Musique

Par.Sek et l’incompréhension

Par.Sek s’inspire de ces derniers mois aux évènements inédits. L’arrivée de la pandémie provoque un chamboulement de nos habitudes, ainsi que 5 nouveaux morceaux du duo ! Aux sonorités dansantes et relaxantes, Les vrais trucs est l’EP qu’il défendra sur scène.
Une espèce de fil rouge se note tout au long de l’écoute. Plusieurs thèmes sont abordés, du climat à l’amour de l’Autre. Une thématique prime au-dessus du reste : notre incompréhension face au monde. Une sensation qui nous suit depuis la naissance.

Même si cela semble trompeur, l’œuvre n’est point un tract militant pour l’écologie, la paix dans le monde ou la fin d’un capitalisme toxique… Par.Sek n’a pas cette prétention.
Leur démarche est bien plus socratique qu’il n’y paraît. Que chacun demeure juge de ses pensées personnelles. Nul besoin d’imposer une morale à tout un chacun.

VISUEL_LIVE2_Crédits Ronan Dore

Ecrire des chansons me fait un bien fou. Cela me permet de comprendre des choses, en tout cas de voir où j’en suis par rapport au monde. S’il y a des gens qui sont touchés par mes textes, c’est très cool. Mais je n’ai pas l’impression d’y montrer la réalité. C’est bien plus de l’ordre du regard. D’où le titre de l’EP qui est une blague.
On ne peut pas prétendre refléter la réalité via un regard très personnel lié à un endroit, à un contexte de vie propre à une personne.
-Simon Padiou, chanteur et claviériste de Par.Sek

Lorsque le flou des mesures sanitaires, la séparation de nos proches et la déprime dictent nos journées, des poètes pointent le bout de leur nez pour poser des mots justes. A une époque où l’on échange sa liberté contre un QR Code, quelques artistes (Vald, Eric Clapton) dénoncent les folies actuelles, sans censure, sans regret.
« RIEN » est né durant le premier confinement. Ce morceau sonne optimiste. Il est important de construire un avis critique, loin des influences malsaines (la biz à Victor Bonnefoy, vidéaste confondant la propagande d’Etat aux discours critiques sur le cinéma).
Les dernières paroles de la chanson m’évoquent une autre pensée : qui nous empêche de considérer les réflexions de notre entourage comme source de sagesse ? Diminuer notre incompréhension journalière commence souvent au moment où l’on écoute les idées d’autrui. Laissons l’art de convaincre aux corrompus, aux moralistes, aux bien-penseurs… la musique est notre cure.

DRAMA  Photos ©Manon Sabatier & ©Ronan Dore

Opinion & Stoner Bud’s – Earworms

Rien ne semble arrêter Hugo Carmouze. Le Français orchestre Opinion, sort trop de projets musicaux et ouvre son propre label nommé Nothing Is Mine, en 365 jours ! Dernièrement, il  fusionne à un autre groupe rock nommé Stoner Bud’s, de l’écurie Flippin’ Freak’s.

Fin 2020, quand j’ai déménagé à Gradignan, j’ai rapidement fait la rencontre des Stoner Bud’s. A l’époque, leurs EP Yeah-Yeah ! était toujours en cours de mixage par Alexis Deux-Seize, mon grand ami. Il m’a fait écouter ses premiers mixages et j’ai tout de suite accroché aux compos de ce jeune trio. Je les ai vu pour la première fois à La Voûte. On s’est rendu compte qu’on habitait tous à Gradignan. On s’est donc tout de suite vu un week-end pour une petite jam session.
Pendant cette expérience, en février 2021, on a réussi à créer une démo qui deviendra plus tard « No Sense », notre première composition. Suite à la réalisation de cette chanson, l’idée de faire un EP ensemble semblait logique. On s’y ait mis avec beaucoup d’envie et d’amour. Après un an de divers enregistrements, de jams, de compos pures,
Earworms voit enfin le jour en ce mois de février, en digital et sous forme de cassettes ! -Hugo Carmouze

Ces nombreux rendez-vous portent leur fruit. Le résultat équivaut à un voyage, où l’on plane près des cactus ! Les sonorités du supergroupe provoquent plusieurs hystéries : l’envie de pogoter tel un hyperactif et le désir de baiser les amplis à l’infini. Hugo Carmouze continue son chemin et enrichit un style déjà fort prononcé sur Opinion. Il porte haut et fier l’héritage grunge sur ses épaules. Il ne délaisse jamais sa voix enfantine ou ses guitares frottées par de multiples croches musicales. Aux côtés de Stoner Bud’s, il ravive encore plus la flamme rock et la rage adolescente en chacun de nous.
Le Sud de la France peut être fière de sa jeunesse !

DRAMA – Illustration ©Opinion & Stoner Bud’s

Salmo incendie les étiquettes

Salmo incendie les étiquettes. L’Italien balance un crachat de qualité, au Noël dernier. Plus de deux minutes, c’est le temps qu’il lui faut pour citer quelques angoisses. Les étiquettes sont nombreuses : fascistes, communistes, anti-vax et j’en passe. Xanax, cette foutue merde à supprimer du marché, est un mot si puissant et si révélateur de nos faiblesses, qu’il figure aussi sur la liste.

A force de nommer tout et n’importe quoi, l’être humain divise. Diviser pour mieux régner ? Si ce n’est pas l’objectif de nos dirigeants, comment nier ce fait de créer des espèces de luttes des clans en permanence ?! Pensez aux termes essentiels, non-essentiels. Pensez à cette distinction obligatoire à réduire un être humain à la figure du non-vacciné. Les mots ont une puissance. L’artiste l’a très bien compris. Il se lâche quant à son rôle, lors d’une interview face à l’acteur Alessandro Borghi (Suburra, Sulla mia pelle, Dalida).

Le problème, c’est que les gens, surtout les rappeurs, portent cette croix de devoir obligatoirement envoyer un message positif. Mais ce sont des conneries : quand tu écris une chanson, tu ne dois pas faire de la rhétorique, tu n’as pas dire aux gens ce qu’ils doivent faire.
Tu dois raconter ton histoire, et si quelqu’un a une histoire similaire à la tienne, alors là se crée la magie.
Salmo

Il révèle aussi ce qu’est le meilleur moyen de réciter devant la caméra. Il suffit de faire abstraction du jugement de soi-même, ainsi que celui d’autrui.
Dans un monde idéal, personne ne poserait de présupposé à chaque rencontre. Malheureusement, hommes et femmes ont besoin de tout expliquer. Ce constat date de la nuit des temps. A l’Antiquité, les Grecs donnent du sens à leur vie à travers leurs nombreuses mythologies.

Aujourd’hui, nos repères deviennent de plus en plus flous. Le rappeur tombe à pic.
« PLOF » traduit peut-être une seule évidence : le consensus ne nourrit pas l’esprit critique. Nous pouvons nous détacher de la novlangue des gouvernements étatiques. Nous pouvons construire un vrai raisonnement, à l’instar du punk Salmo. Il est temps de cultiver son jardin.

DRAMA – Photo ©Nicola Corradino

Eosine au Hangar

Je voue un culte pour les bières ambrées. Lorsque je fous les pieds chez l’association Le Hangar (Liège), j’aperçois la vente d’une boisson de ce type. Il est impossible de me souvenir de son nom, mon cerveau alcoolisé est à plaindre. Reprenons nos esprits ! Nous ne sommes point disposés à faire la promotion de ce Saint Breuvage ! Les concerts reprennent de plus belle. Il est temps de se manger plusieurs murs du son, et d’en parler haut et fort.

En cette soirée de février, Eosine joue devant une salle complète. La formation vient défendre un premier EP enregistré au Wood Studio, à Chênée. PopKatari, collectif liégeois porté par des mélomanes, invite les jeunes membres à faire leurs preuves.

Je ne connais rien du groupe. J’aime découvrir de nouveaux talents, en partant à l’aveuglette vers certains évènements culturels.
Eosine n’annonce rien de mauvais. J’avais eu l’occasion d’écouter un extrait de « Onyx » et je savais que ces musiciens étaient fans de Radiohead. Je ne leur ai jamais adressé la parole. Mais leurs sonorités témoignent d’un fait indubitable : ils sont fans de Radiohead.
Un bon point, n’est-ce pas ?

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Passé cette déduction, le show débute et je contemple leur jeu de lumières sur scène. Diverses images aux couleurs enivrantes, saturées et psychédéliques décorent les visages et les corps des musiciens. Puis, des sortes de molécules fleurissent de plus en plus sur eux. Eosine semble nous donner un cours de biologie sous LSD. Une technique assez subjuguante. Elle colle d’autant plus à leurs morceaux planants. Cet adjectif est trop réducteur pour définir leurs sons. Parfois apocalyptiques (« Inner You ») et souvent relaxantes (« Transfusion »), leurs ambiances se marient à merveille face au public. Les spectateurs hochent de la tête, sourient et observent, figés, les performances du quatuor. Il affiche par moment la rage de Benjamin Franssen (batteur) ou un bref instant d’ire vocale d’Elena Lacroix (chanteuse principale). Qui ose s’ennuyer ?

« Antares » synthétise au mieux la signature éosienne : placer un effet reverb envoutant, de doux chants et des percussions jamais trop envahissantes.

L’éosine est une substance fluorescente connue pour ses bienfaits sur la peau.
Cette nuit hivernale, les mélodies de la bande soignent mes oreilles. Durant leur spectacle, mon esprit se détache loin du flux d’informations anxiogènes propre à notre quotidien. Eosine ne suit pas simplement les traces de Thom Yorke et de sa clique. Eosine transporte ses auditeurs vers son univers. Personne n’imitera ses concerts scientifiquement non-identifiés.

brunoaleas Photos ©Elena Sciara – Hangar asbl, 04/02/2022

Gomma et la vieillesse

GOMMA a la rage ! Zombie Cowboys, leur nouvel album, porte au débat. Le groupe de Caserta questionne notre système capitaliste… et il a bien raison !
L’argent appelle l’argent. L’investissement n’est pas synonyme de bonheur. Moins encore l’éternelle augmentation de capitaux.

Le thème n’est point simple à aborder.
Dès lors, comment conclure l’opus ? Les propos de « SENTENZE » s’éloignent du monde de la finance et partagent d’autres constatations. Le morceau apporte une touche de poésie mémorable à l’œuvre. Il fonde un sagace parallèle entre jeunes et vielles générations.

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En tant que jeunes, nous ressentons ce qui est exprimé via « SENTENZE ». On y explore la perspective, et l’envie qui en découle, de vivre la sénilité. Cela reste un mode de vie tout à fait imagé puisque nous ne sommes pas encore vieux. C’est le dernier rempart d’espoir de ceux qui ne peuvent concevoir une idée de l’avenir. C’est-à-dire, se réfugier dans l’idée que lorsqu’on vieillit, le sentiment de résignation prendra le dessus. -Giovanni Fusco, guitariste de GOMMA

La jeunesse a un pouvoir d’action. La vieillesse signe le début de la fin.
« SENTENZE » ne donne pas d’ordre. Le morceau ne se veut pas moralisateur. Il souligne une observation faite sur les générations d’antan. D’ailleurs, ce constat est rempli d’admiration. A un certain âge, ne plus protester devient naturel. Les derniers acteurs de nos sociétés cherchent bien plus souvent à se reposer, en fin de vie. Qui sommes-nous pour les blâmer ?

Le quatuor propose une vraie réflexion sur nos désirs. Ses membres ne se résument pas à de banals punks. Leurs chansons n’ont pas pour unique but d’éclater sa tête contre le Mur de Berlin. Est-ce que notre confort, notre époque, notre indifférence nous éloignent des révolutions ? « SENTENZE », via son ambiance apaisante et son message pertinent, démontre ô combien la bande sait soulever ce type question universelle.

DRAMA – Photos ©voolvox & ©Alessandro Pascolo

Le shamanisme de Léonie Pernet

La musique peut fédérer. La musique peut relaxer. Elle peut surtout consoler.
Après une rupture, une déception, un dégoût inexprimable, ce n’est pas un/e proche qui venait me rassurer à 200%. Euterpe est ma seule partenaire. Elle m’accompagne dans chaque galère. L’équivalent d’une drogue sans ses côtés toxiques.

Léonie Pernet comprend cette vision du quatrième art. On l’aperçoit lorsqu’elle délivre une performance hors-norme sur Radio Nova. Elle rejoint cette force de vouloir englober tout type de public, les enjouées, tout comme les désespérés. Elle fait preuve de shamanisme. A l’inverse de l’effet d’une danse de la pluie, elle invoque le Soleil. Une magie possible grâce à ses sonorités africaines. A coups de derboukas ou de chants liturgiques, l’artiste nous emporte vers un univers très singulier. L’electro y vient apporter une touche de modernité. L’ambiance est parfaite pour la radio française l’invitant dans sa Chambre Noire.

Trop d’informations fusent dans mon cerveau, une fois initié le premier morceau. Les instrus de Léonie Pernet n’ont rien de minimal. Les synthés se fondent à merveille aux différentes atmosphères du Cirque de Consolation : la transe de « A Rebours », la rage planante propre à « Il pleut des Hommes », « Mon amour tu bois trop » et sa ténébreuse poésie.

La scène permet à la multi-instrumentiste de s’évader. Quant à sa dernière œuvre en date, elle symbolise bien plus qu’une simple évasion.

Le titre (NDRL : de son second album) recouvre à la fois l’aspect théâtral de nos vies, le besoin que nous avons d’être ensemble, mais aussi ce second souffle, ce mouvement intérieur qu’est la consolation. -Léonie Pernet (Les Inrocks, novembre 2021)

La musicienne met sa mélancolie de côté et compte célébrer la vie. L’appel aux esprits subsahariens est imminent. Qui est prêt à danser sur son coup d’Etat musical ?

DRAMA – Photo ©Jean-François Robert