Qui est l’homme ?
Est-ce un clown ? Un misérable tas de secrets ?
Et ce clown ? Est-il cet homme ? Ou est-il son maquillage ?
Mesdames et Messieurs, nous vivons dans une société.
Oui, je sais, c’est dur à avaler. Mais je ne suis pas sûr que ce fait soit plus difficile à avaler que les 138 minutes du second chapitre de Joker.
Pourtant, Joker : Folie à Deux est, en soi, un film aux réflexions intéressantes. Le premier volet proposait une profonde étude de personnage. Il analysait comment un anti-héros, souffrant, abandonné, inadapté, terriblement isolé, devient un criminel puis une icône, le symbole de toute une classe opprimée. Le film se terminait sur une note amère, nous rappelant que, quand les émotions négatives s’accumulent et résonnent dans une foule, il ne suffit que d’un déclencheur pour que la violence éclate.
Nous reprenons donc ce deuxième film, plus ou moins, là où nous avions laissé l’intrigue : le récit de l’emprisonnement, puis du procès d’Arthur Fleck, alias, le Joker.
Et le message du film est assez limpide. C’est un commentaire très méta sur la manière dont le public a pu percevoir le personnage, ces dernières années.
On nous pointe du doigt : Regardez ! Voici l’homme que vous, ceux qui postiez des mèmes intitulés “Quand le gentil perd patience, le diable tremble”, avez porté sur un piédestal. C’est un homme malade, triste, accro et terriblement, terriblement seul. Regardez-le se faire humilier sauvagement et s’effondrer ! Votre héros n’est pas un héros, c’est une misère humaine !
C’est la destruction, que dis-je, l’atomisation de ce héros. Et vous savez quoi ? Certes, c’est une claque dans la figure du public original. Mais cela a le mérite d’être une idée relativement nouvelle. On peut dire ce qu’on veut de ce film, mais il est un excellent carburant pour les débats. La controverse qu’il suscite est, à mon sens, une certaine réussite.
Mais ! Mais ! Malheur. Il est si ennuyeux ! Mesdames et Messieurs, ce film est tout sauf un divertissement. Et pourtant, c’est une comédie musicale ! J’adore les comédies musicales, j’en mange chaque jour au petit déjeuner. Joaquin Phoenix, fumeur compulsif, qui, je pense, ne passe pas une seule scène sans s’allumer une cigarette, mime à la perfection le chant du cancer de la gorge en phase trois. Les scènes de chant sont longues, n’apportent rien au récit. C’est très pénible. Et comme elles sont nombreuses, le film semble totalement vide d’événements. Une impression générale marque l’esprit. Comme si les auteurs, en fin de film, n’avaient pas envie d’écrire plus qu’un film de 40 minutes et ont décidé, sur un coup de tête, d’appeler Lady Gaga pour combler le reste.
Et une dernière petite chose. Dans le film, l’avocate d’Arthur le défend en clamant qu’il souffre d’une maladie mentale : le trouble dissociatif de l’identité… encore ! Pourquoi est-ce devenu un cliché d’associer cette pathologie tragique à tous les méchants du cinéma ? Le film joue avec l’audience. L’avocate représente ceux d’entre nous qui voient Arthur comme un pauvre homme très malade, victime de la société, incompris, dont l’abus maternel a créé une personnalité violente cachée en lui.
Tandis que Harley Quinn (Lady Gaga) représente ceux d’entre nous qui le voyaient comme un homme écrasé par la société, qui finit par se révolter et briser ses chaînes, montrant enfin aux puissants ce qu’il se passe quand le mouton se transforme en loup…
Le film nous tapote gentiment sur l’épaule avec un marteau de trois tonnes, à la fin. Pourquoi ? Pour nous montrer que Fleck n’est qu’un simplet, un meurtrier, un homme misérable et pitoyable qui s’est toujours laissé porter par les événements.
C’est une énième utilisation abusive du trouble dissociatif de l’identité, exploitée à outrance par les auteurs pour leurs intrigues judiciaires.
En relisant ce texte, ne trouvez-vous pas cela de mauvais goût, un film qui ne remet pas simplement en question mais juge avec mépris les interprétations des fans ? Je vous invite à découvrir Partielles. Ainsi, vous en saurez bien plus, au sujet du TDI.
Je reverrai le premier film avec plaisir dans le futur. Il reste une performance marquante. Mais cette suite laissera un arrière-goût amer associé à la franchise. La société n’était pas prête…
Pierre Reynders