Filmer une vie familiale torturée, Xavier Dolan sait le faire. L’auteur se focalise sur une pièce de Jean-Luc Lagarce pour son sixième long métrage, Juste la fin du monde.
Il est trop tôt pour le définir comme un génie de la pellicule. J’admire ce qu’il a produit ces dernières années, mais, à l’inverse de Sergio Leone, Steven Spielberg, George Lucas, il n’a pas réuni des éléments qui ont marqué l’imaginaire collectif pendant des années et des années.
Luc, je suis ton père.
Voici un bel exemple d’imprégnation cinématographique. Je ne nie en aucun cas la maîtrise de Xavier Dolan à faire de sublimes films. Cependant, sa haute poésie ne s’immisce pas encore dans l’inconscience de tout un chacun. Pour l’instant, ses œuvres détiennent une puissance commune à celles d’Albert Camus (un auteur que j’adore lire) : ses créations transpirent une certaine humanité. Tout comme l’écrivain, il s’amuse à décrire des interactions sociales. Ces deux personnages ont également réussi à toucher à des valeurs universelles. Voici ce qui fait la part belle à ce Québecois, il comprend comment attirer ses spectateurs.
Ne crachons guère sur la filmographie du jeune cinéaste. Il aborde des sujets (‘la famille’, ‘l’homosexualité’, ‘l’adolescence’, etc.) qui concernent la plupart d’entre nous. Ce n’est pas un récit où hommes et femmes ont leur anus lié les uns aux autres, gobant moult excréments (référence à peine voilée), qui va interpeller les publics, tout âge confondu.
Juste la fin du monde raconte l’histoire de Louis qui décide de rentrer chez lui, après 12 ans d’absence. Quel est son but caché ? Annoncer à sa famille qu’il est atteint d’un cancer.
En premier lieu, j’aime énormément la BO de ce film. J’en arrive même à croire que Dolan a toujours de bonnes idées pour choisir les chansons qui bercent ses travaux. Un don se démarque chez le réalisateur pour fusionner photographies et sons. C’est à se demander s’il ne gagnerait pas sa vie juste en réalisant des clips musicaux.
Quant au fond de Juste la fin du monde, il traite entre autres d’une tristesse non révélée à une famille déchirée à cause de l’absentéisme de Louis. Vu qu’il s’est comporté trop longtemps comme un fantôme, il ne représente plus rien aux yeux de son frère Antoine, et sa sœur Suzanne le connait à peine. Comment dévoiler une nouvelle si déprimante, lorsque le chaos règne dans la maison ? Telle est la question qui martyrise Louis durant tout le film.
Chaque protagoniste incarne un comportement différent, amenant à cette adaptation de pièce de théâtre un époustouflant arc-en-ciel d’émotions. A l’écran, la joie et le drame se fondent pour former une œuvre faite pour pleurer, sourire, contempler.
Lagarce construit son écriture sur l’imperfection de la langue. La façon dont on se reprend, dont on se corrige. Pour moi, c’est ce qui confère aux personnages un caractère humain. Il y a une émotion qui naît de leur vulnérabilité, leur faiblesse, leur laideur parfois, leur égoïsme. Les secrets qu’il écrit, les reproches, les maladresses qu’il met dans la bouche des personnages, c’est ce qui fait de Juste la fin du monde un objet unique. -Xavier Dolan (Cahiers du cinéma, n° 725)
Malgré un Gaspard Ulliel parfait pour interpréter Louis, de superbes couleurs, des gros plans plaisants (mais parfois, trop anxiogènes) ou encore des tirades très lyriques, Juste la fin du monde ne détient pas la beauté des détails techniques de Mommy.
L’expérience est tout de même poignante, et les images, inoubliables. Images, peut-être aux prémisses d’un avenir encore plus prometteur pour Xaxa.
Drama