Nope

Jordan Peele attire les regards. Comme s’il lançait un effet de mode. Comme s’il affirmait que le cinéma de genre portait un discours critique sur nos sociétés… Lors de la diffusion de Blade Runner 2049, je ressentais déjà une crainte amplifiée à la sortie de Nope. Et si le public d’aujourd’hui n’était plus habitué à voir des œuvres éminemment politiques ?
A force de bouffer Marvel et des comédies françaises de merde, les spectateurs subissent l’endormissement du cerveau.

Où sommes-nous transportés ? OJ et Emerald font partie de la famille Haywood. Ils gèrent un ranch californien et veulent sauver ce patrimoine laissé par leur père. Comment y parvenir ? Il suffit de prendre en photo une force mystérieuse sillonnant le ciel.

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Jordan Peele part toujours d’une situation typique pour basculer ensuite vers des mésaventures atypiques. Il filme la banalité pour la déconstruire. Pensons à la bourgeoisie et le racisme derrière Get Out. Sa dernière œuvre en date affiche les perversités propres au monde du spectacle. Que recherchons-nous à travers le divertissement ? Une reconnaissance ? Le bonheur ? L’évasion ? Le cinéaste comprend que la menace filmée à l’écran n’est qu’un prétexte pour montrer de vrais visages. Un jeune homme traumatisé par les shows télévisés, puis, lobotomisé par la starification. Un réalisateur absorbé par le désir de capturer l’inimaginable. Un journaliste dont le casque moto reflète la bêtise humaine et la volonté d’immortaliser toute image.

Notre metteur en scène conjugue technologies toxiques et absurde humanité. Nope détient cette puissance d’être plus contemporain que n’importe quel documentaire portant sur les avancées technologiques. Parfois, elles sont souvent à voir d’un bon œil. Souvent, elles sont utilisées à trop mauvais escient. Comment ne pas être dégoûté face à des jeunes filmant une bagarre, plutôt que de prévenir des secours ou de s’interposer ? Se divertir mène au succès. Voici ce que Jordan Peele dénonce grâce à son humour. Et surtout grâce à ses séquences horrifiques, où l’angoisse est savamment installée dans un désert. L’individualisme l’emporte sur l’altruisme.

Nope n’est pas un chef d’œuvre. L’ennemi de nos protagonistes disparaît de manière pathétique, laissant une sensation anti-spectaculaire… Néanmoins, sa photographie demeure mémorable et son atmosphère glauque est maîtrisée de bout en bout : sa scène d’ouverture, la maison ensanglantée, de terrifiants maquillages, son montage radical, etc. Le long métrage annonce assurément une belle carrière pour son artisan. Il rappelle aussi une dure vérité : hommes et femmes n’envisageront jamais les civilisations sans la construction d’arènes.

Drama

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