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Call Me by Your Name

Tu pleureras ; de tes lèvres montera le nom de l’ami que tu abandonnes et souvent ton pied s’arrêtera au milieu du chemin. Mais, moins tu auras envie de partir, plus tu dois penser partir.

Ces paroles viennent d’Ovide. Et s’il avait raison ?

Existe-t-il un art d’aimer ? Faut-il le respecter ? Call Me by Your Name s’affranchit de ces questions. L’œuvre présente deux hommes, deux âges, deux personnages. L’un est fougueux et charmant (Elio, Timothée Chalamet), l’autre est séduisant et curieux (Oliver, Harmie Hamer).

Elio vit au sein d’une famille cultivée. Elle accueille Oliver, un Américain qui découvre les richesses de la Méditerranée. Il est censé aider le père du jeune adulte dans ses recherches archéologiques. La rencontre de nos deux acteurs bouleverse l’ambiance du film. Ils incarnent provocation, séduction et sensualité (tout en sueur !).

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Il ne s’agit pas de dominant ou dominé. Ce film n’impose aucune règle dans leur relation. Nos protagonistes font l’expérience de l’hédonisme dans une Italie excessivement idyllique. Trop beau pour être vrai, comme cette histoire de fusion. Rien n’arrête leurs initiatives, même si elles sont secrètes.
Les bonnes mœurs apparaissent toujours comme un mur dans nos mentalités. Pourtant, les amoureux parviennent à évoluer main dans la main. Elio symbolise véritablement la jeunesse dans sa forme la plus aventureuse. Oliver voit une opportunité de goûter un fruit inoubliable. Rien ne semble superficiel. Sauf que le temps ne sauve rien. Tout a une fin.

Un monologue offre une séquence mémorable. Face à son fil, le père d’Elio adopte une vision optimiste. Il comprend la souffrance du garçon vivant une douloureuse rupture. Sa sincérité fait mouche : Aujourd’hui, tu es triste, et tu souffres. Ne te débarrasse pas de ces sentiments, ils s’en iraient avec la joie que tu as ressentie. Ses mots feront méditer bon nombre d’entre nous. Au lieu de sombrer dans un fatalisme, il joue l’érudit. Pourquoi ? Car les expériences amoureuses nous appartiennent. Personne ne peut détruire le goût d’un baiser, une joie d’antan, une chaleur inestimable.

Le final de l’œuvre ne laisse point indifférent. Les larmes d’Elio… quelle scène, quels frissons ! Le voici séparé d’Oliver, pour de vrai. Que reste-t-il ? Sûrement le souvenir d’un été où aucun code ne dictait aucune action, où chaque folie guidait chaque décision. Ces souvenirs brûlent chez l’adolescent, comme chez les spectateurs. Personne ne peut éteindre ce feu sacré.

brunoaleas

LA DURE A CUIRE #91

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la moins douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist homonyme !

Empty Head – Tales of the Modern Man

On veut avant tout communiquer de l’énergie et faire bouger le public donc c’est super important pour nous de passer par le test live.François Michels, guitariste chez Empty Head

Sufjan Stevens – Javelin

Quand Sufjan Stevens revient sur sa guitare pour composer une chanson au pouvoir fédérateur, que reste-t-il ? Si ce n’est un moment de pure délicatesse.

Opinion – Pumpkinland

Je ne cesse de croire qu’on évolue chaque jour. Mais un fait m’attriste. Je fais référence à ces moments où je perds des proches… cette pensée me vient à l’esprit, lorsque je lis les paroles du nouveau single d’Opinion. Le jeune créatif mêle chant et guitare provoquant une ambiance grisante. I’m just another person.

Drama

Puma Blue / Weite

Puma Blue – Holy Waters

En 2021, une journaliste demande à Puma Blue si son premier album aidera ses auditeurs. Il répond : Honnêtement, j’espère juste que celui qui l’écoute l’aimera et appréciera tous les petits détails que j’y ai cachés. J’espère que cet album donnera envie aux gens d’écouter plus d’albums, parce que c’est le cas pour moi. Cela m’a rappelé pourquoi je fais cela et à quel point j’aime la musique. Cela fait du bien de pouvoir enfin créer quelque chose dont je me sens vraiment satisfait et épanoui.

Une réponse si belle. Malheureusement, In Praise of Shadows ne fut pas un coup de cœur. Qu’en est-il deux ans plus tard ? Le mélomane sort Holy Waters, un opus beaucoup plus intéressant ! Il abandonne les percussions beaucoup trop pénibles à écouter. A savoir, des percussions comparables à des œufs cassés à la chaine. Cette fois, l’artiste met vraiment en avant guitare et voix pour un résultat des plus envoutant. Comment ne pas être séduit par la tension évoluant en crescendo sur ‘Mirage’ ? Comment ne pas applaudir la production de ‘Hounds’ ou ‘O, The Blood!’ et sa merveilleuse transition rythmique ?! Classe et douceur, voici ses forces. Un retour réussi !

Weite – Assemblage

Avis aux adorateurs de Pink Floyd ! Weite plaira à vos oreilles ! Quand Nick DiSalvo crée un projet musical, il faut s’y pencher. C’est un Devoir d’Etat. Cette année, le guitariste-chanteur d’Elder réunit trois musiciens afin de former Weite. Psychédélisme. Maîtrise. Ou mélodies faisant bader le plus straigh edge d’entre vous. Assemblage n’est pas à prendre à la légère.

Le quatuor demande une certaine concentration. Pourquoi ? Il m’a fallu du temps avant d’accrocher à l’univers. Leurs titres sont souvent d’une durée très longue, et les boucles s’enchaînent mais ne trahissent jamais un fait : ses musiciens sont des putains de musiciens. Le jeu à la batterie est tout aussi ensorcelant que les notes imprévisibles de la guitare !

Quant à la pochette de l’album, elle affiche une contrée semblant féerique. Weite me transporte sur son terrain. Que le morceau fasse cinq ou douze minutes, je redécouvre une autre manière de jouer dans un groupe rock. Quel plaisir ! Surtout si on croit que ce genre est obsolète et que plus rien n’est original à notre époque.

brunoaleas

Empty Head Interview

Modernité ne signifie pas apaisement. Nous vivons une époque où quelques personnes souhaitent atteindre perfection et beauté absolues… écouter la musique est alors salvateur. Surtout quand elle donne à réfléchir. Empty Head conte les failles des Hommes modernes. Vous le constaterez, lorsque la bande sortira son mini-album. Interview exclusive avec François Michels, guitariste au sein du groupe fort prometteur.

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Vos nouveaux morceaux étaient déjà joués sur scène, ces deux dernières années. Pour terminer leurs compositions, vous faisiez confiance aussi bien à votre instinct de musicien qu’aux retours du public.

Certains des morceaux de l’EP sont joués en live depuis plus d’un an, d’autres depuis quelques mois, ça dépend de quand ils ont été composés. On joue toujours nos nouveaux morceaux en live avant de les clôturer et de les enregistrer pour pouvoir nous les approprier et les tester en ‘conditions réelles’. Après quelques scènes, c’est beaucoup plus naturel et facile de sentir ce qui marche ou ne marche pas dans une composition et, si besoin, de changer certains arrangements. Certains morceaux passent par un nombre incalculable de versions, d’autres fonctionnent dès la version une ou deux – c’est rarement le cas pour nous, on aime souvent se couper les cheveux en quatre –.
D’ailleurs, pour le moment on joue déjà en live quelques morceaux qui viennent d’être composés et qui n’ont donc pas encore été enregistrés. Pour nous, en tant que musiciens, c’est le plus excitant ! On aime que notre set évolue en même temps que nos compositions et ne pas devoir attendre un an ou plus que les morceaux soient enregistrés et sortis avant de pouvoir les jouer sur scène. Donc pour répondre à ta question, je dirais que c’est un mélange des deux : on a besoin de sentir la réponse du public durant un live pour pouvoir évaluer nos morceaux. Avec le projet Empty Head, on veut avant tout communiquer de l’énergie et faire bouger le public donc c’est super important pour nous de passer par le test live.

J’aimerais débattre des textes de votre futur EP, Tales of a Modern Man. On y décèle une figure récurrente. Elle semble incapable d’être elle-même, souvent trop coincée dans les contraintes et responsabilités imposées par nos sociétés. Aujourd’hui, peut-on encore faire de la musique à la fois engagée et efficace ? Croyez-vous que la musique puisse conscientiser sur le fait que cette société veut tout, tout de suite, sans réfléchir sur chaque choix et décision ?

On pense en effet que la musique peut aider à faire réfléchir. Dans notre cas, on ne cherche pas vraiment à conscientiser un public par rapport à une problématique sociétale particulière, ni à proposer une solution à un problème. Nos textes reflètent la plupart du temps des réflexions personnelles ou des expériences vécues et ont souvent une dualité : ils peuvent paraître noirs, intimes, profonds au premier abord, mais sont aussi souvent critiques et ironiques. On essaie plutôt de mettre des mots sur certaines pensées qui nous habitent et nous préoccupent, de les mettre à nu, pour que les personnes qui se retrouveraient dans ces textes sachent qu’elles ne sont pas seules.

Tales of a Modern Man suit un fil rouge. Vos chansons critiquent la ‘pseudo-toute-puissance humaine’. Qu’est-ce qui vous fascine dans cette thématique ?

Le fait que cette ‘pseudo-puissance’ n’est qu’un mirage. L’Homme moderne avec un grand ‘H’ est un être supérieur, à la pointe de la technologie et au sommet de la chaîne alimentaire. Productif, efficace, aisé, heureux, parfait.
En 2023, plus qu’à n’importe quelle autre époque, tout n’est qu’une course aux apparences. Les textes de Tales of a Modern Man s’attaquent à l’envers du décor.

Interview menée par brunoaleas (2023) – Photo ©Barthelemy Decobecq

Mon voisin Totoro

Quand on adore une œuvre, il arrive d’exagérer ses propos, d’encenser certains auteurs. Sans mesure. Sans nuance. Je fais attention à relativiser, à garder un esprit critique, sans avoir la prétention d’étiqueter chaque coup de cœur comme génialement original. Il existe bel et bien des exceptions d’artistes trop talentueux, aux productions indémodables. Citons Ennio Morricone pour la musique ou Albert Camus en littérature.

Ces dernières années, plusieurs personnalités, comme Makoto Shinkai, transforment les dessins animés en bijoux pour les yeux. Mais franchement, qui règne en maître sur le cinéma d’animation ? Un seul nom me vient en tête. Hayao Miyazaki est, de loin, un poète de l’image dont l’art surpasse les surprises d’autres auteurs.
Par le passé, je définissais Xavier Dolan comme étant un poète du grand écran. Par contre, il n’est pas comparable à Miyazaki. Ce dernier surprend et chamboule nos attentes. En plus d’animer des imaginaires extraordinaires, il propose des histoires prenantes, émouvantes et foncièrement pertinentes. Le réalisateur québécois, lui, joue de diverses manières en partageant la plupart du temps un montage très accrocheur. Ses techniques sont fascinantes : jeu avec les flous, déformer la taille des plans, magnifier les lumières chaudes, etc. Cependant, ses récits ne sont pas toujours les plus intéressants. Quant au cinéaste japonais, il fait appel à notre enfance et, surtout, à la beauté d’imaginer des univers extrêmement poétiques.

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Le paradis réside dans les souvenirs de notre enfance. Nous étions protégés par nos parents et étions innocemment inconscients de tant de problèmes qui nous entouraient. -Hayao Miyazaki

Mon voisin Totoro illustre cette philosophie. Il rappelle à quel point les enfants voient un tas de choses, des choses impossibles à deviner pour les adultes. L’histoire se focalise sur deux sœurs, Mei et Satsuki. Elles s’installent avec leur père dans une maison à la campagne, tandis que leur mère doit se soigner ailleurs. Nos jeunes protagonistes découvrent alors un monde magique peuplé d’étranges créatures. Ces entités ne sont pas dangereuses. Elles enveloppent les spectateurs dans un cocon dont il ne peut se défaire.

Comment sommes-nous transportés ? Le film est bercé par une musique provoquant plusieurs émotions, de la joie à l’émerveillement. Joe Hisaishi signe des compositions pour magnifier les moments doux, où petits et grands respectent et remercient la Nature. Comme si les forêts et champs ne faisaient qu’un avec les personnages. Comme si rien n’était perdu tant que les éléments naturels veillent sur eux.

Mon voisin Totoro est une sucrerie visuelle. De nombreuses scènes dévoilent des dialoguent emplis de bienveillance, d’amour sincère. Hayao Miyazaki expose des tableaux, proches de respectueuses toiles impressionnistes, remplissant nos mirettes d’étoiles… mais, répétons-le, ses scénarios permettent de plonger vers une ambiance unique en son genre.

brunoaleas

LA DURE A CUIRE #90

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la moins douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist homonyme !

Last Dinosaurs

Toujours aussi frais, le groupe Last Dinosaurs accroche lorsqu’il balance des singles. Les guitares capturent l’attention, grâce également au chant rempli d’énergie.

Lymass

Gingembre, simple, orties, 3 mots partagés par Lymass pour décrire son projet musical !

Santa Chiara – Imported

‘Santa Chiara’, ce nom est celui de son monastère préféré à Naples, pour donner à sa musique un lien divin. Ces phrases, inscrites dans un dossier de presse, présentent l’univers de Chiara D’Anzieri. En tout cas, la chanteuse se connecte à un dimension sixties plutôt appréciable !

Milk Tv – Neo-Geo

J’aime le chaos proposé par Milk Tv. Les rythmiques saccadées du trio donnent envie de saccager le premier baffle venu… leur nouvel album Neo-Geo sera, à coup sûr, une véritable expérience pour l’ouïe.

Drama

Le Pietre dei Giganti Interview

Les forêts permettent de s’absenter du monde ? Et si on le comprenait en musique… on choisit Le Pietre dei Giganti comme bande son. Ce quatuor italien compose un rock brut et tribal. Le batteur Francesco Nucci présente l’univers de la bande.

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Le second album est toujours le plus difficile dans la carrière d’un artiste, chantait Caparezza. Ce fut le cas pour la bande ?

On avançait avec une certaine terreur. Celle de croire que le second album est le plus difficile à composer. Finalement, ça ne l’était pas. Au contraire, par rapport au premier, c’était plus facile. On avait déjà fait l’expérience du studio donc on bossait sur le disque en sachant déjà ce qu’on voulait, l’objectif et le type de son. Il n’y avait pas non plus l’impact émotif d’être pour la première en studio. C’était vraiment un parcours plus relaxant. Disons que l’enregistrement de Veti e Culti était une fête malgré son ton très sombre.

Les campagnes et forêts prennent énormément de place dans les thèmes de Veti e Culti.

Le premier album nommé Abissi faisait référence au monde maritime. A un certain point, lorsqu’on écoutait les démos, on s’interrogeait sur le futur sujet du projet. Après avoir affronté les thèmes des océans et profondeurs marines, le mot terre nous venait à l’esprit. Nos chansons faisaient aussi écho à l’univers tribal. On pensait vraiment à une symbologie, une sonorité, un archétype. Le thème des forêts est une histoire racontée en quatre morceaux, c’est un concept. Mais la base générale du disque est l’homme, la terre, le tribal. Moi, j’aime bien le définir comme un album sur l’absence. Nous n’avions pas de fil conducteur. Mais, une fois les chansons assemblées, la thématique de l’absence apparaissait claire et nette. Comme penser à un fantôme ou, en tout cas, à quelque chose qui s’en va. Les forêts équivalent à prendre une absence du monde. C’est-à-dire qu’une fois dans les forêts, nous sortons du monde pour entrer dans quelque chose d’inconnu et fantastique. Puis, on retrouve le thème d’un village qui se vide, d’une personne qui nous quitte, l’absence physique, voire même des paroles apocalyptiques qui mènent l’humain à l’essence de l’absence.

J’aime l’importance donnée à la nature, aux éléments essentiels. Je me souviens des textes de Mogol, interprétés par Lucio Battisti, où l’on ressent une nature sacrée. En tant qu’artiste, est-ce nécessaire de se détacher du virtuel, parfois trop inintéressant ?

Ecoute, je suis très réaliste. Je ne dis pas : Nous devons retourner à la campagne. Je dis plutôt : Nous faisons partie de ce monde et ce monde est aussi fait de réseaux sociaux. Ils permettent aussi de faire cette interview à distance, de faire connaître notre disque, et de nous faire connaître. Qu’Internet soit toujours félicité. Comme chaque chose, le net prédit de bonnes choses et des pièges. Pour un groupe, c’est simple de forcer la perception pour sembler être toujours en tournée, travailleurs, pour après se dégonfler. C’est le risque encouru par les bandes. Il suffit de bien travailler sur ses réseaux et montrer la réalité telle qu’elle est. Désormais, on peut produire à n’importe quel niveau avec des coûts abordables. Puis, quand le disque sonne d’une manière, il faut voir s’il sonne pareil sur scène. Souvent, on nous fait un compliment. Des personnes avouent que nos chansons sont plus belles, une fois jouées en concert. Nous avons réussi à porter nos titres sur scène, de façon optimale. Tout le mérite revient aussi à notre producteur. Il certifie qu’on doit composer des morceaux qui nous ressemblent, qu’on pourra jouer en concert. On ne doit pas se prendre pour je ne sais quel groupe puis se dégonfler. C’est aussi important pour le public qui vient t’écouter.

Pour le prochain album, changerez-vous de style musical ?

Nous sommes en phase d’écoute de certaines idées musicales. L’idée n’est pas de changer de genre mais nous irons vers un horizon, des panoramas, que nous n’avons pas encore sondés. Sans dénaturer le son des Pietre dei Giganti, mais plutôt, en essayant de mélanger les cartes. Nous écoutons divers styles de musique. Nous cherchons des rythmes lointains, africains, caribéens. Ensuite, on voit ce que ça donne une fois qu’on y ajoute des guitares, des voix… c’est ce qui se faisait dans la musique prog. Le rock progressif s’inspire de rythmes d’autres pays pour après les décomposer sur des instruments variés. Nous sommes sur ce terrain de recherche. Il ne s’agit pas de copier Veti e Culti. Nous allons élargir notre langage sous d’autres points de vue.

Interview organisée par brunoaleas (2023) – Photo ©Luciano Moneti

Oppenheimer

Christopher Nolan, el famoso fétichiste de la pellicule, revient en force ! Le cinéaste propose un film de trois heures centré sur un personnage historique. Pas n’importe lequel. Cet homme bouleverse et influence encore nos réalités. Robert Oppenheimer est certes fascinant, mais aussi détestable. Intelligent. Vif. Curieux. Le physicien réunit divers scientifiques au désert de Los Alamos afin de créer les trois premières bombes atomiques de l’Histoire…

Le réalisateur semble à nouveau écrire une lettre d’amour à la Science. Interstellar projette les spectateurs vers un espace fantasmé, tandis que son dernier long métrage se focalise sur des faits réels. Plusieurs figures apparaissent, de Werner Heisenberg à Albert Einstein. Pour la plupart, ils soulèvent une question très intéressante : à quel prix partager nos connaissances ?

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En pleine guerre, Oppenheimer choisit de travailler avec les services militaires, d’autres savants refusent ce type de collaboration. Serait-ce là une démesure déjà trop prononcée pour notre Prométhée en herbe ? Qui sait ? Je n’ai jamais ressenti autant de dégoût pour des intellectuels si déconnectés, si naïfs, si dangereux… parfois, il faut se détacher de ses émotions pour contextualiser un évènement historique.
Retenons une citation d’Einstein, des mots que j’aurais aimé adresser aux participants du Projet Manhattan : La peur bloque la compréhension intelligente de la vie.

Malgré mon aversion pour Oppie, le film est plutôt magistral. Images frénétiques. Chaos. Propulsions. Explosions. Lumières. Puis, la mise en scène, qu’elle soit explosive ou verbeuse, est sublimée par son travail sonore. Bruits et ambiances offrent un rythme accrocheur. Pensons à la scène où le protagoniste fait un discours sous moult applaudissements étouffants, voire anxiogènes. Merci à Ludwig Goransson. Cette sorte de messie compose quelques morceaux reposant le cerveau… car si l’œuvre est réussie, dévoilant un Nolan plus cru qu’auparavant (une scène de sexe est vraiment détonante), comment nier qu’elle fut une rude épreuve visuelle ?!
Trop d’informations sont à ingurgiter ! C’est pourquoi, je ne contemplerai pas ce film une deuxième fois. Je préfère voir le réalisateur aux commandes de fictions extraordinaires, comme Le Prestige.

Christopher Nolan filme le temps, une matière inépuisable et inspirante. Le temps bouffe Prométhée. Le temps est souvent notre ennemi. Laissons-le aux mains de la communauté scientifique, qu’elle puisse juger la folie des Hommes.

brunoaleas

L’importance de l’art

A quel point l’art a un rôle important dans nos vies ? Deux jeunes personnes s’expriment sur le sujet. Elise résume la beauté de l’écriture. Bruno, lui, joue carte sur table.

Ecrire, un moyen de voyager, s’instruire, s’évader – Elise

L’écriture est étroitement liée à la lecture. Elles se complètent mais je me pencherai principalement sur la première. Les mots ont un pouvoir, souvent inconscients sur nous. Ils nous interpellent, touchent, renversent. Ils nous transmettent des sensations, des émotions, des passions.

La pointe du stylo à bille glisse sur la feuille comme un surfeur sur sa planche. Les sons se mélangent et comme un orchestre, s’arrangent. La vibe s’installe, l’ambiance prend place sans que l’on s’en lasse. Pour les adeptes de la technologie, les touches du clavier sont frappées comme un forgeron avec son enclume. Peu à peu, l’esprit sort de la brume, s’éclaircit, s’en voit allégé. Vraiment, l’écriture nous permet de voyager.

Questionner sa motivation – brunoaleas

Qu’est-ce qui me motive à me lever le matin ? A vrai dire, je crois que l’art joue un rôle important et nécessaire dans ma vie. J’ai perdu la personne que j’aimais le plus au monde, il y a quelques années. Peut-être qu’inconsciemment, je cherche de pures évasions, là où je peux éternellement stimuler mon imagination.

Alors, chaque jour, mes yeux s’entrechoquent à d’autres imaginaires. Qui sait ? Ils m’inspirent et m’inspireront pour toujours. Tant que l’art reste un terrain de jeu pour tout le monde, je me lèverai chaque matin.

Photo ©elve_photographie / Textes écrits lors d’ateliers Scan-R

Beau is afraid : comédie cauchemardesque

Beau is afraid est le troisième long métrage d’Ari Aster (Midsommar, Hérédité). Tantôt drôle, tantôt perturbant, le film nous conte les peurs de Beau.

Le film débute avec un écran noir inquiétant. Le spectateur comprend rapidement qu’il est en train d’assister à la naissance du personnage principal. Tout de suite après, nous nous retrouvons une quarantaine d’années plus tard avec Beau (Joaquin Phoenix) face à son psychiatre.

Les choses s’emballent lorsque Beau doit rentrer chez lui. Sur le chemin du retour, il assiste à des scènes loufoques : la ville est dans un état post-apocalyptique, un étrange personnage tatoué de la tête aux pieds l’attend devant l’entrée de son immeuble pour l’agresser physiquement. Dès cet instant, le spectateur se questionne pour savoir si tout ceci est la réalité ou le fruit de l’imagination de l’étrange Beau ?

Tout partout, et en même temps

Ari Aster construit son film en trois grosses parties. Chaque partie peut être considérée comme un voyage dans les tréfonds des traumas de son protagoniste. Chaque élément garde une certaine cohérence et on peut apercevoir un fil conducteur jusqu’à l’issue de la première partie. Dès l’entamé de la deuxième partie, le spectateur est littéralement noyé par les informations. Le réalisateur utilise cette partie (la plus longue des trois autres) pour remonter aux origines des traumas de Beau. L’exercice qui, initialement, ne semble pas périlleux, se transforme en une séance de psychanalyse incompréhensible. En effet, nous embarquons dans des scènes qui sont à la fois drôles, étonnantes, sans queue ni tête et malaisantes. Pensons au moment où le film se transforme en un tableau de peinture vivant.

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Un peu trop long ?

Depuis ces dernières années, il y a une surenchère sur celui ou celle qui réalisera le film le plus long. Beau is afraid n’échappe pas à ce phénomène. Cette longueur est paradoxale car on ressent une impression d’inachevé à la fin de la projection. Ce sentiment s’amplifie par le fait qu’on reçoit énormément d’informations durant tout le film, sans pour autant comprendre où tout cela conduit.

Freud is everywhere

Aster n’hésite pas à faire appel aux théories du plus connu des psychanalystes, Sigmund Freud. Tout au long du voyage de Beau, celui-ci se confronte au complexe d’Œdipe. Effectivement, Beau semble vivre une relation très glauque avec sa mère. Cette dernière a une emprise très malsaine sur lui.

La sexualité est également un sujet récurrent dans l’intrigue. Malheureusement, le cinéaste n’exploite pas en profondeur les symboles freudiens. Il se contente de simples évocations qui parfois tournent à la caricature. La scène dans laquelle Beau découvre l’identité de son géniteur l’illustre parfaitement. Freud a théorisé le concept du ‘ça’ qui renvoie notamment aux pulsions sexuelles. Le réalisateur le caricature un peu lors de la conclusion de cette thématique dans son œuvre, car il dépeint le père de Beau sous forme d’un phallus géant. Il assume certainement ce choix pour rajouter un élément d’absurde lié au côté comique du film. Cependant, cela demeure frustrant de ne pas avoir une explication plus complexe des angoisses sexuelles de son personnage principal.

Heureusement, Joaquin Phoenix, coutumier du rôle du gars pas bien dans sa tête, livre une performance hors norme. Il réussit, magistralement, à transmettre aux spectateurs la confusion qui règne dans sa tête. Finalement, Beau ne serait-il pas un Joker qui tente de comprendre sa folie ?

Fortuné Beya Kabala