Musique

Embrace Your Punishment – Honor Before Glory

Il est vrai que la musique est un vecteur d’émotion. Ainsi, il n’est pas rare de ressentir cette petite étincelle lorsqu’on écoute un album ou bien quand on voit un groupe en concert.

Pour vous faire partager ce sentiment, je vais vous faire entrer dans le monde peu connu du Slamming Brutal Death Metal à travers l’album Honor Before Glory du groupe français Embrace Your Punishment, sorti en octobre 2014. Continuer la lecture

Thom Yorke – ANIMA

Sommes-nous contents de vivre l’instant présent ? On nous enquiquine souvent en nous affirmant que c’était mieux avant… sauf que l’époque des hippies testant les premières drogues dures est révolue. Depuis des années, on délaisse les studios et les vieilles méthodes d’enregistrement pour ne faire plus qu’un avec les machines.
Dans ce contexte, un homme offre une autre dimension à l’électronique. Thom Yorke, chanteur des Radiohead, modernise le 4e art. Sa recette ? Nervosité. Sensibilité. Complexité.

L’énergumène pousse ses limites à l’infini en tant que musicien. Via ses albums solos, il confectionne des projets assez transcendants. D’une collaboration visuelle avec Paul Thomas Anderson (There will be blood, Magnolia) naît ANIMA. Il s’agit d’une boîte à surprises sonores. Dès qu’on l’ouvre, on souhaite lâcher prise. Se lancer dans le vide, bercé par des nappes de synthétiseurs et des percussions aux rythmes imprévisibles.

A quoi bon comprendre les paroles ou ce qu’on entend ? Ce n’est pas de la paresse. C’est répondre à l’invitation du mélomane cinquantenaire. Celle de sentir une nouvelle expérience nous traverser.

Thom Yorke semble indomptable. Lui, qui comme Beck, se fraye un chemin tout en gardant une touche individuelle d’année en année. Rien ne sonne faux dans ANIMA. Basse, batterie et voix fusionnent afin de plonger dans des échos bipolaires d’un chant unique. On confondrait le thé par du goudron, en écoutant les sombres imageries du britannique. Il ne reste plus qu’à s’incliner face à tant de recherche et de maîtrise.

Ces derniers lustres ne se résument pas à des artistes incapables d’inventer quoi que ce soit. Merci Thom.

Drama

Lomepal – 3 jours à Motorbass

Antoine Valentinelli a tourné deux fois la page dans sa carrière.
La première avec FLIP (2017). Personne ne s’attendait à une telle rafale de classiques. Une collection de sons composés par d’excellents producteurs tels que Superpoze, Ponko ou Le Motel!
La seconde avec Jeannine (2018). Une introspection aux paroles et thèmes universels. Une dédicace à sa grand mère et aux âmes torturées.

L’enfant du 13e arrondissement ne nous offre pas un vulgaire et banal best of… Mais bien une session acoustique qui donne ses lettres de noblesse à son chant et surtout, à ses chansons. Il s’enferme du 29 au 31 mai au studio parisien de Motorbass. Son objectif: reprendre 15 titres de ses précédents opus, accompagné de Pierrick Devin (Phoenix, Nekfeu) à la guitare, du percussionniste Aymeric Westrich, de Rami Khalifé au vibraphone, et d’Ambroise Willaume (Sage) au piano, wurlitzer et guitare. Chacun s’applique à remanier les tubes du chanteur.

Capture d’écran 2019-10-19 à 01.31.23©Youtube

Durant ces 3 jours, le fan des Strokes capture la délicatesse de ses paroles. Que ce soit son cri d’amour à la jeunesse (« Môme ») ou ses délires frénétiques (« 70 », « 1000° »), l’ambiance montmartroise enferme l’auditeur dans une bulle sensible. Pianiste et guitariste participent à créer cette magie. De la beauté non négligée des cordes de « Trop Beau » ou de l’interprétation soignée de « Bécane », ce projet s’écoute d’une traite comme un hymne à la chanson française. Mention honorable à « Tout Lâcher » renouvelant parfaitement sa version originale.

Ce live enregistré reflète également un souhait caché de l’artiste.

J’ai plus un background rock à la base. Le rap était un moyen de me faire entendre. -Lomepal

Charles Baudelaire affirmait qu’un poète jouit d’un incomparable privilège: être à sa guise lui-même et autrui. Antoine, tu traces ta route tout en t’éloignant des normes du rap. Bravo Palpal. Bravo.

brunoaleas

Vald – Ce monde est cruel

Vald est le pote à la fois intello et défoncé qu’on aimerait avoir. Capable du pire (ses morceaux trop trap) comme du meilleur (Agartha étant un immanquable du rap francophone), le jeune français revient avec Ce monde est cruel. Un opus qui rappelle certaines duretés de la vie.

Quelques mélomanes le considèrent comme le meilleur rappeur babtou. Je ne valide pas cela vu le talent et l’écriture d’un Lomepal ou d’un Nekfeu. On va s’en tenir à un constat: Valentin Le Du est le rappeur le plus fou du rap français. Ses divers flows, ses multiples tonalités de voix, ses textes… Tant de points qui rendent son univers assez délirant. Pensons à « Pensionman », où il se lâche complètement afin de traiter des impôts et de l’argent! Une parenthèse teintée d’humour donnant à réfléchir quant aux séparations de couples. Des situations qui mènent souvent à de belles catastrophes économiques chez l’un ou l’autre partenaire. Non, Vald n’a pas arrêté de rire.

Qui veut un salaire? Je lui fais un gosse. -Vald

68d8a5b68415ef705299a391e25a0c13.1000x486x1©Genius

Et on en parle de l’alchimie parfaite qui coexiste entre Vald et Suikon Blaze AD?! Puis, il suffit à Suikon de balancer un son avec son pote pour mettre à genou tous les autres paroliers de France. « NQNTMQMQMB » démontre que les deux loubards ont encore et encore du feu à nous délivrer. Ça débite lentement, rapidement, et surtout de mille façons différentes. Une fois le morceau terminé, impossible de nier l’incroyable technique vocale des deux amis.

Malgré les nombreuses qualités de Vald, je ne peux me résoudre à écouter sa voix modifiée à l’auto-tune. Si Kanye West fait de l’auto-tune une espèce d’instrument à part entière, il n’en est pas le cas de tous les chanteurs.
J’ai dû passer un plusieurs titres de Ce Monde est cruel. Ce n’est pas pour autant un mauvais projet. L’évolution artistique de Vald demeure stupéfiante.

L’homme décrivant le rap tel une philosophie pour les nuls nous réserve un prochain album rempli d’amour. Il compte également créer son propre label. Avant de se prendre un nouvelle ère en pleine face, souvenez-vous de ce monde cruel.

brunoaleas

Mike Patton & Jean-Claude Vannier – Corpse Flower

Plus qu’un mythe du rock actuel, Mike Patton (Mr. Bungle, Faith No More, Tomahawk) est le meilleur magicien pour mélomane. Chaque année, il surprend avec un nouveau projet. Il reprend notamment des classiques de la musique italienne avec Mondo Cane (2010). Sans compter Fantomas, où il délivre des prestations iconoclastes, en se jouant des codes rock/métal. Personne n’arrête Mikey !

Alors quand on apprend que Jean Claude Vannier (auteur-compositeur-interprète et arrangeur musical français) s’entretient avec Mike Patton via mails… Comment ne pas sauter de joie ?! Cloclo Vannier n’est pas n’importe qui. Papa entre autres de l’Histoire de Mélody Nelson (Serge Gainsbourg, 1971), il compose autant au cinéma, en télévision qu’au théâtre !

mikepatton-jean-claudevannier-c-renaudmonfourny-width_4919_height_2677_x_0_y_6©Les Inrocks

La fusion Patton/Vannier semble improbable. Pourtant, Monsieur Vannier aime l’humour du chanteur américain… Une porte s’ouvre dès lors à cette collaboration.

L’opus Corpse Flower sonne comme une lettre d’amour aux styles respectifs des deux artistes. Si l’on retrouve de méticuleux violons ou des guitares rockabilly pour Vannier, les chœurs (‘Chansons D’Amour’) et cris glaçants (‘Ballade C.3.3’) de Patton ne passent pas inaperçus !
La classe et la fantaisie. Le rire et la tétanie. Le café et le sang.

Encore une fois, Mike Patton prouve qu’il ne joue pas dans la même cour que ses contemporains. C’est une ballade mi-française, mi-anglaise, qu’il nous demande d’écouter…
Une orchestration millimétrée et transcendante.

Je me méfie des faiseurs de systèmes et m’écarte de leur chemin. L’esprit de système est un manque de probité. -Friedrich Nietzsche

brunoaleas

Se souvenir de Pouchkine

Pouchkine, c’est ce genre de fille parfumée d’éthanol.

Mon regard se posait sur elle à un concert de l’armée russe. La puissance des chœurs nous enfermait dans une bulle hors du temps. Un seul réflexe me traversait l’esprit. Il fallait la suivre dans les rues enneigées du kremlin.

Le ciel était de plus en plus triste. A une terrasse, elle demandait l’addition et j’observais au loin ses mains bleues fuchsia. Ses doigts témoignaient d’un dur labeur, révélateurs d’un passé ancré dans l’artisanat et l’artistique. Car oui, j’avais déjà vu son visage au théâtre. Je connaissais déjà ce sourire atypique. Elle n’avait rien d’une femme éteinte.

J’étais le pire épicurien. Cependant, seul le réel compte. Mes quelques mots auraient défini mon destin. Pouchkine m’attirait beaucoup trop. Je ne pouvais rester inactif. Il y avait du vent, je n’avais qu’à vivre. Au lieu d’attendre une poussée d’adrénaline, une voix intérieure me criait : Demain, c’est déjà maintenant. Dès lors, je prenais mon courage à deux mains et rejoignais la table de l’érudite.

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Ses yeux étaient rivés sur un bouquin de Dostoïevski. Petite vilaine, elle me payait un verre. J’étais là, comme un grand con à l’écouter parler de tout et de rien. Je me perdais dans le fond de ses yeux. L’ambiance semblait si onirique. Le vin ne faisait plus d’effet. Chaque mot de Pouchkine rimait avec déconne.

On quittait le Delta Bar pour se diriger vers la gare du Nord. Je la raccompagnais sous les lampadaires. Sa main empoignait la mienne. Elle me conduisait à son appartement pour un dernier café. Elle me faisait écouter son jeu à la guitare, docile et relaxant. Elle passait également le dernier disque d’un groupe français. Un son ultra-moderne fissurait les murs. Plutôt excellent. De l’electro grasse mêlée à la douce langue de Molière.

On n’avait plus qu’à danser. La vodka dictait nos pas. Une fumée cannabis décorait la pièce.

Elle m’embrassait au cou et me susurrait : Suis-je ta reine d’amour ?

C’était la dernière fois que je la voyais.

Pouchkine, c’est surtout un souvenir inoubliable… se souvenir du présent.

Drama – Photos ©Romain Winkler & Alix Caillet

Metaldays 2019

Je vais vous compter mon séjour en Slovénie, dans la vallée isolée de Tolmin. Au cœur d’un festival unique en son genre : les Metaldays !

Lundi, notre arrivée est marquée par une longue marche sous un soleil de plomb (qui perdurera tout le séjour). Le camping est immense et espacé, mais ne contient que deux malheureux arbres. On comprend mieux pourquoi les bois alentours sont colonisés par les tentes !

Voyageant avec une autre fille, on décide de chercher le camping réservés aux filles. Mais on se rend compte, au bout de quatre demandes de renseignements aux gardes, que ceux-ci ignorent où ce dernier se trouve. Ce camping est-il inexistant ? Fatiguées, et accablées par ces 35°C, nous nous résignons à planter notre tente à un endroit au hasard.

A 20h, nous entendons While She Sleeps depuis la rivière Soca, longeant tout le festival.

23 heures, Arch Enemy retentit. Fan nostalgique de la période où Angela Gossow assurait le chant, le show me laisse une impression d’inachevé. Pas de grande présence scénique, pas de grande interaction. Et dans les yeux des musiciens, nulle trace de plaisir ou d’amusement. Michael Amott surtout, à l’air usé, éteint… tenant péniblement sa guitare.

A cela s’ajoutent de nombreuses imprécisions rythmiques. Un peu plus tôt dans la journée, le groupe annulait sa séance de dédicaces à la dernière minute, sans une explication.

Le lendemain, je suis réveillée par une chaleur écrasante qui s’immisce doucement dans ma tente, dont j’ai décidé d’orienter l’entrée vers le nord. Tirée du lit (ou plutôt du matelas gonflable) à 7h30, je décide d’aller goûter aux joies de la baignade dans l’eau limpide de la Soca.

Les abords de la rivière font chuter la température. Passer de 36°C à 16°C nous fait le plus grand bien. Je plains sincèrement les personnes vêtues intégralement de noir… L’eau des deux rivières avoisinantes (la Soca et la Tolminka) ne dépassent pas les 10°C. Un peu de courage, et hop, nous voici au milieu de licornes gonflables.

Meer

Nous décidons de manger de la pizza. 4€ la part près de la mainstage, 8€ la pizza entière près de la deuxième scène. Le choix est vite fait. Cette pizza artisanale nous tiendra fraîches toute la journée.

Milieu d’après-midi, je décide d’assister au concert des compatriotes de Reject the Sickness. Ne connaissant pas du tout la musique du groupe formé en 2010, je m’approche de la scène, un peu hésitante. Mes oreilles repartent plus que satisfaites, nourries d’un son lourd et mélodique aux accents thrash. La voix de Guy Vercruysse me rappelle beaucoup celle de Jean-Philippe Sonnet, chanteur d’Exuviated (encore des Belges).

Sur la main stage, la frontwoman d’Infected Rain nous attire instantanément. Le groupe propose un metalcore sans concession et revendicatif, très agréable à écouter.

Suivra à 20 heures le très attendu concert de Rise Of The Northstar. Immédiatement, une violence brutale s’installe tant sur scène que dans le public. Les Français ont réussi à créer une musique à nul autre pareil, avec des codes propres, et cette originalité se ressent aussi dans le show, prenant.

Peu après, sans savoir à quoi m’attendre, je me rends au concert d’Architects. Je ne connais pas leur musique, mais tout le monde autour de moi m’a conseillé d’aller les voir. Je m’exécute donc sagement. Après 1h20, le bilan est clair : même si leur musique ne m’a pas attirée, leur show était haut en couleurs à tout point de vue. Bémol : le chanteur est peu charismatique, et on dirait qu’il va cracher un poumon à chaque note. Amatrice de growl, je me demande pourquoi le groupe n’a pas davantage recours au chant clair, qui ajouterait quelque chose à un style déjà très mélodique mais assez indéfinissable, associant metalcore, post-hardcore et deathcore. Au vu du jeu de lumières impressionnant, pour assister à un concert des Anglais, mieux vaut ne pas être épileptique. En résumé, lors de leur concert, c’est tout mon corps qui est pris par les basses et la technicité du batteur.

Jour 3. Le réveil est rude. Prise d’un mal de nuque (ça m’apprendra à headbanger), je décide d’aller explorer la zone des massages, et découvre avec effroi le prix de l’activité : 15€ les dix minutes, 40€ les trente minutes. A ce prix-là, je préfère encore ne plus headbanger.

Même constat pour le tant attendu tournoi de lancer de haches : 12,5€ l’heure.

Je recule et décide de me contenter de repos au soleil. Evidemment, comme 99% des personnes présentes ici, je repartirai avec des coups de soleil. L’après-midi passe à une vitesse phénoménale.

Je regarde Kalmah et Kvelertak sur la main stage, et n’en retire rien. Les deux groupes me laissent de marbre. Ils ne sont ni exceptionnels, ni mauvais…

En me plaçant sur l’immense talus bordant la main stage, j’assiste au concert de Rotting Christ dans une autre perspective. Une énergie indescriptible se dégage sur la plaine, dans ce qui se rapproche d’une messe noire. Malgré cet aspect sombre, le chanteur interagit beaucoup avec le public au cours d’un show complet intégrant des effets pyrotechniques. Je n’en attendais pas beaucoup, et je repars en direction de ma tente en ayant pris une claque ! Si, comme certains le pensent, le metal est la musique du diable ; alors Rotting Christ est le diable en personne ! Le concert est déjà fini, et je ne l’ai pas vu passer.

Trente minutes après, je reprends la même place. Enchaîner après une telle ambiance sur un groupe comme Dream Theater peut sembler risqué, voir étrange. Déjà présents en 2015, les cinq musiciens reviennent en force au cœur de la vallée de Tolmin. Le show débute, et devient immédiatement époustouflant, avec des musiciens qui s’amusent visiblement. Le batteur, Mike Mangini, fait sonner et « groover » sa batterie, étant un pilier à part entière d’une musique technique et recherchée. Il convaincra même les plus fervents adeptes de l’ancien batteur, Mike Portnoy.
Dans ce concert, rien de lassant, chaque morceau étant radicalement différent du précédent. Aucun musicien n’est occulté ou mis sur un piédestal.
Quand les premières notes d’ « Illumination Theory » retentissent, mon ventre se soulève, et l’émotion me submerge. Une fine pluie tombe sur des milliers de mains levées, se balançant de gauche à droite, et quelques gouttes, que je le veuille ou non, ruissellent sur mon visage.
On reproche souvent à Dream Theater d’avoir pris la grosse tête. Cela ne se voit pas sur scène. J’ajouterais que quand on atteint un tel niveau d’osmose entre musiciens et de perfection technique, un peu de prétention est pardonnable.

Jour 4. Aujourd’hui, je suis bien décidée à découvrir de nouveaux groupes. Je m’installe donc confortablement devant la new forces stage.

L’après-midi commence avec les français de Lurking, qui produisent un death metal mélodique puissant et précis. Le groupe plus que prometteur était venu défendre leur premier album, Betrayed. Le groupe à chanteuse et inspiré de Lovecraft est parvenu à attirer un certain public. Le soleil harassant n’a pas empêché les curieux de s’amasser petit à petit.

Immortal Shadow poursuit avec un blackened death peu convaincant. Le groupe me fait penser à un Dark Funeral discount et techniquement inabouti. Je ne chercherai pas à les revoir.

Suivent les Slovènes de Captain Morgan’s Revenge, venus défendre un hard rock mélodique et lourd à l’influence punk très nette. Un concert sans prétention mais convaincant, donc.

Je me déplace vers la main stage pour assister au concert de Bloodshot Dawn, et je ne trouve rien d’exceptionnel. Au bout de 30 minutes pénibles, le groupe laisse l’impression de jouer une musique trop technique pour eux. Même si la deuxième partie du set est un peu plus énergique et mélodique, et que le groupe possède un excellent guitariste soliste, Bloodshot Dawn est un groupe de death comme il en existe des milliers. Un peu plus tard, lorsque je me déplacerai sur la deuxième scène, située au milieu des bois, j’assisterai à un death metal beaucoup plus maîtrisé de la part de Skeletal Remains.

Je sacrifie Soilwork et Hypocrisy, me disant que je pourrai les revoir quand bon me semblera.

Les Anglais de Liquid Graveyard, qui suivent Skeletal Remains sur cette même scène, sont bien au point, offrant un death metal progressif carré et mesuré, aux influences grindcore. On voit tout de suite qu’ils savent ce qu’ils font, sans en faire trop.

Sur la new forces stage, Swarm of Serpents me transcende avec un black metal maîtrisé, précis et puissant. Je les reverrais avec plaisir.

Arrive le concert tant attendu du mythique Gaahl, avec sa formation, terme qui prend tout son sens, puisque Ghaal se met énormément en avant, laissant ses musiciens (bons par ailleurs) de côté. Ghaals Wyrd offrira finalement un show monolithique, froid, tant au niveau de la musique que de l’interaction avec le public. Une chose effleure mon esprit : le silence quasi-religieux dont fait preuve le public. Comme si cette grande figure du black metal n’avait désormais plus rien à prouver, plus rien à faire, sinon à être écoutée sagement. Je ne suis pas de cet avis : un groupe, un artiste, pour mériter son public, doit chercher à se renouveler, lui prouver qu’il sait qu’il est là et qu’il est reconnaissant de sa présence. En ce 26 juillet 2019, Ghaal semblait fatigué, usé, désabusé. Peut-être en attendais-je trop en me rendant dans les bois ce soir-là.

A ce propos, une déception encore : j’avais comme a priori que voir du black metal dans ce cadre allait ajouter une certaine plus-value. Non seulement il n’en a rien été, mais en plus, les effets lumineux, qui auraient pu (et du) produire un cadre sombre et intimiste, se sont transformés en effets dignes d’un concert techno, à grands coups de stroboscopes. Mes yeux et ma tête étant épuisés, je ne verrai pas la fin de ce concert que j’attendais tant…

Légèrement fatiguée par la courte nuit que je viens d’affronter, je décide malgré tout de me traîner jusqu’à la main stage, en me disant que le groupe de black metal symphonique qui allait commencer méritait qu’on lui donne sa chance. Je vais nonchalamment chercher un breuvage. Mon dévolu se jette sur un « Sex on the beach ». Je m’assieds assez loin de la scène, quand soudain les premières notes de Winterhorde retentissent. Immédiatement prise aux tripes par l’énergie et le son complexe du groupe, je m’avance. Malgré la trentaine de personnes présentes autour de moi, l’ambiance est au rendez-vous. Le public afflue petit à petit, attiré par le son mélodieux enrichit d’un violon et d’un clavier. Les deux types de voix (claire et growl) rajoutent encore une épaisseur à un son déjà bien riche. Tous les musiciens ont une bonne présence scénique. Je ne vois pas passer la demi-heure. Vous l’aurez compris, Winterhorde n’est pour moi ni plus ni moins que la révélation de cette édition !

En chemin vers la plage, je descends vers la plus petite scène et tombe sur Desdemonia, groupe luxembourgeois de death metal. Avec une musique sans chichis et aux bons riffs, le groupe me semble prometteur !

Korpiklaani ouvre la soirée sur la main stage. Fidèles à eux-mêmes, ils offrent un folk metal amusant mais basique, accessible. L’orage se rapproche et, en plein milieu du concert, c’est le black-out. Le public hurle et réclame le groupe. Le set se termine de manière expéditive.

Dimmu Borgir suit avec vingt minutes de retard. Je dois bien avouer ne pas m’être rendue sur la plaine de la main stage pour y assister, ayant été fortement déçue de leur concert à l’Ancienne Belgique en décembre 2018. Nostalgique de ce que je pourrais appeler le « vieux Dimmu Borgir », c’est-à-dire jusqu’à l’album Abrahadabra (2010), je craignais d’être de nouveau déçue.

Ça y est, le jour du départ a sonné. La pluie se fait de plus en plus forte, comme pour forcer les festivaliers à rentrer chez eux. Mais une chose est sûre : après avoir goûté au festival, on n’a qu’une envie : y retourner !

Mon seul regret est de ne pas avoir vu Alien Weaponry et In The Woods, qui ont tous deux obtenu d’excellents échos.

Valentine Cordier
Article paru également sur Metal Overload.

Une journée au cœur du Festival de l’Alcatraz

La dernière fois que j’ai franchi les portes de la prison courtraisienne, c’était en 2015. Ce samedi matin d’août 2019, j’arrive après deux heures de route. Tout a changé. Il y a désormais trois scènes. En quatre ans, tout est devenu plus grand, plus peuplé, plus… cher. Premier constat : 70 euros la journée. Heureusement que le line-up en vaut la peine. A l’arrivée, 54 euros pour 20 jetons (une bière coûte un jeton, on ne va pas aller loin), et 15 euros le casier. Mon portefeuille tire déjà la gueule.

Sanctuary commence sur la main stage. Le son est tellement atroce, qu’au bout de trois minutes, je fuis vers El Presidio, un grand bar aménagé façon saloon. L’ambiance y est très agréable.

Je me dirige vers Soilwork, n’ayant pas pu les voir lors des Metaldays, en juillet dernier. Et je ne suis pas déçue. Je me retrouve face à des musiciens extrêmement doués. C’est surtout le batteur qui attire mon regard. Bastian Thuusgard n’a que 25 ans lorsqu’il intègre le groupe suédois en 2017. En deux ans, le jeune danois semble avoir trouvé ses marques.

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Prong
commence. J’ai bon espoir que le son soit meilleur cette fois. Mais ce n’est pas le cas. Je m’interroge sur la raison d’un tel son. Mais au lieu de m’apitoyer, je fonce voir Black Mirrors sur la scène La Morgue, petite scène charmante sous chapiteau. Intriguée par l’alternative rock shamanic psychedelia (comme ils se définissent), je suis agréablement surprise devant ce rock dur et mélodique à la fois. Du « rock qui tache » en quelque sorte ! La chanteuse s’agite frénétiquement, comme en transe. Voilà donc d’où vient le terme « shamanic ». Se disant influencée par Janis Joplin, je la comparerais plutôt à une Cherrie Currie, en version moins sage. Ce groupe est une boule d’énergie, et impose son propre style.

Toute cette énergie m’a creusé le ventre. Que vais-je bien pouvoir trouver dans un budget raisonnable ? Trois euros le petit cornet de frites, sept euros les six spare-ribs, huit euros la (petite) pizza. Mon choix se portera donc sur les frites.

Petit tour aux toilettes. Et au risque d’être à contre-courant des commentaires des festivaliers, je les ai trouvées parfaitement propres. Pour m’assurer que ce n’était pas un coup de chance, j’ai tout de même ouvert d’autres portes. Même constat.

Thin Lizzy ne m’intéressant pas du tout, et La Morgue étant un lieu très agréable, je m’apprête à découvrir The Spirit. Avec un nom pareil, je m’attends à un groupe de black metal comme les autres. D’autant plus que la formation allemande est très jeune, puisqu’elle n’est active que depuis 2015. Mais dès les premières notes, j’assiste à un mélange très convaincant de blackened death, de doom, voire même de technical. La formation produit plus que du black metal, elle produit une musique sombre et obscure, qui prend aux tripes. Petit bonus pour le jeu de lumières, qui accentue encore davantage le côté sombre de leur musique.

En direction du concert de Mayhem, une pensée me traverse l’esprit : pourquoi le sol est-il jonché de déchets plastiques et métalliques ? Les poubelles sont rares, mais il y en a quand même. Puis, je me rends compte que malheureusement, en 2019, il y a encore des personnes qui ignorent l’existence des matières biodégradables ou, du moins, des gobelets réutilisables. Je ne peux m’empêcher de comparer cette plaine au sol immaculé des Metaldays…
Mais revenons à Mayhem. Le groupe formé en 1984, faisant polémique suite à de nombreux épisodes violents, ne semble pas avoir renouvelé sa musique, malgré le renouvellement fréquent de ses membres. Après trois morceaux, ce black metal old school m’ennuie profondément. Il est des projets musicaux qu’il faut avoir le courage d’arrêter lorsque l’inspiration vient à manquer. Direction le bar. Puis direction la main stage.

Avatar est annoncé en grandes pompes par le staff du festival. L’arrivée des membres se fait de manière très théâtrale. Arrivée à la moitié du concert, je comprends que même si la musique du groupe, multi-influencée, ne parvient pas à me convaincre, le show est époustouflant. Les membres du groupe que je définirais de « metal théâtral » ont tous une présence scénique incroyable. Pyrotechnie, feux d’artifice, mises en scène… C’est un régal pour les yeux.
Encore une fois, c’est le batteur qui me transcende le plus. Son jeu n’est pas incroyablement technique (au sens compliqué du terme), mais ce qu’il le fait, il le fait plus que bien.

La journée s’achève sous le signe du doom torturé avec les belges d’Amenra. La foule se presse. L’ambiance sombre est encore accentuée par le fait que le concert se déroule sous chapiteau. Ce concert, c’est ce que l’on pourrait appeler du « grand Amenra ». Des musiciens extrêmement doués, un chanteur à la voix transcendante. Quand le morceau « A Solitary Reign » retentit, mon ventre se noue, et une larme ruisselle sur ma joue. Et autour de moi, le silence.

Je rentre après avoir passé une très belle journée, avec des découvertes, et le soleil pour compagnie. Mais les points négatifs précédemment cités noircissent le tableau. Des prix élevés, une foule trop nombreuse, un son très mauvais sur la main stage pour les premiers concerts, etc.

L’Alcatraz Festival se muera-t-il bientôt en nouveau Graspop ? Ou parviendra-t-il à garder son allure de festival « de proximité », en prenant aussi des engagements écologiques ?

Valentine Cordier
Article également publié sur Metal Overload.