Film

La reprise de James Gunn : un nouvel espoir pour le DC Universe

En octobre 2022, un tournant décisif s’est opéré chez Warner Bros. Discovery avec la nomination de James Gunn, réalisateur et scénariste reconnu, et de Peter Safran, producteur chevronné, à la tête de DC Studios. Leur mission était claire : relancer une franchise en perte de vitesse, après des années d’échecs critiques, commerciaux et un univers cinématographique jugé incohérent.
L’objectif de Gunn et Safran est de donner à DC une véritable identité, en mettant en place une continuité solide et un ton narratif capable de rivaliser avec la puissance du Marvel Cinematic Universe.

Le nouvel ensemble créatif prend désormais le nom de DC Universe (DCU), afin de marquer une rupture nette avec l’ancien DCEU (DC Extended Universe). Ce DCU n’est pas simplement pensé comme une série de films, mais comme un univers étendu, cohérent, où cinéma, séries télévisées, animation et même jeux vidéo sont appelés à dialoguer entre eux. James Gunn a imaginé une première grande étape, appelée « Gods & Monsters », destinée à poser les bases de cet univers. Cette approche vise à allier des récits indépendants, accessibles à un large public, et une vision globale qui ravira les spectateurs attentifs.

Le premier projet à voir le jour dans ce nouveau cadre a été la série animée Creature Commandos, diffusée fin 2024, conçue comme le point de départ du DCU.
Mais c’est avec Superman : Legacy, sorti en juillet 2025 et réalisé par Gunn lui-même, que l’univers a pris véritablement son envol. Le film propose une vision moderne et authentique du personnage, nourrie par les grandes références des comics. Nous voici au cœur de cette « Superman Saga » qui doit structurer le récit global. S’enchaîneront ensuite Supergirl : Woman of Tomorrow, en 2026, adaptation plus sombre inspirée du travail de Tom King, ainsi que Clayface, film annoncé comme une œuvre d’horreur psychologique, preuve que Gunn n’hésite pas à diversifier les genres pour enrichir l’univers.

La ligne directrice du DCU repose sur une cohérence créative renforcée. James Gunn collabore avec Jim Lee, directeur créatif de DC Comics, pour aligner au mieux les publications imprimées avec la continuité audiovisuelle. Il insiste sur une narration fidèle à l’esprit des comics, en refusant les recettes uniformisées des blockbusters, en préférant des arcs narratifs forts, une émotion sincère et une identité propre à chaque projet. Par ailleurs, bien que le DCU redémarre sur de nouvelles bases, certains personnages emblématiques de l’ancien DCEU ne disparaîtront pas. Viola Davis reprendra par exemple son rôle d’Amanda Waller dans une série en développement, et certains projets alternatifs, comme The Batman de Matt Reeves, continueront en parallèle.

L’avenir immédiat du studio s’annonce chargé. Outre Superman : Legacy, James Gunn a déjà confirmé un deuxième film consacré à l’Homme d’Acier, Superman : Man of Tomorrow, prévu pour 2027. Le réalisateur prend ainsi le temps de construire une saga cohérente, en évitant les raccourcis qui avaient affaibli le DCEU. Les projets annoncés démontrent une volonté de donner une véritable identité à chaque production, tout en tissant progressivement une fresque commune.

James Gunn et Peter Safran se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins. Leur pari est ambitieux : réinventer une franchise de super-héros qui a longtemps cherché sa direction. Désormais, il s’agit de s’appuyer sur des personnages iconiques, une stratégie claire et une vision respectueuse du matériau original. Le DCU pourrait bien offrir aux spectateurs une nouvelle ère, où la créativité et la fidélité aux comics passent avant les impératifs de la simple formule commerciale.

Fortuné Beya Kabala – Photo ©Amber Asaly

Caught Stealing

Votre tête tourne, vous ne savez pas quelle heure il est. Vous voyez des gens passer, très différents, mais tous dangereux. Le bruit dans votre tête couvre jusqu’au punk rock joué dans une enceinte pourrie. On vous met un poing dans la gueule, vous ne savez pas pourquoi, mais ça n’est jamais arrivé.

Darren Aronofsky nous a habitué à faire des films qui ressemblent à des bad-trips dans des maisons lugubres, celui-ci a plutôt l’air de celui qu’on pourrait faire dans un bar. Si The WhaleMother !, ou encore Requiem for a dream se concentraient sur les espaces domestiques, le film dont il est question ici est, au contraire, un voyage rythmé où les personnages restent rarement au même endroit.

Dans Caught Stealing, Austin Butler joue un barman emmené malgré lui dans une complexe affaire entre plusieurs mafias. Pendant tout le film, il se fait tabasser par différentes personnes sans jamais comprendre pourquoi. Et croyez-moi, c’est très drôle.

Si le genre du drame psychologique est familier au réalisateur, celui de la comédie l’est moins. Le film arrive pourtant à être efficace sur les deux plans, alliant constamment angoisse et ridicule.

Regarder un film d’Aronofsky veut souvent dire vouloir se donner les chocottes et faire une crise existentielle. Le spectateur qui cherchera ce sentiment sera déçu. Celui qui veut voir un film drôle le sera sans doute aussi. Mais de nos jours, il est rare de chercher une émotion précise en allant voir un film. Le spectateur qui cherchera une bonne comédie noire devant laquelle on rigole en serrant les fesses mettra sans doute quatre étoiles sur Letterbox.

Outre l’ambiance, les acteurs sont incroyables. Matt Smith, en caricature de punk britannique, est une vraie mine d’or de gags visuels. Regina King incarne une flic à l’air dévoué mais complètement corrompue. Seul bémol, le personnage de Zoë Kravitz, la petite amie du barman. Il manque de profondeur. Il ne sert qu’à se faire tuer par les méchants et manque de la complexité d’un véritable être humain.

On pourrait aussi critiquer le film quand il fait prendre aux personnages des décisions irréfléchies et pulsionnelles. Mais tant qu’elle n’est pas trop fréquente, la surprise est un outil indispensable pour faire rire. C’est le caramel brûlé de la comédie.

J’aimerais terminer cette critique en saluant le travail très qualitatif des opérateurs de grues dans Caught Stealing, car le film contient de nombreux travellings audacieux et des trajectoires de caméra que seul un talent certain peut exécuter avec autant de précision.

Ensuite, j’invite lae lecteurice qui voudra découvrir l’univers d’Aronofsky à regarder Mother !, à ne pas regarder The Whale, qui en dehors de la performance incroyable de Brendan Fraser, est assez naze : trop théâtral pour le grand écran et éminemment grossophobe.

Lou

Robin was the best ?

J’aime les films des années nonante. Matrix, Fight Club, American Beauty, quelle époque mesdames et messieurs ! Ce que j’adore plus que tout, c’est découvrir les films de Robin Williams. L’acteur américain savait jouer n’importe quel caractère. Ses personnages s’inscrivaient aussi bien dans des thrillers, comédies comme dans les récits fantastiques ou à travers la science-fiction !

Cet été, je bouffe Madame Doubtfire. L’histoire d’enfants ponctuée par la séparation de leur parent. Elle aborde aussi la place d’un artiste extraverti.
Le pitch sonne banal. Dès lors, comment rendre chaque séquence intéressante ? En questionnant l’appareil judiciaire, en tentant d’abattre les codes hommes/femmes, en réunissant petits et grands grâce à un ton léger mais jamais simpliste. Puis, Robin Williams crève l’écran, tant son personnage est à la fois touchant et passionné.

Il nous manque cruellement d’acteurs capables de subjuguer à ce point. Quand on observe les incarnations insipides de Pedro Pascal, Mark Wahlberg ou Tom Holland, il y a de quoi se tirer une balle… restons optimistes car le cinéma est une aventure collective. 

Quant à la filmographie de Robin Williams, s’il fallait la résumer en quelques mots, j’opte pour la devise de l’industrie Pathé.

Le cinéma sera le théâtre, le journal et l’école de demain.

brunoaleas

Superman

James Gunn laisse une belle trilogie à Marvel. Le papa des Gardiens de la Galaxie est nommé co-PDG de DC, l’écurie d’en face, en 2022 ! Ensuite, l’artiste est destiné à réaliser Superman. Est-ce une réussite éclipsant les merdes et échecs du studio DC ? Trêve de suspense, le long métrage est réussi. Son auteur est l’homme de la situation.

Superman apparaît comme une œuvre solaire, accessible aux passionnés de science-fiction, comme aux ados les plus rêveurs. Clark Kent ne se définit pas comme un golmon, saccageant chaque coin et recoin des décors. Il sauve tout le monde, de l’enfant à l’écureuil.

Puis, il ne s’agit pas d’éteindre son cerveau devant ce perso culte. Le cinéaste prouve encore que divertissement n’est pas synonyme d’abrutissement. Dénoncer la course à l’armement. Critiquer les médias. Interroger nos racines et notre place sur Terre. Résumer Superman à un incessant bimboumbam est une idée bas-de-plafond.

Dès les premières images dévoilées, nous voici dans le vif du sujet. L’Homme de Fer gît au sol, ensanglanté, affaibli. Pour quelle raison ? Lex Luthor hait notre héros. Il envoie le Marteau de Boravie le battre.

Foutu Luthor, fusion parfaite entre Daniel Ek et Elon Musk. Il symbolise l’horrifique marché des armes. Son influence est telle, qu’il tutoie les dirigeants de la nation. Un parallèle avec notre passé n’est pas inapproprié. N’oublions pas le caractère odieux des industriels américains, durant la Seconde Guerre mondiale… oui, les amerlocs fournissaient les nazis pour tuer des soldats américains.
Revenons à Lex. Ce multimilliardaire conjugue envie, colère et orgueil. Il est prêt à détruire le protecteur de Métropolis, coûte que coûte. Lois Lane, Krypto, la Justice Gang, devront alors s’allier pour affronter des forces machiavéliques.

Qu’en est-il de Clark ? Abat-il les menaces tel un mortel candide, omnipotent et prévisible ? Pas du tout ! Le metteur en scène le caractérise comme pur et sincère dans L’Ecran Fantastique (n°40, 2025). A la lecture du même magazine, David Corenswet, acteur principal, décrit précisément son rôle.

Même si Superman est très fort émotionnellement et mentalement, et qu’il est coriace lorsqu’il relève lui-même des défis physiques, il lutte aussi contre des angoisses que tous les êtres humains éprouvent, comme la peur et l’anxiété de perdre les personnes qu’on aime. […] Superman redoute de ne pas pouvoir s’intégrer parfaitement à notre société, et de rester un être à part, n’ayant pas accès à toutes les expériences personnelles que les autres humains peuvent vivre.

Le protagoniste n’a pas besoin d’être politisé. Ses décisions dépendent de ses valeurs profondes. Il fonctionne à l’instinct. Impossible de se laisser faire. La mort d’innocents lui est inconcevable. Ne confondons pas sa bonté à la naïveté – même si d’autres personnages l’accusent d’accorder une confiance hors-norme à tout un chacun –. Enfin, sa bienveillance ne provient pas de nulle part. James Gunn l’affirme lors d’une interview pour L’Ecran Fantastique (n°40, 2025).

Il ne faut pas oublier qu’il est un étranger sur notre planète, et qu’il a découvert très tôt le meilleur de la bonté terrienne […] Il n’est ni naïf ni idiot, mais il a choisi une fois pour toutes de considérer les humains avec bienveillance.

Quant à la réalisation, elle me rappelle à quel point j’aime me plonger dans l’univers DC, ou plutôt, dans les bédés aux récits déjantés. Superman pouvait s’illustrer comme un golem, moralisateur et insipide. Heureusement, le film transmet une message sain, la philosophie du surhomme : sauver une vie équivaut à sauver l’humanité.

brunoaleas

Conclave

Le film Conclave (2024), réalisé par Edward Berger et adapté du roman éponyme de Robert Harris, est un thriller politique captivant, se déroulant au Vatican. Il met en scène Ralph Fiennes dans le rôle du cardinal Thomas Lawrence, doyen du Collège des cardinaux, chargé de superviser l’élection du nouveau pape à la suite du décès soudain du souverain pontife.

Alors que les cardinaux sont réunis en conclave, l’arrivée inattendue de Vincent Benitez, un missionnaire mexicain, récemment nommé cardinal en secret par le défunt pape, suscite la surprise. Au fil des délibérations, Lawrence découvre des scandales de corruption impliquant certains candidats, notamment des achats de votes, ce qui ébranle la confiance au sein du Collège.

La clé pour diriger l’Eglise

Le mot « conclave » vient du latin conclavum, qui signifie littéralement « pièce fermée à clé ». Ce mot est lui-même formé de « con » un préfixe latin signifiant « avec » ou « ensemble » et de « clavis » : signifiant « clé ».

A l’origine, aucun mode de scrutin n’était prévu pour l’élection du Saint-Père. Au Moyen-Âge, Après la mort du pape Clément IV en 1268, l’élection de son successeur dura près de trois ans, à Viterbe. Les cardinaux étaient indécis, et les factions divisées. Face à cette impasse, la population locale et les autorités en vinrent à enfermer les cardinaux, à réduire leurs rations de nourriture, voire à retirer le toit du palais pour accélérer leur décision.

Le pape Grégoire X, élu à l’issue de ce conclave chaotique, promulgua en 1274, lors du concile de Lyon IIj la bulle Ubi periculum. Ce texte établit formellement les règles du conclave.

Le Conclave est ainsi, d’une certaine façon, la clé pour diriger l’Eglise. En effet, ce scrutin permet d’élire le successeur de Saint-Pierre donc celui qui dirigera l’Eglise.

Le poids de la responsabilité

Dans le film, l’attitude du cardinal Thomas Lawrence (Ralph Fiennes) illustre parfaitement le caractère grave du Conclave. En tant que doyen des cardinaux, il est à la charge de la bonne tenue de l’élection. De ce fait, repose sur ses épaules, l’avenir de l’Eglise catholique.

Cette responsabilité, comme spectateur, nous la ressentons particulièrement dans la scène d’ouverture. En effet, dans cette dernière, le cardinal Lawrence est en train de se rendre vers les appartements du défunt Pape pour attester de son décès. Nous voyons successivement les scènes suivantes : le cardinal Lawrence de dos respirant fortement à l’instar d’une personne angoissée ; la caméra se fixe ensuite sur sa main qui sert fortement sa mallette et ses fortes respirations continuent ; dans l’ascenseur, il s’agrippe par la suite sur sa calotte ; son visage, très grave, apparait enfin sur l’écran.

Le spectateur pourrait être tenté d’attribuer ce stress à l’annonce du décès du Saint-Père. Mais, selon nous, la responsabilité d’être le garant de la bonne conduite du Conclave est la cause du stress qui l’habite dans les premières minutes du film.

Un choix politique ou spirituel ?

Le Conclave a la particularité d’être une investiture tant politique que spirituel. Edward Berger, à notre sens, s’est énormément concentré sur l’aspect politique, au détriment du spirituel. En effet, bien que le choix du Pape soit hautement politique, car il assure également le rôle de chef d’Etat, il demeure néanmoins la plus haute autorité de l’Eglise catholique.

La dimension religieuse transparait quand est mentionnée la lutte entre conservateurs et progressistes. Cependant, j’aurais aimé voir comment le fait religieux influence les cardinaux électeurs, lors des votes.

En effet, différents facteurs peuvent influencer les cardinaux dans leurs choix. Ceux mis en avant par le réalisateur sont intéressants, mais demeurent trop « temporels » et pas assez de l’ordre de la croyance. Par exemple, le cardinal Lawrence veut écarter un candidat, car celui-ci est trop conservateur. Il aurait été intéressant, dès lors, d’expliquer en quoi ce cardinal était trop conservateur par rapport aux dogmes catholiques. Or, Edward Berger choisit d’expliquer son conservatisme seulement du point de vue de l’ouverture ou non de l’Eglise aux autres religions.

En somme, Conclave est un très bon film sur les intrigues du Vatican, pas un film sur l’Eglise catholique.

Fortuné Beya Kabala

Fight Club

La violence est partout. Difficile de le nier. Les règles d’un système voué à te faire payer ou la dureté de la vie, avec son lot de meurtres et d’accidents, ces épreuves sont parfois trop nombreuses.

Fight Club l’illustre tellement bien. Ses propos sont toujours d’actualité. Encore aujourd’hui, son récit reste fascinant. On y suit un jeune expert en assurance. Il est insomniaque, mais aussi désillusionné par sa vie personnelle et professionnelle. Ce Narrateur rencontre, par hasard, Tyler Durden, figure à la fois énigmatique et chaotique. Ensemble, ils fondent le Fight Club. Ils y organisent des combats clandestins, destinés à évacuer l’énergie négative des participants.

Globalement, ce long métrage est une critique du consumérisme. Le sang coule, le temps d’avouer notre petitesse face à notre confort. Il dépeint également une brutalité sociale, où le seul exutoire possible devient la baston pure et dure. Saigner pour exister. Se sentir vivre à travers coups et blessures.

Dès lors, il ne reste plus que cette échappatoire pour fuir les chaînes du capitalisme. Aujourd’hui, qui se plaint de son Iphone ? Comment s’en sortir sans bagnole ? Quel alien ne désire pas la 5G ?!
Fight Club fait un bien fou. Il démontre ô combien tout est calculé afin que les dominants tracent le chemin des dominés. Comment atteindre l’objectif ? Ecrire et inventer des personnages charismatiques. Le journaliste Aurélien Lemant développe l’idée. Il considère le réalisateur comme un passionné de loups solitaires. Si passionné, qu’il est prêt à les filmer. Il va plus loin !

La propension à s’identifier aux personnages, ces êtres déphasés, toujours solitaires, ouvre un passage. Car aussi saturé que soit l’étoffe, dont David Fincher conçoit ses films, le train-train de ses personnages, lui, suppure un vide à investir. Et c’est là que germe toute la sensibilité du réalisateur. Tous ses personnages finissent par ruminer la vacuité de leur vie privée devant un réfrigérateur ou à rêvasser seuls, cloitrés dans leur logement désert. Leur consistance ne tient qu’à leur quête obsessionnelle.

A. Lemant (La Septième Obsession, n° 31)

Figh Club apparaît donc comme un pamphlet à lire. Ou plutôt, comme une prise de conscience nécessaire pour les esclaves du métro-boulot-dodo. La vie est trop courte pour subir autant d’obligations. Puis, si la philosophie de Tyler Durden est si démente, c’est parce qu’il symbolise aussi bien un agent du chaos, qu’un esprit libre.
Imaginez. Nos habitudes sont dictées par des multinationales. Alors, on concocte des bombes, bousille les antennes et baise les banques. Changer nos habitudes est parfois synonyme de liberté.

En 2020, je pars découvrir l’œuvre, une seconde fois. Un pigeon bourré de laxatifs me chie dans le coup, avant la séance prévue au Churchill (Liège)… je repense aux paroles de Dick Tomasovic, prof de cinéma, présentant le film devant le public : « En ces temps troubles, on voudrait tous d’un Fight Club dans sa cave ». Qu’écrire de plus ?

PS : Voir une pareille tuerie, une deuxième fois, est une incroyable expérience. L’art de savourer une écriture toujours aussi folle.

brunoaleas

Reflet dans un diamant mort 

Je me souviens d’un rêve que j’ai fait, quand j’avais cinq ans. Ce devait être mon tout premier cauchemar. Un vieil homme venait m’enlever alors que je jouais dans ma rue, et un adulte surgissait pour me secourir, armé d’une batte de baseball. J’en ai frémi pendant des jours. Ce qui est étrange, c’est que le souvenir de ce cauchemar est bien plus vif que n’importe quel autre souvenir de ma petite enfance. Dites… c’était bien un cauchemar, n’est-ce pas ?

Un vieux monsieur passe un agréable séjour dans un bel hôtel de la Côte d’Azur, quand soudain, le reflet d’un diamant porté par sa charmante voisine de chambre le replonge dans ses souvenirs de jeunesse : sa vie d’espion international. Mais ces visions sont-elles de véritables souvenirs, des affabulations, ou bien encore autre chose ?

Reflet dans un diamant mort n’est pas un film fait pour le grand public. La plupart des gens va au cinéma pour se divertir. Ici, on a affaire à une véritable œuvre d’art — comme il en existe tant, certes, mais qui, comme peu d’autres, laissent une empreinte durable. Un des livres qui m’a le plus marqué est La Jalousie de Robbe-Grillet : un chef-d’œuvre, sans aucun doute. Un bon moment ? Pas si sûr.

De la même manière, si Reflet dans un diamant mort commence sur une note étrange, voire rebutante, il suffit, cependant, de lâcher prise, de s’immerger dans son univers et d’accepter ses enjeux, pour qu’il révèle peu à peu sa richesse. On réalise alors qu’il s’agit d’une œuvre qui fait naître des sentiments inédits, ouvrant l’esprit à une autre vision du monde.

Non, je ne peux pas qualifier ce film de divertissant.

En revanche, je le qualifie volontiers de fascinant.

Film de genre, créé par des artistes passionnés par leur médium, Reflet dans un diamant mort prend la forme d’un film d’espionnage pulp et ringard — c’est volontaire. Plutôt que de se contenter de faire référence aux dizaines de films d’espionnage de série B, auxquels il pourrait ressembler, il se présente comme ce à quoi ressemblerait l’adaptation d’une vieille bande dessinée pulp d’espionnage, empreinte de Satoshi Kon (Millennium Actress). Diabolik, une BD italienne, est d’ailleurs, clairement référencée. Et comme dans un film de Satoshi Kon, la structure non linéaire perdra absolument chaque spectateur durant les premières minutes, mimant ce qui semble être la structure d’un esprit sénile.

Réalité, fantasme, émotion et imagination s’entrecroisent sans cesse. La fragmentation du récit, à travers plusieurs lignes de temps et de réalité, exige une attention constante. Ce film est presque éprouvant : il vous saisit et ne vous lâche plus. Il offre peu de répit. Soit, vous lâchez prise et vous vous laissez porter par le tumulte émotionnel imposé, soit, vous vous accrochez et tentez de donner du sens à ce chaos.

Et bon Dieu, que c’est satisfaisant de reconnecter, rétrospectivement, deux scènes semblant totalement incohérentes, à première vue.

Tout dans ce film est une épreuve : suivre l’intrigue est déjà difficile, et saisir toutes les subtilités du récit est impossible en un seul visionnage. La violence de certains passages est aussi très crue, parfois insoutenable : les corps sont mutilés, et la souffrance, sublimée. Enfin, la bande sonore est parfois assourdissante. On ressort de ce film essoufflé, étourdi, confus.

Ce qui, paradoxalement, en fait une expérience cinématographique puissante — une de celles qui vous habitent encore longtemps après la projection.

Pierre Reynders

Le cinéma français est si beau ?

Lorsque nous évoquons le cinéma français, nous pensons bien trop souvent aux clichés. Un cinéma de comédie, où les acteurs jouent aussi bien que votre oncle, après 3 verres de vins. Mais rappelons le vrai cinéma français. Celui qui incorpore tragédie et émotion, celui qui fait la bataille entre amour et haine, celui qui donne sa chance aux jeunes talents, celui qui ne vieillit pas. Le cinéma français est talentueux, est inspirant, est marquant. Il laisse sa trace en bien ou en mal, c’est à vous d’en juger après vision. Une caractéristique que l’on peut difficilement enlever au cinéma français, c’est sa complexité, son intelligence. Du génie dans l’humour comme Dîner de cons à la stupeur de l’imaginaire français dans Le Règne animal, le cinéma français fait des prouesses. Il touche, illustre la vie de milliers d’individus sur le grand écran. La Haine, film marquant qui montre la brutalité et les rêves échoués des jeunes de banlieue. La Boum montre l’insouciance et la jeunesse. Plus récemment, L’Amour Ouf  et le génie de Gilles Lelouche suivant le parcours tragique de deux jeunes qui tombent amoureux et puis, les drames de la vie les séparent. 

Le cinéma français est riche, il est doté d’une certaine beauté qui s’explique très peu car elle est individuelle et intime. Oui, selon moi, cette intimité existe entre le spectateur et l’œuvre. C’est une intimité qui en un instant transforme notre lien en amour. Amour avec les personnages aussi complexes qu’ils soient, en amour avec les décors qui nous font voyager tout en restant dans un certain confort, en amour avec la musique qui réussit à instaurer un climat où les rires côtoient les larmes. C’est ça qui fait l’essence du cinéma français. C’est un refuge, un lieu de rencontre et de mystère.
Mais encore une fois, je perçois le mystère et la beauté de cet art de cette exacte manière. Effectivement, le cinéma français est l’art où l’individu et ses pensées sont maîtres ! 

Binta – Photo ©Cédric Bertrand – Texte écrit à un atelier Scan-R

Lost Highway

Fred Madison (Bill Pullman), un saxophoniste, vit avec sa femme, Renée (Patricia Arquette), dans une relation froide et distante. Un jour, ils commencent à recevoir d’étranges cassettes vidéo filmant leur maison, puis leur chambre à coucher pendant leur sommeil. Lors d’une fête, Fred rencontre un mystérieux homme pâle qui semble le connaître d’une façon inquiétante. Peu après, Renée est brutalement assassinée, et Fred est arrêté bien qu’il ne se souvienne de rien.

En prison, un événement surnaturel se produit : Fred disparaît. Il est alors remplacé par Pete Dayton (Balthazar Getty), un jeune mécanicien qui ne se souvient pas comment il est arrivé là. Libéré, Pete entame une liaison avec Alice Wakefield (Patricia Arquette), la maîtresse d’un gangster violent, qui ressemble étrangement à Renée.

Lost

Lost Highway s’éloigne des productions qui consistent à prendre le spectateur par la main pour lui narrer une histoire. Ici, le réalisateur, David Lynch, impose une posture : il faut être attentif à chaque détail.

Le scénario est fragmenté, le réel et le songe se mélangent, le présent et le futur se confondent. À l’instar de lecteurs d’un polar, les spectateurs de Lost Highway tentent de rassembler toutes les pièces dans l’ultime but de ne pas s’égarer.

La difficulté principale que le spectateur affrontera dans son visionnage est la vitesse. En effet, le mot « highway », « autoroute » en français, n’est pas un hasard. David Lynch impose une cadence dans la trame narrative, semblable à la vitesse des voitures sur l’autoroute.

Conseil d’ami : accrochez-vous bien pour ne rien rater.

Lucid Dreams

Les rêves lucides correspondent à l’instant où, dans notre sommeil, nous prenons conscience que nous sommes en plein rêve.

Lorsque Fred est remplacé par Pete, par un évènement surnaturel dans sa cellule, la suite de l’intrigue semble être un rêve lucide pour le spectateur.
Cette deuxième partie du film requiert une attention et une concentration plus particulière, car elle permet de comprendre la première partie du film.

La bande-son

La bande-son de Lost Highway est une pièce maîtresse de son atmosphère. Elle mélange rock industriel, dark ambient et jazz pour créer une ambiance à la fois hypnotique, angoissante et électrique. Supervisée par David Lynch et Trent Reznor (Nine Inch Nails), elle reflète les différentes facettes de l’œuvre : l’étrangeté, la violence, la sensualité et la perte de repères.

En somme, David Lynch propose une course effrénée aux frontières de la réalité, à travers une narration fragmentée et une bande-son envoutante.

Fortuné Beya Kabala

Sing Sing

Un journaliste héroïque partage ces mots. Roberto Saviano écrit cette réflexion dans son livre, Crie-le ! 30 portraits pour un monde engagé (2023). Quel est le rapport entre l’extrait et Sing Sing, un film qui nous propulse dans une prison américaine ? Centrons-nous d’abord sur son histoire. Elle se focalise sur des détenus. Ils forment une troupe de théâtre déterminée à jouer pour s’évader d’un morne quotidien.

Tout le monde sait que l’art mène à l’évasion (la carte décrite par Saviano), mais personne ne certifie que les artistes vivront un réel changement de personnalité (la carte ne prévoit pas les aléas). Une personne violente et insupportable ne deviendra pas attentionnée et apaisée, juste après sa première répétition d’une pièce. Les artistes ne sont pas des politiciens. Ils ne promettent pas monts et merveilles après avoir conçu un spectacle inédit, une chanson inoubliable ou un poème bouleversant. Sing Sing rappelle à quel point les pratiques artistiques sont salvatrices certes, mais font de nous, des êtres imprévisibles.

Le long métrage de Greg Kwedar dépeint des personnages fascinants. Divine G attire l’attention. Il se consacre à l’atelier théâtre réservé aux détenus. Il est certainement le protagoniste le plus intéressant. Accusé injustement de crime, il ne se démoralise pas. Les spectateurs croient avoir affaire à un dur à cuire, néanmoins, de mauvaises nouvelles provoquent sa déprime. Ni le théâtre, ni ses amis, ne pourront l’extirper de sa rage… jusqu’au moment où l’un des personnages dialogue avec lui !

Colman Domingo incarne brillamment Divine G. Dans le magazine Premiere (n°559, 2025), l’acteur définit la véritable puissance du script. Les détenus utilisent l’art pour guérir, pour retrouver la tendresse et la vulnérabilité qu’il y a en eux.

Dès lors, transmettons un message. A chaque passionné des arts, découvrez Sing Sing. Il n’est jamais trop tard pour contempler les sensations qui sauvent une vie.

brunoaleas

Mulholland Drive

Mulholland Drive (2001), réalisé par David Lynch, est un thriller onirique et énigmatique qui mêle rêve et réalité à travers une narration fragmentée.

L’histoire suit Betty Elms (Naomi Watts), une jeune actrice naïve et optimiste qui arrive à Hollywood dans l’espoir de faire carrière. Elle s’installe dans l’appartement de sa tante et y découvre une femme amnésique, Rita (Laura Harring), qui a survécu à un accident de voiture sur Mulholland Drive. Ensemble, elles tentent de percer le mystère de l’identité de Rita, en trouvant un sac rempli d’argent et une mystérieuse clé bleue.

L’une des théories les plus populaires sur Mulholland Drive est celle selon laquelle la première partie du film (environ les deux premiers tiers) représente un rêve idéalisé, tandis que la dernière partie dévoile la cruelle réalité. Cette lecture repose sur des indices visuels et narratifs disséminés par David Lynch.

Hollywood idéalisé

La majeure partie du film se focalise sur Betty Elms, une jeune actrice fraîchement débarquée à Los Angeles, pleine d’optimisme et de talent. Elle rencontre Rita, une mystérieuse femme amnésique, et ensemble, elles partent en quête d’identité dans une version idéalisée d’Hollywood. Cette section du film présente un monde où Betty est talentueuse, bienveillante et promise à un brillant avenir, tandis que Rita est dépendante d’elle. Même les obstacles, comme les menaces contre le réalisateur Adam Kesher, semblent irréels et stylisés.

Le basculement dans la réalité

Le moment charnière du film survient lorsque Rita et Betty trouvent une boîte bleue et l’ouvrent. Cela agit comme une transition brutale : Betty disparaît, et Rita devient une actrice nommée Camilla Rhodes, tandis que Betty se transforme en Diane Selwyn, une femme dépressive et jalouse. Cette transition marque l’entrée dans la réalité.

Hollywood réel

Dans cette seconde partie, nous découvrons que Diane Selwyn est une actrice ratée, frustrée et désespérément amoureuse de Camilla, qui la délaisse pour un réalisateur, Adam Kesher (Justin Theroux). Rongée par la jalousie, Diane engage un tueur à gages pour éliminer Camilla. La culpabilité et le remords la conduisent à la paranoïa et au suicide.

Choix et conséquence

Désormais, mon analyse se concentre sur les personnages d’Adam Kesher et de Betty Elms. Tout au long du déroulement de la trame narrative, ces deux personnages sont face à des choix difficiles. Pour Adam, le dilemme se pose lorsque celui-ci doit choisir entre accepter l’actrice qu’on lui impose ou choisir sa propre actrice au risque de perdre l’opportunité de réaliser ce film. Acculé par la tromperie de celle qui partage sa vie et par la perte de l’accès à son compte bancaire, Adam décide d’accepter de prendre l’actrice qui lui a été imposée.

Le dilemme de Betty Elms consiste à choisir d’accompagner Rita dans sa quête pour recouvrir sa mémoire ou de passer le casting pour le film qu’Adam réalise. Elle décide finalement de rester aux côtés de son amie au détriment de son rêve hollywoodien.

Ces deux choix soulèvent un questionnement dans mon for intérieur : que ce serait-il passé si Betty avait passé le casting ? Cette question reste ouverte et je m’en remets à vous pour que nous puissions y répondre tous ensemble.

Fortuné Beya Kabala

Docteur Folamour

Stanley Kubrick reçoit son premier appareil photo à 5 ans. L’objet façonnera son destin. Bien plus tard, il travaille dans le magazine Look. Une fois ses photos partagées, il y a de quoi être complotiste. Comme s’il fallait croire à l’hypothèse de son aide pour filmer les pas de Neil Armstrong sur la Lune.

Trêve de plaisanteries ! Pour mesurer le talent du cinéaste, citons une œuvre si comique, si pointue, si folle. Docteur Folamour (1964) est une satire centrée sur la guerre froide. L’artiste prend en dérision, d’une manière très culottée, deux camps opposés. L’ambition est claire.

G. Marouzé (La Septième Obsession, hors-série n°19)

Nous suivons un général américain, totalement parano, craignant la menace russe. Notre regard se porte également sur une réunion de crise, au Pentagone.
Bien que ce film ait pris visuellement un sacré coup de vieux pensez aux scènes d’intro , les thèmes abordés, eux, sont intemporels. Quand on observe l’illogisme de nos dirigeants mondiaux, on se remémore le Pathétique des situations liées à ce long métrage. 

Les acteurs principaux interprètent leurs rôles de façon exceptionnelle. Ils donnent naissance à une identité unique à chacun des personnages. Mention honorable à Peter Sellers. Il incarne 3 rôles différents, sans oublier ses impros dans la plupart des dialogues !

Le spectateur, lui, vire de la stupéfaction au rire. Il est parfois même entraîné dans une incompréhension totale devant l’absurdité des séquences. Le film fonctionne telle une piqûre de rappel. En 1945, les tragédies de Hiroshima et Nagasaki sont le produit d’une folie prévisible (Los Alamos) et imprévisible (force de frappe démesurée). Cette barbarie vient de la première puissance mondiale, une nation prête à semer le chaos pour nourrir les intérêts de ses politiciens.
Docteur Folamour illustre brillamment les puissants de ce monde. Pire que des enfants de bac à sable, se chamaillant pour rien, considérons-les comme des cas sociaux. Bouchez ou Francken… les caricaturistes ne cherchent pas très loin pour être créatifs.

Revenons à nos moutons. Faut-il rire ou pleurer face à la comédie militaire ?

Bonne chance aux personnes s’empêchant de s’esclaffer. D’ailleurs, il n’a jamais été impossible de rire et réfléchir. Stanley Kubrick réalise un chef-d’œuvre à voir et à revoir en famille, seul ou avec votre général adjudant-chef.

brunoaleas