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Aucklane au cœur de la nuit

Sombre. Puissant. Cru. Rebelle. Jouissif. Nightfall, premier EP d’Aucklane, se définit ainsi, et bien plus encore. En tant que fan de Kaleo (mais si, le groupe islandais en première partie des Rolling Stones cet été à Bruxelles !), je ne peux que m’extasier devant ces cinq titres.
Une atmosphère pesante, mais pas lourde, des guitares ultra présentes, mais sublimant la voix de la chanteuse, voici le combo parfait.

Musicalement, on retrouve un côté très américain, une sorte de country bien sombre, rythmée par le bruit des chaînes. Un rock assez brut, la bande son idéale pour marcher dans la rue comme si le monde nous appartenait. Avez-vous déjà entendu parler de ces personnes qui entrent dans leur villain era ? C’est un concept sorti d’internet, assez populaire sur TikTok (enfin, d’après mon algorithme). Essentiellement repris par les personnes de genre féminin, mais pas seulement, c’est un moment charnière dans une vie : un wake up call, une révélation. L’ère du méchant, c’est le moment où l’on s’arrête, on redresse nos épaules, et on voit le monde sous un jour nouveau. C’est un refus de se laisser marcher dessus. C’est reprendre sa vie en main sans se soucier de l’avis d’autres personnes. Très féminin à nouveau, car sans vouloir me lancer dans un discours féministe (ce n’est ni le lieu, ni le moment, quoique), cela représente aussi la reprise de contrôle sur son corps, sur sa vie, sans prêter attention aux diktats de la société patriarcale.
C’est la sublimation du féminin sacré.

03©YvesMaquinay

Nightfall rentre parfaitement dans ce contexte de reprise de pouvoir. Puis, essayez de rester triste et de baisser les yeux avec « Ghost In The Hall » dans les oreilles. Aucklane utilise sa voix et son talent pour nous gonfler de confiance. On ne peut que l’en remercier.

Au niveau de ses textes, la chanteuse liégeoise utilise la nuit comme fil rouge. Irais-je jusqu’à pousser le vice pour faire des liens entre la nuit, la Lune, et la représentation du féminin ? Je m’arrête là. J’ai compris. Il n’empêche, cette fascination pour les heures les plus sombres transparaît dans chaque chanson du projet. Cela lui confère une aura mystérieuse et envoûtante. Aucklane chante un monde caché, où elle retrouve sa puissance parmi les ombres.

La dernière chanson de l’EP, « Over Here », abandonne ce caractère mystique : une guitare acoustique, un rythme plus lent, une voix plus fragile. La chanson nous rappelle que ce n’est pas grave d’être effrayé durant la nuit. Ca arrive aux meilleurs d’entre nous.

Peu importe au final que la nuit nous renforce ou nous engloutisse. Peu importe que nous restions courageux face à la noirceur ou que nous nous cachions sous les couvertures. Ce qui compte, c’est ce qu’on fera du jour, une fois le Soleil levé : resterons-nous cachés par des couches et des couches pour nous protéger du monde ou prendrons-nous exemple sur la Lune, en brillant pour ceux qui ne trouvent pas la lumière ?

ephios – Photos ©Pierre Vachaudez & ©Yves Maquinay

Sonic Tides et l’insomnie

L’insomnie. Un thème analysé pour la troisième fois. D’abord, lors d’une interview avec Good Morning TV. Qu’apprenait-on ? Les insomniaques demeurent très créatifs, même lorsque leurs yeux défient le sommeil. Ensuite, nous nous penchions sur le manga Insomniaques, ou comment la solitude nocturne est bannie à deux. Dernièrement, Sonic Tides signe son retour en illustrant les affres de la nuit. « Insomnia » ne s’éloigne pas de leurs précédentes productions. Les guitares sont à l’honneur. L’ambiance est garage grunge. Les Liégeois offrent une généreuse expérience dépassant les six minutes.

Certes, les jeunots sont insomniaques, mais il ne perdent rien de leur énergie. Ils en profitent pour donner carte blanche à Simon Medard. Gilles Vermeyen, chanteur/guitariste du groupe, décrit en profondeur la participation du réalisateur.

Simon Medard a réalisé tout le clip avec ses assistants. Il avait une grande liberté quant aux choix des visuels. Nous avions eu quelques réunions en sa compagnie. On lui a raconté nos rêves, nos phases d’insomnies On lui a aussi livré les paroles et notre vision de la chanson.
Ces partages, Simon les appelait ‘nourriture mentale’. Puis, il est revenu vers nous, en montrant ses dessins au fusain, ses scans de livres, ses idées de rotoscopie.

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Les images du clip amènent à diverses interprétations. D’après le musicien, aucun message caché n’est à percevoir. Les séquences sont au service de la mélodie brutale et calme à la fois. Elles illustrent un chemin cyclique, où un protagoniste subit de faux réveils, en pleine transe. Comme si un chaos environnant était insécable au mental des non-dormeurs. 

Notre personnage suit une trajectoire sans fin, sans but. Il n’y a pas de Valhalla à atteindre. Il se promène de décors en décors, de rêves en rêves, tout en revenant à la réalité, une fois dans son lit. Il n’y a pas de destination finale.

Saluons l’inventivité de la bande ! Qui ne se reconnaît pas dans cette aventure multidimensionnelle ? Que désirer pour la suite ? Les musiciens de Sonic Tides en étant toujours prêts à délivrer d’autres clips aussi travaillés.

brunoaleas – texte et photos

Incroyable mais vrai

On peut tromper mille fois mille personnes, non, on peut tromper une fois mille personnes, mais on ne peut pas tromper mille fois mille personnes.

Serait-ce la philosophie propre à Quentin Dupieux ?
La citation est tirée de
La Cité de la peur. Ce film des années 90 est porté par une troupe d’humoristes, Les Nuls. A l’époque, Dupieux est bercé par leurs sketchs décalés, plus proches des Monty Python que des Inconnus. Les chiens ne font pas des chats ! Quentin se lance alors dans une filmographie au style bien à part. Son humour n’est pas celui de Nicolas Bedos. Ses images ne sont pas celles de Julia Ducornau. Quentin Dupieux est un auteur. Qu’importe ce qu’il raconte à l’écran, son univers assume une veine humoristique assez atypique.

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Incroyable mais vrai narre 2 histoires fantastiques. Le cinéaste touche aussi à la science-fiction, en décrivant 2 personnages pétrifiés par l’idée de vieillir. Ils adorent les nouvelles technologies et désacralisent leur biologie. Comme un conte pointant vers une morale, les récits affichent la démesure humaine et ses conséquences toxiques. Certains protagonistes sont prêts à tout pour ne pas subir la vieillesse. Ils deviennent alors pitoyables.
Le réalisateur filme bon nombre de leurs passages pathétiques : faux exploits sexuels, envie de starification incompréhensible, etc. Il ne se voile pas la face quant aux personnes contre-nature.

C’est une maladie qui existe. Moi, j’en fais un conte fantastique, mais c’est une vraie maladie. Des gens sont terrorisés par le vieillissement. Ils font tout pour reculer, alors que c’est perdu d’avance. On ne peut pas remonter le temps à ce point là. C’est même absurde d’essayer. C’est une course contre la mort. Enfin, c’est un truc flippant. Quentin Dupieux

En termes d’astuces techniques, les flous en arrière-plan font mal aux yeux. Dommage, lors de ses interviews, on ne questionne jamais l’artiste sur le sens de ce choix esthétique.
Heureusement, le film se regarde et s’apprécie, tant ses personnages sont succulents à observer. Il demeure une belle porte d’entrée pour découvrir l’univers dupieuesque, tant l’exercice de la satyre est réussi. Puis, face à la filmographie de Mr. Oizo, comprendre n’est pas l’objectif premier… rions de l’absurdité de la Vie.

brunoaleas

Roméo Elvis ne sait pas écrire

Pourquoi Roméo Elvis ne sait pas écrire ? Depuis ses débuts, le jeune rappeur surfe sur des instrus de qualité… sauf que ce facteur ne suffit pas à valoriser ses textes ! Comprenons son point faible.

Sur le pont de ‘Dessert’, il cite une marque de chaussure, affiche sa philosophie propre à son dress code (wow), ennuie et fait de la peine : Chaussures Puma sur les pieds. J’suis dans les nuages, dur de perdre. J’fais des murs de texte, et des purs de verte. Le Motel sauve les pots cassés en tant que producteur. Désormais, le binôme ne joue plus entièrement sur les projets de Roméo. Ce dernier doit redoubler d’effort.

L’échec littéraire le plus récent se nomme ‘L’adresse’. Le morceau n’apporte rien, si ce n’est l’avis du Belge au sujet des haineux. Roméo vit sa meilleure Vie, lorsqu’il se balade avec sa beuh dans le froc. Roméo se rend compte que la Vie est parsemée d’aléas. Roméo découvre qu’il est impossible de voir la Vie en rose… le troisième single de TPA brasse du vide. A la fin de son écoute, l’auditeur est en droit de crier : Et ???!!!
Le seul point positif à retenir : les clins d’œil du pseudo-rappeur posés sur d’autres artistes (Nos, Ademo, Lorenzo). Au bout du compte, ‘L’adresse’ démontre les faiblesses d’une plume incapable de se renouveler, même au troisième album !

Trois putains d’opus et toujours deux thèmes récurrents. Bruxelles. Marijuana. Ces deux mots complètent la carte d’identité de Roméo Van Laeken. Pareil pour la petite sœur qui troque la drogue douce au féminisme (une cause comme une autre, je préfère la fumette). Parenthèse fermée. Le grand frère ne cesse de sacraliser la plante verte. Quand on a une telle communauté composée de jeunots, est-ce vraiment la meilleure pratique au monde ? Loin de moi l’idée de prier pour que les rappeurs deviennent des anges. Néanmoins, je préfère un Nekfeu prêt à analyser les relations humaines, à creuser des sujets de société !

‘Nappeux’ demeurera mon titre préféré. En 2017, Elvisito débarque avec des paroles en béton, au chant fédérateur. Citer la capitale n’est plus synonyme d’épilepsie buccale. On plane avec l’instru de façon légale. Quittons-nous sur ces rares notes portant à un début de réflexion : voit-on nos sociétés selon notre prisme ou d’après celui des autres ? La biz de Liège, 100% bio.

brunoaleas Photo ©Séverine Courbe

Doctor Sleep ou singer l’Auteur

CRITIQUE AVEC SPOILERS

Doctor Sleep, réalisé par Mike Flanagan, est un projet pouvant offrir autant de fascination que de crainte. Se targuer d’adapter au Cinéma le livre éponyme de Stephen King sorti en 2013, une suite à son roman Shining : L’enfant Lumière, avait de quoi intriguer. Pour bien comprendre ce qui symbolise le ratage du long-métrage, il va falloir parler des 2 œuvres littéraires d’origine, ainsi que du Shining de Stanley Kubrick (1980). Continuer la lecture

Lomepal : exit urbi

Lomepal n’est plus à ranger dans la case rap. Le fan des Strokes annonçait déjà la volonté d’insuffler du rock à son prochain album. Cette envie s’écoute et se comprend à l’arrivée de « Tee ». L’ombre d’une guitare règne en première partie du morceau. A sa conclusion, deux grattes bercent les auditeurs. Laissons de côté ces mélodies. Il est temps de se focaliser sur l’imaginaire de son nouveau clip. Il fascine mes yeux.

L’image l’emporte sur l’instru. Un plan égale une idée. Une philosophie visuelle déjà aperçue à foison sur les derniers clips de Kendrick Lamar.
Le single du francophone suit une direction assez similaire. Chaque séquence se calque sur les paroles de Lomepal (la marinade, le combiné, etc.).
Puis, un contraste se note excellemment bien. Les premières minutes de « Tee » affichent un Antoine Valentinelli caché. En ville, il fuit les regards, évite notre attention, tourne le dos à la caméra. Comme s’il trainait sur trop d’endroits anxiogènes. Une fois en pleine campagne, on admire le visage de l’artiste. Le décor s’ouvre sur une verdure rayonnante. Loin de la pluie et de la froide architecture des mégapoles, Lomepal forme un quatuor.

« Tee » synthétise l’ambiance de ces deux dernières années. La ville enfermait les citoyens dans une espèce de cauchemar. Surveillés. Epiés. Contrôlés. L’urbanisme s’apparentait à une dystopie. Des mesures liberticides dictaient nos pas. Sortir de chez soi devenait une contrainte. Dès lors, la nature était notre porte ouverte vers un Ailleurs plus que nécessaire. Nous avions tout le temps de découvrir de nouveaux coins abandonnés ou isolés. Se reconnecter à la nature fait un bien fou. Parfois, le vrai visage des humains se révèle s’il se trouve sur des plaines verdoyantes. Qui sait ? La foule n’a jamais été de bon augure. La présence des insectes, des plantes ou de l’air frais sont à des années lumières des quelconques préoccupations existentielles.

brunoaleas – Photo ©Victor Boccard

LA DURE A CUIRE #63

Apex Ten

Par rapport à mes anciens projets, Apex Ten est peut-être plus atmosphérique. On y retrouve un peu plus de space rock perceptible. Pour mon plus grand plaisir, je suis amené à jouer bien plus de soli. Ils font partie intégrante de la musique que l’on propose. Sur plusieurs passages, le travail de ma main droite est plus frénétique. Quant à notre mentalité, on se focalise sur un échange d’idées très important. Une incroyable sensation advient quand on réussit à se détacher de la réalité. Se laisser complètement porter par l’instant voué à se développer sollicite une toute autre façon de jouer de la musique. On s’éloigne d’un jeu propre aux formations dites plus classiques. -Benoît Velez, guitariste d’Apex Ten

Nina Attal – Pieces of Soul

Dix ans de carrière. Quatre albums à son actif. Nina Attal invite les auditeurs vers un Far West dansant. « Never Been Clear » est un morceau méritant une place de luxe sur les ondes de Radio Nova, médium le plus funky de France.

Metro Verlaine – Funeral Party

Avis aux fans de Cure ! Metro Verlaine rythmera vos bals de fin d’année, vos ruptures amoureuses et votre funéraille idyllique. Une manière spéciale de célébrer la vie.

Pavement – Terror Twilight

Pavement est souvent cité comme influence du rock actuel.
En avril dernier, l’EP Terror Twilight a droit à une réédition. De quoi re/découvrir le travail d’un Saint producteur : Nigel Godrich, sixième membre de Radiohead !

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Love Death + Robots : de gores réflexions

VOLUME 1 & 3

Lorsqu’on m’a proposé une séance Netflix pour regarder Love Death + Robots, j’étais assez dubitative, mais tout de même intriguée. Je ne voue pas un amour exacerbé aux fictions gores ruisselantes de violences.
Une fois l’expérience face à mes yeux, je n’arrive pas à regarder l’écran, je passe mon temps à cacher mes yeux. Etrangement, après 3 épisodes visionnés, je suis subjuguée, transcendée… j’en veux plus. Que s’est-il donc passé ?
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BRNS au Reflektor

L’idéal après un accident de bagnole est d’y survivre. Après ma mésaventure campagnarde, me voici au Reflektor. Je suis prêt à écouter les rythmiques de BRNS. Sans oublier leurs parties vocales, leurs transitions sonores et leur messes extraterrestres. BRNS réunit bel et bien ces composantes. Celluloid Swamp, leur dernier album en date, illustre à nouveau une envie d’innover, quitte à se détacher de la scène rock ! Ce soir, je ne voulais pas être déçu.

Le quatuor est-il aussi efficace en concert qu’en studio ? Affirmatif.

« Void » ouvre le bal. Le public bat des mains, au rythme de la chanson. Soudain, nous rentrons en communion avec les Bruxellois. A noter : le guitariste utilise un tournevis pour frotter ses cordes. L’outil me rappelle ô combien ma camionnette devrait rester dans un garage… mais surtout, ô combien les musiciens surprennent sur scène. S’enchaînent « Mexico » et « My head is into you » aux cris fédérateurs. Les auditeurs s’improvisent chanteurs. Je me situe juste devant la scène. Leurs paroles traversent mon dos. Dès lors, le volume des deux morceaux est largement amplifié. Une vraie chorale se dresse face au groupe.

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Mention très honorable à « Lighthouses ». La bande défend des mélodies complexes. Le titre offre une transition épique. D’abord bousculé par une partie féroce, nous basculons vers une échappée planante. Ce type de composition démontre la maestria du groupe à varier de registres quand il veut, où il veut. Qui sait si Celluloid Swamp deviendra mon opus favori de leur discographie ? En tout cas, jouer « Lighthouses » en live fut une bonne idée.

Un tonnerre d’applaudissements annonce la fin du spectacle. Que retenir de frappant ? Un rappel exposant des artistes infatigables. Une puissance vocale toujours aussi impressionnante. Le souvenir d’un spectacle point synonyme de liturgies foireuses. Et une certaine prise de conscience : à la batterie et au chant, Timothée Philippe porte la formation de bout en bout.

La scène est l’objectif du projet. On a besoin de ressentir cette énergie, cette puissance de l’instant. -Diego Leyder (Larsen n°44)

La pensée du guitariste m’évoque mon dérapage. Lors de mon accrochage sur la route, je ne ressentais aucune peur, zéro sensation… heureusement, devant BRNS, l’adrénaline semblait s’activer à chaque chanson. 

brunoaleas – Photos ©Mouche – Reflektor, 01/06/2022

Love Death + Robots : intenses essais

Volume 3

Toujours plus gore, toujours moins subtile, la saison 3 de Love Death + Robots apparaît telle une surprise convoitée ! Comme si nous attendions le buffet le plus rare sur la table. Comme si nous attendions l’orgasme le plus glauque de l’époque. La série anthologique déçoit lors de son second volet, trop gentillet, peu couillu. Heureusement, le nouveau chapitre s’ouvre sur des thématiques vicieuses, glaçantes et pertinentes. 9 courts métrages sont au rendez-vous. Pour nos yeux : stop motion, 2D de toute beauté, hyperréalisme, etc. Ce retour en force se note surtout grâce à 3 perles cinématographiques.  Continuer la lecture