Tous les articles par Drama

Jovanotti – Oh, Vita!

Il y a une dimension anthropologique ou sociologique au cœur même du projet.

Ces paroles viennent du réalisateur américain Martin Scorsese. Elles concernent son troisième film, Mean Streets (1973). Suivant les conseils du cinéaste John Cassavetes (1929-1989), il se résout à filmer ce qu’il connait de mieux : son quartier, ses rues, son quotidien. Lorsque je pense au dernier album de Lorenzo Jovanotti, je souhaite faire le parallèle avec la démarche de Scorsese. Oh, Vita! est décrit par le chanteur italien comme étant une part de sa vie, lui procurant d’ailleurs une envie vivifiante de continuer à faire ce qu’il a toujours fait : composer une musique qui émeut.

Après avoir été discuté avec le légendaire Rick Rubin à une soirée, Jovanotti sème les graines d’une collaboration entre lui et son idole.
Rubin est la clé du succès de plusieurs artistes, des Beastie Boys au Run DMC. On ne présente plus ce géant de la musique, tant il exerce une énorme influence sur l’histoire du hip hop. Quel plaisir d’apprendre une telle nouvelle ! Jovanotti a commencé en tant que dj/rappeur : il revient aux sources d’une musique passionnante.

Je ne savais pas à quoi m’attendre au sujet de son nouvel opus, de cette fusion italo-américaine. Le mélange de ces univers ne pouvait donner qu’un album plus qu’incroyable.

maikid-ohvita-roma-5950mail-kuT-U1101922202634BIE-1024x576@LaStampa.it

Pourtant… il me faut plusieurs écoutes avant d’accrocher à Oh, Vita!.

Chaque morceau est unique en son genre, une transition guette souvent, à chaque fin de titre. Lorsque Jovanotti explique la méthode de travail de Rubin, il insiste beaucoup sur fait d’épurer un maximum les chansons. C’est pourquoi, l’album se compose également d’une simplicité hors-norme. « Chiaro di Luna », « Ragazzini di Strada » ou encore « Paura di Niente », ont un point en commun : la voix du chanteur ne se veut pas encombrée par mille instruments, seule une guitare sèche fait l’affaire.
Dès lors, tout auditeur réalise qu’il suffit parfois de très peu pour toucher à nos fibres émotionnelles les plus profondes.

« Amoremio » est le morceau-type qui démontre tout l’amour que Jovanotti porte au hip hop et rap us. Il ne joue pas au rappeur dans ce morceau, ressemblant plus à une musique de saloon d’un western. Mais l’auto-tune et la basse découlent d’un hommage sincère à l’Art de l’Outre-Atlantique.

C’est encore un pari réussi pour ce quinquagénaire qui ne vieillit pas d’une ride. Ouvrant un magasin à Milan (où Jovanotti invite souvent des groupes pour y jouer), lançant une BD autobiographique et un documentaire centré sur la création de son album, il n’a plus aucune limite.

Voir que les chaînes italiennes n’arrêtent pas de l’inviter sur plusieurs plateaux, ou que d’autres médias s’intéressent énormément à ses œuvres, me rend heureux. Il est important de mettre en avant ce poète faisant honneur à la culture italienne. De cette hétérogénéité collée aux 14 chansons, Oh, Vita! représente une ballade dansante, émouvante et apaisante.

brunoaleas

Baby Driver

Baby Driver est le sixième long-métrage du cinéaste anglais Edgar Wright. Après avoir réalisé la Trilogie du Cornetto, et s’être éloigné de la machine hollywoodienne qui gérait Ant-Man (2015), il est de retour pour une comédie musicale sous forme de courses poursuites, braquages de banques et histoires de vengeance.

Baby, interprété par Ansel Elgort, est un jeune et habile conducteur qui se charge de conduire et sauver des criminels avant et après qu’ils ne dérobent tout l’argent entreposé dans des banques. Il travaille pour un mafieux des temps modernes, nommé Doc et joué par l’acteur Kevin Spacey.

Un beau jour, Baby fait la rencontre de Debora, une serveuse tout aussi passionnée de musique que lui, et le coup de foudre s’abat sur lui. Il envisage alors de ne plus être complice de magouilles menant sa vie en danger, mais quel est le prix à payer pour s’échapper de cette routine ?

Continuer la lecture

King Gizzard & The Lizard Wizard with Mild High Club – Sketches of Brunswick East

UN SOLO ASCOLTO PER UN VIAGGIO

Il faut croire que je ne suis qu’attiré par les productions de stakhanovistes.
King Gizzard & The Lizard Wizard est un groupe australien qui a sorti son onzième album du nom de Sketches of Brunswick. Pour l’année 2017, le groupe décide de sortir petit à petit 5 albums inédits et ce dernier est le troisième sur la liste.

Continuer la lecture

Rive Interview

LE TEMPS D’UNE CHANSON

Kevin et Juliette forment une groupe electro pop nommé de Rive. Subjugué par la musique et le clip de leur morceau « Justice », DRAMA a décidé de les rencontrer à Chênée pour un entretien traitant de leur univers, du féminisme, du temps ou encore du Canada.

IMG_1691

Pouvez-vous nous expliquer un peu plus les dessins sur votre pochette d’album ?

Juliette : La pochette est un buste de femme avec une tête coupée avec au-dessus, un bateau. Il y a un personnage féminin principal et une armée derrière. L’idée c’était de représenter un individu enfermé. Pour ce qui est de la tête coupée, elle est l’acte qui fait fi des carcans. A la place de la tête, il y a ce bateau qui invite au voyage, à l’imaginaire, à l’espoir, à la lutte et à l’action, tout en devant maître de sa vie. Le fait que ce soit un personnage féminin est lié à ce que je suis et à mes paroles féministes.

J’avais pensé à tout ce qui est en rapport à des mythes ou encore à l’Egypte antique, lorsque j’ai vu cette pochette. Y a-t-il un peu de ça ou pas du tout ?

Juliette : Oui effectivement, c’est très symbolisé. Ce qui est important pour nous, c’est qu’il y ait un aspect très poétique et une vraie invitation au voyage. Toutes ces références et symboliques font en sorte d’interroger et d’interpeller. Je pense en tout cas que pour le coup, ça a fonctionné. (rire) Que les gens s’approprient ce visuel pour y placer ce qu’ils veulent est aussi une bonne chose.

IMG_1673

Comment s’est passé votre concert à Montréal, au Canada ? Y a-t-il quelque chose qui vous a marqué là-bas ?

Kevin : Ca s’est très bien passé, c’était notre premier voyage au Canada. On a découvert toute une autre culture. Le français au Canada est très répandu car les Canadiens adorent la musique francophone. Il y a un vrai engouement pour la chanson francophone. On était tout à fait dans ce cadre là.

Juliette : Ce qui est chouette, c’est qu’on doit repartir l’année prochaine avec plusieurs dates, ce qui nous rend super content.

Est-ce que vous aimer beaucoup cette mise en valeur de la langue française ? Je sais que les Québecois aiment beaucoup leur langue. Parmi de nombreuses preuves de ce que j’avance, l’émission The Voice se nomme La Voix là-bas.

Juliette : Oui c’est vrai !

Est-ce que c’est quelque chose qui manque ici en Belgique ?

Juliette : Pas vraiment. Depuis quelques années, on assiste à une recrudescence, une explosion de groupes qui chantent en français. Ce qui est intéressant, c’est que la langue ne fait pas tout. Nos influences sont plutôt anglo-saxonnes, de la pop à l’électro. C’est clair qu’on chante en français, mais on ne s’inscrit pas pour autant dans la « chanson française » un peu plus traditionnelle. On veut combiner le français avec des instrumentaux, des arrangements plus différents de la « chanson française » classique. Un peu comme des groupes comme Odezenne, Fishbach, Sandor, The Pirouettes qui sortent des vieilles contraintes, en s’inscrivant dans une démarche musicale plutôt pop et électro.

IMG_1684

Y a-t-il autre chose que la langue qui vous a marqué l’esprit au Canada ?

Kevin : En ce qui concerne la musique, quand on est arrivé là-bas, ce qui nous a frappé, surtout à Montréal, c’est que par rapport au travail scénique, les Canadiens y interviennent beaucoup. Une fois sur scène, les groupes expliquent leurs chansons et leurs démarches.

Juliette : Il y a beaucoup de communication avec le public.

Kevin : Ici, on est souvent habitué à voir des groupes qui enchaînent leurs morceaux et les gens les prennent comme ils veulent les prendre. On se justifie beaucoup moins sur chaque titre joué.

Juliette : On a apprécié voir les artiste discuter avec le public, c’était vraiment chouette à voir.

Je pense que si vous le faites, ça enlèvera un peu de mystère autour de vos chansons.

Juliette : Ca nous arrange de ne pas le faire. (rire)

Qu’est-ce qui est le plus jouissif, jouer en studio ou en live ?

Kevin : J’aime pas forcément le studio, mais en tout cas, j’aime beaucoup travailler chez moi et créer des morceaux.

Juliette : On fait tout à la maison.

Kevin : On peut passer des journées à créer des sons et tester des choses. J’adore ça. Et la scène… Au final, l’un ne va pas sans l’autre. Je ne pourrai pas faire de la musique pour ne pas la sortir sur scène. Et d’ailleurs, quand on fait un morceau, on essaye de l’imaginer joué sur scène pour voir ce que ça peut apporter comme énergie, sentiment et émotion.

Comment ça passe pour vos compositions ? Etes-vous chacun de votre côté ?

Juliette : On habite en collocation, du coup, pour la communication c’est ultra simple. Je travaille tout ce qui est paroles et mélodies et Kevin, lui, est plutôt sur les arrangements. Comme on se voit quotidiennement, on est toujours en discussion par rapport aux avancées de l’un ou de l’autre. On a chacun une marge de manœuvre dans un domaine. On ne se marche pas sur les pieds. Il n’y a pas d’ambiguïté ni de compétition. C’est vraiment sympa entre nous et donc la communication est beaucoup plus simple entre nous deux. (rire)

Le temps contre nous, c’est ce qui est chanté dans « Justice ». Est-ce que dédier sont temps à la personne qu’on aime, n’est-il pas un des meilleurs actes d’amour que l’on puisse porter à son égard ?

Juliette : Hum… Hum… La chanson parle d’amour mais elle est aussi un peu plus globale. Ce qu’on dit c’est qu’il faut vraiment prendre le temps à un moment pour s’arrêter, ne serait-ce que pour passer du temps des personnes ou pour juste s’interroger sur les choix qu’on fait. Avec ce « temps » qu’on a pris, essayons alors de modifier nos vies et prendre peut-être d’autres décisions, vu qu’on a désormais le temps de réfléchir. Retenons l’idée d’une bulle qui s’arrête, hors-du-temps. On sait que le temps va arriver et nous bouffer, mais cette bulle nous permettra de mieux réfléchir.

J’ai remarqué que cette notion de « temps » revenait assez souvent dans vos chansons. Comme si c’était un personnage.

Juliette : C’est vrai. (rire)

Est-ce qu’il y a un rapport précis avec vos vies ?

Juliette : Ce n’est pas vraiment réfléchi. On se pose plein de questions sur le temps qui passe, le monde sur lequel on vit. Où est-ce que l’on va avec cette société ? Est-ce qu’on a encore le temps de révolutionner ce qu’il y a changer ?
On n’arrête pas de nous rappeler l’existence du réchauffement climatique et on ne sait même pas où l’on va. On sait juste qu’il nous reste plus beaucoup de temps finalement. Ce qui est marrant, c’est qu’on est tellement occupé, toujours dans l’action… On ne prends pas le temps et pourtant… (rire) « Justice » traite vraiment du « temps » et on a une nouvelle chanson, qu’on joue déjà sur scène, où l’on parle des relations qui s’abiment avec le temps et de toutes les questions qui concernent cela. Est-ce qu’on laisse faire le temps ? Abandonnons-nous ou pas du tout ?

Serait-il exagéré d’affirmer que vos chansons sont quand même engagées ?

Juliette : Ca dépend desquelles. J’ai un regard assez dur lié aux sociétés. Je suis féministe depuis toujours. Des chansons comme « Nuit » sur l’EP Vermillion délivre un sujet qui est celui des mouvements féministes des années 70, où les femmes à San Francisco et en Belgique sortaient la nuit pour se réapproprier l’espace public. Ca s’est passé il y a 40 ans, mais aujourd’hui les tracas n’ont pas diminués. Notre regard est engagé et on souffre de ce qui passe de nos jours en politique, parce qu’on y voit aucune vision.
Les paroles restent toujours assez poétiques et on a toujours envie que les gens puissent vraiment s’approprier les textes. On sait ce qui est dit bien sûr, mais si les gens comprennent nos textes différemment, tant mieux.

Cette histoire de mouvement des années 40 me rappelle que l’esthétique de vos clips allient parfois des images en noir et blanc. Y a-t-il des références assumés par rapport à cela dans vos clips ?

Juliette : Il n’y pas vraiment des images reliées à cela mais en tout cas, on aime vraiment ce côté intemporel des choses.

Kevin : Temple Caché, qui a conçu le clip, a compris que ce que l’on aime dans la musique, ce sont les contrastes. Les paroles le reflètent très bien d’ailleurs. Temple Caché avait aussi ce souci de, non pas brouiller les pistes, mais de laisser rêveurs les spectateurs et de savoir attaquer là où il faut.
Dans « Justice », les gamins avec des électrodes pourraient être un symbole de passé rétro.

Juliette : Ou de présent.

Kevin : Passé, futur, obscurité, clarté, tout se mélange.

Juliette : Ma voix mélodique et nos sonorités plus brutes complètent aussi un contraste. Ca nous fait rire et on aime bien ça. (rire)

Kevin : Il y a tout un discours derrière nos chansons. C’est un but aussi d’avoir un univers très imagé et que chacun ait son interprétation de tout cet ensemble.

J’ai l’impression qu’avec les années, le féminisme a eu ses dérives. Prenons pour exemple, ceux qui s’attardent sur le « manspreading » qui m’apparaît comme un problème qui n’en est pas un. Qu’en pensez-vous ?

Juliette : Je ne suis pas du tout d’accord. Selon moi, tout est important. Il n’y a pas une échelle des luttes. Si je parle du « manspreading », on pourrait me rétorquer qu’il y a des problèmes bien plus graves tels que les femmes battues ou violées. Tout ça fait partie d’un système cohérent, patriarcal et machiste. Avoir une langue machiste, des femmes qui soient rarement des personnages principaux dans les films ou encore des super-héroïnes pratiquement toujours en maillot de bain, constituent ce même système. Tout comme les filles emmerdées en pleine rue, les violences conjugales ou les viols. Tout est important.
Pour revenir au « manspreading », hier dans le métro, deux mecs avec les jambes grandes ouvertes bouffaient mon espace. C’est une série de petites choses de cette ampleur qui font qu’en tant que femme, tu intériorises que t’es inférieure. Il y alors une disparition de l’estime de soi, de modèles et moins d’investissement aussi.
La féministe Benoîte Groult disait : « Le féminisme n’a jamais tué personne. Le machisme tue tous les jours. ».
Ca veut bien dire ce que ça veut dire. On a beau critiquer le féminisme, il n’y a jamais eu de mort derrière cela. On le critique surtout parce que ça remet en question un pouvoir en place et l’identité des gens. Le féminisme est un humanisme pour moi qui permet de sortir des stéréotypes qui enferment les femmes, tout autant que les hommes. Il permet de faire des choix sans aucun préjugés qui nous pèsent dessus.

Ce dont j’ai peur, c’est de percevoir qu’on targue une personne de vouloir faire du mal alors qu’il n’en fait pas.

Kevin : Quand tu déranges les autres, il faut que ce soit justifié.

Juliette : Ce qui est sûr, c’est qu’avec ce genre de dénonciation, tout le monde s’interroge. Toi, tu t’interroges sur le « manspreading » d’autres sur le #balancetonporc, ce qui est bénéfique pour savoir dans quelle société on a envie de vivre.

Revenons à vos chansons. Y a-t-il un même récit caché qui les unit ?

Juliette : Oui forcément. Ce ne sont que des sujets personnels et sociétaux. Ils sont liés à des ressentis, à une personne, à des quotidiens. Pour l’instant, on est vraiment dans des thèmes qui racontent ce que je suis et vis. Peut-être qu’à un moment, ça évoluera, mais pour l’instant, ça reste avant tout personnel avec un certains regard sur le monde.

IMG_1686

DRAMA
Interview faite le 16/11/17
Photos ©DRAMA & Pierre Reynders (prises au Centre Culturel de Chênée, le 16/11/17)

Blue breeze de Londres

Tout comme le grunge qui s’est formé autour de Seattle, la Motown basée à Chicago ou encore un blues extrêmement prononcé à Memphis, un courant musical est fortement présent au Sud de Londres. J’ai baptisé ce style blue breeze. Peut-être que l’étiquette perdurera dans le temps.

‘Blue’ pour ce qui est de sa teinte mélancolique et léger, symbolique de nombreux morceaux des artistes qui en portent les couleurs. ‘Breeze’ pour l’effet reverb, nous laissant toujours planer via des compositions jazzy, utilisées à foison dans leurs chansons.

Plusieurs points communs reviennent toujours à l’écoute de ces jeunes londoniens, dont notamment une guitare au son épuré. Elle nous embarque dans une brise qui fait écho à l’infini. Il est intéressant de noter à quel point le déterminisme a toute son importance pour expliquer ce nouveau phénomène anglais.

Notons que l’écrivain français, Emile Zola, avait déjà cerné l’importance de l’influence et l’impact de l’endroit où l’on vit. C’est en désignant sa propre littérature de ‘naturaliste’, mouvement de la première moitié du vingtième siècle, que cet auteur bâtissait de nombreuses thèses pertinentes.

Les naturalistes reprennent l’étude de la nature aux sources mêmes, remplacent l’homme métaphysique par l’homme physiologique, et ne le séparent plus du milieu qui le détermine.

Cet extrait de son œuvre Une campagne (1881) démontre à quel point nous sommes conditionnés par tout ce qui nous entoure. De fait, la panoplie d’artistes dont il est question ont respiré un air londonien qui les a inspiré à faire une musique unique, qui cependant, se trouve sous une même bannière. Il se peut qu’il y ait une part d’inconscient en ce qui concerne leur processus de création. Néanmoins, ils partagent tous des caractéristiques très communes, preuve qu’ils baignent consciemment dans une zone spéciale, où la musique a ses codes.

Citons un autre déterministe qui rejoint en quelque sorte les pensées de Zola :

Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience.

Tiré du philosophe et économiste Karl Marx, ces phrases affirment que l’endroit où l’on naît à une immense importance par rapport à notre avenir. Trêve de citations, stop aux analyses ! Passons en revue les grands acteurs de cette bleue brise.

King Krule

Il est littéralement le plus connu de tous. Hipster pour certains, génie pour d’autres, Archy Marshall se fraye un chemin atypique dans le monde de la musique. Pour l’instant, tous ses projets sont incroyables. Ils méritent une écoute pour avoir une vue d’ensemble sur l’univers riche et intense de ce poète.

Entre son premier et deuxième album se sont écoulés 4 ans. Impatient, je savais que son nouvel opus allait être une réussite. King Krule rafraîchit toujours son style musical via des morceaux aux accords jazz et bossa nova. Il n’est pas trop tard pour écouter The OOZ, son ultime pépite.

Cosmo Pyke

J’essaie de devenir célèbre, de faire connaître mon nom partout, de m’assurer que tout le monde le voie. C’est un peu comme le graffiti : vous voulez obtenir autant de tags que possible dans toute la ville jusqu’à ce que vous deveniez propriétaire de la ville.

Ces paroles livrées au Guardian sont celles de Cosmo Pyke. On ne cesse de comparer à King Krule sur la Youtubosphère. Certes, ils partagent quelques caractéristiques semblables : une voix nonchalante, une capacité folle à rapper, et un jeu vif et direct à la guitare. Néanmoins, ce ne sont en rien des clones parfaits. L’univers de Cosmo Pyke est beaucoup plus coloré au niveau des ses sons, clips et paroles. Il n’y a qu’à comparer le clip de ‘Great Dane’, à l’esthétique propre, chamarrée, professionnelle et ‘Dumb Surfer’ qui lui est flou, crade, un peu plus amateur, donnant un visuel proche de ceux perçus des vieux VHS.

En d’autres mots, nous ne lui ferons pas l’affront de le surnommer Prince Krule.

Alex Burey

Piano, violons, flûte, saxophone et guitares à la sonorité western, rien n’a plus de secret pour ce jeune compositeur ! Un seul mot pourrait synthétiser les sonorités qu’il nous concocte : délicatesse.

Nick Hakim

Take this joint. C’est tout ce qu’il y a à retenir lorsqu’on écoute Nick Hakim.

Jamie Isaac

Jamie Isaac a déjà collaboré sur l’album très avant-gardiste A New Place 2 Drown d’Archy Marshall. Ce genre d’artistes ne se limite pas à une seule façon de faire de la musique. Petite pause sur un gars qui propose un son posé.

brunoaleas

BRNS – Holydays

IT’S A GOOD THING TO TORTURE GOD

Mike Patton (leader vocal de Faith No More, Tomahawk, Dead Cross) annonçait la mort de la musique.
La raison ? A cause de musiciens n’amenant plus de nouvelles idées sur la table.

BRNS (‘brains’) forme un contre-exemple parfait. Les quatre jeunes Bruxellois m’ont littéralement renversé avec un EP rempli de surprises. Ce groupe ne s’en tient pas à la simple composition de refrain, structure linéaire ou autres codes habituels. Incomparable à un Coldplay enfoncé dans un style musical assez gênant, tant il se répète d’années en années.
Les transitions sonores, les voix distordues ou le jeu du batteur et bassiste frôlent l’exceptionnel. Il est bénéfique de s’apercevoir qu’il existe encore de tels artistes !

Une dimension religieuse embaume l’opus via des chants quasi liturgiques, faisant le pont avec l’univers religieux. Citons ‘Mess’, où une clochette nous suspend vers un Ailleurs et conclut l’EP. ‘Mess’ exploite aussi une guitare aux cordes comme désaccordées, me lançant dans un emballement jouissif et une plus grande envie de terminer la chanson pour mieux la découvrir.

Ces 4 morceaux ne laissent pas l’auditeur sur sa faim. Ils emmagasinent un rythme et un jeu pertinents. De quoi les écouter encore et encore pour mieux saisir les détails instrumentaux qui s’y dégagent.
Véritable leçon musicale où la monotonie n’a pas sa place, Holydays s’éloigne des trucs et astuces qui s’utilisent à foison pour séduire le Grand Public.

Drama – Illustration ©BRNS

Downtown Boys/Teen Creeps/The Hype au KulturA.

22789136_10215072138060663_2876961713864645816_nRémi, bassiste de The Hype

Invité par PopKatari, ma motivation était telle que j’aurais bravé vents et marées pour assister à ces concerts. Au rendez-vous à cette soirée liégeoise : un groupe wallon (The Hype), un groupe flamand (Teen Creeps) et… Une bande d’américains (Dowtown Boys) !!!!

Dès les portes du Kultura franchies, je rencontre Lev. qui me salue après avoir participé au soundcheck. Malheureusement, ce mélomane ne pouvait rester, ce qui faisait que je restais seul. Et pourtant, j’ai très vite stagné à l’entrée du Kultura, en compagnie des gars de The Hype. J’étais vraiment ravi de les revoir et d’apprendre qu’ils remontaient sur scène après un an de « non-concert ». Ces vieux punks s’amusaient à dire « bonsoir » à chaque nouvelle personne qui entrait là où nous étions, gardant toujours un esprit d’humour et de convivialité.

C’est alors qu’ils montent sur scène, non plus au nombre de trois mais bien à quatre, suivi d’un second guitariste du nom de Nubuk.
A peine le concert commencé, le batteur (Brian Alleur) se met torse poil, le chanteur/guitariste (Benoît Culot) les présente de façon succincte et ces lurons jouent de plus belle. Comme à son habitude, Brian se fait entendre (telle une machine de guerre) et en impose de par son jeu agressif à souhait. Ben, lui, envoie le pâté avec sa voix rauque, à se demander s’il n’a pas fumé plus que Gainsbarre pour en arriver à ce résultat. Quant à Rémi, son énergie m’a épaté et m’a entrainé à bouger mon cul sur chaque morceau. Les fioritures qu’amenaient Nubuk étaient ultra plaisantes à écouter et donnaient encore plus de richesse sonore aux chansons. J’attendais avec ferveur « Ocean » et ma joie est toujours la même lorsque je redécouvre les divers effets aux guitares qui la composent.
Après avoir enflammé le public, je me demandais comment allait faire les deux autres groupes pour délivrer une meilleure prestation.

IMG_1603Ramses Van Den Eede, batteur de Teen Creeps

Le deuxième groupe, Teen Creeps, est typiquement le groupe qui sonne beaucoup mieux en live qu’en mp3. Constitué d’un batteur déchaîné (Ramses Van Den Eede), ce groupe traduisait une fougue rock qui m’amenait à penser que ce soir-là, le Kultura avait une ambiance assez proche des concerts grunge du Seattle des années 90. Oui j’en viens à de tels propos ! Le répertoire des Teen Creeps était vraiment parfait pour les oreilles d’un jeune adolescent sale, remuant et endiablé.

Le dernier show était incroyable. Il se détachait complètement des précédents et était aux commandes d’un groupe signé sur Sub Pop : Downtown Boys !
Le peps de la chanteuse (Victoria Ruiz) s’est tout de suite senti et l’aura des Downtown s’est transmise en un battement de cil. Chaque membre était un spectacle à lui tout seul, en passant par le saxophoniste/claviériste (Joe La Neve DeFrancesco) habillé dans une espèce de combinaison propre à un pilote d’avion de chasse, jusqu’à Victoria qui dansait, criait ou livrait un discours politique entre chaque morceau. Les pistes chantées en espagnol déchiraient et se faisaient porte parole des populations niées venant des USA. Car il faut savoir que Downtown Boys reflète de manière extrême une certaine déception américaine, face à la victoire de Donald Trump aux dernières élections. Chaque auditeur a bien évidemment le droit de ne pas partager leurs convictions. Il n’empêche qu’il est agréable de voir que des groupes engagés existent encore, surtout aux States, où les idéologies propagées ressemblent le plus souvent à des télé-réalités foireuses sans queue ni tête.

La variété qu’ont réussi à proposer ces trois groupes m’a donné encore plus envie de m’intéresser de plus près à leurs projets.

A coup de bonnes distorsions, de saxo frénétique ou de chants puissants, cette soirée était à inscrire dans le Panthéon des meilleurs concerts rock’n’roll de Liège !

IMG_1611Victoria Ruiz, Mary Regalado et Joe La Neve DeFrancesco des Downtown Boys

DRAMA

Equipe de Foot Interview

Découvert en première partie d’Odezenne, lors d’un concert à Liège, Equipe de Foot est un groupe rock constitué d’Alex et de Mike. Batteur et guitariste livrent un album, où une femme s’y pose au centre : Chantal aux sonorités sauvages et bestiaux

Saviez-vous déjà quelle sonorité produire, avant même de composer ?

Alex : Avant de réellement composer, on était sûr de deux choses : on voulait faire du rock avec du gros son et on voulait rester un duo, car en duo, tout va plus vite, beaucoup plus vite. Du coup, on a cherché comment sonner massif sur scène, en n’étant que deux. On a trouvé quelques solutions techniques via deux amplis guitare, un ampli basse et beaucoup de disto. Puis, Benja, notre copain ingé-son, a mis son nez là-dedans et on s’est retrouvé avec un son d’énorme mammouth.

Mike : Il y avait quand même la contrainte de sonner gros et gras mais pas violent, on ne voulait pas faire de la mule. Et c’est vrai que Benja nous a beaucoup aidé à faire grossir le mammouth. Il est, maintenant, bien gras et bien velu, il me semble.

S’il fallait choisir un adjectif et une couleur pour Chantal, quelles seraient vos réponses ?

Alex : Je dirais : “sincère” et “bleu” . “Sincère” car, que ça soit dans notre musique, dans nos paroles, ou encore, lorsqu’on est sur scène, on ne raconte pas d’histoires. Notre musique va, désolé pour la blague, droit au but. Nos textes sont des choses absolument intimes et vraies. On ne parle pas de choses qu’on ne connaît pas, qu’on n’a pas vécues ou qui ne nous touchent pas. Sur scène, c’est un peu le même délire, il est impossible pour nous d’avoir la classe dans nos maillots de foot trop grands, on est au final un peu à poil. On ne peut pas se cacher derrière une attitude.
Bleu” aussi parce que cet album est blindé de mélancolie, et en même temps, le bleu m’évoque des immensités, le ciel par exemple.
Chantal aborde des thèmes sacrément universels comme l’amour, la rupture, les souvenirs, le temps qui passe et qui essaye de nous faire oublier nos passions d’adolescent. “Bleu”, c’est aussi la couleur de la super pochette de Chantal réalisée par Ita Duclair.

Y a-t-il un message qui relie chaque chanson ?

Alex : Au final, le fil conducteur est certainement Chantal. Chantal représente un peu la femme : la femme aimée, la femme qui te quitte, un amour d’adolescent, une mère. Là où notre premier EP ne parlait que de rupture, ici, on parle également de l’amour naissant, de sexe, de la rencontre de l’autre et de la cohabitation avec son passé.

Parlons d’un autre groupe. Vous avez fait la première partie d’Odezenne. Décrivez votre rencontre avec ces poètes.

Alex : La rencontre avec Odezenne s’est faite par hasard. C’était en janvier 2016, on était un tout jeune groupe. On avait fait quatre ou cinq concerts et trois démos.
On a participé au Tremplin Inter-Quartiers de la ville de Bordeaux parce que la finale avait lieu dans une salle de concert qu’on adore : la Rock School Barbey. On n’avait aucune illusion sur nos chances de remporter ce tremplin, mais on voulait aller jouer à Barbey ! Les gars d’Odezenne étaient dans le jury de ce tremplin et ont vachement aimé notre façon de faire du foot avec une guitare et une batterie. Arrivent les délibérations pour choisir le vainqueur du tremplin ; personne ne vote pour nous. Alix, Jaco et Mattia sont choqués qu’on ne remporte rien. Ils décident de créer spécialement pour nous “un prix Odezenne”. Ils nous offrent alors une première partie sur une de leur dates. On est comme des gamins ! De fil en aiguille, on aura joué dix-sept fois pour eux, en 2016. On ne les remerciera jamais assez !  

Parmi les formations constituées de deux personnes sur scène, qui admirez-vous ?

Alex : “Admirer”, c’est fort comme mot ! Disons qu’il y a pas mal de duos cools ! Perso, j’aimais beaucoup les Black Keys, avant qu’ils ne partent en couille. Les White Stripes, bien entendu. J’aimais bien également un duo australien qui s’appelait The Mess Hall, mais je crois qu’ils ont arrêtés. Il y a aussi un duo belge que j’écoute souvent, ils s’appellent Alaska Gold Rush ; jamais vu sur scène, mais ils ont l’air cool ! Ah oui, The Mirrors aussi sont GAVÉ FORTS. C’est un duo guitare/batterie d’Angers. Sarah déchire à la gratte. Corentin déchire à la batterie. On les a invités à jouer avec nous pour la release party de Chantal. Ils nous ont mis la pétée.

Mike : J’aime beaucoup The Dodos, un groupe américain de folk, un peu vénère. Ils sont deux et c’est hyper bien. Leur album Visiter est complètement ouf.

Revenons à l’album. Le morceau « 29 Octobre » se détache vraiment des autres. Il y a eu une aide, des conseils externes pour cette piste ? Aurons-nous droit à d’autres morceaux de ce type ?

Alex : « 29 Octobre » est effectivement un morceau un peu plus différent. On l’a abordé un tout petit peu différemment. L’idée n’était pas de “faire le rock” mais d’accepter d’être en accord avec l’ambiance assez sombre du morceau. Benja, notre ingé-son, nous a beaucoup aidé à rendre en son ce qu’on voulait faire, notamment avec cette basse sur les couplets. C’est un texte dont je suis assez fier. Je le trouve juste et simple. Il fallait que la musique aille dans le même sens avec très peu de fioritures, restant simple et gardant en même temps un côté “sûr de soi”.
Est-ce qu’il y aura d’autres morceaux de ce type dans le futur ? Certainement. Notre conviction, quand on a créé Equipe de Foot, était de pouvoir faire ce qu’on voulait. Si le troisième album doit être un album de hip hop, alors ce sera un album de hip hop. Zéro limite.

Les adolescents que vous étiez seraient fiers de vos compositions.

Alex : Je ne sais pas si l’ado que j’étais aurait été prêt à entendre notre musique car il écoutait beaucoup de pop. Cela dit, je pense que s’il avait eu une vision du futur incluant Equipe de Foot, il aurait été beaucoup plus détendu dans sa vie.

Mike : L’adolescent que j’étais serait sûrement très content de la musique qu’on fait. Mais il serait surtout très content de savoir qu’un jour, il va finir par pécho et qu’il aura une PS4.

brunoaleas – Interview réalisée le 24/10/17

Damso – Ipséité

Comment Damso est-il devenu un personnage incontournable du rap FR ? Le parcours de Damso est fulgurant depuis à peu près deux ans. Sorti de l’inconnu (ou presque) par Booba, le bruxellois n’en finit pas de plaire et est devenu un véritable phénomène de mode. Qui aujourd’hui n’a jamais entendu parler de Damso ? Voici l’analyse d’un parolier passé du quartier d’Yser à la salle de Forest National.

Continuer la lecture