Arctic Monkeys – Tranquility Base Hotel & Casino

J’avais très très très peur d’écouter le sixième album des Arctic Monkeys.

J’ai découvert la musique de ces Anglais via leur deuxième opus, Favourite Worst Nightmare (2007). L’adolescent que j’étais avait besoin d’un album de ce type pour pouvoir se défouler dans les règles de l’art. Ensuite, point d’attente pour découvrir une discographie où un seul constat prenait toute son importance : il n’y avait pas un morceau que je n’aimais pas de ce groupe ! Tous les projets d’Alex Turner (The Last Shadows Puppets, l’album solo pour Submarine) me fascinent.
J’ai vraiment un respect hors norme pour ces Singes de l’Arctique.

D’ailleurs, Suck It And See (2011) représente une des plus belle surprises de mon adolescence. Cet album parfait m’avait et me marque toujours autant de par son hétérogénéité sonore. N’oublions pas aussi des paroles mémorables écrites par Turner. Suck It And See, incroyablement bien mixé, présentant les jeunes singes comme désormais de vrais adultes, synthétisait une formidable carrière musicale.

Puis vint le drame…

L’avant dernier bébé, AM (2013), symbolise une des plus grandes (si ce n’est LA PLUS GRANDE) déceptions musicales de ma vie. Qu’était-il arrivé à ces musiciens qui composaient des chansons illustrant leurs talents exceptionnels ? Quel gâchis… Matt Helders (le batteur) avait sûrement consommé la plus efficace des morphines pour jouer à une vitesse égale à une course d’escargots. Les paroles sombraient dans les récits d’un Turner qui semblait avoir pris le melon, partageant ses histoires amoureuses pour pécho de la minette encore et encore. Bref, ce boys band n’avait plus rien à voir avec le quatuor d’ados qui faisaient du punk accessible à tous.
Malgré le fait que les Arctic Monkeys ont toujours trouvé la force de se réinventer à chaque album (punk, shoegaze, stoner, garage, psyché), AM ennuie profondément. Nulle envie de danser durant l’écoute, pas de riff intéressant (quelle farce ce « Do I Wanna Know ? ») et aucun morceau qui se distingue plus qu’un autre (même si « R U Mine ? » sauve en partie l’album). Le seul point positif de ce navet se résume aux solos de guitare très soignés de Turner.
Il n’empêche que je préfère oublier cette bouse du quatrième art.

Tranquility Base Hotel & Casino n’avait aucun single de sorti à l’avance. Les auditeurs ne pouvaient se faire une idée de ce qui les attendait. Néanmoins, un petit clip vidéo, faisant office d’aguiche, présentait déjà des sons interstellaires de synthé et ceux d’une guitare brute (extrait de « Four Out Of Five »). Le tout entouré d’une mystique maquette à la couleur presque dorée.
Le suspens était immense et l’attente phénoménale.

Certains clament que l’opus ressemble trop à ce que produisent les Last Shadow Puppets, et d’autres affirment qu’on a affaire à un album solo d’Alex Turner. Je me tourne beaucoup plus vers le second bilan. Tout a été composé par Turner. Ce dernier a livré son univers à ses potes et le groupe a enrichi l’ensemble pour donner un œuvre indispensable.

Turner a choisi un tout autre instrument pour s’inspirer et s’appliquer à la conception de ce 11 titres : il a échangé sa guitare par un piano offert par son producteur James Ford.

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Le résultat : moyennement grandiose.

Il m’a fallu plusieurs écoutes avant d’accrocher à l’entièreté de l’album. Cependant, on ne peut nier qu’on y retrouve un travail beaucoup plus abouti que celui lié à AM. Les paroles du chanteur captivent, les lignes de basse de Nick O’Mayley envoutent et les accords au piano/synthé n’ont rien de désagréable. Le seul musicien qui contient encore une fois tout son potentiel artistique, n’est autre que Matt Helders (qui se lâche un peu plus sur « She Looks Like Fun »).

Tranquility Base Hotel & Casino a des traits rétro-futuristes. « Rétro » pour sa pochette d’album montrant une espèce de machine d’un passé lointain et surtout pour ses mélodies assez « années septante ». Et « futuriste » pour les textes cryptiques et métaphysiques de Turner.

Il n’y a qu’à se pencher sur « Four Out Of Five » (meilleur morceau de l’album) pour mieux comprendre mes propos. Cette chanson nous explique qu’il existe sur la Lune une taquería du nom de « The Information Action Ratio » (en référence au nombre incalculable d’informations reçus et transmis des médias de notre époque) qui accueille des humains de classe moyenne (des divisions entre les peuples subsisteront toujours). Ce délire assumé par Turner m’a donné une folle envie d’apprendre les paroles par cœur pour saisir l’ampleur de ce voyage surnaturel. « Four Out Of Five » reflète une prophétie surréaliste qui donne à réfléchir sur notre condition humaine.

Aux sonorités menées par un synthé qui fait planer tout auditeur, cette ballade rock’n’roll ne prouve pas que les Arctic Monkeys demeurent le seul groupe rock encore sur Terre (plus gros mensonge pour les mélomanes). N’ayons pas peur des mots : elle démontre à quel point ces musiciens sont les héritiers directs des Beatles ! Les paroles de « Four Out Of Five » contiennent également un clin d’œil à Orange Mécanique (1972) réalisé par Stanley Kubrick (1928-1999) : Hockey Cokey. « Suck It And See » était aussi un titre qui apparaissait sur un mur présent lors d’une séquence d’Orange Mécanique. Turner étant fan de ce cinéaste (géant du cinéma), est allé jusqu’au bout de ses idées à travers le clip de « Four Out Of Five » : esthétique très colorée, des plans aux cadres symétriques et des images qui dépeignent une certaine démesure.

Good morning
(She looks like fun)
Cheeseburger
(She looks like fun)
Snowboarding
(She looks like)

Ces paroles, dignes d’un lyriciste qui ne se pose plus aucune limite, proviennent de « She Looks Like Fun ». L’ironie touche bien sûr à ce sinistre texte. Turner témoigne d’une préoccupation au sujet des dérives contemporaines insécables des applications technologiques. Imaginez-vous vous lever un matin et saluer du regard des postes pathétiques d’Instagram, ne plus savoir vous ennuyer, et découvrir que plus rien n’est privé en ce bas monde.
Il traite d’obsessions propres à une grosse majorité des populations mondiales.

Si le fond de Tranquility Base Hotel & Casino charme aisément, la forme, elle, est moins extraordinaire. Turner, assagi, ne joue plus aucun titre explosif. Il se manifeste comme le chanteur d’un saloon perdu, ne buvant que du scotch et produisant des envolées lyriques remplies de références cinématographiques ou littéraires.

Quand j’aurai l’âge de Turner, je ne sais pas si j’aurais le même avis sur Tranquility Base Hotel & Casino. En tout cas, j’ai hâte d’observer les prochaines évolutions des Arctic Monkeys.

Drama

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