Et ce clown ? Est-il cet homme ? Ou est-il son maquillage ?
Mesdames et Messieurs, nous vivons dans une société.
Oui, je sais, c’est dur à avaler. Mais je ne suis pas sûr que ce fait soit plus difficile à avaler que les 138 minutes du second chapitre de Joker.
Pourtant, Joker : Folie à Deux est, en soi, un film aux réflexions intéressantes. Le premier volet proposait une profonde étude de personnage. Il analysait comment un anti-héros, souffrant, abandonné, inadapté, terriblement isolé, devient un criminel puis une icône, le symbole de toute une classe opprimée. Le film se terminait sur une note amère, nous rappelant que, quand les émotions négatives s’accumulent et résonnent dans une foule, il ne suffit que d’un déclencheur pour que la violence éclate.
Nous reprenons donc ce deuxième film, plus ou moins, là où nous avions laissé l’intrigue : le récit de l’emprisonnement, puis du procès d’Arthur Fleck, alias, le Joker.
Et le message du film est assez limpide. C’est un commentaire très méta sur la manière dont le public a pu percevoir le personnage, ces dernières années.
On nous pointe du doigt : Regardez ! Voici l’homme que vous, ceux qui postiez des mèmes intitulés “Quand le gentil perd patience, le diable tremble”, avez porté sur un piédestal. C’est un homme malade, triste, accro et terriblement, terriblement seul. Regardez-le se faire humilier sauvagement et s’effondrer ! Votre héros n’est pas un héros, c’est une misère humaine !
C’est la destruction, que dis-je, l’atomisation de ce héros. Et vous savez quoi ? Certes, c’est une claque dans la figure du public original. Mais cela a le mérite d’être une idée relativement nouvelle. On peut dire ce qu’on veut de ce film, mais il est un excellent carburant pour les débats. La controverse qu’il suscite est, à mon sens, une certaine réussite.
Mais ! Mais ! Malheur. Il est si ennuyeux ! Mesdames et Messieurs, ce film est tout sauf un divertissement. Et pourtant, c’est une comédie musicale ! J’adore les comédies musicales, j’en mange chaque jour au petit déjeuner. Joaquin Phoenix, fumeur compulsif, qui, je pense, ne passe pas une seule scène sans s’allumer une cigarette, mime à la perfection le chant du cancer de la gorge en phase trois. Les scènes de chant sont longues, n’apportent rien au récit. C’est très pénible. Et comme elles sont nombreuses, le film semble totalement vide d’événements. Une impression générale marque l’esprit. Comme si les auteurs, en fin de film, n’avaient pas envie d’écrire plus qu’un film de 40 minutes et ont décidé, sur un coup de tête, d’appeler Lady Gaga pour combler le reste.
Et une dernière petite chose. Dans le film, l’avocate d’Arthur le défend en clamant qu’il souffre d’une maladie mentale : le trouble dissociatif de l’identité… encore ! Pourquoi est-ce devenu un cliché d’associer cette pathologie tragique à tous les méchants du cinéma ? Le film joue avec l’audience. L’avocate représente ceux d’entre nous qui voient Arthur comme un pauvre homme très malade, victime de la société, incompris, dont l’abus maternel a créé une personnalité violente cachée en lui. Tandis que Harley Quinn (Lady Gaga) représente ceux d’entre nous qui le voyaient comme un homme écrasé par la société, qui finit par se révolter et briser ses chaînes, montrant enfin aux puissants ce qu’il se passe quand le mouton se transforme en loup…
Le film nous tapote gentiment sur l’épaule avec un marteau de trois tonnes, à la fin. Pourquoi ? Pour nous montrer que Fleck n’est qu’un simplet, un meurtrier, un homme misérable et pitoyable qui s’est toujours laissé porter par les événements.
C’est une énième utilisation abusive du trouble dissociatif de l’identité, exploitée à outrance par les auteurs pour leurs intrigues judiciaires. En relisant ce texte, ne trouvez-vous pas cela de mauvais goût, un film qui ne remet pas simplement en question mais juge avec mépris les interprétations des fans ? Je vous invite à découvrir Partielles. Ainsi, vous en saurez bien plus, au sujet du TDI.
Je reverrai le premier film avec plaisir dans le futur. Il reste une performance marquante. Mais cette suite laissera un arrière-goût amer associé à la franchise. La société n’était pas prête…
Les classes dominantes s’affairent, inquiètes seulement d’une chose : que la fin d’un modèle de production fondé sur les énergies fossiles amène à une nouvelle répartition des ressources défavorable à leurs intérêts. Ces classes, qui se sont gavées de l’exploitation des masses, faisant du charbon la clef de leur ascension, avant que les coulées de pétrole et les flambées de gaz ne viennent les installer en une abondance qui toujours aux damnés de la terre a manquée, paniquent aujourd’hui à l’idée de perdre leurs privilèges, et de se voir à leur tour soumis à l’économie de la rareté. Ces seigneurs de la terre redoutent de se voir transformés en serfs ou décapités. -Extrait de Coup d’état. Manuel insurrectionnel, écrit par Juan Branco
Ce passage, rédigé par l’avocat français, est un merveilleux parallèle à faire avec une œuvre cinématographique. Pas n’importe laquelle ! La deux parties de Dune, réalisées par Denis Villeneuve, sont de superbes évènements artistiques. Pourquoi ? Toutes les conditions sont réunies pour nous faire rêver : casting 5 étoiles, décors époustouflants, scènes homériques, thèmes toujours aussi pertinents. Quant au travail sonore, les mots me manquent, tant le résultat est fou. La recette est parfaite pour embarquer dans un univers singulier ; pour mémoriser chaque action à l’écran.
Que nous conte cette œuvre si fascinante ? La famille de Paul Atreides subit un massacre. Les soldats Harkonnen sont les coupables. Ils ont soif de pouvoir, tuent et poursuivent le jeune homme et sa mère. Ces derniers fuient vers Arrakis, la planète la plus dangereuse de l’univers. Là-bas, ils y trouvent une source exclusive, la ressource la plus précieuse qui soit, l’Epice. Au premier volet, des forces sinistres déclenchent un conflit. Qui survivra ? Les personnes sachant maîtriser leurs peurs. Puis, le second film se focalise sur Paul et sa revanche contre la Maison Harkonnen.
Souvent, la fiction dépasse la réalité. L’Epice est comparable à notre pétrole. Si on souhaite pousser la réflexions plus loin, l’Epice pourrait symboliser l’envie de conquête. Aujourd’hui, on ne compte plus les détraqués bouleversant l’ordre international. Le génocidaire Benjamin Netanyahou. Des pourritures belliqueuses nommées Bush et Sarkozy. La liste est trop longue.
Les actes de ces ordures prouvent qu’on n’a pas à suivre un messie – ou en tout cas, des hommes de pouvoirs –. Le mot messie est une référence directe au roi David : c’est l’homme choisi par Dieu pour mener le peuple vers le bonheur terrestre, explique le père Yves-Marie Blanchard, prêtre du diocèse de Poitiers. Timothée Chalamet incarne brillamment un chef, prêt à tout pour défier les futures menaces. Son personnage, Paul, gagne la confiance du peuple des sables. Ensuite, il joue avec son côté mystique afin de lancer les foules vers une guerre sans nom. Denis Villeneuve ne dissimule pas sa veine dénonciatrice.
C’est un film sur les dangers du fanatisme, les figures charismatiques, messianiques. J’ai essayé de suivre les intentions initiales de Frank Herbert, quand il a écrit son premier roman, Dune. (…) Le film se veut être une réflexion surl’aliénation du pouvoir religieux, sur la colonisation religieuse et sur les dangers de marier la religion et lapolitique.
Le cinéaste rappelle que Paul est un anti-héros. Dune 2 est le miroir de notre époque. Il n’y a pas plus moderne. Comment nier les conflits contemporains, lorsque Paul se présente tel un shaman aboyant la Vérité ?
Ce long métrage est une totale réussite, sur le fond et la forme. Il éclipse d’autres titres qui souhaitaient transmettre des morales fortes – fuck Pauvres Créatures –. Qui sait si le réalisateur soulignera un fait avéré ? Parfois, on a beau suivre un homme providentiel, rien ne remplacera la force du collectif.
Remettons l’église au milieu du village. Je ne déteste pas les bourgeois. Certains me diront qu’amasser de l’argent influence notre personnalité. D’autres affirmeront : l’habit ne fait pas le moine. Vaste débat ! Mais, difficile de nier une réalité : dès l’enfance, notre vie est façonnée par le milieu dans lequel on grandit. Puis, plus on grandit, plus nos comportements se distinguent parmi la masse. Apercevoir nos différences est fascinant.
En tout cas, contempler les bourgeois dans Chute Libre est fascinant. En 1993, Joel Schumacher dévoile ce thriller. Il raconte le parcours chaotique d’un homme divorcé, au chômage. Ce dernier souhaite atteindre la maison de son ex-femme pour la fête d’anniversaire de leur fille. Il vit alors de nombreuses rencontres foireuses, en passant par un épicier grossier à des racailles. Son exaspération le mène à être de plus en plus violent vis-à-vis des personnes sur son chemin. Le protagoniste se plaint de l’anarchie ambiante, tout en devenant l’anarchie incarnée.
Le propos du film n’a pas pris une ride ! Il affiche les réactions d’un individu dérangé, face à une société qu’il ne sait plus idéaliser. Combien de proches font un burnout, tentent de trouver un sens à leur job, dénoncent le capitalisme ?! Joel Schumacher opère un tour de force. Surtout quand on sait à quel point les années 80 furent un tournant pour le libéralisme. En d’autres mots, sa démarche artistique n’a rien d’inintéressant. Le réalisateur dénonce une société ancrée dans un système économique pourrissant nos mentalités. Le profit. La beauté. La compétition. Ces concepts sont viciés, dès les premières séquences de Chute Libre.
Il y a tant à écrire ! Or, une scène retient mon attention. Lorsque le personnage principal se balade sur un terrain de golf, il s’adresse à 2 bourgeois. Son monologue donne à réfléchir.
Nan, mais c’est pas vrai ça ! Vous essayez de me tuer avec une balle de golf. Ca ne vous suffit pas de clôturer ce magnifique terrain pour jouer à votre jeu à la con, en plus, vous voulez me flinguer avec une balle de golf ! Il devrait y avoir des enfants qui jouent ici. Il devrait y avoir des familles qui pique-niquent. Il devrait y avoir un zoo ou un parc d’attraction. Au lieu de ça, il y a des voitures électriques débiles pour un troupeau de vieillards désœuvrés.
Je ne défendrai pas cet énergumène. Néanmoins, il fait méditer sur les actions d’autrui. Comment sommes-nous capables de définir ce qui est bon ou mauvais, si nous nous sommes des crevures, si nos actes sont pitoyables et méprisants ? Je ne théorise pas quelque chose d’original, je sais… mais parfois, une piqure de rappel est nécessaire. Si nous sommes emprunts de sympathie pour le cinglé criant sa rage face à des golfeurs, c’est parce qu’il dénonce les travers de la bourgeoisie. Posséder toujours plus. Préférer l’intérêt individuel aux préoccupations collectives. C’est pourquoi, écouter ce monologue est vachement intéressant, même si la violence n’est jamais le remède à nos maux…
Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. -Extrait d’un discours de Martin Luther King (1968)
L’enfance est sacrée. Parfois, on s’éloignait des codes et obligations imposés par la société… une particularité phénoménale. Certaines œuvres dépeignent les enfants comme des êtres à part. Découvrons un dernier titre américain !
Seul un enfant pouvait trouver la formule pour changer le monde, nous dit l’affiche de Un Monde Meilleur, film dramatique réalisé par Mimi Leder.
Trevor McKinney, 11 ans, est malheureux. Il vit à Las Vegas avec sa mère Arlène qui est alcoolique et qui a 2 boulots pour les faire vivre parce que le père du petit s’est tiré. Pas que ce soit une grande perte en soi vu qu’il buvait aussi et qu’il était violent avec sa femme. Mais tout de même, ce personnage n’est pas vraiment un gosse en fait, parce que c’est lui qui s’occupe de sa mère. Cette situation initiale a un impact gros comme une maison sur l’intrigue qui va suivre. Pourquoi ? Et bien parce que les 3 motivations de Trevor sont claires : il souhaite protéger sa mère de son addiction et du retour de son paternel, avoir une bien meilleure vie, et aider les gens autour de lui.
Ce troisième but existe en lui car il ne connait que trop bien le malheur et également parce qu’il est un enfant doté d’une grande empathie. Tout cela est mis en avant quand son professeur, Monsieur Simonet, lui donne un devoir de travaux pratiques qui vise à rendre le monde meilleur. L’idée de Trevor consiste à rendre un service désintéressé à 3 personnes. Cela doit être quelque chose d’important que ces personnes ne peuvent pas faire seules. Ensuite, ces 3 personnes doivent à leur tour rendre un service similaire à 3 autres personnes. Et ainsi de suite. Pay it forward, titre original du film, signifie Payer au suivant. Et ce mouvement peut rapidement grossir, comme le petit l’explique en classe, en dessinant un schéma explicatif de son projet au tableau. Trevor décide d’aider, en premier lieu, un SDF héroïnomane du nom de Jerry. Pour se faire, il l’invite à son domicile sans l’accord de sa mère. Il le nourrit de céréales, le laisse prendre une douche et se changer, puis l’envoie dormir à l’arrière d’une camionnette qui ne fonctionne plus dans le garage. En découvrant l’inconnu, sa mère pète un câble – normal – et fonce voir le professeur Simonet pour lui demander qu’est-ce que c’est que ce délire – logique hein – mais bon, le gars ne comprend pas trop son emballement. Il dit qu’il n’a pas demandé précisément au gosse de ramener un clodo drogué à la maison. Que c’est un devoir, rien de plus. Ses élèves peuvent l’interpréter comme ils le veulent. Arlène repart furieuse mais finit toutefois par sympathiser avec Jerry, puisque ce dernier répare la camionnette et lui explique en détails le projet de son fils, qu’elle trouve plutôt pas mal, en fin de compte. Peu après, Trevor constate que Jerry n’arrive pas à arrêter de consommer de l’héroïne et rien que pour cela il se dit que sa tentative d’aide est un échec – comme si c’était facile à la base de se sevrer de cette merde – du coup, le petite broie du noir. Puis, il tente un peu de se rapprocher du prof, en lui demandant s’il trouvait vraiment que son idée de devoir avait du potentiel. Monsieur Simonet laisse entendre qu’il n’est pas un menteur. Alors, le jeune homme se permet de lui demander ce qui lui était arrivé, car il faut le préciser, puisque c’est un peu important pour comprendre le reste, le prof est brulé au visage, ainsi qu’au torse. Vous avez tiré à la courte paille et c’est tombé sur vous ?, demande-t-il, croyant qu’un groupe d’enfants comme autre, hilare, devant eux, était la bande d’amis de Trevor. Cependant, il n’en était rien. Il l’avait compris en voyant son élève partir seul au loin. Cette remarque sortie sur le la défensive fit comprendre à Trevor que son professeur manquait de confiance en lui, sans doute à cause de son apparence et de ce qui lui était arrivé. Même si c’était maladroit de la part de Simonet, l’enfant n’éprouve pas de rancune, bien au contraire, car il décide de faire de lui sa deuxième personne à aider.
Et là, c’est légèrement plus complexe. En clair, Trevor fait en sorte de réunir son prof et sa mère, sur le plan amoureux. – chaud patate ça ! –. Bien que je trouve cela bizarre, en vrai, chapeau à lui. C’est avec brio que son travail d’entremetteur fut réalisé. Je ne vais pas m’étendre sur sa méthode, je vous laisse la surprise de la découverte.
Mais ! Juste au moment où cela devient un peu concret entre Arlène et Eugène – c’est le petit nom du prof – Eugène a la haine, et le petit aussi, parce que Ricky McKinney revient ! Dès lors, parlons du jeu d’acteur de chacun. Attention ça va saigner. Le père du petit est joué par John Bon Jovi ! Son jeu est un régal. Là, je vois clairement qu’Arlène et lui ont un passé, à la façon dont ils se regardent et s’engueulent. J’irai même jusqu’à dire que Bon Jovi aurait dû jouer le rôle d’Eugène à la place de Kevin Spacey, tellement l’alchimie est bien plus au rendez-vous entre Helene Hunt et lui ! C’est simple, je ne crois pas en la love story d’Arlène et Eugène, principalement à cause du jeu médiocre de Spacey. Sinon, comme à chaque fois, en ce qui concerne le protagoniste principal, Haley Joel Osment, c’est juste incroyable à quel point sa gueule d’ange en impose. Il est juste méga doué.
Adam est la troisième personne que Trevor aimerait aider. C’est un enfant de son école qui subit un harcèlement scolaire assez grave. Là encore, il pense qu’il a foiré car il tente de s’interposer quand il voit qu’Adam se fait frapper, sans en trouver le courage. L’inventeur du mouvement lui-même pense que rien n’a fonctionné, que c’est peine perdue. Sauf qu’en fait, un journaliste vient leur rendre visite et leur explique que Pay it forward s’est étendu jusqu’à Los Angeles, grâce à Jerry ! Il a été le seul des 3 personnes initiales à passer le relais, pour des raisons que je vais taire. Je ne vais pas non plus vous dévoiler la fin, ainsi que le parcours du mouvement. Retenons que ce film pourrait aisément déranger les grands cinéphiles, à cause de certaines techniques liées au scénario qui avaient pour but de tout exagérer, pour tirer un max sur notre corde sensible. Pour être plus transparente, c’est un Oscar bait, à savoir, un film semblant avoir pour seul but d’obtenir des nominations aux Oscars. Or, ce drame comporte de belles scènes. Il peut très bien faire l’affaire quand on ressent le besoin de relativiser sur sa propre vie. Il est clair que ce qui arrive aux personnages peut exister dans la vraie vie, mais que ces évènements ne touchent pas la masse.
L’enfance est sacrée. Parfois, on s’éloignait des codes et obligations imposés par la société… une particularité phénoménale. Certaines œuvres dépeignent les enfants comme des êtres à part. Découvrons des titres américains et japonais !
Vous savez pourquoi vous avez peur quand vous êtes seuls ? Non ? Vincent Gray le savait, lui. Il le savait car il possédait un sixième sens que son ancien psychiatre n’avait pas su voir en lui. D’où vient cette séquence de cinéma ? Du thriller fantastique de M. Night Shyamalan, tout part de là.
La scène d’ouverture du Sixième Sens nous sert sur un plateau d’argent absolument toutes les clés de compréhension de l’intrigue. Suivez-moi, je vous explique. Le docteur Malcolm Crowe se prend une cuite chez lui avec sa femme, Anna. Ils sont en train de fêter une récente distinction professionnelle qui assure les compétences de Malcolm en tant que psychiatre pour enfants. Alors que le couple admire le cadre hors de prix qu’ils ont devant eux, Anna remarque que d’un seul coup il fait très froid, donc, elle donne un pull à son mari et enfile un gilet. Peu après cela, la température monte entre eux, ce qui les conduit à se rendre dans leur chambre. Ils sont en train de se déshabiller puisqu’ils ont l’intention de faire l’amour. Mais en fait, Malcolm n’enlève uniquement son pull et Anna, son gilet. C’est là qu’Anna marche sur du verre brisé et que leur bonheur conjugal se transforme en drame.
Quelqu’un est entré chez eux par effraction ! Et cette personne n’est autre que Vincent Gray. Nu, ou presque, dans leur salle de bain, il réclame ce que le docteur pour enfants lui avait promis. Ce qu’il veut par-dessus tout est de ne plus avoir peur. Il le dit et le montre. Mais comme il ne ressent pas d’entrain immédiat de la part de Malcolm, qui d’ailleurs ne l’avait pas reconnu, Vincent décide de tuer son ancien psychiatre par balle, sous les yeux de sa femme, avant de se suicider.
Un écriteau de transition annonce ensuite que la scène qui suit se déroule à l’automne prochain.
On y voit Malcolm Crowe assis sur un banc, prendre des notes devant la maison d’un petit garçon de 9 ans. Ce dernier sort de chez lui et se rend jusqu’à une église non loin de là, à toutes jambes, suivit par le psychiatre, qui le rejoint à l’intérieur. On comprend aisément qu’il s’agit de leur première rencontre. À partir de là, il y a déjà quelque chose qui cloche. Malcolm ne pouvait pas connaître ce petit garçon, alors pourquoi prend-il des notes sur lui, et qui plus est, en le suivant ? Depuis quand les psys se comportent ainsi ? C’est totalement creepy ! Et c’est pour ainsi dire normal, puisque ce mec est un revenant. Rien d’autre ne peut l’expliquer. Il n’y a qu’à voir la tête que tire le petit Cole, en le voyant le suivre et entrer dans l’église. Sur son visage, je lis de la peur car il sait ce qu’il voit. De plus, il lui parle, se présente comme un médecin compétent qui veut l’aider alors que rien n’est prévu pour que cela se produise. À aucun moment du film le docteur ne parle à quelqu’un d’autre que Cole. Il reste vêtu de la même manière tout du long, à part quelques fois où on le voit avec le pull donné par sa femme quand ils avaient froid, la nuit de sa mort. Pour moi, il est clair que cette façon de faire lui est dictée par son instinct. Malcolm a quelque chose à régler. Il veut absolument aider un enfant dans la même situation que Vincent, afin de réparer ses torts et partir en paix. Il agit à chaud, exactement comme les autres revenants qui visitent Cole, si ce n’est qu’il fait preuve de plus de maîtrise, ce qui explique que l’enfant baisse la garde en sa compagnie.
Je rappelle que nous avons clairement assisté à un meurtre dès le début. On pourrait bien sûr penser qu’une blessure par balle n’est pas toujours fatale, si on est rapidement emmené à l’hôpital le plus proche. Après tout, Anna était là et s’est précipitée à son chevet. Mais moi, je n’avais aucun doute. Tout ce que j’ai vu par la suite n’a fait que confirmer ce que je pensais. Petit détail très parlant, quand Cole sort de l’église juste après sa première rencontre avec le psy, il choppe une statue religieuse au passage. On voit par la suite qu’il s’est constitué un autel anti-revenants dans sa chambre pour être un peu tranquille quelque part. Quand Malcolm rend visite à Cole chez lui, on sent bien que le petit est retissant à l’idée de parler à voix haute avec lui, de peur d’être prit pour un fou par sa mère, exactement comme avec ses camarades de classe.
Parlons-en de ses camarades ! Lors d’une fête d’anniversaire à laquelle Cole avait été invité par le père du petit Darren, ce dernier, ainsi que Toni, l’acteur en herbe complètement naze, décident d’enfermer Cole dans ce qu’ils appelaient un donjon. Sauf qu’il y avait un vieux revenant violent dedans, qui a conduit le petit médium à se faire hospitaliser. Là-bas, M. Night Shyamalan fait son caméo. Il incarne un médecin et accuse la mère de maltraitance car ils ont trouvé des plaies, partout sur le corps du petit. Même là, Malcolm est présent et personne ne le calcule. Malgré l’ignorance de tous, ce psy garde la tête froide et s’accroche à sa vision rationnelle du monde, tout comme la mère et le médecin de l’hôpital. D’ailleurs, dans ce film, il y a un puissant symbolisme dans les couleurs. Le vert est utilisé pour représenter le rationnel. Lynn, la mère de Cole, est très souvent vêtue de vert, car elle se demande qui fait du mal à son fils. Puis, elle ne comprend pas les manifestations de l’au-delà, celles qui gravitent autour de son enfant. Donc, elle se torture à trouver des explications logiques. Au moment où elle discute avec le réalisateur indien, on les perçoit tous les 3 accablés par des inquiétudes beaucoup trop terre à terre, ce qui ne colle pas avec la situation. Ces personnages sont tant rationnels face à l’enfant qu’ils provoquent une confusion. Une confusion encore plus appuyée à l’apparition d’un jeu en bois, vert, face aux protagonistes, placé là comme un rappel artistique. A l’inverse, c’est la présence du rouge qui représente le surnaturel. Teinte complètement absente, lors de ce dialogue.
S’ensuit une scène absolument mythique dans laquelle Cole demande au doc pourquoi il est triste. Alors, le perso joué par Bruce Willis se confie à propos de Vincent, le patient qu’il n’a pas pu aider. Malcolm pense également que sa femme n’aime pas l’homme qu’il est devenu et que c’est pour cela qu’ils se comportent maintenant comme des étrangers. – Non mec, elle t’aime, c’est juste que t’es mort –.
Soudainement le petit raconte son secret. Pourquoi ? Les confidences personnelles de son revenant préféré déclenchent cette volonté. J’ai trouvé cela très attendrissant. Cette scène est pour moi l’une des plus importantes, avec celle du meurtre, car quand on pense aux 2 simultanément, tout s’éclaire d’un coup.
Laissez-moi vous montrer ce que j’y ai vu :
−Je vois des gens qui sont morts.
−En rêves tu veux dire ?
Cole fait non de la tête.
−Quand tu es éveillé ?
Là c’est un oui.
−Tu vois des morts, dans des tombes, des cercueils ?
−Non ! Ils vont et viennent comme n’importe qui, ils ne se voient pas entre eux, ils ne voient que ce qu’ils ont envie de voir, ils ne savent pas qu’ils sont morts.
Et tu en vois souvent ?
−Tout le temps ! Ils y en a partout.
À ce moment précis, Cole vient d’énoncer des infos primordiales sur les morts qui sont partout autour de lui et cela inclut Malcolm Crowe. Plus aucun doute n’est possible, il est indéniable que ce visage sceptique cache un savoir inconscient. En voyant cette scène, je ressens indubitablement une présence fantomatique. Puis, Cole a froid. Il dit qu’il voit des morts tout le temps. Il est clair qu’il n’énonce pas tous ces détails sur les perceptions des morts pour rien. Il le fait car il aimerait lui aussi aider le psy. La scène du secret est vraiment un point culminant du jeu d’acteur de Haley Joel Osment. Au moment du tournage, il n’avait que 12 ans, mais il joue parfaitement du début à la fin. Grace à cela, son personnage nous fait comprendre énormément de choses, sans nous les montrer, sans les dire avec l’aide des dialogues, mises en situations. En l’observant bien, je comprends qu’il connait l’origine et la nature de Malcolm mais qu’il ne le lui dit pas pour ne pas le brusquer. Il trouve plutôt des moyens détournés pour lui ouvrir les yeux.
Maintenant accrochez-vous !
Ce film n’est pas du tout un long métrage à twist ! Il n’y a aucune révélation de fin à proprement parlé puisqu’il est facile pour tout spectateur attentif de comprendre la condition fantomatique de ce psy. Il n’y a que Malcolm qui doit comprendre ce qu’il est. Mais avant, il doit commencer par croire au sixième sens de Cole.
Ce qui se produit quand il se rend compte des paroles similaires dites par Vincent et Cole. Une révélation s’empare alors de lui quand il écoute une cassette d’un entretien enregistré avec Vincent, il y a longtemps. Non seulement il croit au sixième sens des 2 gamins, mais en plus de cela, il trouve une solution pour que Cole se débarrasse de ses peurs. Je vous la donne en mille : l’aide avec un grand A. A cet instant, mes sentiments se mitigent car on se retrouve face à une facilité scénaristique, plus précisément, quand Cole aide son premier fantôme. En effet, une petite fille nommée Kyra vient le voir et lui demande de l’aider. Dans quel but ? Dire à son père que sa belle-mère l’a empoisonné. Et là, on nous montre encore une révélation avec l’aide d’une cassette ! Cole la donne au père qui la visionne tout de suite. Il peut y voir une petite partie d’un spectacle de marionnettes de sa fille, jusqu’à ce que la belle-mère entre avec le dîner. On la voit mettre un liquide bizarre dans la soupe, avant de la servir à la petite. À mon sens, c’est bien trop simple pour être crédible, d’autant plus que les morts ne sont pas censés savoir qu’ils sont morts. Mais passons.
Kyra, comme les autres morts, possède un instinct qui la conduit à Cole. Dans le bus, l’enfant déclare même à Malcolm qu’elle est venue de loin pour le voir, au constat de la route qui n’en finit pas. Les revenants savent que le garçon peut les voir. Tout comme le docteur, un revenant l’aidant pour s’aider lui-même. Et c’est précisément cette valeur d’entraide que j’aime dans ce film. Elle est accompagnée d’un symbolisme immense. Cette technique ne laisse personne indifférent. Je me dois de la saluer. Regarder ce film est pour moi un immense plaisir. Je l’ai vu pour la première fois à mes 11 ans. Il est même devenu mon film préféré de cette époque. C’est pourquoi, je lui pardonne tous ses défauts. Tout d’abord, ce que je ressens en le visionnant est plus fort que toutes mes petites déceptions. Ensuite, j’admire le travail réalisé. Tout cet effort déployé par les acteurs, par la place du symbolisme, des détails, par la musique qui déclenche de fortes émotions et qui est bien en accord avec les rebondissements et la tension dramatique. Gros big up à James Newton Howard, au passage, pour ses compositions musicales qualitatives !
J’aime ce film et ça ne changera jamais. Si vous ne l’avez pas vu, foncez le voir, même si je vous déballe presque tout. Sorry, mais il le fallait, sinon j’allais dire quoi sérieux ? Non en vrai, ça va, je vous épargne moult subtilités.
4 persos. 1 resto. 1 histoire commune. Il n’en faut pas plus pour Quentin Dupieux. Il a déjà assez pour délirer. Le Deuxième Acte regorge de répliques reflétant l’impertinence créative du réalisateur. Quel bien fou ! Le Français n’en est pas à son premier film choral. Incroyable Mais Vraientrecroise déjà de curieux protagonistes.
Pour cette treizième œuvre, le cinéaste dépeint un scénario assez banal. Florence est déterminée à présenter l’homme de ses rêves, David, à son père Guillaume. Cependant, David ne partage pas les sentiments de Florence. Dès lors, il concocte un plan pour la dissuader de son affection en la poussant vers son ami Willy.
Encore une fois, je tire mon chapeau. Non pas pour l’effet poupée russe déployé à l’écran, illustrant une histoire dans une histoire. Non pas pour le minimalisme assumé de Quentin Dupieux (peu de décors et personnages, film à la durée très courte, etc.). Saluons plutôt sa critique d’une société à la fois conformiste et pathétique… car tout le monde y passe ! L’intelligence artificielle. Les acteurs-violeurs. Les artistes moralisateurs et leur hypocrisie. Bref, Le Deuxième Acte offre un moment de répit. Cette bouffée d’air frais est bien plus subversive que n’importe quel film d’un yes man hollywoodien respectant des quotas ethniques. Parlons-en. Cette exécrable méthode est taillée pour s’acheter une bonne conscience. Oui, on peut rire de tout. Sauf que l’humour noir ne peut satisfaire tout le monde. Chaque individu est sensible à sa manière. Et non, la censure n’est pas un nouveau phénomène.
La liberté d’expression, c’est un immense débat. On avait tendance à dire qu’avant c’était mieux, qu’on pouvait dire plus de choses. C’est totalement faux. Renaud avait ses chansons censurées à la radio. Coluche s’est fait virer d’Europe 1. La censure, il y a en toujours eu, il y a en a partout. Tout le monde peut être plus ou moins touché par la censure. Il ne faut pas faire de généralité. Elle peut venir de n’importe où. –Jérémy Ferrari
Je partage l’avis de l’humoriste. Ne voyons pas la censure tel un obstacle. Si les artistes souhaitent rester authentiques, autant considérer les censeurs à l’instar de brebis égarées. Le défi est à surmonter, comme le fait Dupieux. Alfred Hitchcock avait tout compris. Via Psycho, son honorable thriller, il détourne le code Hays, une censure mise en place par l’institution Motion Pictures Producers and Distributors Association (1934-1966). Selon darchinews, la loi interdisait l’apparition de violence, les scènes à connotations sexuelles, ou les antihéros à l’écran. Le Maître du Suspense filme alors une violence et nudité suggérées. Un tueur poignarde une jeune femme sous la douche. Pour éviter qu’on la voit nue, les spectateurs n’aperçoivent pas un plan rapproché. Hitchcock découpe le corps en une série de gros plans, évitant soigneusement la poitrine. Il en va de même pour le couteau touchant la peau de la femme. Le plan est coupé dans le but de ne pas voir l’arme rentrer dans le corps.
Actuellement, certains artistes se plaignent pourtant d’un climat tendu. Je comprends. Parfois, des voix s’élèvent pour un rien. Emotions et déraisons guident trop d’idiotes personnes. En 2015, la France en paye le prix…
Depuis les attentats de Charlie Hebdo, force est de constater que la liberté de création est de plus en plus mise en péril. –Bastien Vivès
Lors de cet attentat, un cap brutal fut franchi. Faut-il abandonner ? Faut-il s’avouer vaincu ? Comme si le dissensus valait moins que la doxa… la vie est trop courte pour se laisser malmener. Qui ose avouer que des dessinateurs méritaient de mourir ?! S’il faut se battre pour qu’on réfléchisse ensemble sur la pratique de l’humour noir, battons-nous. Le Deuxième Acte est un film au propos intelligent. En cassant le quatrième mur, les personnages questionnent directement notre bienséance, ou plus précisément, le politiquement correct. A présent, que faut-il saisir ? Ce qui nous dérange, la raison de notre malaise.
En Italie, durant l’entre-deux-guerres, Marco Pagot, un ancien pilote émérite de l’armée royale italienne, se voit transformé en cochon. Il se reconvertit ensuite en chasseur de primes sous le nom de Porco Rosso. Vivant sur une île déserte perdue dans l’Adriatique, il écoute à la radio son air préféré, ‘Le Temps des Cerises’, en lisant une revue de cinéma. Un jour, les Mamma Aiuto, des pirates de l’air, comptent attaquer un paquebot transportant de l’or. Marco décide d’intervenir pour sauver un groupe d’écolières à bord. S’ensuivent une série d’aventures, de combats aériens et de rencontres avec d’autres personnages hauts en couleur. Le film explore des thèmes tels que la bravoure, l’amitié et l’amour.
La transformation de Marco en Porco
Le réalisateur Hayao Miyazaki choisit de ne pas donner une explication à cette transformation. Néanmoins, les circonstances de la transformation de Marco sont celles évoquées dans la scène clé du film, où Porco raconte une histoire à Fio pour l’endormir. En faisant cela, l’auteur nous invite à imaginer notre propre interprétation des causes de cette transformation.
Dans une interview de 1992, Miyazaki partage des éléments intéressants qui permettent de plus ou moins comprendre les raisons de cette transformation. Pourquoi donc avoir choisi un cochon comme personnage principal ? Pourquoi illustrer le symbole du capitalisme ? Il l’explique franco.
Il [le cochon] nous ressemble beaucoup ! Quand on est jeune, on est plein d’espoir et l’on pense que l’on sera un héros. Avec l’âge, on se rend compte que l’on n’a pas accompli ce but à cause de l’orgueil, des caprices, des désirs, du goût de la possession.
Revenons à l’instant précis de la transformation. Marco est pilote d’hydravion durant la Première Guerre mondiale. Un jour, avec ses camarades aviateurs, ils se retrouvent à livrer une bataille féroce au-dessus de la mer Adriatique. Durant cette bataille, il perd son équipe ainsi que son ami d’enfance, Berlini. Il se refuse à accepter la perte de son ami qui venait de se marier. C’est à cet instant qu’il a une vision.
Dans cette étrange vision, il contemple les avions ennemis et amis monter au ciel pour rejoindre une étrange procession composée d’avions tombés aux combats. Ce cortège funèbre est si important qu’il forme une véritable Voie lactée. Quant à Marco, malgré le fait qu’il souhaite échanger sa vie avec celui de son ami, le sort ne le permet pas. Il survit alors à cette terrible bataille. Cet épisode traumatisant peut être considéré comme le tournant de sa vie.
En me référençant aux diverses interviews du cinéaste, concluons une hypothèse. La transformation de Marco en Porco Rosso cause en lui une prise de conscience brutale. En d’autres mots, mourir pour son pays n’a pas de sens. Marco était bel et bien porté par un idéal : tuer et mourir pour son pays. Selon moi, en observant tous ces avions, il s’est rendu compte que toute cette violence n’avait pas de sens.
Porco et Miyazaki
Lors d’une interview, après la sortie du film, Miyazaki décrit clairement Porco Rosso : C’est un film né seulement d’une passion. Puis, il confirme une précision. C’est son seul et unique film personnel. C’est un film qu’il a principalement fait pour lui. Ainsi, il est normal de voir des similitudes entre le personnage principal et le réalisateur.
Le choix de l’Italie sous Benito Mussolini n’est pas non plus anodin. Rappelons que l’artiste était marxiste. Faire en sorte que l’intrigue ait lieu dans l’Italie des années 1929, laisse de la place pour parler du fascisme. Cette thématique est initialement abordée en toile de fond. Le voile est levé lorsque Porco prononce une phrase devenue culte : Je préfère encore être un cochon décadent qu’un fasciste.
Un film aux multiples facettes
Porco Rosso n’est pas simplement un film qui explore l’être humain. C’est aussi un film d’action, d’aventure et d’humour.
L’humour se note à travers le Boss et le gang des Mamma Aiuto. Ces pirates de l’air, plus maladroits que menaçants, rajoutent une touche d’humour à cette œuvre. Que ce soit par leur comportement burlesque ou le fait qu’ils n’arrivent jamais à leur fin, cette bande peu chanceuse arrive majestueusement à faire rire le spectateur.
Le film aborde également la situation des femmes dans l’Italie du début du XXe siècle. On y voit des femmes qui rejoignent les usines pour travailler. Ces dernières sont une main d’œuvre à bas coût. En 1929, l’Italie, tout comme le monde entier, vit une crise économique à la suite du krach boursier de 1929. Miyazaki, via le personnage de Paolo Piccolo, met en évidence l’exploitation des femmes durant cette période. Paolo justifie l’emploi des femmes à la place des hommes par des considérations économiques. En effet, il exploite les femmes car ces dernières perçoivent un salaire moindre par rapport aux hommes pour le même travail. Il prend prétexte de la crise économique pour justifier cette pratique prédatrice, mais en réalité, on est dans la continuité de l’exploitation du prolétariat.
Un miracle advient ! Un film français est un souffle épique ! Le Comte de Monte-Cristo est réalisé par Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière. L’adaptation du classique de la littérature force le respect. Les cinéastes s’éloignent quelques fois du roman. Mais, ils présentent toujours un protagoniste qui renaît de ses cendres. Edmond Dantès, jeune marin, débarque à Marseille pour s’y fiancer avec Mercédès Herrera. À la suite d’un exploit en pleine mer, on lui promet la place de capitaine. Trahi, il est dénoncé comme conspirateur bonapartiste. Il est alors enfermé au château d’If. La souffrance est au rendez-vous. Son mental sombre petit à petit. Soudain, il s’évade et prend possession d’un trésor caché sur l’île de Montecristo. Il va désormais se venger et retrouver ses accusateurs.
Comment ne pas ressentir un ennui profond devant une histoire de vengeance ? L’œuvre propose une relecture foutrement bien filmée, affichant des actrices et acteurs talentueux.
Laurent Lafitte incarne la crasse. Ce procureur du roi symbolise un adage clair et net : la fin justifie les moyens. Encore une fois, l’artiste n’a rien à prouver. Son dédain, mépris et indifférence frôlent l’excellence. Son personnage s’observe comme un être abject qu’on aimerait condamner dans les flammes de l’Enfer.
Anaïs Demoustier joue Mercédès, une dame fascinante. Elle semblait être la dernière lueur d’espoir d’Edmond. Malheureusement, lors de son retour à la civilisation, il découvre qu’elle est mariée à un homme peu vertueux. Lire Dumas, c’est découvrir les nombreuses nuances des passions et relations humaines. Face à sa bien-aimée, Edmond se perd dans la confusion et le doute… des sentiments vécus tout au long de notre vie. Le caractère universel de l’œuvre se résume bel et bien aux dialogues entre Mercédès et Edmond.
Enfin, Pierre Niney porte le rôle principal de main de maître. J’aurais souhaité le voir partager plus de moments avec l’abbé Faria, son mentor et aide divine. Alexandre Dumas rédige des instants poétiques, d’une sagesse folle, lors de leur rencontre à la forteresse. Le film met de côté ces passages si beaux. Le scénario demeure tout de même pertinent. La transformation d’Edmond en Monte-Cristo. Ses alliés et ennemis. Sa soif de justice. Tant d’éléments font de ce personnage l’un des meilleurs, toute fiction confondue !
Monte-Cristo n’est pas un Robin des bois, c’est quelqu’un qui a tout l’argent du monde, mais il ne le donne pas. Il le consacre à sa vengeance. C’est un héros totalement moderne dans cette dimension individualiste, égoïste. –Matthieu Delaporte
Yórgos Lánthimos… we don’t need no education. We don’t need no thought control. No dark sarcasm in the classroom. Teacher, leave them kids alone. Hey, teacher, leave them kids alone. All in all, it’s just another brick in the wall. All in all, you’re just another brick in the wall.
Qui se souvient de Moonlight ? Ce drame américain récompensé par l’Oscar du meilleur film, en 2017. A mon avis, pas grand monde… les humains oublient plus qu’ils ne respirent. Ne soyons pas méprisants ! Une question me vient à l’esprit lorsque je pense aux propos du long métrage. Quel est le rôle des cinéastes ? Abderrahmane Sissako certifie son idée sur le sujet. Le réalisateur mauritanien l’exprime sur le plateau de Médiapart.
Le rôle d’un cinéaste, de tout artiste, est de se projeter loin dans le monde. Savoir ce qui arrive dans un pays, continent.
Barry Jenkins s’inscrit-il dans cette mission d’anticiper les faits et événements ? Le réalisateur de Moonlight décrit des situations précaires, tendues, extrêmes, c’est-à-dire, le quotidien d’un jeune Afro-Américain, près de Miami. Comment ? En illustrant trois périodes cruciales d’une vie. Barry Jenkins explore le présent sans poser un ridicule jugement quant aux futurs de ses personnages. De l’enfance à l’âge adulte, le protagoniste est notre serpent s’incrustant là où personne ne souhaite sa venue. Ni sa mère, ni ses camarades de classe. Chiron est régulièrement martyrisé. Mais à aucun instant, il va se plaindre.
A Liberty City, la vie est rude. Surtout si nous nous révélons être bien plus différents des autres. Mais quand tout semble perdu, quand tout semble illusoire, une lueur d’espoir n’est jamais très loin. Qui est la lumière de Chiron ? Juan. Incarné brièvement par Mahershala Ali, le personnage prend le gosse sous son aile. Non pas pour le former à être le prochain dealer du coin… mais pour jouer un mentor bienveillant.
Alors, qui se souvient de Moonlight ? Sans doute, les plus cinéphiles d’entre nous. Cependant, même si ma mémoire n’est pas la plus vive au monde, je me souviendrai toujours de l’œuvre pour un point émouvant. Il s’agit des sages paroles prononcées par Juan.
A un moment, c’est à toi de décider qui tu veux être. Ne laisse personne décider à ta place.
Le plan final devient alors mémorable. Comme si Chiron fut toujours éclairé par Juan. Ce clair de Lune est si chaleureux. Il suffit parfois d’une personne pour que nos vies soient bouleversées du jour au lendemain. J’en suis convaincu. Et si Barry Jenkins l’était aussi ?
‘augure’ : personnage important qui se croit en mesure de connaître et de prédire l’avenir, de faire des pronostics. Le Larousse ne ment jamais. Mais peut-on se tromper sur l’idée d’un film ? Sûrement. Lorsque je découvre le film de Baloji sur grand écran, je me trouve semi-subjugué. Les décors, les costumes, les panoramas, et bien sûr, les évènements mystiques illustrent une œuvre colorée. Bref, ressentir un trip psychédélique n’est pas à proscrire. Baloji est cinéphile.
Mon enfance à Liège, aux côtés d’une grande communauté italienne, a fait de moi un fan absolu de cinéma italien, de la famille des grands ‘i’, comme Pasolini, Fellini, Antonioni. Leur onirisme me parle. –Baloji
Sa passion, on la saisit pleinement à la vue des rites, du désert et de clans filmés soigneusement. Quelles en sont les conséquences directes ? L’envie de contempler un univers partagé entre naturel et surnaturel. Mention honorable aux magnifiques costumes accrochant notre regard du début à la fin.
Au départ, nos yeux suivent le trajet de Koffie. Il est maudit dès l’enfance à cause de ses tâches de naissance. Le jeune homme revient au Congo pour rendre visite à sa famille, accompagné de son épouse enceinte. L’Afrique apparaît tribale, animiste, où de nombreux cultes doivent être respectés. Koffie met les pieds là où on l’accepte difficilement. Les points de vue basculent d’une personne à l’autre, afin d’apercevoir ce que le cinéaste appelle les vrais victimes de son histoire.
Ses propos ne me choquent pas. Cependant, je ne valide pas sa pensée. Quand Baloji s’exprime lors d’interviews, il explique précisément les images de son film. D’après lui, la personne à plaindre n’est pas Koffie. Les personnages les plus à plaindre sont les protagonistes décidant de rester en Afrique. Ces femmes et hommes n’ayant pas le luxe de quitter leur terre natale… c’est pourquoi, le jeune réalisateur définit Koffie comme un privilégié. Ne serait-ce pas trop prétentieux de sa part ? Que signifient ces termes ?! Selon l’artiste, si Koffie réalise des va-et-vient, c’est qu’il est extraordinairement chanceux. En d’autres mots, si Koffie vit chez les Occidentaux, il n’est qu’un homme différent des siens. Baloji s’engouffre dans une généralisation hâtive. Même si son message est clair à ses yeux, il est à côté de la plaque. Quitter sa terre est chose aisée… qui ose le prétendre ?! Trouver un job à l’étranger, est-ce complexe, vraiment ?! Croiser des racistes, est-ce une bénédiction ?! Ne plus revoir sa famille pendant de longues années, un paradis pour tant de personnes… mais bien sûr…
Vous l’aurez compris, Augure est fort au niveau formel. Quant au fond, le propos derrière les métaphores de l’artiste, il est impossible de le deviner. Je me renseigne souvent sur les coulisses d’un film. D’habitude, j’aime découvrir l’envers du décor. Ce ne fut pas le cas pour l’œuvre du jeune sophiste. Baloji ne laisse pas aux spectateurs l’opportunité de déceler sa pensée profonde. Puis, tant mieux. Si c’est pour avaler ses paroles… non merci. L’exil d’une personne n’est jamais comparable à celui d’une autre.
Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme, Hedwig (Sandra Hüller, rôle principal de la Palme d’Or, Anatomie d’une chute), s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.
C’est au bord d’une rivière que s’ouvre La Zone d’Intérêt. Le commandant Höss passe une agréable journée avec sa famille. La journée a d’abord commencé avec un déjeuner sur l’herbe puis la joyeuse famille est allée se baigner dans le lac. Enfin, il était temps de plier bagage car un orage s’était déclaré.
Avant d’aller voir ce film, je ne connaissais rien du synopsis ni du thème abordé. Donc, j’ai été encore plus frappé par le fait que nous sommes entrainés progressivement dans l’horreur la plus glaçante. Ce qui est le plus fascinant dans ce film, c’est le fait que le réalisateur Jonathan Glazer ne fait jamais rentrer la caméra dans le camp de concentration. Tout au long du film, le spectateur ne verra que la parfaite vie de famille de Rudolf Höss de l’autre côté du mur qui jouxte celui d’Auschwitz-Birkenau.
Le retour à la réalité
Ici encore, tout se passe en subtilité. Le basculement vers l’horreur se fait étape par étape. On aperçoit d’abord cet imposant mur puis des internés du camp, et finalement la fumée sortant de l’effroyable cheminée. Dans un premier temps, on fait appel à notre vue puis à notre ouïe et enfin, à l’odorat. Et, c’est pour ce dernier sens que la réalisation s’est sublimée. En effet, comme dans un cinéma nous ne pouvons pas sentir les odeurs, Jonathan Glazer fait appel à une personne en particulier. Ce choix n’est pas anodin. Dans le film, la mère d’Hedwig vient rendre visite à la famille pour un moment. Elle ne reste que quelques instants au sein de la maison Höss car, contrairement aux autres, elle n’arrive pas à passer outre le fait que des personnes soient exterminées juste à côté. Chaque nuit, lorsque les corps sont brulés et que la fumée commence à s’échapper de la cheminée, une odeur horrible s’empare de toute l’habitation. On ne peut plus faire abstraction de la réalité. Et c’est, selon moi, le fait d’être incapable de fuir la réalité qui lui fait fuir la maison.
L’éléphant dans la pièce
L’expression anglophone the elephant in the room désigne un problème manifeste que personne ne souhaite mentionner.
Le mal est banalisé dans le quotidien de la famille Höss. L’exploitation des internés du camp de concentration est vue comme du simple travail. Ils travaillent comme jardinier, comme femme de ménage ou nounou. Mais, rien n’est dit explicitement. Pour les jardiniers, on devine qu’ils viennent du camp à leurs vêtements caractéristiques. Pour les femmes juives, qui s’occupent des tâches ménagères, ce sont les menaces de Mme Höss en l’encontre de leurs vies qui nous mettent la puce à l’oreille.
En prenant la partie de raconter la Shoah à travers les yeux du bourreau, Jonathan Glazer décide de relater l’horreur sans montrer le camp. Mais, la nature a horreur du vide et l’imaginaire du spectateur parvient à faire surgir de l’ombre l’éléphant dans la pièce.