Les rappeurs belges sont à la mode en ce moment. Damso avait largement ouvert la voix en 2016 avec l’énorme succès de son premier album, Batterie faible. Un an plus tard il est de retour avec un deuxième album, Ipséité, qui fait déjà bien parler de lui. Sauf que cette année, d’autres de nos voisins du Plat Pays sont bien décidés à frapper fort en montrant bien plus que le bout de leur nez dans le paysage du rap francophone. On peut penser à Caballero et JeanJass qui ont sorti, en mai, leur album Double Hélice 2.
Mais c’est à Roméo Elvis, et au duo qu’ils forment avec Le Motel, à qui on va s’intéresser, car le fruit de leur collaboration nous a offert un bien beau projet qu’est Morale 2.
Morale 2 est la suite logique de Morale sorti en 2016, qui était déjà la conséquence de l’association de nos deux protagonistes. Et j’insiste sur le fait qu’ils soient deux dans l’affaire. Roméo Elvis bien entendu, mais aussi Le Motel qui n’est autre que le producteur de l’album. Rarement l’on considère un artiste et son producteur comme un duo. Je précise que ce n’est pas moi qui veux absolument mettre en avant cet aspect-là, je ne fais que relayer ce qui transparait dans la communication autour du projet.
Cette volonté de mettre au même niveau le travail du rappeur et celui du producteur/beatmaker, bien qu’elle soit peu courante dans le milieu du rap français, on peut l’entrevoir davantage avec une nouvelle génération de rappeurs qui émerge. A2H en est aussi un très bon exemple. Le but étant de rappeler au public que le rap, avant d’être, pour certains, le moyen de se trouver une posture, ou de véhiculer des idées plus ou moins intelligentes, c’est surtout de la musique. Quelque chose qui doit nous atteindre, dans un premier lieu, grâce au fait qu’on l’écoute physiquement avec nos petites oreilles ! Et Moral 2 exploite à merveille ce principe, grâce à la justesse et la concordance parfaites des sonorités écrites et interprétées par Roméo Elvis d’un côté, et celles composées par Le Motel de l’autre.
D’une telle justesse, qu’après une simple écoute de l’album vous retiendrez immédiatement les refrains de chacun des titres qui le constituent. Bien aidez aussi par le fait qu’ils soient répétés un nombre de fois à la limite du raisonnable pour certains. C’est peut-être là le seul bémol que j’émettrais. Rien de grave, mais exploiter au maximum une phase qui est sensée bien sonnée, en la répétant beaucoup de fois, c’est à double tranchant. Certains sons peuvent alors devenir assez vite lassants.
Fort heureusement vous n’allez pas vous lasser si facilement car Roméo Elvis a un autre atout dans sa manche ! C’est quelque chose qui est propre à cette fameuse génération à laquelle il appartient. Cette capacité à se foutre complètement de ce que le public, mais surtout le milieu, vont penser de leur façon d’aborder la musique. Ce qui permet d’avoir une totale liberté artistique et créatrice. En résulte des flows et prods originaux. Mais surtout le plus intéressant à mon sens, le dépassement de la confrontation entre variété et rap. La chanson « Drôle de question » en est un parfait exemple avec un petit côté Vianney, en moins gentleman. Mais plus franc…
Le tout réussissant à rester cohérent malgré le fait que pour quelques-uns, cette comparaison leur évoquera sans doute un blasphème. C’est dire le niveau de créativité, de diversité et d’originalité qu’atteint cet album !
J’aurais pu évoquer un peu plus les textes, leurs couplets assez courts mais efficaces. « Fainéants » diront les plus exigeants. Ils n’en sont pas pour autant dénués de sens ni de fond. L’essentiel, de toute façon, n’est pas là puisque la plume de Roméo Elvis est au service de la forme. Une forme à l’esthétique quasi parfaite. Non pas pour nos yeux mais bel et bien pour nos fameuses petites oreilles.
Justin Instant