J’aime les films des années nonante. Matrix, Fight Club, American Beauty, quelle époque mesdames et messieurs ! Ce que j’adore plus que tout, c’est découvrir les films de Robin Williams. L’acteur américain savait jouer n’importe quel caractère. Ses personnages s’inscrivaient aussi bien dans des thrillers, comédies comme dans les récits fantastiques ou à travers la science-fiction !
Cet été, je bouffe Madame Doubtfire. L’histoire d’enfants ponctuée par la séparation de leur parent ainsi qu’un propos sur la place d’un artiste extraverti. Le pitch sonne banal. Dès lors, comment rendre chaque séquence intéressante ? En questionnant l’appareil judiciaire, en tentant d’abattre les codes hommes/femmes, en réunissant petits et grands grâce à un ton léger mais jamais simpliste. Puis, Robin Williams crève l’écran, tant son personnage est à la fois touchant et passionné.
Il nous manque cruellement d’acteurs capables de subjuguer à ce point. Quand on observe les incarnations insipides de Pedro Pascal, Mark Wahlberg ou Tom Holland, il y a de quoi se tirer une balle… restons optimistes car le cinéma est une aventure collective.
Quant à la filmographie de Robin Williams, s’il fallait la résumer en quelques mots, j’opte pour la devise de l’industrie Pathé.
Le cinéma sera le théâtre, le journal et l’école de demain.
Je ne suis pas expert de rap. Mais j’écris depuis tout petit et me concentre souvent sur l’écriture des rappeurs. C’est pourquoi, dès qu’un Médine, MC Solaar ou OrelSan l’ouvrent, c’est le caviar servi à table. Bref, petit, je gratte déjà en classe pour tuer l’ennui. Je commence à m’intéresser au rap, à l’âge de 18 ans.
Depuis lors, quel rappeur résonne le plus avec mon vécu ? Ben PLG. Je n’ai pas encore pris le temps d’ouïr tous les morceaux du jeunot. Néanmoins, à chaque fois que j’écoute ses mots, je suis ému, renversé, frappé et figé, face à autant de poésie. Comme si Ben et moi avions vécu, plus ou moins, les mêmes bails. Il remercie souvent son entourage et apprentissage. Je ne l’exprime pas assez. Mais je le rejoins et félicite.
Prenons un morceau frappant. Il se nomme « Réalité Rap Musique ». A vous de savourer : « Du côté d’mes rêves, j’sais plus où j’en suis, y a des gens, j’les admire et ils m’dégoûtent ensuite. C’est moi qui rappe tout seul dans les rues d’ma ville, qui essaye d’comprendre pourquoi ils m’ont mis ici. J’décroche des sourires et des cris, j’recherche des souvenirs, pas d’l’estime. J’fais des chansons, c’est pas d’la magie, c’est juste un moyen pour qu’j’existe ».
Je me téléporte dans ma ville natale pour respirer le brouillard de l’hiver, en cherchant la chaleur de mes proches. Deux ans plus tard, on découvre « Prochaine fois ». Là, on se situe dans la suite logique de « Réalité Rap Musique ». On écoute alors : « J’ai grandi, j’arrive enfin à pleurer. Il est loin mais il est toujours au fond d’moi, le petit garçon qui parle apeuré. J’louperai jamais plus une occasion d’applaudir. A la fin on se rappellera surtout d’ton sourire. J’mélange les meilleurs moments avec tes rêves. C’est comme ça qu’on fait un souvenir ».
Quant au titre « Chaque jour un peu plus », il rédige : « C’est marrant, depuis que t’es partie, je t’aime chaque jour un peu plus ». En 2019, quand je perds la personne que j’aime le plus, je ne prévois pas à quel point ma vie changera de A à Z. La phrase de l’artiste me rappelle cette période. Elle confirme une idée portée au cœur… chaque personne rencontrée, décédée ou disparue, apporte son grain de sable pour soutenir l’édifice de nos vies.
Comme le dit si bien le trentenaire, les problèmes, il faut les accueillir. Le malheur, on l’encule.
James Gunn laisse une belle trilogie à Marvel. Le papa des Gardiens de la Galaxie est nommé co-PDG de DC, l’écurie d’en face, en 2022 ! Ensuite, l’artiste est destiné à réaliser Superman. Est-ce une réussite éclipsant les merdes et échecs du studio DC ? Trêve de suspense, le long métrage est réussi. Son auteur est l’homme de la situation.
Superman apparaît comme une œuvre solaire, accessible aux passionnés de science-fiction, comme aux ados les plus rêveurs. Clark Kent ne se définit pas comme un golmon, saccageant chaque coin et recoin des décors. Il sauve tout le monde, de l’enfant à l’écureuil.
Puis, il ne s’agit pas d’éteindre son cerveau devant ce perso culte. Le cinéaste prouve encore que divertissement n’est pas synonyme d’abrutissement. Dénoncer la course à l’armement. Critiquer les médias. Interroger nos racines et notre place sur Terre. Résumer Superman à un incessant bimboumbam est une idée bas-de-plafond.
Dès les premières images dévoilées, nous voici dans le vif du sujet. L’Homme de Fer gît au sol, ensanglanté, affaibli. Pour quelle raison ? Lex Luthor hait notre héros. Il envoie le Marteau de Boravie le battre.
Foutu Luthor, fusion parfaite entre Daniel Ek et Elon Musk. Il symbolise l’horrifique marché des armes. Son influence est telle, qu’il tutoie les dirigeants de la nation. Un parallèle avec notre passé n’est pas inapproprié. N’oublions pas le caractère odieux des industriels américains, durant la Seconde Guerre mondiale… oui, les amerlocs fournissaient les nazis pour tuer des soldats américains. Revenons à Lex. Ce multimilliardaire conjugue envie, colère et orgueil. Il est prêt à détruire le protecteur de Métropolis, coûte que coûte. Lois Lane, Krypto, la Justice Gang, devront alors s’allier pour affronter des forces machiavéliques.
Qu’en est-il de Clark ? Abat-il les menaces tel un mortel candide, omnipotent et prévisible ? Pas du tout ! Le metteur en scène le caractérise comme pur et sincère dans L’Ecran Fantastique (n°40, 2025). A la lecture du même magazine, David Corenswet, acteur principal, décrit précisément son rôle.
Même si Superman est très fort émotionnellement et mentalement, et qu’il est coriace lorsqu’il relève lui-même des défis physiques, il lutte aussi contre des angoisses que tous les êtres humains éprouvent, comme la peur et l’anxiété de perdre les personnes qu’on aime. […] Superman redoute de ne pas pouvoir s’intégrer parfaitement à notre société, et de rester un être à part, n’ayant pas accès à toutes les expériences personnelles que les autres humains peuvent vivre.
Le protagoniste n’a pas besoin d’être politisé. Ses décisions dépendent de ses valeurs profondes. Il fonctionne à l’instinct. Impossible de se laisser faire. La mort d’innocents lui est inconcevable. Ne confondons pas sa bonté à la naïveté – même si d’autres personnages l’accusent d’accorder une confiance hors-norme à tout un chacun –. Enfin, sa bienveillance ne provient pas de nulle part. James Gunn l’affirme lors d’une interview pour L’Ecran Fantastique (n°40, 2025).
Il ne faut pas oublier qu’il est un étranger sur notre planète, et qu’il a découvert très tôt le meilleur de la bonté terrienne […] Il n’est ni naïf ni idiot, mais il a choisi une fois pour toutes de considérer les humains avec bienveillance.
Quant à la réalisation, elle me rappelle à quel point j’aime me plonger dans l’univers DC, ou plutôt, dans les bédés aux récits déjantés. Superman pouvait s’illustrer comme un golem, moralisateur et insipide. Heureusement, le film transmet une message sain, la philosophie du surhomme : sauver une vie équivaut à sauver l’humanité.
On fête 10 ans ! Bruno présente Je Crie C’est La Musique chez Revers. Puis, il cite sa définition du journalisme et des souvenirs mémorables, oui. Bonne écoute !
Vous rêvez d’aller au Japon ? Mais comme moi, vous n’avez pas un rond ? On a LA solution ! La Cité Ardente regorge d’endroits où, le temps d’un instant, vous serez téléportés dans vos mangas ou animés favoris. Bienvenue dans notre tour, au Pays du Soleil Levant made in Liège.
Nos rêves se réalisent parfois grâce à des personnes ayant l’audace de réaliser les leurs.
Il y a cinq ans, je me baladais sur les réseaux sociaux lorsque, soudain, mon œil fut attiré par une nouvelle folle… un manga café venait d’ouvrir ses portes. Je n’en revenais pas. Un de mes rêves s’était réalisé : un endroit où ma passion prenait vie, venait de naître.
En 2020, Mehdi et Abdelmajid ouvrent un manga café : L’Ōtakafé. Une capsule japonaise voit ainsi le jour, pour notre plus grand bonheur, au 34 rue de la Régence.
Aujourd’hui, leur institution fait toujours battre ardemment le cœur des Liégeois.
Notre motivation est de donner la sensation de voyager sans quitter Liège ! Lorsqu’on rappelle à quelqu’un son voyage au Japon, c’est magnifique !
Mehdi
Pari plus que réussi.
La première pièce vous accueille dans une ambiance boisée, feutrée, presque méditative, faisant écho au côté traditionnel du Japon. La dernière salle, quant à elle, plonge directement dans un manga. 900 planches ont été assemblées pour former un tout percutant et émouvant, rappelant les meilleures séquences de vos shōjo, shōnen et seinen préférés ! Le choix des planches ne s’est pas fait uniquement entre les deux propriétaires : ils ont demandé des avis pour être certains de représenter au mieux la diversité des goûts présents, au sein de leur future clientèle.
En plus d’être immergé dans cet univers, vous aurez l’occasion de vivre mille émotions… culinaires ! J’ai eu la chance de goûter leurs melonpans, onigarazus, mochis et délicieux thés. Une fringale vous prend ? N’hésitez plus, vous savez où aller !
D’ailleurs, si Mehdi avait une machine inter-univers, où les personnages de nos animés préférés pouvaient lui rendre visite, il souhaiterait voir Luffy débarquer, pour son côté bon vivant et drôle. Mais il aimerait aussi que Mugen, de Samurai Champloo, passionné de dango, vienne goûter ceux qu’ils préparent pour qu’ensuite, il donne son avis. –Je ne doute pas qu’il en serait fier ! –.
Mais le Japon, ce n’est pas que les mangas et les animés… qu’est-ce qui touche le plus Mehdi dans cette culture ?
La mentalité Bushido qui signifie « la voie du guerrier». C’est un code d’honneur, un code martial samouraï : justice, courage, bienveillance… c’est comme la mentalité shōnen. C’est mon leitmotiv !
Et je peux vous confirmer que Mehdi et Abdelmajid incarnent cette mentalité avec force et justesse ! Leur initiative coche toutes les cases : un endroit merveilleux, des mets succulents, et surtout, un accueil généreux, rempli de sourires.
Vous savez ce qu’il vous reste à faire : foncez à L’Ōtakafé, dès que vous en avez l’occasion. Et… on me souffle dans l’oreillette qu’ils vont déménager dans un lieu encore plus fabuleux. Suivez leur aventure de près, ça promet !
Francesco Faraci personnifie Palerme. En 2013, après des études d’anthropologie, il découvre la photographie comme moyen d’expression. Dernièrement, il publie Palermo Madre. Il s’agit bien plus qu’une lecture. L’artiste souhaite créer des liens sociaux, un désir impérissable !
Avant de parler du livre, je voulais simplement savoir ce qui te fascine le plus à Palerme.
En réalité, ce qui me fascine le plus à Palerme, c’est la vraie Palerme, disons, celle qui est féroce, extrêmement humaine. Celle que tu touches, où tu ressens cette part de vérité toujours plus circonscrite aux zones, en somme, marginales, périphériques, un peu en dehors du tissu central de la ville. Malheureusement, Palerme est en train de se transformer en une sorte de Disneyland, pleine de touristes par milliers. Ce qui, pour certains, peut être une bonne chose et, pour ceux qui y vivent, c’est moins bon, voilà, disons-le ainsi, parce que tout augmente, tout est en désordre. Non pas que Palerme n’ait pas déjà été en désordre d’elle-même, essentiellement, c’est un désordre qui s’alimente de manière incroyable et donc, je ne veux pas dire de vilaines choses. Mais c’est comme si elle portait un beau costume, alors qu’elle s’habille mal aux coins des rues, dans les ruelles, dans les quartiers, justement, un peu en dehors de la ville, un peu plus isolés. Là-bas se cache la Palerme, la vraie, la véridique, la forte, celle qui est aussi sale, si tu veux. C’est celle qui m’a toujours fasciné, depuis toujours.
Moi, j’ai grandi dans un quartier un peu en dehors du centre, donc, d’une certaine manière, c’était un retour à ces origines, à cette vie vraiment dans la rue, à ces jeunes, à ces quartiers un peu abandonnés, mais qui cachent une humanité incroyable que peu de gens voient. C’est-à-dire que ce sont des lieux, où de toute façon, tu dois aller parce que tu as une raison d’y aller, sinon tu ne peux pas y aller, mais ce serait un peu comme visiter un zoo. Bref, c’est une des choses que je n’aime pas. Quoi qu’il arrive, Palerme est une ville qui réussit à me surprendre, pour le meilleur et le pire. Pendant de nombreuses années, je l’ai détestée. Elle m’étouffait. Je voulais fuir, je voulais partir loin, le plus loin possible. J’avais vraiment une très mauvaise relation avec elle. Ensuite, en comprenant qu’à travers un appareil photo je pouvais raconter ce que je voyais, mais aussi me raconter, parce que la photographie est aussi une autobiographie au fond, je me suis mis à photographier. Photographier ce que j’ai vécu quand j’étais jeune, c’est ce que je porte encore en moi, comme une cicatrice, comme de beaux souvenirs, comme des douleurs et comme de la beauté. Cette nostalgie est aussi romantique. Voilà ce qui me fascine à Palerme. C’est cette propension à changer, mais à changer lentement, comme semblant figée dans un temps qui n’existe plus, et qui pourtant, la rend extrêmement fascinante. Certaines façons de vivre, certaines situations, certains lieux semblent figés dans un temps qui, justement, n’existe plus. Cette chose me fascine énormément parce qu’à l’intérieur, on arrive encore à ressentir un peu de vérité.
Mais alors, que manque-t-il vraiment à Palerme pour n’être plus un zoo ?
Il manque un peu de perspective. Un peu de mémoire aussi, probablement, parce que malheureusement, c’est aussi un problème de l’Italie d’avoir la mémoire courte, d’oublier vite les choses qui ne vont pas et de les réitérer la plupart du temps. Donc, je crois qu’il manque un peu d’espoir pour l’avenir, parce que l’espoir ne peut pas être seulement le tourisme. Je me souviens, quand il n’y avait pas encore ce boom incroyable de touristes et qu’on affirmait : « Ah, Palerme et la Sicile pourraient vivre seulement du tourisme ». Ce qui pouvait être vrai. Pensons à Palerme, Florence, Rome, Milan ou Bologne. Si vivre du tourisme doit rendre les villes pratiquement invivables, alors peut-être qu’il nous faut un peu plus de perspective. Penser l’avenir d’une manière différente, plus lente, plus essentielle, plus vraie, d’une certaine manière. C’est peut-être ce qui manque à Palerme pour s’émanciper complètement, ce qui n’est finalement rien d’autre que de la culture. Malheureusement, cela fait un peu défaut. Les gens lisent de moins en moins. On regarde de moins en moins autour de soi et on regarde de moins en moins les courants actuels. Il faudrait un peu plus de perspective, un peu plus le désir d’un avenir différent.
Désormais, parlons de ton nouveau livre. Quel est l’objectif de Palermo Madre ? Y a-t-il un message à transmettre ?
Le discours propre au message est assez glissant. Parfois, on a l’impression que l’on doit se transformer en une sorte de gourou, non ? Ou porteur de je ne sais quelles requêtes particulières. Mon livre, et plus généralement les photographies qui finissent dans le livre, sont avant tout un acte d’amour envers cette partie de la ville dont je parlais plus tôt, la plus vraie, la plus réelle, celle qui stimule. Puis, il y a aussi la volonté, bien sûr, de mettre en lumière certains quartiers, certaines zones, certains contextes qui sont malheureusement victimes de préjugés, de lieux communs qui, pour la plupart, sont aussi vrais, telles que la criminalité ou, plus précisément, la mafia. Cependant, je souhaitais que le livre et mes photos transmettent un message précis. Tout n’est pas criminalité, tout n’est pas mafia. On contemple des environnements profondément humains et potentiellement très ouverts à la rencontre avec les autres. Bien sûr, il y a toujours une sorte de méfiance. Il y a toujours, au début, la nécessité de créer une relation, un lien, d’acquérir leur confiance et d’avoir confiance en eux. Il faut revenir à regarder sans trop de superstructures, sans trop de préjugés. Revenir à rencontrer les gens et ne pas essayer de les étiqueter. Ces personnes sont souvent étiquetées comme les derniers de la société, voire marginalisées. Néanmoins, on ne parvient pas à aller un peu au-delà, et donc, à considérer ces personnes pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire, ni plus ni moins que des êtres humains comme tout le monde. Que quelqu’un ait ses propres casseroles, que quelqu’un ait un passé compliqué, il y en a des centaines qui ont un passé compliqué… mais il y a aussi l’envie de se racheter, il y a aussi l’envie d’un avenir, il y a aussi l’envie de s’ouvrir, d’une certaine manière. C’est un espoir que je ne dirais pas vain, mais qui a certainement un effet très lent. Bref, j’espère que, d’une manière ou d’une autre, ce type de message pourra atteindre quelqu’un.
Ton livre capture un certain moment de l’histoire. Il capture cette atmosphère de la Sicile, c’est une belle réussite, un beau succès.
Oui. Au final, c’est beau de pouvoir voir un peu de poésie dans certains lieux. C’est beau de pouvoir trouver la beauté, là où il semble n’y avoir absolument rien. C’est pourquoi, mon invitation est de regarder avec ses propres yeux. La beauté existe réellement. Il y a aussi de la poésie et férocité. On peut imaginer cela pour n’importe quel quartier, en somme, pour n’importe quelle ville du monde. Je propose une invitation à ralentir, à mieux regarder.
Le livre s’ouvre et se ferme sur un enfant. C’était important d’avoir cette logique, ce fil rouge.
Je te le dis sincèrement, je n’y avais pas pensé. Effectivement, il s’ouvre et se ferme sur un enfant. Mais oui, dans ma vie, les enfants, les jeunes, jouent un rôle fondamental. J’aime être au milieu des plus jeunes. J’aime aussi m’occuper d’eux et ça m’arrive souvent. J’ai une sorte de vocation à la paternité. Et donc, pour moi, chaque enfant que je rencontre et avec qui je noue une relation, c’est comme s’il était mon fils. Je le traite et j’essaie de le faire un peu grandir. Ensuite, je me rends compte que je grandis bien plus. Probablement pour une bonne raison. J’enseigne et au final, ce sont les enfants qui t’enseignent quelque chose. Oui, j’aime côtoyer les enfants vu que le monde des adultes n’est pas toujours beau. Alors que celui des enfants et des ados, à certains égards, ne l’est pas toujours, mais à certains égards, demeure innocent. On y décèle encore un regard pur. Un regard qui peut être canalisé vers quelque chose de constructif, de vrai. C’est peut-être pour cela qu’il y a toujours beaucoup d’enfants dans mes photographies. On ne parle pas de photos à réaliser car elles fonctionnent auprès du public. J’ai toujours été en dehors des modes.
Ce discours est cohérent avec ta volonté de garder espoir. La jeunesse est l’espoir.
Absolument. Tu sais, aujourd’hui, quand on parle d’espoir, on dirait qu’on cite une utopie. Comme si notre monde n’était certainement pas le meilleur monde où vivre, comme s’il y avait toujours plus de résignation et colère. En réalité, ce n’est pas le cas. Il suffit de faire mieux. Il suffit de faire un pas de plus vers les autres. Il suffit de s’ouvrir un peu plus aux autres, et éventuellement, l’espoir te vient, en te disant : « Putain, alors un avenir est possible ». Pourquoi attendre nécessairement l’extinction ? Pendant que nous attendons l’extinction, nous pouvons faire quelque chose de beau, non ? On peut se lâcher et s’adonner à la poésie. Nous ne devons pas céder à la tristesse, à la mélancolie. Nous ne devons pas penser que tout est moche. Je refuse absolument de le penser. Je sais que ce n’est pas le cas, parce qu’il suffit de sortir. Il suffit de s’arrêter un instant, quelque part, pour comprendre que tout n’est pas moche. Parfois, nous méritons l’extinction. En attendant, ce serait beau d’échanger un câlin, ce serait beau d’échanger de belles paroles, de sourire à quelqu’un. Pour moi, c’est ça la poésie, ni plus ni moins. C’est le sourire d’un enfant. Je n’ai pas besoin de chercher bien plus, quand un sourire, un câlin et une caresse sont des gestes très puissants.
Puis, dans notre société, si nous comprenons que diviser ne mène à rien, à ce moment-là, nous avons déjà fait un énorme pas en avant.
Je suis d’accord.
Quand je vois tes photos, je vois des personnages qui semblent vraiment naturels. Elles dégagent une ambiance mystique.
Je suis souvent le premier à être étonné des choses auxquelles j’assiste, mais tout cela a une origine bien précise. J’arrive à assister à ce genre de scènes parce que je vis pratiquement dans ces lieux. J’y passe beaucoup de temps, je passe beaucoup de temps avec les habitants. Je tisse de nombreuses relations. D’ailleurs, certaines sont très profondes. Elles perdurent dans le temps. Je ne suis pas le photographe, je suis Francesco qui est avec eux. Je suis Francesco qui arrive l’après-midi, joue avec les enfants et les emmène au parc, mange une glace et s’assied pour discuter avec les mères. C’est bien aussi de sortir un moment de son rôle de photographe et de se mettre aussi à la disposition des autres. Je suis une personne très, très ouverte, toujours très disposée. Cette proximité avec les personnes me permet de les vivre en profondeur, de ne pas rester en surface, mais de descendre un peu plus bas, de recueillir leurs histoires, confidences et craintes. Je finis par me confier à eux. Ce lien profond me pousse à faire ce genre de photographies. Sans ce type d’approche, je ne pourrais pas faire ces photos. Si je ne vivais pas comme eux, si je n’étais pas comme eux dans cet espace-temps, je ne pourrais pas en faire. Une magie se crée alors, mais je ne la crée pas, c’est la relation qui existe entre moi et les sujets que je photographie, ou en tout cas, avec tout ce qui les entoure, parce que les gens savent exactement qui je suis, savent exactement ce que je fais, donc ils n’ont pas peur. Au contraire, ils se sentent très libres de s’exprimer naturellement et cette spontanéité, je la retranscris ensuite, clairement, dans mes photographies. Des fois, je m’étonne : « Je suis vraiment en train de regarder ça ? ». C’est un privilège de pouvoir assister à la vie réelle des personnes. C’est un grand privilège qui n’est pas acquis parce que ces photos sont disponibles uniquement grâce aux gens.
Je suis un grand passionné de journalisme. Tes paroles me rappellent qu’il faut parfois créer un lien entre les personnes impliquées dans un reportage. Quant aux photos, elles ont une importance car tu n’as pas le droit de fausser la réalité, en tant que journaliste. T’es-tu déjà demandé : « Je ne publie pas cette photo. Elle va fausser la réalité » ?
Il m’est déjà arrivé de ne pas publier des images qui étaient vraiment trop fortes et qui auraient sûrement provoqué des malentendus. Par exemple, je ne sais pas si en feuilletant le livre, tu es tombé sur la photo de cette fille qui tient dans ses mains le cercueil son fils. En fait, cette photographie en cache beaucoup d’autres, beaucoup plus crues. Il y aurait sûrement eu un désordre, en la publiant. Et ce n’est pas que je veuille l’éviter, c’est qu’il y a une éthique, non ? Montrer la photo d’un enfant de 45 jours, mort, juste pour le plaisir de vendre le livre, le rendre plus sexy, c’est non. C’est quelque chose que je ne veux pas faire, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune raison de faire une chose pareille. Par conséquent, oui, il m’arrive d’éviter de publier des photos, mais seulement quand ce n’est pas juste.
Dans ton livre, je lis cette phrase : « Le Sud n’est pas un lieu exotique, c’est de la chair vive, une terre qui brûle, une mère accueillante et repoussante ». Mais aussi : « C’est un péché mortel de réduire cette mère complexe à un simple objet de regards superficiels ou désintéressés ». Tes photos servent aussi à rappeler que le Sud de l’Italie ne doit pas être abandonné par les Italiens.
Oui, absolument. C’est une chose qui me tient à cœur car j’aime la Méditerranée. Le Sud peut apporter beaucoup au reste de l’Italie. Or, le Sud est perçu comme une terre exotique, comme une destination exclusivement touristique, comme un endroit à piller et non à conserver ou à cultiver. J’espère qu’à travers les photographies, on se rende compte que le Sud est justement de la chair vive. En d’autres mots, ce n’est pas une chose inerte, une langue morte, un lieu abandonné. Ce n’est pas un lieu, où l’on arrive pour regarder la mer, bien manger, profiter du soleil. Non, ça ne peut pas être seulement ça. Le regard exotique porté sur le Sud n’a pas de sens. Le Sud fait partie de l’Italie, d’ailleurs. Il n’y a aucune ligne de démarcation. Il y a une culture millénaire et des influences de toutes sortes. C’est la Méditerranée pure. Ça vaut la peine de s’y plonger un peu plus.
Il est temps de faire fonctionner ton imagination. Durant la nuit du 10 février, la justice et les carabiniers ont lancé une opération anti-mafia en Sicile. 1200 carabiniers ont été mobilisés et 18 personnes ont été arrêtées. Sachant cela et en tant qu’artiste, peux-tu compléter la fin de ma phrase ? « La Sicile changera et deviendra… ».
Magnifique. On l’espère. (grand sourire) On l’espère magnifique. J’aime espérer que nous pourrons vraiment devenir magnifiques, mais d’une beauté qui n’a rien de matériel. D’une beauté profonde et spirituelle. D’une beauté qui aille de pair avec la poésie. Je suis un grand passionné de poésie. Je la cherche, parfois, je l’écris. Je la cherche énormément parce que je crois que nous avons tous un besoin d’avoir cette magie en plus, n’est-ce pas ? Rechercher ce côté de la vie plutôt magique, surréaliste, difficile. Tout ne doit pas être forcément beau, au sens esthétique. Il peut y avoir de la beauté dans chaque coin, dans chaque personne, même dans la plus laide des personnes. Ça vaut la peine de chercher cette étincelle de poésie. Je suis sûr, et je le sais avec certitude, qu’elle existe et qu’elle se manifeste parfois sous des formes étranges.
Nous pouvons atteindre ce degré de beauté. Cela dépend clairement de chacun de nous. C’est à chacun de nous de ne pas s’enfermer, de faire sa part, de vivre le plus d’expériences possibles. Les expériences te forment, changent, modifient. Elles te font changer de point de vue sur les choses, qu’elles soient confortables ou douloureuses. Tentons de se laisser traverser, sans trop penser aux préjugés, aux lieux communs. Tentons d’accueillir les nouvelles expériences. Qui sait ? Peut-être que nous deviendrons plus beaux que nous ne le sommes. Moi, je vis d’espoir, comme tu l’auras compris.
La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actu rock de la plus douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist ! Ce numéro est dédié à l’Italie.
Umberto Maria Giardini
Umberto Maria Giardini. Ce guitariste prouve, rien qu’en écoutant sa discographie, qu’il est doté d’une belle créativité. « DIO COME ALIBI » est sorti, il y a presque un an. Petit rattrapage pour un titre à savourer dans les bois.
Etta
La terra non è tonda, fra’, è una piattaforma streaming. Ricette lente e finte bombe sui bambini. Video di gattini. Se non ti piace basta che skippi, easy.
Salmo
Salmo est probablement le meilleur rappeur italien. RANCH, son nouvel opus, est la preuve d’un artiste qui aime l’amour de la musique. Ça signifie quoi ? Salmo est prêt à te faire danser et réfléchir. Il est déterminé à te larguer sur la planète hiphopraprock.
Quand on devient sensible, à l’instant où on aimerait s’exprimer sur soi et son cerveau… mettre des mots sur ses émotions est salvateur. Ensuite, la vie serait plus simple à vivre ? Réponses exclusives d’un groupe d’Angers.
FRAGILE dévoilera son premier album le 7 novembre 2025 chez Le Cèpe Records. Le groupe capte l’attention grâce à ses sonorités à la fois punk et shoegaze. Bref, on plane, tout en brisant du parpaing ! La bande dévoile un premier mini-album, …About Going Home, en 2023. Sont alors abordés les thèmes propre à la fragilité de la santé mentale. Etait-ce une épreuve d’en parler ? FRAGILE développe sa réponse.
Avec le recul, je ne sais pas vraiment si c’était difficile. Peut-être que mon esprit a omis des choses, mais sur le moment, ça paraissait surtout crucial et nécessaire. On a composé cet EP dans une période assez sombre d’un point de vue personnel, mais également, d’un point de vue global. C’était la période covid, du confinement, etc. Comme beaucoup de monde, on était un peu perdus à ce moment-là. On s’est donc raccroché à ce qu’on avait de plus concret, qui faisait encore sens, peu importe tout ce qui se passait autour : notre amitié. C’est de là que découlent ces 8 titres, c’est la base de tout, de la musique comme des textes. Quand on se sent en sécurité, se livrer n’est plus un problème. On se rend compte que nos peurs profondes, nos doutes font écho à ceux des autres, plus ou moins, bien sûr. Mais il y a quelque chose d’universel. Alors pourquoi les porter chacun de notre côté ?
Notre société ne cesse d’évoluer. Les hommes savent et peuvent pleurer. Le fameux cliché des bonhommes froids, forts et distants est bien loin derrière nous. Une dernière question est à poser. Au final, s’exprimer au sujet de ses émotions, ça s’apprend ou pas ?
Je pense surtout que ça se débloque. Pour ma part ça a déjà été un long cheminement personnel, accompagné par des rencontres, livres, chansons… cela n’a pu se concrétiser que grâce à ce lien qu’on à instauré entre nous. C’est une question d’équilibre entre soi et les autres.
Notre époque est chaotique. Pour s’évader, il faut rechercher le bruit. Pas n’importe quel bruit. Des groupes offrent qualité et brutalité, en quelques notes !
Simone Panetti
La scène artistique italienne est si riche. Ça ne date pas d’hier. Renato Zero en est la preuve, à lui seul. Le chanteur est extravagant et envoutant. Aujourd’hui, d’autres sacrés personnages explosent l’écran, pensons à Salmo ou Caparezza. Simone Panetti s’inscrit dans cette liste d’artiste plutôt unique. Le Romain souhaitait jouer comme IDLES, sur ses terres. Le résultat est plutôt réussi. Son nouvel album, Tombino, est vraiment un grand cru de rage, ironie et malaise.
The Flying Bones
Vacarme. Fuzz. Sombrero. Bienvenue dans l’univers de Flying Bones. Le duo partage une bonne ambiance, en n’oubliant pas de faire hurler leur instrument.
BEASTS
Comment qualifier la musique de BEASTS ? Punk, noise, rap et de doom ? Oui, mais ! Le premier projet solo d’Antoine Romeo entre dans la peau, grâce à une basse et un chant ultra créatifs. Sa philosophie est claire. Sa musique est non jetable ! Pour écouter son disque, The Shearing, la seule plateforme d’écoute ➡️ la voici. Alors, on peut y poser toutes les étiquettes qu’on veut, finalement, « coup de canif jouissif », tel est le meilleur qualificatif concernant BEASTS !
PANDEMONIUM. Dernier album en date d’un fameux farceur. Je salue Vald. Je salue l’écriture de l’artiste. Par contre, je n’accroche pas aux instrus de son nouveau disque. Les angles abordés, comme les médocs, l’autodestruction, les saintes phrases d’une mère, sont puissants mais difficilement mis en valeur. Quel gâchis. Croyez-vous aux épiphanies ? Juste après la sortie de son cinquième album, Vald partage une surprise. Sa démarche n’est pas piquée des hannetons. Vladimir Cauchemar et Todiefor charbonnent ensemble pour livrer des inédits et une version remixée du dernier opus du V, PANDEMONIUMRELOADED !
Alors là, c’est oui ! Oui, oui, oui – big up à Lepers –. Pourquoi transmettre un tel enthousiasme ? L’initiative ne date pas d’hier. Jovanotti, The Cure, Foals sont aussi des adeptes de l’exercice, mais là, il fallait absolument écouter le résultat. On parle d’un rappeur prêt à séduire un autre public. L’electro est un style de musique passionnant.
Balayons des questionnements concernant PANDEMONIUMRELOADED.
Avons-nous affaire à des instrus de gros drogués, une musique composée pour les personnes prêtes à s’immoler au Festival de Dour ? Oui et non. Certains passages sont plus brutaux que d’autres. Cependant, ne résumons pas le projet à une expérience éprouvante.
Les remix sont donc soutenables pour de petites oreilles ? Oui. D’ailleurs, Vald doit sûrement envoyer du pâté, en testant les mélodies, une fois sur scène.
La durée d’écoute est trop longue ? Pas du tout. Ça part sur plusieurs variantes de l’electro. Par conséquent, les mélomanes auront envie d’en écouter toujours plus.
Faut-il comparer Vald au fou du roi ? Allons plus loin. Il est également spinoziste. Citons le philosophe, encore une fois. D’après Baruch Spinoza, le vrai bien repose sur l’extension de la puissance de connaître. En d’autres mots, vivre en suivant la raison est ce qu’il y a de plus utile. Certes, Valentin considère l’intelligence artificielle comme un artiste à part entière… je le pardonne. Pourquoi ? Le gaillard réinvente son univers musical. Et son écriture est enfin honorée. Il critique la surpopulation, le rap, la médecine, mais aussi, ses vices. Il vaut mieux savoir ce qu’on défend et préserve, avant de clasher le premier venu. Merci Vald !