre force, et en tout cas ça fonctionne très bien… On fonctionne au ressenti, à part peut-être pour les mixages car il y a ce côté figé dans le temps. Il faut qu’on soit bien tous d’accord, mais en ce qui concerne la musique et ce qu’on joue en live, on se laisse un peu aller. On ne se fait pas des debriefs de dingues. On avance chacun à notre rythme. Je pense qu’on ne s’est jamais mis des bâtons dans les roues.

Jimmy : On essaie de ne pas figer les choses trop vite car on est encore un jeune projet. On a encore pas mal de choses à sortir. On rigolait avec l’idée d’appeler ce disque Gros Disque. On ne sait pas si ça restera, mais ça permet encore une fois de ne pas devoir trancher entre EP, LP, surtout avec les plateformes, le rapport au shuffle, l’écoute d’albums en intégrité par les médias… on trouve ça très bien.

Adrien : Je pense qu’on va l’appeler Gros Disque (rires)

Interview menée par Elena Lacroix

The Bobby Lees / Johnnie Carwash

The Bobby Lees – Bellevue

De nouveaux jeunes du label Ipecac défoncent les amplis. The Bobby Lees propose un rock brut, sans censurer un pamphlet ou l’autre. Porté par une chanteuse aussi zinzin qu’un poussin trop près du Soleil, le groupe se focalise sur un jeu rapide et rageur.

Compte tenue de leur énergie, Bellevue est une réussite. Dès la première chanson de l’album, leur musique attise ma curiosité et je souhaite en découvrir davantage. Puis, les clips de la bande reflètent leur autodérision et leur force de frappe. A l’image de Sam Quartin près de son cochon au dernier clip en date, me voici sale et rempli d’une sauvage envie de crier.

Mention honorable à Greta Van Fake, un titre qui se moque enfin des membres de Greta Van Fleet. Ces derniers sont une arnaque industrielle. Merci pour la poilade.

Je pense qu’il est bon de rester fidèle à soi-même par tous les moyens nécessaires et de faire seulement ce qui semble juste. Je pense que vous allez vous faire un ennemi ou deux en vivant ainsi. Cela m’est arrivé, sans aucun doute.
Il m’a fallu un certain temps pour avoir le courage et l’amour-propre de m’y tenir, et accepter le fait que tout le monde ne m’aime pas, ne me comprenne pas.
Sam Quartin

Johnnie Carwash – Teenage Ends

Les Pixies vous manquent ? Pas moi. Ces dinosaures font désormais pitié à entendre, tant ils ne composent plus de vraies propositions artistiques. Heureusement, ces musiciens ont laissé derrière eux un grand et beau héritage musical.

Plusieurs groupes capturent une simplicité instrumentale, où basse et chant sont honorés. Je pense à Priests, à Sorry ou bien à Johnnie Carwash. La bande pond un premier album qui plaira aux amateurs de rock cherchant tempête comme accalmie.
Un titre retient mon attention : Nothin’. Le morceau dégage une atmosphère adolescente via sa mélodie. D’ailleurs, son clip renforce cette impression. Comme si ses images me rappelaient qu’il n’y a rien de mieux que s’ennuyer, avant d’atteindre la vingtaine.

L’objectif de ce clip est de sublimer le morceau. C’est une chanson différente de tous les autres morceaux de l’album. On voulait la mettre en valeur dans une vidéo qui contraste avec nos autres clips DIY ou d’animations.
C’est Julien Peultier qui l’a réalisé. On l’a choisi parce que son identité visuelle collait parfaitement à l’ambiance mélancolique et contemplative que l’on recherchait. On n’a pas été déçus ! On n’a pas écrit Nothin’ avec un message en tête, c’est simplement un témoignage. Julien a créé une histoire qui raconte tous les détails qui nous tiennent à cœur et qui élargit même l’interprétation du morceau. Merci Juju !
-Johnnie Carwash

 DRAMA

Bo Burnham : la génération de la fin du monde (4/4)

Il y a plus d’un an déjà, j’entamais cette rétrospective. Je détaillais à quel point les balbutiements de Bo Burnham sur Internet en disaient déjà beaucoup sur ce qu’il était destiné à devenir. D’un adolescent vidéaste parmi tant d’autres, il s’est hissé au rang d’artiste internationalement reconnu grâce à son style singulier. Alliance du drame et de la comédie, du spectacle de stand-up et du concert, en découle une sauce unique qui colle parfaitement aux enjeux de la génération Z.

En 2019, on parle peu de Bo Burnham. Ses deux derniers spectacles sortis sur Netflix ont eu un succès certain, mais son nom ne sort pas de communautés précises. C’est le genre d’artiste « perle » qui a énormément de potentiel, mais dont le message n’arrive pas aux oreilles du grand public. Un film sorti en 2018, Eight Grade, l’occupera un temps. Bien que celui-ci ressemble à l’artiste par ses thèmes et comprend un scénario de qualité, on ne retiendra pas Bo Burnham pour ce film. Les fans attendent un spectacle de stand-up depuis trois ans.

Mais que Burnham ait prévu un retour ou pas, en 2020, ce rêve devient impossible. Le virus et avec lui le confinement se répandent dans le monde entier, et avec lui confusion, perte de repères, et surtout impossibilité de se produire sur scène pour qui que ce soit. Mais alors que les scènes ferment, les yeux de chacun sont rivés vers Internet, seule fenêtre vers le monde.
C’est dans ces conditions compliquées que Bo Burnham sort son spectacle le plus iconique, et celui qui fera de lui un grand nom : Inside.

Tout ou presque a été dit sur le spectacle. Une critique a même déjà été faite sur ce site. Il figurait même comme meilleur film de l’année dans un des tops de 2021. Ne nous fatiguons pas à détailler comment le film-spectacle-concert est un pur éclair de génie, aussi bien sur le plan du scénario que de la réalisation, en plus d’être une véritable prouesse technique d’un seul homme. Mais posons-nous plutôt la question : qu’est devenu Inside en 2022 ? Qu’en avons-nous retiré ?

Si une chose est évidente, c’est que l’œuvre est bien plus témoin de son époque qu’on aurait pu le penser. Elle n’est pas qu’un portrait de son époque, elle est, ironiquement, « enfermée » dedans. Les thèmes d’Inside, qu’on pensait durer après le confinement, sont morts avec lui. Pourtant, cette comédie avait tout du manifeste révolutionnaire. Critique directe du capitalisme, remise en question de notre lien aux médias et à l’art, le tout dans et avec le berceau culturel de la génération Z : Internet.

Le plus gros souci est que la « génération de la fin du monde » ne l’as pas vraiment été. Le confinement était une occasion parfaite de remettre en question les racines les plus profondes de notre société. Le vide culturel de 2020-2021 aurait pu faire d’Inside une œuvre colossale en importance, mais ce ne fut pas le cas. Le « retour à la normale » du post-confinement s’est fait un peu trop littéralement, et trop de choses sont restées similaires. Y compris celles que critiquaient le spectacle.

Inside est un témoin précieux de son époque si particulière, mais c’est aussi la triste trace d’un coup raté. Et si personne ne désire l’apocalypse, une partie de notre monde aurait sans doute dû mourir avec Inside, le confinement, et la pseudo « génération de la fin du monde ».

L’optimiste dira qu’il reste de nombreuses catastrophes à venir qui seront peut-être le levier du changement, et peut-être que d’autres Inside restent à venir. Une suite, il y en a eu une, plus ou moins. Cet été, Bo Burnham sort sur Youtube une nouvelle heure de contenu, les Inside Outtakes. Un ensemble de scènes coupées, de morceaux non-terminés écrits et réalisés en même temps que le film originel. Les Outtakes sont excellentes. Elles mettent en perspective une œuvre qu’on pensait déjà complète. Plusieurs morceaux sont mémorables comme l’incroyable The Chicken, ou The Future. Mais aucun de ces textes n’est politiques, ils parlent moins du confinement. S’ils en parlent, la pertinence en est moindre puisque celui-ci n’est plus là. En somme, Inside en tant qu’œuvre incroyable laisse un goût un peu amer de retour à la normale trop littéral. Néanmoins, l’artiste, si en phase avec son temps, a encore des tours dans son sac. Et Dieu sait quelles surprises il nous réserve dans sa carrière future.

Raturix

Willow / Sharko

Willow – <COPINGMECHANISM>

La fille de Will Smith ne met pas encore des claques aux présentateurs TV… mais plutôt à ses auditeurs. Le nouvel album de Willow est mixé comme une sucrerie pop et imaginé comme un pogo metaleux. Pour quel résultat ? Un opus propre, brutal, à écouter plusieurs fois.

L’énergie de ses compositions fait de l’écoute, une activité nullement ennuyeuse. Car la chanteuse sait construire de belles transitions douces puis enragées. Willow s’inscrit parmi ces artistes n’ayant point peur de jouer les possédées en pleine transe (ur a stranger en est la preuve). Ses performances vocales sont si fascinantes, qu’elle plairait à tout public. Du vieux réac’ qui décapsule des bières avec les dents, à cette fille bercée par Disney, mais chantant des versets sataniques sous la douche !
Puis, matez-moi la pochette de
<COPINGMECHANISM>. Nom de Zeus. Elle donne envie de jouer d’un instrument à tout moment de la journée.

Sharko – We Love You David

Sharko ne joue pas du rock de papa. Ne le comparons ni à Judas Priest, ni à Scorpions. Heureusement ! David Bartholomé ne frôle pas le kitsch, même si on le verrait bien s’adonner à des accords glam rock ou à des cris miaulant la tristesse.

We Love You David concentre ce que le musicien fait de mieux. Paroles décomplexées. Rock sans fioriture. Style direct et mélodieux. Ajoutez un grain de folie nous rappelant qu’il est victime du Syndrome de Peter Pan, et le cocktail est mémorable !

On était en plein confinement. Le fait de renouer avec l’autre m’animait. D’essayer de rejouer ensemble sans tricher.
C’est-à-dire que ce qu’on joue doit apparaître tel quel sur l’album. Donc, si on ne triche pas, on essaye de trouver les arrangements adéquats tout de suite.
David Bartholomé

DRAMA

LA DURE A CUIRE #72

Red Hot Chili Peppers – The Return of the Dream Canteen

Et dire qu’un groupe comme les Red Hot Chili Peppers survit à travers le temps… pour quelles raisons ?! Ses musiciens talentueux. Son énergie à revendre. Unique bémol : le charabia pathétique chanté par Anthony Kiedis sur plusieurs morceaux du nouvel opus.

Opinion – Molly

Il y a quelques jours, l’album Molly fêtait ses 2 ans ! Opinion rappelle l’efficacité de l’œuvre plutôt généreuse (22 morceaux quand même), assez grunge et terriblement mémorable !

Brutus – Unison Life

Faut-il encenser une quelconque évolution musicale de Brutus ? Probablement pas. Malgré la voix fascinante de Stefanie Mannaerts, le groupe baigne toujours dans une homogénéité sonore poussant à croire que leurs nouvelles productions sonnent toujours comme les précédentes…

Ferielle – L’eau qui dort

Frais et agité, le morceau Face à face de Ferielle donne envie de griller les feux rouges. C’est bel et bien l’heure de danser. Les futures compositions de l’artiste vous y aideront !

DRAMA
Votre playlist Spotify

Kobato, œuvre insignifiante de CLAMP ? Part 1

Vous avez peut-être déjà lu ou entendu parler des mangas Card captor Sakura, Tsubasa Reservoir Chronicle, XXXholic ou de X. Leur point commun ? Outre d’avoir été écrits par les mêmes auteures, les personnages, tout en ayant leur histoire propre, évoluent dans un multivers magique et intriguant où leur destin est lié. La plus grande force de ces autrices est d’arriver à susciter en nous une ferveur pour la vie de leur héros, un enthousiasme vis-à-vis pour leur parcours et un émerveillement pour les mondes qu’elles nous offrent à voir à chaque série qu’elles publient. L’une n’est pas le réchauffer de l’autre. Leurs mangas ensemble sont un peu comme une fratrie liée par la famille, où chacun diffère par sa personnalité.

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Kobato, écrit et dessiné par CLAMP en 2005, s’inscrit dans cette lignée. Il narre l’histoire de Kobato, jeune fille maladroite et attachante qui va devoir, pour pouvoir réaliser son vœux, remplir une bouteille de Sentiments Blessés. Tout cela accompagnée de son ami peluche Ioryogi qui lui crache des boules de feu quand elle casse quelque chose ou dit un truc de travers. Sa quête et son sens ne sont pas encore totalement développés pendant ce tome, je m’y pencherai lors de la seconde critique. Nous retrouvons très vite des similitudes avec les histoires de ses prédécesseurs, ce qui ne fait qu’accentuer cet aspect de connexion entre les mangas. Comment sont les traits de caractère des personnages principaux, l’ambiance ou l’humour ? Alors, d’où Kobato est-il différent ? Où se joue sa propre destiné dans ce multivers ?

N’étant qu’au tome 1, je ne vais pas pouvoir répondre à ces questions tout de suite. Désolé de vous décevoir. MAIS. Il y a une petite chose qui a attiré mon attention et qui est propre à cette œuvre (en tout cas, parmi celle que j’ai pu lire). Très vite dans les précédentes histoires, les personnages principaux sont entourés d’autres humains au courant de leur pouvoir, leur mission, et qui vont les accompagner dans leur destinée. Ici, nous sentons Kobato et Ioryogi très seules. Ce qui nous donne envie de les soutenir, de leur dire que tout se passera bien. A lecture du manga, nous avons une place un peu plus particulière. Comme si cette fois, c’était nous les acolytes des héros. Faire partie intégrante du l’histoire, avoir une place d’actrice dans l’intrigue, me pousse à continuer le manga. Non pas pour savoir si notre protagoniste va réussir à accomplir son rêve, mais parce que je veux l’y aider. Cependant, cela est-il suffisant pour faire la différence ?
Suite dans la prochaine critique !

Mouche

Le déni cosmique est-il réel ? Part 2

Le huitième film d’Adam McKay est éminemment politique. Il y dépeint des êtres incapables d’enclencher leurs méninges face à la plus grande catastrophe mondiale. L’Absurdité remplace la Raison. Quand même la présidente américaine (Meryl Streep) nie le danger imminent, que reste-t-il ? Diviser pour mieux régner. Il existe alors 2 clans qui se forment : les personnes surveillant le ciel et l’arrivée de la comète, et les aveugles qui n’adhèrent pas aux observations de 2 scientifiques. Le personnage de Jennifer Lawrence n’aura d’ailleurs aucune crédibilité sur un plateau TV. Comme si la polémique l’emportait sur tout type de raisonnement fiable et rigoureux. Le cinéaste pousse le genre de la parodie à son extrême. Sans ambiguïtés, son œuvre dévoile des débiles profonds intéressés par leurs seuls intérêts. De ces constatations découlent la problématique du long métrage : comment penser au bien commun alors que personne ne sait unir ses forces ?

Un mouvement international réfléchit sur la question. Extinction Rebellion (XR en abrégé) sensibilise les publics face aux questions écologiques. Ses participants pratiquent la désobéissance civile. Plus précisément, l’action directe non-violente pour contraindre les gouvernements à agir face à l’urgence climatique (cibler des acteurs économiques, bloquer un site industriel, etc.).

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D’après eux, qui doit changer les démocraties gangrénées par le capitalisme ? Nul autre que le peuple. En Belgique, les demandes de ses membres affichent le désir d’installer une assemblée des citoyens. Elle doterait nos régions et communautés des ressources et de l’autorité nécessaires pour assurer une transition maîtrisée vers une société post-croissance équitable.

Notre mouvement a clairement démocratisé l’action politique. Les citoyens et citoyennes qui nous rejoignent ne ressentent plus le besoin de passer par les structures syndicales, associatives, particratiques classiques. (…) la principale médiation à laquelle je suis attaché aujourd’hui, c’est de pouvoir reconstruire collectivement un pouvoir d’agir. (…) Le fait de pouvoir se réapproprier cette capacité d’action, et de ne pas attendre d’une institution ce qu’elle ne donnera pas, est crucial face à l’enjeu climatique. Boris Libois, tête pensante de XR Belgique

Malgré les initiatives de XR, une impression demeure : nous écoutons moult réflexions, et peu de résolutions suivent… avouons que le déni est cosmique ! Je pleure des larmes de croco. Notre confort prime sur les préoccupations de Dame Nature. Hélas, l’enjeu est de sortir de ses habitudes dans le but de laisser un monde meilleur à nos enfants. Un discours banal, mais délaissé, voire ignoré. Heureusement, quelques bonnes nouvelles sont à prendre en compte : le panda n’est plus une espèce menacée selon le gouvernement chinois, la France souhaite sortir du plastique jetable d’ici 2040, le Portugal met fin aux centrales à charbon, Séville se fournira en électricité avec… des oranges ! Ce ne sont peut-être pas les éoliennes ou les piles recyclables qui sauveront l’humanité, mais l’humain est encore porteur de belles prouesses.
Mais pour combien de temps ? Il n’y a pas de planète B.

brunoaleas – Illustration ©Don’t Look Up

Le déni cosmique est-il réel ? Part 1

Don’t Look Up est œuvre ultra actuelle. Ses thématiques s’inscrivent dans notre époque totalement absurde. Une ère où on préfère assourdir les cris écolos, installer des antennes 5G, conquérir l’espace, etc. Adam McKay, lui, illustre l’humanité et sa démesure. La bêtise humaine ne se limite pas qu’à nier l’arrivée imminente d’une comète capable d’éteindre la vie sur Terre. Elle renforce l’ego et la cupidité de la présidente américaine, des magnats de la technologie et des médias grand public.

Dès lors, Leonardo diCaprio et Jennifer Lawrence évoluent là où tout le monde s’exprime, mais où personne ne s’écoute. Leurs personnages livrent un constat clair et net : les humain ont 6 mois afin de réagir face à la menace spatiale. Vains sont leurs avertissements. Inutiles sont leurs coups de gueule. Ces 2 figures scientifiques découvrent des univers de plus en plus superficiels. Des plateaux TV où la polémique remplace l’information. Des politiciens malhonnêtes préoccupés par une campagne électorale. Une population guidée par le Saint Divertissement.

Comment articuler les messages politiques d’un tel film ? Comment apporter le miroir maléfique de nos sociétés aux spectateurs ?
Il suffisait de jouer sa première comédie écologique, selon DiCaprio.

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Ca fait des dizaines d’années que je cherche un film abordant nos enjeux climatiques, mais c’est difficile car on est tous un peu perdus quant aux solutions. C’est le seul sujet au monde qui concerne la population entière, et c’est trop dur d’en parler. Mais Adam a trouvé une formule pour enclencher la conversation. La science offre les faits, mais l’art nous permet de digérer les émotions qu’ils provoquent. -Leonardo DiCaprio (Metro Belgique, décembre 2021)

Certaines comédies aident à comprendre nos drames. Notre dangereuse comète porte un nom : l’urgence climatique. La température moyenne de la Terre n’est pas stable. Elle varie avec le temps. Il faut qu’elle ne puisse plus augmenter, histoire de ne pas défoncer nos écosystèmes. Le journaliste scientifique Vivien Lecompte résume les pires scénarios. Dans un monde compris entre 3 et 4°C de réchauffement, le niveau de la mer pourrait s’élever de plus d’un mètre en 2100. Quelle en serait la principale cause ? La fonte des glaciers, des calottes glaciaires (Groenland et Antarctique). Si le réchauffement atteint +4,5°C, près de la moitié des espèces présentes sur la Terre pourraient disparaître, tout particulièrement la flore.
Ces dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. D’où l’efficacité et l’importance du film : DiCaprio et Lawrence alertent des puissants aussi aveugles que sourds, à comparer à nos gouvernants. Ces derniers préfèrent s’inscrire sur TikTok, plutôt que de se soucier des usines à charbons ou des déchets nucléaires !

Devant ces tristes prévisions, il y a de quoi baisser les bras… les classes dirigeantes se foutent de sauver un cours d’eau ou un village d’indigènes. Après la théorie, vient l’action. Saurons-nous si le déni est cosmique ? Suite au prochain épisode.

brunoaleas Illustration ©Don’t Look Up

LA POIVRE ET SEL #9

Depuis 2020, La Poivre et Sel est une analyse de l’actu culturelle. Nous suivons 3 volets : média, manga et musique. Un podcast de Bruno et Pierre. Bonne écoute !

L’éclectisme musical de Radio Nova ~ 46sec

Asadora, œuvre incontournable de Naoki Urasawa ? ~ 10min35

Jovanotti et le Sud ~ 28min39

Générique
Vinicio Caposella – ‘Che cossè l’amor’
Tracklist
Serge Gainsbourg – ‘L’eau à la bouche’
Eels – ‘Spectacular girl’ / Superpoze – ‘A ballet of life and death’
Jovanotti – ‘Mediterraneo’

LA DURE A CUIRE #71

Arctic Monkeys – The Car

Le nouvel album des Singes divise. The Car n’est pas la bande son d’un ascenseur poussiéreux d’un hôtel 5 étoiles. Mais plutôt l’incarnation de la classe musicale. Le compositeur Alex Turner épate à nouveau. Il puise du côté des Beatles et honore Ennio Morricone.

Eosine

Comme à son habitude Eosine soigne son imaginaire. Leur nouveau clip offre encore psychédélisme et accalmie. Un style musical commence vraiment à caractériser le quatuor liégeois…
quoi de plus prometteur pour la suite ?

Elder – Innate Passage

Lorsqu’un morceau stoner fait plus de 5 minutes, soit ça passe, soit ça casse.
Elder n’ennuie jamais via Endless Return.

Clayton Ravine – EP1

Réunissez les fans de Weezer ou de Nada Surf, ils aimeront Clayton Ravine. Le rock sympatoche de la bande est très appréciable.
A l’avenir, espérons qu’ils pourront se distinguer de leurs aînés.

DRAMA
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L’écriture de Fujimoto

Il faut donc la catastrophe pour que les choses rentrent dans l’ordre.

Chloé Thomas, spécialiste de littérature américaine, l’écrit dans la préface de Comment raconter une histoire. Ce recueil regroupe de courts récits de Mark Twain (1835-1910), notamment connu pour Les Aventures de Tom Sawyer. L’humour de Mark Twain concorde avec celui d’un jeune mangaka japonais : Tatsuki Fujimoto.

D’abord aux manettes d’une œuvre métaphysique et viscérale nommée Fire Punch, le dessinateur enchaîne les succès. En janvier dernier, même le Festival d’Angoulême le mettait à l’honneur, excusez du peu ! Un mangaka aussi jeune n’a jamais été célébré par le festival. Aujourd’hui, Chainsaw Man est la fiction qui fera de lui un auteur incontournable, grâce à son adaptation anime.

Quelle bande dessinée permet de mieux comprendre son ironie et étourdissante écriture ? Une anthologie de nouvelles demeure une belle porte d’entrée à son univers fou. Au rendez-vous : de nombreuses histoires courtes travaillées dès ses 17 ans. On y retrouve des antihéros naïfs, des rêveurs obstinés, et bien sûr, des évènements surnaturels totalement délirants.
Rien n’est si absurde à la lecture. Les personnages de Fujimoto suivent toujours des objectifs précis (déclarer sa flamme, devenir cosmonaute, etc.). Ensuite, ils tracent leur route de la manière la plus surprenante.

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D’ailleurs, ces divers éléments font la force de l’auteur. A chaque page, on se voit surpris des décisions prises, des paroles délivrées, des actions imprévisibles. Comme si ces protagonistes étaient à l’image de leur dessinateur… car Tatsuki Fujimoto est un battant ! A l’âge de 17 ans, il vient en aide aux sinistrés d’un séisme, en région de Tohoku. Par la suite, partager 17-21 devient alors un acte libérateur.

Il me semble qu’étrangement, le processus a eu pour effet d’atténuer un peu mes angoisses. En observant ce présent recueil ainsi apaisé, je me suis souvenu de plein de choses : que je ne dessinais pas seulement submergé par l’impuissance, mais aussi avec la faim au ventre ; que durant tout ce temps, je m’exerçais au dessin avec mes amis… et des souvenirs heureux me sont revenus en mémoire, au point de me demander pourquoi je n’avais gardé en tête que les moments sombres. C’est pourquoi, aujourd’hui, je suis heureux qu’au-delà de Look Back, ces histoires courtes aient elles aussi été éditées. -Tatsuki Fujimoto, extrait de 17-21

Son autre force est sans nul doute son style à la fois comique et transgressif. Chloé Thomas pointe encore une similitude entre lui et Mark Twain. Ce dernier fait en sorte d’illustrer de drôles de paradoxes grâce à son écriture directe, franche, brutale, américaine. 2 visions se rejoignant pour admettre qu’aimer la vie, c’est d’abord défier la mort.

brunoaleas – Illustrations ©Tatsuki Fujimoto