Film

Conclave

Le film Conclave (2024), réalisé par Edward Berger et adapté du roman éponyme de Robert Harris, est un thriller politique captivant, se déroulant au Vatican. Il met en scène Ralph Fiennes dans le rôle du cardinal Thomas Lawrence, doyen du Collège des cardinaux, chargé de superviser l’élection du nouveau pape à la suite du décès soudain du souverain pontife.

Alors que les cardinaux sont réunis en conclave, l’arrivée inattendue de Vincent Benitez, un missionnaire mexicain, récemment nommé cardinal en secret par le défunt pape, suscite la surprise. Au fil des délibérations, Lawrence découvre des scandales de corruption impliquant certains candidats, notamment des achats de votes, ce qui ébranle la confiance au sein du Collège.

La clé pour diriger l’Eglise

Le mot « conclave » vient du latin conclavum, qui signifie littéralement « pièce fermée à clé ». Ce mot est lui-même formé de « con » un préfixe latin signifiant « avec » ou « ensemble » et de « clavis » : signifiant « clé ».

A l’origine, aucun mode de scrutin n’était prévu pour l’élection du Saint-Père. Au Moyen-Âge, Après la mort du pape Clément IV en 1268, l’élection de son successeur dura près de trois ans, à Viterbe. Les cardinaux étaient indécis, et les factions divisées. Face à cette impasse, la population locale et les autorités en vinrent à enfermer les cardinaux, à réduire leurs rations de nourriture, voire à retirer le toit du palais pour accélérer leur décision.

Le pape Grégoire X, élu à l’issue de ce conclave chaotique, promulgua en 1274, lors du concile de Lyon IIj la bulle Ubi periculum. Ce texte établit formellement les règles du conclave.

Le Conclave est ainsi, d’une certaine façon, la clé pour diriger l’Eglise. En effet, ce scrutin permet d’élire le successeur de Saint-Pierre donc celui qui dirigera l’Eglise.

Le poids de la responsabilité

Dans le film, l’attitude du cardinal Thomas Lawrence (Ralph Fiennes) illustre parfaitement le caractère grave du Conclave. En tant que doyen des cardinaux, il est à la charge de la bonne tenue de l’élection. De ce fait, repose sur ses épaules, l’avenir de l’Eglise catholique.

Cette responsabilité, comme spectateur, nous la ressentons particulièrement dans la scène d’ouverture. En effet, dans cette dernière, le cardinal Lawrence est en train de se rendre vers les appartements du défunt Pape pour attester de son décès. Nous voyons successivement les scènes suivantes : le cardinal Lawrence de dos respirant fortement à l’instar d’une personne angoissée ; la caméra se fixe ensuite sur sa main qui sert fortement sa mallette et ses fortes respirations continuent ; dans l’ascenseur, il s’agrippe par la suite sur sa calotte ; son visage, très grave, apparait enfin sur l’écran.

Le spectateur pourrait être tenté d’attribuer ce stress à l’annonce du décès du Saint-Père. Mais, selon nous, la responsabilité d’être le garant de la bonne conduite du Conclave est la cause du stress qui l’habite dans les premières minutes du film.

Un choix politique ou spirituel ?

Le Conclave a la particularité d’être une investiture tant politique que spirituel. Edward Berger, à notre sens, s’est énormément concentré sur l’aspect politique, au détriment du spirituel. En effet, bien que le choix du Pape soit hautement politique, car il assure également le rôle de chef d’Etat, il demeure néanmoins la plus haute autorité de l’Eglise catholique.

La dimension religieuse transparait quand est mentionnée la lutte entre conservateurs et progressistes. Cependant, j’aurais aimé voir comment le fait religieux influence les cardinaux électeurs, lors des votes.

En effet, différents facteurs peuvent influencer les cardinaux dans leurs choix. Ceux mis en avant par le réalisateur sont intéressants, mais demeurent trop « temporels » et pas assez de l’ordre de la croyance. Par exemple, le cardinal Lawrence veut écarter un candidat, car celui-ci est trop conservateur. Il aurait été intéressant, dès lors, d’expliquer en quoi ce cardinal était trop conservateur par rapport aux dogmes catholiques. Or, Edward Berger choisit d’expliquer son conservatisme seulement du point de vue de l’ouverture ou non de l’Eglise aux autres religions.

En somme, Conclave est un très bon film sur les intrigues du Vatican, pas un film sur l’Eglise catholique.

Fortuné Beya Kabala

Fight Club

La violence est partout. Difficile de le nier. Les règles d’un système voué à te faire payer ou la dureté de la vie, avec son lot de meurtres et d’accidents, ces épreuves sont parfois trop nombreuses.

Fight Club l’illustre tellement bien. Ses propos sont toujours d’actualité. Encore aujourd’hui, son récit reste fascinant. On y suit un jeune expert en assurance. Il est insomniaque, mais aussi désillusionné par sa vie personnelle et professionnelle. Ce Narrateur rencontre, par hasard, Tyler Durden, figure à la fois énigmatique et chaotique. Ensemble, ils fondent le Fight Club. Ils y organisent des combats clandestins, destinés à évacuer l’énergie négative des participants.

Globalement, ce long métrage est une critique du consumérisme. Le sang coule, le temps d’avouer notre petitesse face à notre confort. Il dépeint également une brutalité sociale, où le seul exutoire possible devient la baston pure et dure. Saigner pour exister. Se sentir vivre à travers coups et blessures.

Dès lors, il ne reste plus que cette échappatoire pour fuir les chaînes du capitalisme. Aujourd’hui, qui se plaint de son Iphone ? Comment s’en sortir sans bagnole ? Quel alien ne désire pas la 5G ?!
Fight Club fait un bien fou. Il démontre ô combien tout est calculé afin que les dominants tracent le chemin des dominés. Comment atteindre l’objectif ? Ecrire et inventer des personnages charismatiques. Le journaliste Aurélien Lemant développe l’idée. Il considère le réalisateur comme un passionné de loups solitaires. Si passionné, qu’il est prêt à les filmer. Il va plus loin !

La propension à s’identifier aux personnages, ces êtres déphasés, toujours solitaires, ouvre un passage. Car aussi saturé que soit l’étoffe, dont David Fincher conçoit ses films, le train-train de ses personnages, lui, suppure un vide à investir. Et c’est là que germe toute la sensibilité du réalisateur. Tous ses personnages finissent par ruminer la vacuité de leur vie privée devant un réfrigérateur ou à rêvasser seuls, cloitrés dans leur logement désert. Leur consistance ne tient qu’à leur quête obsessionnelle.

A. Lemant (La Septième Obsession, n° 31)

Figh Club apparaît donc comme un pamphlet à lire. Ou plutôt, comme une prise de conscience nécessaire pour les esclaves du métro-boulot-dodo. La vie est trop courte pour subir autant d’obligations. Puis, si la philosophie de Tyler Durden est si démente, c’est parce qu’il symbolise aussi bien un agent du chaos, qu’un esprit libre.
Imaginez. Nos habitudes sont dictées par des multinationales. Alors, on concocte des bombes, bousille les antennes et baise les banques. Changer nos habitudes est parfois synonyme de liberté.

En 2020, je pars découvrir l’œuvre, une seconde fois. Un pigeon bourré de laxatifs me chie dans le coup, avant la séance prévue au Churchill (Liège)… je repense aux paroles de Dick Tomasovic, prof de cinéma, présentant le film devant le public : « En ces temps troubles, on voudrait tous d’un Fight Club dans sa cave ». Qu’écrire de plus ?

PS : Voir une pareille tuerie, une deuxième fois, est une incroyable expérience. L’art de savourer une écriture toujours aussi folle.

brunoaleas

Reflet dans un diamant mort 

Je me souviens d’un rêve que j’ai fait, quand j’avais cinq ans. Ce devait être mon tout premier cauchemar. Un vieil homme venait m’enlever alors que je jouais dans ma rue, et un adulte surgissait pour me secourir, armé d’une batte de baseball. J’en ai frémi pendant des jours. Ce qui est étrange, c’est que le souvenir de ce cauchemar est bien plus vif que n’importe quel autre souvenir de ma petite enfance. Dites… c’était bien un cauchemar, n’est-ce pas ?

Un vieux monsieur passe un agréable séjour dans un bel hôtel de la Côte d’Azur, quand soudain, le reflet d’un diamant porté par sa charmante voisine de chambre le replonge dans ses souvenirs de jeunesse : sa vie d’espion international. Mais ces visions sont-elles de véritables souvenirs, des affabulations, ou bien encore autre chose ?

Reflet dans un diamant mort n’est pas un film fait pour le grand public. La plupart des gens va au cinéma pour se divertir. Ici, on a affaire à une véritable œuvre d’art — comme il en existe tant, certes, mais qui, comme peu d’autres, laissent une empreinte durable. Un des livres qui m’a le plus marqué est La Jalousie de Robbe-Grillet : un chef-d’œuvre, sans aucun doute. Un bon moment ? Pas si sûr.

De la même manière, si Reflet dans un diamant mort commence sur une note étrange, voire rebutante, il suffit, cependant, de lâcher prise, de s’immerger dans son univers et d’accepter ses enjeux, pour qu’il révèle peu à peu sa richesse. On réalise alors qu’il s’agit d’une œuvre qui fait naître des sentiments inédits, ouvrant l’esprit à une autre vision du monde.

Non, je ne peux pas qualifier ce film de divertissant.

En revanche, je le qualifie volontiers de fascinant.

Film de genre, créé par des artistes passionnés par leur médium, Reflet dans un diamant mort prend la forme d’un film d’espionnage pulp et ringard — c’est volontaire. Plutôt que de se contenter de faire référence aux dizaines de films d’espionnage de série B, auxquels il pourrait ressembler, il se présente comme ce à quoi ressemblerait l’adaptation d’une vieille bande dessinée pulp d’espionnage, empreinte de Satoshi Kon (Millennium Actress). Diabolik, une BD italienne, est d’ailleurs, clairement référencée. Et comme dans un film de Satoshi Kon, la structure non linéaire perdra absolument chaque spectateur durant les premières minutes, mimant ce qui semble être la structure d’un esprit sénile.

Réalité, fantasme, émotion et imagination s’entrecroisent sans cesse. La fragmentation du récit, à travers plusieurs lignes de temps et de réalité, exige une attention constante. Ce film est presque éprouvant : il vous saisit et ne vous lâche plus. Il offre peu de répit. Soit, vous lâchez prise et vous vous laissez porter par le tumulte émotionnel imposé, soit, vous vous accrochez et tentez de donner du sens à ce chaos.

Et bon Dieu, que c’est satisfaisant de reconnecter, rétrospectivement, deux scènes semblant totalement incohérentes, à première vue.

Tout dans ce film est une épreuve : suivre l’intrigue est déjà difficile, et saisir toutes les subtilités du récit est impossible en un seul visionnage. La violence de certains passages est aussi très crue, parfois insoutenable : les corps sont mutilés, et la souffrance, sublimée. Enfin, la bande sonore est parfois assourdissante. On ressort de ce film essoufflé, étourdi, confus.

Ce qui, paradoxalement, en fait une expérience cinématographique puissante — une de celles qui vous habitent encore longtemps après la projection.

Pierre Reynders

Le cinéma français est si beau ?

Lorsque nous évoquons le cinéma français, nous pensons bien trop souvent aux clichés. Un cinéma de comédie, où les acteurs jouent aussi bien que votre oncle, après 3 verres de vins. Mais rappelons le vrai cinéma français. Celui qui incorpore tragédie et émotion, celui qui fait la bataille entre amour et haine, celui qui donne sa chance aux jeunes talents, celui qui ne vieillit pas. Le cinéma français est talentueux, est inspirant, est marquant. Il laisse sa trace en bien ou en mal, c’est à vous d’en juger après vision. Une caractéristique que l’on peut difficilement enlever au cinéma français, c’est sa complexité, son intelligence. Du génie dans l’humour comme Dîner de cons à la stupeur de l’imaginaire français dans Le Règne animal, le cinéma français fait des prouesses. Il touche, illustre la vie de milliers d’individus sur le grand écran. La Haine, film marquant qui montre la brutalité et les rêves échoués des jeunes de banlieue. La Boum montre l’insouciance et la jeunesse. Plus récemment, L’Amour Ouf  et le génie de Gilles Lelouche suivant le parcours tragique de deux jeunes qui tombent amoureux et puis, les drames de la vie les séparent. 

Le cinéma français est riche, il est doté d’une certaine beauté qui s’explique très peu car elle est individuelle et intime. Oui, selon moi, cette intimité existe entre le spectateur et l’œuvre. C’est une intimité qui en un instant transforme notre lien en amour. Amour avec les personnages aussi complexes qu’ils soient, en amour avec les décors qui nous font voyager tout en restant dans un certain confort, en amour avec la musique qui réussit à instaurer un climat où les rires côtoient les larmes. C’est ça qui fait l’essence du cinéma français. C’est un refuge, un lieu de rencontre et de mystère.
Mais encore une fois, je perçois le mystère et la beauté de cet art de cette exacte manière. Effectivement, le cinéma français est l’art où l’individu et ses pensées sont maîtres ! 

Binta – Photo ©Cédric Bertrand – Texte écrit à un atelier Scan-R

Lost Highway

Fred Madison (Bill Pullman), un saxophoniste, vit avec sa femme, Renée (Patricia Arquette), dans une relation froide et distante. Un jour, ils commencent à recevoir d’étranges cassettes vidéo filmant leur maison, puis leur chambre à coucher pendant leur sommeil. Lors d’une fête, Fred rencontre un mystérieux homme pâle qui semble le connaître d’une façon inquiétante. Peu après, Renée est brutalement assassinée, et Fred est arrêté bien qu’il ne se souvienne de rien.

En prison, un événement surnaturel se produit : Fred disparaît. Il est alors remplacé par Pete Dayton (Balthazar Getty), un jeune mécanicien qui ne se souvient pas comment il est arrivé là. Libéré, Pete entame une liaison avec Alice Wakefield (Patricia Arquette), la maîtresse d’un gangster violent, qui ressemble étrangement à Renée.

Lost

Lost Highway s’éloigne des productions qui consistent à prendre le spectateur par la main pour lui narrer une histoire. Ici, le réalisateur, David Lynch, impose une posture : il faut être attentif à chaque détail.

Le scénario est fragmenté, le réel et le songe se mélangent, le présent et le futur se confondent. À l’instar de lecteurs d’un polar, les spectateurs de Lost Highway tentent de rassembler toutes les pièces dans l’ultime but de ne pas s’égarer.

La difficulté principale que le spectateur affrontera dans son visionnage est la vitesse. En effet, le mot « highway », « autoroute » en français, n’est pas un hasard. David Lynch impose une cadence dans la trame narrative, semblable à la vitesse des voitures sur l’autoroute.

Conseil d’ami : accrochez-vous bien pour ne rien rater.

Lucid Dreams

Les rêves lucides correspondent à l’instant où, dans notre sommeil, nous prenons conscience que nous sommes en plein rêve.

Lorsque Fred est remplacé par Pete, par un évènement surnaturel dans sa cellule, la suite de l’intrigue semble être un rêve lucide pour le spectateur.
Cette deuxième partie du film requiert une attention et une concentration plus particulière, car elle permet de comprendre la première partie du film.

La bande-son

La bande-son de Lost Highway est une pièce maîtresse de son atmosphère. Elle mélange rock industriel, dark ambient et jazz pour créer une ambiance à la fois hypnotique, angoissante et électrique. Supervisée par David Lynch et Trent Reznor (Nine Inch Nails), elle reflète les différentes facettes de l’œuvre : l’étrangeté, la violence, la sensualité et la perte de repères.

En somme, David Lynch propose une course effrénée aux frontières de la réalité, à travers une narration fragmentée et une bande-son envoutante.

Fortuné Beya Kabala

Sing Sing

Un journaliste héroïque partage ces mots. Roberto Saviano écrit cette réflexion dans son livre, Crie-le ! 30 portraits pour un monde engagé (2023). Quel est le rapport entre l’extrait et Sing Sing, un film qui nous propulse dans une prison américaine ? Centrons-nous d’abord sur son histoire. Elle se focalise sur des détenus. Ils forment une troupe de théâtre déterminée à jouer pour s’évader d’un morne quotidien.

Tout le monde sait que l’art mène à l’évasion (la carte décrite par Saviano), mais personne ne certifie que les artistes vivront un réel changement de personnalité (la carte ne prévoit pas les aléas). Une personne violente et insupportable ne deviendra pas attentionnée et apaisée, juste après sa première répétition d’une pièce. Les artistes ne sont pas des politiciens. Ils ne promettent pas monts et merveilles après avoir conçu un spectacle inédit, une chanson inoubliable ou un poème bouleversant. Sing Sing rappelle à quel point les pratiques artistiques sont salvatrices certes, mais font de nous, des êtres imprévisibles.

Le long métrage de Greg Kwedar dépeint des personnages fascinants. Divine G attire l’attention. Il se consacre à l’atelier théâtre réservé aux détenus. Il est certainement le protagoniste le plus intéressant. Accusé injustement de crime, il ne se démoralise pas. Les spectateurs croient avoir affaire à un dur à cuire, néanmoins, de mauvaises nouvelles provoquent sa déprime. Ni le théâtre, ni ses amis, ne pourront l’extirper de sa rage… jusqu’au moment où l’un des personnages dialogue avec lui !

Colman Domingo incarne brillamment Divine G. Dans le magazine Premiere (n°559, 2025), l’acteur définit la véritable puissance du script. Les détenus utilisent l’art pour guérir, pour retrouver la tendresse et la vulnérabilité qu’il y a en eux.

Dès lors, transmettons un message. A chaque passionné des arts, découvrez Sing Sing. Il n’est jamais trop tard pour contempler les sensations qui sauvent une vie.

brunoaleas

Mulholland Drive

Mulholland Drive (2001), réalisé par David Lynch, est un thriller onirique et énigmatique qui mêle rêve et réalité à travers une narration fragmentée.

L’histoire suit Betty Elms (Naomi Watts), une jeune actrice naïve et optimiste qui arrive à Hollywood dans l’espoir de faire carrière. Elle s’installe dans l’appartement de sa tante et y découvre une femme amnésique, Rita (Laura Harring), qui a survécu à un accident de voiture sur Mulholland Drive. Ensemble, elles tentent de percer le mystère de l’identité de Rita, en trouvant un sac rempli d’argent et une mystérieuse clé bleue.

L’une des théories les plus populaires sur Mulholland Drive est celle selon laquelle la première partie du film (environ les deux premiers tiers) représente un rêve idéalisé, tandis que la dernière partie dévoile la cruelle réalité. Cette lecture repose sur des indices visuels et narratifs disséminés par David Lynch.

Hollywood idéalisé

La majeure partie du film se focalise sur Betty Elms, une jeune actrice fraîchement débarquée à Los Angeles, pleine d’optimisme et de talent. Elle rencontre Rita, une mystérieuse femme amnésique, et ensemble, elles partent en quête d’identité dans une version idéalisée d’Hollywood. Cette section du film présente un monde où Betty est talentueuse, bienveillante et promise à un brillant avenir, tandis que Rita est dépendante d’elle. Même les obstacles, comme les menaces contre le réalisateur Adam Kesher, semblent irréels et stylisés.

Le basculement dans la réalité

Le moment charnière du film survient lorsque Rita et Betty trouvent une boîte bleue et l’ouvrent. Cela agit comme une transition brutale : Betty disparaît, et Rita devient une actrice nommée Camilla Rhodes, tandis que Betty se transforme en Diane Selwyn, une femme dépressive et jalouse. Cette transition marque l’entrée dans la réalité.

Hollywood réel

Dans cette seconde partie, nous découvrons que Diane Selwyn est une actrice ratée, frustrée et désespérément amoureuse de Camilla, qui la délaisse pour un réalisateur, Adam Kesher (Justin Theroux). Rongée par la jalousie, Diane engage un tueur à gages pour éliminer Camilla. La culpabilité et le remords la conduisent à la paranoïa et au suicide.

Choix et conséquence

Désormais, mon analyse se concentre sur les personnages d’Adam Kesher et de Betty Elms. Tout au long du déroulement de la trame narrative, ces deux personnages sont face à des choix difficiles. Pour Adam, le dilemme se pose lorsque celui-ci doit choisir entre accepter l’actrice qu’on lui impose ou choisir sa propre actrice au risque de perdre l’opportunité de réaliser ce film. Acculé par la tromperie de celle qui partage sa vie et par la perte de l’accès à son compte bancaire, Adam décide d’accepter de prendre l’actrice qui lui a été imposée.

Le dilemme de Betty Elms consiste à choisir d’accompagner Rita dans sa quête pour recouvrir sa mémoire ou de passer le casting pour le film qu’Adam réalise. Elle décide finalement de rester aux côtés de son amie au détriment de son rêve hollywoodien.

Ces deux choix soulèvent un questionnement dans mon for intérieur : que ce serait-il passé si Betty avait passé le casting ? Cette question reste ouverte et je m’en remets à vous pour que nous puissions y répondre tous ensemble.

Fortuné Beya Kabala

Docteur Folamour

Stanley Kubrick reçoit son premier appareil photo à 5 ans. L’objet façonnera son destin. Bien plus tard, il travaille dans le magazine Look. Une fois ses photos partagées, il y a de quoi être complotiste. Comme s’il fallait croire à l’hypothèse de son aide pour filmer les pas de Neil Armstrong sur la Lune.

Trêve de plaisanteries ! Pour mesurer le talent du cinéaste, citons une œuvre si comique, si pointue, si folle. Docteur Folamour (1964) est une satire centrée sur la guerre froide. L’artiste prend en dérision, d’une manière très culottée, deux camps opposés. L’ambition est claire.

Nous suivons un général américain, totalement parano, craignant la menace russe. Notre regard se porte également sur une réunion de crise, au Pentagone.
Bien que ce film ait pris visuellement un sacré coup de vieux pensez aux scènes d’intro , les thèmes abordés, eux, sont intemporels. Quand on observe l’illogisme de nos dirigeants mondiaux, on se remémore le Pathétique des situations liées à ce long métrage. 

Les acteurs principaux interprètent leurs rôles de façon exceptionnelle. Ils donnent naissance à une identité unique à chacun des personnages. Mention honorable à Peter Sellers. Il incarne 3 rôles différents, sans oublier ses impros dans la plupart des dialogues !

Le spectateur, lui, vire de la stupéfaction au rire. Il est parfois même entraîné dans une incompréhension totale devant l’absurdité des séquences. Le film fonctionne telle une piqûre de rappel. En 1945, les tragédies de Hiroshima et Nagasaki sont le produit d’une folie prévisible (Los Alamos) et imprévisible (force de frappe démesurée). Cette barbarie vient de la première puissance mondiale, une nation prête à semer le chaos pour nourrir les intérêts de ses politiciens.
Docteur Folamour illustre brillamment les puissants de ce monde. Pire que des enfants de bac à sable, se chamaillant pour rien, considérons-les comme des cas sociaux. Bouchez ou Francken… les caricaturistes ne cherchent pas très loin pour être créatifs.

Revenons à nos moutons. Faut-il rire ou pleurer face à la comédie militaire ?

Bonne chance aux personnes s’empêchant de s’esclaffer. D’ailleurs, il n’a jamais été impossible de rire et réfléchir. Stanley Kubrick réalise un chef-d’œuvre à voir et à revoir en famille, seul ou avec votre général adjudant-chef.

brunoaleas

Flow

Quel est le point commun entre le chat du film Flow et Wonder Woman dessinée par Daniel Warren Johnson ? Deux être fascinants capables d’être déçus ou en colère, face à la violence. Le premier, plongé dans un monde où la montée des eaux est une menace, fait alliance avec d’autres animaux pour le meilleur et le pire. L’autre tente de comprendre la cause de l’apocalypse, proche des humains ayant besoin de son aide.

Centrons-nous sur Flow – et allez lire la bande dessinée de l’illustrateur américain –. Notre chat trouve refuge sur un bateau, aux côtés d’animaux divers et variés. S’entendre avec eux s’avère un défi. Mais le félin accepte l’entraide et devient empathique, voire, solidaire.

Pourquoi ? Le récit nous rappelle un fait souvent indubitable : dans la pire des situations, nous sommes tous pareils. Nul besoin de s’appeler Einstein pour le capter. La vie réserve des surprises d’année en année. Les catastrophes écologiques font partie des mauvaises surprises.
Ne citons pas les climatosceptiques, ils ont le droit de douter. Pensons plutôt aux milliardaires. Extinction Rebellion ne dissimule rien : l’aviation privée est une affaire de (ultra-)riches, un privilège de quelques-un·es (une heure de vol peut se chiffrer à 25 000 €), une activité encouragée par les États (construction/extension d’aéroports), détaxée (le kérosène est taxé à 40% de moins que l’essence), qui pollue jusqu’à 14 fois plus qu’une ligne commerciale.

Mais que deviennent nos biens, quand la mer, les pluies, les torrents engloutissent tout de près ou de loin ? Pas grand chose. Plus qu’une expérience sensorielle, où la parole n’a pas lieu d’être, Flow nous embarque dans un futur alternatif. De quoi se projeter vers une et une seule pensée : nous ressemblerons bien plus aux animaux du film qu’à des humains omnipotents.

brunoaleas

TOP/FLOP FILMS 2024

Qui dit fin d’année, dit classement des meilleurs et des moins bons films de l’année. 2024 était une année très attendue avec des sorties comme Dune : Deuxième partie, Joker : Folie à Deux ou bien Gladiator 2. Et, je ne cite pas les sorties de fin d’année en Belgique, comme Wicked, L’Histoire de Souleymane ou Conclave. En somme, nous avons eu, une nouvelle fois, une année bien fournie. Mais, il faut faire des choix !

Cette année, nous avons fait le choix d’un Top 7 et d’un Flop 3.

Mon Flop 3 rassemble les films sur lesquels j’avais placé énormément d’attente et les retrouver dans cette liste témoigne de ma grande déception. Donc, je ne vais pas plus développer et vous laissez découvrir cette liste, car le sujet est bien trop sensible pour moi.

Pour ce qui est de mon Top 7, excepté Dune 2, il ne s’agit que de découvertes. Je vous invite vivement à regarder, au moins, les films qui se trouvent aux 3 premières places. Vous ne serez pas déçus.

Vous demandez-vous quel film se trouve premier de cette liste ? Je vous laisse un indice : A24. Mais je ne parle pas du film qui a scenario dans son titre. –Fortuné Beya Kabala

TOP 7

  1. La Zone d’Intérêt – Jonathan Glazer
  1. Ni Chaînes ni Maîtres – Simon Moutaïrou
  1. Il reste encore Demain – Paola Cortellesi
  1. Dune 2 – Denis Villeneuve
  1. Pauvres Créatures – Yórgos Lánthimos
  1. Wicked – Jon Chu 
  1. Vice-versa 2 – Kelsey Mann 

FLOP 3

  1. Dream Scenario – Kristoffer Borgli
  1. Black Tea – Abderrahmane Sissako
  1. Back to Black – Sam Taylor-Johnson

Je ne choisis pas mes films préférés par hasard. Chaque année, un critère de sélection se note particulièrement. Une dimension sociale se cache derrière mes choix. L’humain est souvent au centre des préoccupations. En 2023, j’opte pour Yannick. C’est surtout Sound of Metal, en 2021, qui synthétise mon goût pour ces êtres obligés de vivre. Qu’ils soient torturés, incompris ou porteurs d’handicap, les personnages de ces films sont fascinants.

La vision d’un Japonais complète alors ma soif de curiosité. Il se nomme Hirokazu Kore-eda. L’artiste exerce son métier depuis près de 30 ans. Il forge sa réputation grâce à sa direction d’acteurs. Lorsqu’il filme Nobody Knows (2004), il offre une grande part d’improvisation aux enfants devant la caméra. Le résultat est plutôt bluffant. Les spectateurs contemplent parfois plus qu’une fiction. Comme si, finalement, un documentaire apparaissait sous les yeux.
Justin Vanhoolandt est membre du ciné-club Nickelodéon. Dans leur dixième revue, il décrit une autre force artistique du réalisateur.

C’est en apportant un regard contemporain et lucide sur sa société que Kore-eda constitue l’une des figures majeures du cinéma japonais actuel.
Il accorde une importance toute particulière au thème du quotidien, qui se révèle lorsqu’une série de gestes et d’actes se répète, au fil des jours. Ne versant jamais dans le misérabiliste des sujets, le cinéaste japonais dépeint, au contraire, la bravoure des jeunes à faire leur possible pour y arriver et pouvoir affirmer leur identité.

Saluons le travail de l’artiste. L’Innocence fut bouleversant à contempler. Les divers points de vue des protagonistes illustrent une société en perte de repères. Le long métrage rappelle aussi à quel point faire preuve de nuance est vital. Quant à sa mise en scène, elle offre des plans oniriques. Que demander de plus pour rêver dans une salle de cinéma ? –brunoaleas

TOP 7

  1. L’Innocence – Hirokazu Kore-eda
  1. Look Back – Kiyotaka Oshiyama
  1. L’Amour Ouf – Gilles Lellouche
  1. Le Deuxième Acte – Quentin Dupieux
  1. Le Robot Sauvage – Chris Sanders
  1. La Nuit d’Orion – Sean Charmatz
  1. Il reste encore Demain – Paola Cortellesi

FLOP 3

  1. Pauvres Créatures – Yórgos Lánthimos
  1. Trap – M. Night Shyamalan
  1. Deadpool & Wolverine – Shawn Levy

Look Back

La vie est faite d’aléas. D’ailleurs, j’ai écrit un livre sur le sujet ! Look Back dépeint cette beauté si fascinante, voire étrange, liée aux rencontres. Que raconte vraiment ce film d’animation ? La jeune Fujino a une confiance absolue en son talent de mangaka. Kyômoto, elle, se terre dans sa chambre, pratiquant sans relâche l’art du manga. Ces deux personnages d’une même ville vont se réunir, grâce à leur passion pour le dessin.

Tatsuki Fujimoto est assurément le mangaka le plus intéressant de sa génération. Ses récits ne déçoivent pas, tant ils allient surprises et émotions. L’auteur de Look Back dessine un manga parfait pour le grand écran. Quel délice pour les animateurs qui ont étudié les planches de l’artiste. Pourquoi ? Car l’œuvre originale est composée de pages dignes d’un storyboard. Puis, quand un animateur nommé Kiyotaka Oshiyama sublime ce travail, que reste-t-il ? Si ce n’est nos yeux ébahis par la maitrise d’un artiste ayant bossé sur Le Garçon et Le Héron, Evangelion 2.0, ou bien, Devilman CryBaby.

Aujourd’hui, l’animation apparait exceptionnelle. Pensez aux dernières sorties du studio DreamWorks. Les cinéphiles sont obligés de l’admettre.

Quant à Look Back, lorsque Fujino et Kyomoto sont dans un train, le paysage défilant derrière elles offre des tableaux réalistes, à chaque seconde ! Nous sommes face à l’animation dépassant de loin la photographie.

Exit mille dialogues. Les images reflètent, à elles seules, la détermination des protagonistes ! Adressons alors un message à Nicolas Mathieu (prix Goncourt, 2018). Né avant le culot et la honte, il insinue une ineptie. Les mangas ne seraient pas de la littérature… je l’invite à lire Look Back. Saurait-il pondre un dixième de son inventivité scénaristique ? Les chercheurs de Palo Alto se posent encore la question ! 

Laissons l’écrivain de côté. Look Back, que dire sur son rythme et sa narration ? Ou, pourquoi ce moyen métrage se démarque des autres films, en 2024 ? Il n’y a pas que son animation qui claque les yeux. Il aborde divers thèmes, via une relation évoluant d’année en année : la passion, l’amitié, l’amour de la passion, le sacrifice, le feu de la passion. L’auteur fait durer certaines séquences. Dès lors, les spectateurs captent la durée du temps. En d’autres mots, ils comprennent à quel point réaliser des mangas est une dure épreuve.
Mais à quel moment observons-nous la grande réussite du film ? Lors d’une uchronie. Nulle divulgation. Rappelons juste une définition lourde de sens. Les bandes dessinées sont le temps transformé en espace, selon l’illustrateur Art Spieglman.

Découvrez Look Back. Cette histoire apparaît universelle, vu qu’elle analyse deux sensations déjà ressenties par tout le monde, puissance et impuissance face à ce qu’on adore.

brunoaleas

Ni Chaînes ni Maîtres, croire pour résister

Lors de mon visionnage Ni Chaînes ni Maîtres, une chose me frappe fortement : c’était le fait d’apercevoir l’humain derrière la figure de l’esclave. L’esclavage est une thématique qui retient énormément mon intérêt. Ainsi, j’ai visionné bon nombre de documentaires, films et séries sur la thématique. Cependant, c’est la première fois où il n’est pas seulement question de l’horreur de la captivité et de la volonté de se libérer de cette dernière, mais d’un voyage au cœur des croyances, des espérances, de la vie d’un homme.

Cicéron le contremaître

L’histoire prend place sur l’Isle de la France (actuelle île Maurice), en 1759. On y suit la vie de Massamba (Ibrahima Mbaye Tchie), esclave dans la plantation d’Eugène Larcenet (Benoît Magimel). Il y occupe le poste de contremaître et son travail consiste à veiller au bon travail de ses frères de condition. Massamba est surnommé « Cicéron » par son maître et sert également d’interprète, car il a appris le français. Toutefois, cette situation de privilégié ne correspond pas à la réalité. En effet, il échappe à la récolte de la canne à sucre, sous le soleil brûlant de l’Isle de la France, mais il est complètement ostracisé par les siens, car considéré comme un traître à leurs yeux.

Au fil du film, nous apprenons que Cicéron a abandonné l’homme qu’il était avant la captivité, dans le but d’épargner sa fille. En effet, en échange de son « emploi » de contremaître et d’interprète, sa fille Mati (Anna Thiandoum) échappe aux sévices sexuels auxquels les femmes et filles esclaves sont victimes de façon quotidienne. Massamba rêve de voir Mati affranchie, mais Mati rêve de fuir cette société esclavagiste.

Massamba le marron

Massamba n’est pas né esclave. Il est devenu esclave et a été déporté depuis l’actuel Sénégal. Ainsi, pour protéger sa fille, il a dû oublier sa culture et des croyances pour apprendre la culture de ses tortionnaires. Soudain, la fuite de Mati lui fait reconsidérer le choix d’oublier la personne qu’il était avant la captivité.

Pour redevenir Massamba, Cicéron doit renouer avec sa spiritualité. Massamba était un initié, c’est-à-dire, une personne initiée aux pratiques religieuses, aux croyances de ses ancêtres. Mais il avait rompu le lien avec ses ancêtres donc il doit renouer avec eux. Cette quête débute avec sa fuite de la plantation et son entrée dans le marronnage (terme signifiant la fuite de l’esclave et la résistance pour conserver cette liberté). Il s’échappe initialement pour retrouver Mati, car une chasseuse d’esclave a été lancée à la poursuite de cette dernière.

La spiritualité comme mode de résistance

Ibrahima Mbaye Tchie s’exprime sur la spiritualité de son personnage : Elle affirme qu’on ne doit jamais abandonner ses croyances, qu’il faut préserver une part de spiritualité, quelles que soient les situations auxquelles nous sommes confrontés.

La spiritualité est le fil conducteur du scénario de Ni Chaînes ni Maîtres. On peut le résumer avec le schéma suivant : renoncement – introspection – renouement. À ma connaissance, c’est la première fois que la dimension spirituelle est autant développée dans un film focalisé sur la traite négrière. À mon sens, c’est la raison pour laquelle, la figure de l’esclave retrouve son humanité dans cette œuvre. En effet, le schéma de narration change de focale et place l’Humain-esclave au centre de l’histoire.

En somme, en renouant avec ses ancêtres, Massamba retrouve, non seulement, une liberté au regard de sa condition antérieure d’esclave, mais redevient celui qu’il était avant la captivité.

Fortuné Beya Kabala