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Le meilleur anime de baston est…

Actuellement, on atteint des niveaux impressionnants, en termes d’animation. Certes, Demon Slayer, L’Attaque des Titans, Jujutsu Kaisen marquent la rétine, ces dernières années. Pensez à leurs scènes de tension. Naruto demeure tout de même le meilleur anime de bagarre.

Ordre vs chaos

Quatrième Grande Guerre. Ninjas désemparés, enragés ou de nouveau à la vie. Voici le dernier arc de l’œuvre. Bien sûr, il ne sera pas retenu comme le plus incroyable (final raté + personnages souvent bâclés). Néanmoins, les combats de cette partie ne passent pas inaperçus. Vient alors un duel assez attendu : Kakashi se fritant à Obito. Ordre et chaos. Mesure contre démesure. L’histoire d’une amitié brisée. Elodie Verheyden, animatrice chez Camera-etc, décrit la beauté de la scène.

Nous sommes à un point de la série, bien après le combat entre Naruto et Pain. Les animateurs se sont retenus, cette fois. Il n’y a plus l’animation de l’extrême, composée de ralentis ou d’accélérés. Ils se sont nourris des critiques qu’on leur adressait. Là, tout est clair et lisible. Ils y ont mis l’argent. Il y a très peu d’arrêt et le combat est super bien chorégraphié.
J’aurais aimé voir plus de déformation. On ne sent pas la force des coups. Les animateurs auraient pu réaliser des séquences plus violentes.

Altruisme vs égoïsme

Une bagarre marque une génération, les enfants des années 2000. Naruto versus Sasuke. L’altruisme pur contre l’égoïsme dur. Un nouveau chapitre s’affiche devant nos yeux. Deux enfants, vivant deux solitudes différentes. L’un est souhaitant devenir chef du village, même après les moqueries subies. L’autre s’éloigne du village, afin d’assouvir sa soif de vengeance. Les voici prêts à s’arracher la face. L’animation si dynamique de ce passage n’a pas pris une ride. Elodie l’affirme sans hésitation.

Les animations en 2D, dessinées à la main, vieillissent très lentement. Contrairement à la 3D, une technique vieillissant très mal. Ici, les enfants bougent bien. Quand on regarde ça aujourd’hui, on contemple une animation toujours aussi bien rythmée.
Quand cette séquence apparait au Japon, on voit arriver une nouvelle génération d’animateurs. Ils posent les codes quant aux mouvements, au rythme, sans avoir peur de tester. Ils vont inspirer les futurs animateurs de la série. Ces mêmes personnes vont s’occuper de l’affrontement entre Pain et Naruto.

Rien n’est gratuit. Surtout pas le sang et les larmes. Masashi Kishimoto est un excellent scénariste, malgré son manga qui se termine en queue de boudin. Naruto livre réflexions et émotions !

brunoaleas – Illustrations ©Masashi Kishimoto

Bernard Beets Interview

De ses premiers émois cinéphiles devant les dessins animés, de son enfance à son rôle de monteur attitré des réalisateurs Hélène Cattet et Bruno Forzani, Bernard Beets retrace un parcours singulier. Loin de l’image de la star, il a trouvé dans le montage une place à part, celle d’un artisan de l’ombre qui façonne la forme finale du film. C’est une histoire de rencontres, de projets fauchés mais inventifs, et d’une fidélité artistique construite sur plus d’une décennie.
Pour Reflet dans un diamant mort, il décortique une méthode de travail unique, où l’idée d’un James Bond devient le prétexte à une relecture des codes du genre, où la matière brute prime sur le scénario.

Pierre : J’ai lu que vous aviez monté ce film de manière entièrement muette. Est-ce une pratique courante ou une méthode spécifique à votre équipe ?

Pour des raisons d’économie, ils ont toujours travaillé comme ça. Leur premier court-métrage était fait de diapos, donc, tout le son a été recréé. L’expérience leur a plu. Les premiers films de Hélène Cattet et Bruno Forzani ne contenaient pas de dialogues. Sur les projets suivants, des dialogues sont apparus, mais même lorsque le son direct est enregistré, il est souvent refait en post-synchronisation. Bruno et Hélène sont extrêmement précis sur les intonations. Ils préfèrent passer une ou deux heures à refaire une voix pour obtenir exactement ce qu’ils veulent.
Cette méthode s’inspire beaucoup du cinéma italien, qui était entièrement postsynchronisé, notamment pour gérer des castings internationaux où chaque acteur jouait dans sa propre langue. Parfois, chez Fellini, un acteur comptait : « Un, deux, trois » et sa voix était doublée par un autre comédien. Bruno est très influencé par ce cinéma, donc, pour lui, cette approche n’est pas aberrante. De plus, le duo n’aime pas les dialogues explicatifs ; il préfère que le son apporte des nuances ou contrebalance l’image.
Travailler ainsi est devenu naturel pour moi. Je me concentre entièrement sur l’image et sur le rythme, qui est un élément capital dans leur travail. Et, même si cela peut paraître prétentieux, avec le temps, on finit par « entendre » le son. Tout ce qui, visuellement, implique un son, je finis par le percevoir. Je sais où une porte doit claquer, où un crissement de pneu doit intervenir. Je ne dis pas que c’est le son exact qui sera utilisé, mais il est intégré dans ma perception du rythme. Je le visualise ou, je ne sais pas comment dire, je « l’audioise ».

Pierre : Vous placez donc aussi la musique ? Ce n’est pas le monteur son qui s’en charge ?

Oui, je place la musique, car elle est fondamentale pour le rythme et le timing d’une séquence. On évite les effets trop faciles où les coupes coïncident parfaitement avec les beats musicaux, car cela perd vite de son impact. Sur ce film, le plus gros défi était la scène de bagarre dans le bar. Les réalisateurs avaient déjà une maquette avec une musique et cinq ou six points de synchronisation précis, où un mouvement devait correspondre à un moment musical. C’est un vrai casse-tête : il faut enlever ou ajouter des images une par une pour que tout s’aligne parfaitement entre deux points de synchro. C’est un travail de détail.

Pierre : Le montage est, au final, un travail de détail.

Avec eux, complètement. C’est notre façon de travailler dans des économies relativement réduites. J’ai souvent l’impression de faire du bricolage, de prendre des ciseaux et du ruban adhésif pour assembler des bouts de papier. Au début, ils étaient très control-freaks, mais avec le temps, ils ont appris à lâcher prise, même si tout se joue encore à l’image près. On a des séquences avec des plans de deux ou trois images. Pour une scène stroboscopique, par exemple, on doit expérimenter. Est-ce qu’on alterne deux plans ? Trois ? Avec quel rythme ? Tout est possible.
C’est fascinant de jouer à ce niveau de précision. Par exemple, pour rendre un dialogue plus dynamique, on peut enlever quelques images entre deux répliques. Parfois, une simple coupe, qui paraîtrait brutale, passe miraculeusement bien dans le flux. En enlevant une image au cœur d’un mouvement, on peut l’accélérer et lui donner plus d’impact, un peu comme les gestes de Bruce Lee qui sont à peine visibles.

Pierre : Communiquez-vous avec le monteur son ?

Constamment. Avec eux, le travail ne s’arrête pas au dernier jour de montage. Le monteur son est aussi un ami, et nous sommes en dialogue permanent. Parfois, un son qu’il crée modifie légèrement le rythme que j’avais imaginé, et nous devons réajuster en enlevant quelques images. Ce sont des allers-retours constants pour maintenir une synchronisation parfaite. Sur ce film, je n’avais pas tous les plans d’effets spéciaux, au début. Je les intégrais au fur et à mesure pendant que le monteur son travaillait, parfois depuis sa cuisine, pour lui fournir une version à jour en temps réel.

Pierre : Que préférez-vous dans le métier de monteur ?

Voir les choses prendre forme. Vous avez des éléments séparés, et une fois assemblés, quelque chose naît. Le moment le plus grisant, c’est quand on trouve la bonne musique pour une scène. Parfois, la musique prévue ne fonctionne pas. On cherche, on essaie plusieurs options, et soudain, on en place une et la séquence décolle de dix crans. On a les poils qui se hérissent. C’est formidable. J’aime aussi le calme, le fait de travailler seul dans mon coin. Un plateau de tournage, avec tous ces gens, c’est insupportable pour moi. Je ne sais pas où me mettre, j’ai l’impression de déranger.

Pierre : Un film comme celui-ci, avec un montage si dynamique, demande combien de temps de travail ?

Théoriquement, nous avions trois mois. En général, je passe le premier mois seul pour assembler une première version. Ensuite, les réalisateurs arrivent, et nous utilisons cette base pour peaufiner chaque élément, comme de la pâte à modeler. 

Pierre : Avez-vous un film préféré ?

Il y en a trop, des centaines, et ça change tout le temps. Mon goût s’est élargi avec les années. À la base, j’étais porté par le cinéma américain, comme celui français, classique. Grâce à Bruno, j’ai découvert le cinéma de genre italien. Un autre ami m’a initié au cinéma expérimental. Ce sont des portes qui s’ouvrent. J’ai encore des blocages, comme avec le péplum. Mais dans chaque genre, on peut trouver des œuvres magnifiques.

Pierre : Revenons au montage. Vous avez sûrement l’impression qu’il s’accélère de nos jours pour répondre à une baisse de l’attention du public.

C’est évident. Le langage cinématographique évolue. Ce qui nécessitait une longue exposition hier, est communiquée en quelques plans aujourd’hui, car nous avons plus d’un siècle de cinéma derrière nous. Le rythme s’est accéléré, c’est certain. Il est influencé par la diminution de notre capacité de concentration. Mais cela peut aussi empêcher d’apprécier des œuvres plus lentes. Actuellement, nous sommes formatés par une certaine « narration Netflix« , où les scènes s’enchaînent sans ambiguïté. Tout est sur-expliqué et chaque scène doit contenir la même dose d’humour, d’action, etc. Souvent, je trouve ça très programmatique.

Bruno : J’ai commencé à m’intéresser au cinéma à l’âge de 18 ans. Aujourd’hui, après avoir bouffé des films français, italiens, japonais, coréens, canadiens, anglais ou américains, je me pose une question bien précise. Est-ce que le montage peut sauver un mauvais film ?

Sauver un film ? Non, je ne pense pas. Si un film est mal conçu et mal tourné, vous aurez beau choisir les meilleures prises au montage, le résultat ne sera pas bon. On peut tenter de restructurer, de laisser tomber des parties, mais ce sera un gros sparadrap. Un sparadrap de bonne qualité, peut-être, mais un sparadrap quand même. Le montage est une étape cruciale, mais on ne peut pas isoler un élément. Le travail des acteurs, la réalisation, le son… tout est interdépendant. On peut, par le montage, influencer la perception d’un acteur. Si on alterne des prises où il est joyeux et d’autres où il est fâché, sans logique, le spectateur ne pensera pas au monteur. Il dira que l’acteur est mauvais. Notre travail est une collaboration constante avec le réalisateur pour trouver la bonne prise, celle qui, même si elle est moins « bonne » isolément, fonctionne parfaitement dans l’enchaînement et sert la vision globale du film. C’est un canevas fermé, mais avec une grande liberté à l’intérieur.

Interview menée par Pierre Reynders & brunoaleas (2025)

La justesse de Florent Marchet

En 2023, je cite Arthur Teboul. Plus précisément, je souligne à quel point sa plume est remarquable. Sans oublier son envie de rendre la poésie accessible à tout le monde. Cette ambition mérite quelques applaudissements.

Comme vous pouvez le lire, le chanteur épate. Il performe également chez Feu! Chatterton, groupe brillant. Mais un autre artiste prend, haut la main, la place de meilleur auteur-compositeur francophone. Florent Marchet est un poète d’exception. Pourquoi ? Depuis 2004, le Berruyer ne cesse d’étudier la société au scalpel. Là où UssaR, Tim Dup ou Arthur Teboul, soignent une écriture plutôt onirique, Florent Marchet, lui, se colle souvent au réel.

Il critique alors l’idolâtrie (« L’idole »), dissèque les violences conjugales (« Comme il est beau »), imagine le futur (« Apollo 21 »), décrit le fléau du temps (« Notre jeunesse », « Benjamin »). Il dépeint avec précision nos quotidiens, qu’ils soient tragiques ou banals.

Son écriture rappelle l’univers de Hirokazu Kore-eda. Le cinéaste, connu pour avoir réalisé Nobody Knows (2004) et Une Affaire de Famille (2018), filme ses acteurs et paysages, tel un sociologue prêt à illustrer la vie des Japonais. L’artiste est d’autant plus talentueux vu qu’il n’inflige pas une once de manichéisme. Florent Marchet rejoint cette voie, en délivrant un vocabulaire spontané et populaire.

Sociomusicus. Attribuons cet adjectif au musicien ! Pour ce travail si sensible, si pointu, merci.

brunoaleas – Photo ©Marie Rouge

LA DURE A CUIRE #133

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la plus douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist !

Portugal. The Man

Portugal. The Man revient avec un titre brut. « V.I.S. » acte un fait indubitable. Les Américains sont toujours aussi rock !

Thomauro

Thomauro est un duo noise pop, franco-italien, basé à Grenoble. Bref, « Un pur bisous de moustique », comme décrit dans leur communiqué de presse !

Nilüfer Yanya

Il faudra bien écrire au sujet d’une artiste talentueuse. Ces dernières années, Nilüfer Yanya partage des perles. « Where to look » pourrait lasser à la première écoute, mais les divers effets des percussions, voix et guitares font de ce titre, une vraie expérience.

brunoaleas

Conclave

Le film Conclave (2024), réalisé par Edward Berger et adapté du roman éponyme de Robert Harris, est un thriller politique captivant, se déroulant au Vatican. Il met en scène Ralph Fiennes dans le rôle du cardinal Thomas Lawrence, doyen du Collège des cardinaux, chargé de superviser l’élection du nouveau pape à la suite du décès soudain du souverain pontife.

Alors que les cardinaux sont réunis en conclave, l’arrivée inattendue de Vincent Benitez, un missionnaire mexicain, récemment nommé cardinal en secret par le défunt pape, suscite la surprise. Au fil des délibérations, Lawrence découvre des scandales de corruption impliquant certains candidats, notamment des achats de votes, ce qui ébranle la confiance au sein du Collège.

La clé pour diriger l’Eglise

Le mot « conclave » vient du latin conclavum, qui signifie littéralement « pièce fermée à clé ». Ce mot est lui-même formé de « con » un préfixe latin signifiant « avec » ou « ensemble » et de « clavis » : signifiant « clé ».

A l’origine, aucun mode de scrutin n’était prévu pour l’élection du Saint-Père. Au Moyen-Âge, Après la mort du pape Clément IV en 1268, l’élection de son successeur dura près de trois ans, à Viterbe. Les cardinaux étaient indécis, et les factions divisées. Face à cette impasse, la population locale et les autorités en vinrent à enfermer les cardinaux, à réduire leurs rations de nourriture, voire à retirer le toit du palais pour accélérer leur décision.

Le pape Grégoire X, élu à l’issue de ce conclave chaotique, promulgua en 1274, lors du concile de Lyon IIj la bulle Ubi periculum. Ce texte établit formellement les règles du conclave.

Le Conclave est ainsi, d’une certaine façon, la clé pour diriger l’Eglise. En effet, ce scrutin permet d’élire le successeur de Saint-Pierre donc celui qui dirigera l’Eglise.

Le poids de la responsabilité

Dans le film, l’attitude du cardinal Thomas Lawrence (Ralph Fiennes) illustre parfaitement le caractère grave du Conclave. En tant que doyen des cardinaux, il est à la charge de la bonne tenue de l’élection. De ce fait, repose sur ses épaules, l’avenir de l’Eglise catholique.

Cette responsabilité, comme spectateur, nous la ressentons particulièrement dans la scène d’ouverture. En effet, dans cette dernière, le cardinal Lawrence est en train de se rendre vers les appartements du défunt Pape pour attester de son décès. Nous voyons successivement les scènes suivantes : le cardinal Lawrence de dos respirant fortement à l’instar d’une personne angoissée ; la caméra se fixe ensuite sur sa main qui sert fortement sa mallette et ses fortes respirations continuent ; dans l’ascenseur, il s’agrippe par la suite sur sa calotte ; son visage, très grave, apparait enfin sur l’écran.

Le spectateur pourrait être tenté d’attribuer ce stress à l’annonce du décès du Saint-Père. Mais, selon nous, la responsabilité d’être le garant de la bonne conduite du Conclave est la cause du stress qui l’habite dans les premières minutes du film.

Un choix politique ou spirituel ?

Le Conclave a la particularité d’être une investiture tant politique que spirituel. Edward Berger, à notre sens, s’est énormément concentré sur l’aspect politique, au détriment du spirituel. En effet, bien que le choix du Pape soit hautement politique, car il assure également le rôle de chef d’Etat, il demeure néanmoins la plus haute autorité de l’Eglise catholique.

La dimension religieuse transparait quand est mentionnée la lutte entre conservateurs et progressistes. Cependant, j’aurais aimé voir comment le fait religieux influence les cardinaux électeurs, lors des votes.

En effet, différents facteurs peuvent influencer les cardinaux dans leurs choix. Ceux mis en avant par le réalisateur sont intéressants, mais demeurent trop « temporels » et pas assez de l’ordre de la croyance. Par exemple, le cardinal Lawrence veut écarter un candidat, car celui-ci est trop conservateur. Il aurait été intéressant, dès lors, d’expliquer en quoi ce cardinal était trop conservateur par rapport aux dogmes catholiques. Or, Edward Berger choisit d’expliquer son conservatisme seulement du point de vue de l’ouverture ou non de l’Eglise aux autres religions.

En somme, Conclave est un très bon film sur les intrigues du Vatican, pas un film sur l’Eglise catholique.

Fortuné Beya Kabala

Fight Club

La violence est partout. Il est difficile de le nier. Les règles d’un système voué à te faire payer ou la dureté de la vie, avec son lot de meurtres et d’accidents, ces épreuves sont parfois trop nombreuses.

Fight Club l’illustre tellement bien. Ses propos sont toujours d’actualité. Encore aujourd’hui, son récit reste fascinant. On y suit un jeune expert en assurance insomniaque, désillusionné par sa vie personnelle et professionnelle. Ce Narrateur rencontre, par hasard, Tyler Durden, figure énigmatique et chaotique. Ensemble, ils fondent le Fight Club. En d’autres mots, ils organisent des combats clandestins, destinés à évacuer l’énergie négative des participants.

Globalement, ce long métrage est une critique du consumérisme. Le sang coule, le temps d’avouer notre petitesse face à notre confort. Il dépeint également une brutalité sociétale, où le seul exutoire possible devient la baston pure et dure. Saigner pour exister. Se sentir vivre à travers des blessures.

Il ne reste plus que cette échappatoire pour fuir les chaînes du capitalisme. Aujourd’hui, qui se plaint de son Iphone ? Comment s’en sortir sans bagnole ? Quel alien ne désire pas la 5G ?!
Fight Club fait un bien fou. Il démontre ô combien tout est calculé afin que les dominants tracent le chemin des dominés. Comment atteindre l’objectif ? Ecrire et inventer des personnages charismatiques. Le journaliste Aurélien Lemant développe l’idée. Il observe le réalisateur, David Fincher, comme un passionné de loups solitaires. Si passionné, qu’il est prêt à les filmer. Il va plus loin !

La propension à s’identifier à s’identifier aux personnages, ces êtres déphasés, toujours solitaires, ouvre un passage. Car aussi saturé que soit l’étoffe dont Fincher conçoit ses films, le train-train de ses personnages, lui, suppure un vide à investir. Et c’est là que germe toute la sensibilité du réalisateur. Tous ses personnages finissent par ruminer la vacuité de leur vie privée devant un réfrigérateur ou à rêvasser seuls, cloitrés dans leur logement désert. Leur consistance ne tient qu’à leur quête obsessionnelle.

A. Lemant (La Septième Obsession, n° 31)

Figh Club apparaît donc comme un pamphlet à lire. Ou plutôt, comme une prise de conscience nécessaire pour les esclaves du métro-boulot-dodo. La vie est trop courte pour subir autant d’obligations. Puis, si la philosophie de Tyler Durden est si démente, c’est parce qu’il symbolise aussi bien un agent du chaos, qu’un esprit libre.
Les habitudes sont dictées par des multinationales. Alors, on concocte des bombes, bousille les antennes et baise les banques. Changer nos habitudes est souvent synonyme de liberté.

En 2020, je pars découvrir l’œuvre, une seconde fois. Un pigeon bourré de laxatifs me chie dans le coup, avant la séance prévue au Churchill (Liège)… mais concluons en reprenant les paroles de Dick Tomasovic, prof de cinéma, présentant le film devant le public : « En ces temps troubles, on voudrait tous d’un Fight Club dans sa cave ».

PS : Voir une pareille tuerie, une deuxième fois, est une incroyable expérience. L’art de savourer une écriture toujours aussi folle.

brunoaleas

Marion Fritsch Interview

L’amour alimente le moteur caché en nous. Depuis 2020, Marion Fritsch partage ses poèmes sur le thème, via Instagram. L’année dernière, elle publie son premier livre, Les Fragments du Cœur. Rencontre à Paris avec l’artiste lucide et fière de ses écrits !

Les Fragments du Cœur présente 4 chapitres, une histoire d’amour divisée en 4 saisons. On commence par l’automne. En lisant tes poèmes, on entre dans ton intimité, la description de ton quotidien. A quel moment t’es-tu sentie prête à exposer ce style de poésie ?

Ma force, c’est que je ne me suis jamais posée de questions sur ce sujet. Je ne me disais jamais que c’était intime. Pour moi, c’est avant tout de l’écriture.
Finalement, pour moi, l’écriture, c’est comme une excuse. On s’autorise à pouvoir parler de choses extrêmement intimes parce que c’est avant tout de l’art et de la poésie. Et donc, c’est plus grand que moi et ma propre petite vie. Je suis juste le témoin de quelque chose qui me traverse, en l’occurrence, une émotion et un sentiment amoureux qu’on a tous connu, connaîtra, ou qu’on connaît. En fait, j’en suis une simple témoin. Je ne me demandais pas du tout comment en parler, sans que ça m’expose trop. Parce que ce n’est pas moi.

Tu préfères les œuvres où les auteurs illustrent leur intimité, facilement.

J’ai une appétence pour l’autofiction. J’aime beaucoup l’écriture au plus proche du réel, au plus proche de ce qui se passe, autant dans les faits que dans le ressenti intérieur. J’aime lire la façon dont le banal de cette vie nous traverse et ce qu’il en reste, ce que ça fait naître. Oui, j’aime beaucoup cette écriture de l’ordinaire.

Passons à la suite, l’hiver. A la page 89, tu écris : « Je me moque bien de l’avenir. C’est ennuyeux l’avenir. Moi ce que je veux c’est vibrer, voler ». Je me suis très vite arrêté sur ces phrases. Se moquer de l’avenir, c’est aussi ne pas vouloir contrôler. Crois-tu que les jeunes couples confondent aimer et contrôler ? A-t-on affaire à des personnes qui ne savent plus se surprendre ?

Cette phrase, elle m’est venue, en rencontrant une personne très légère, très volage, très relax, qui ne voulait rien calculer, qui voulait juste vivre, ici et maintenant. Elle ne communiquait pas, ne verbalisait pas et était très fuyante.
C’est tout l’inverse de moi. Je vais toujours vouloir contrôler. Ça me mettait vachement en souffrance. A un moment dans la relation, il faut, quand même, un petit peu de solide. En tout cas, à l’âge qu’on avait mutuellement, moi, ça me paraissait assez normal. Je pense que dans cette phrase là, ce que j’aborde, c’est aussi quelque chose de très générationnel. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, pour les nouvelles générations, c’est un peu tabou de parler de choses sérieuses. Il faut que les discussions restent très légères, même si c’est sérieux, en réalité. Il ne faut pas qu’il y ait trop de mots posés sur la relation. Effectivement, je pense que non, aimer, ce n’est pas contrôler. Mais on a des croyances dans cette société. Tout comme des normes sur ce qu’est le couple. Elles nous invitent à penser que l’amour, c’est être dans le contrôle et que l’amour équivaut à un cadre, celui du respect. Les nouvelles générations se confrontent entre ces croyances et ce couple très normé, la monogamie, face à cette nouvelle façon d’aborder l’amour qui est sans statut, sans propos, très ouvert, très léger.
Et qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce donc l’amour, actuellement ? Qu’est-ce qui est sain ? Qui a raison ? Qui a tort ? Il n’y a pas forcément de réponse. Ça se heurte. Ça fait des histoires comme Les Fragments du Cœur (rire).

Le regard des autres. Ce thème n’est pas tant exploité dans le livre.

Je ne me suis jamais souciée du regard des autres. Lors de l’écriture, je n’avais rien à prouver. Si on n’a rien à prouver, on peut se détacher de la pression sociale. J’ai des valeurs et idéaux découlant d’un schéma familial. Inconsciemment, j’ai vu ensuite l’amour et désamour, selon mon idée du couple monogame et banal. Je ne suis pas enfant de parents divorcés. Je ne sais pas comment vivent ces enfants. Ils ont peut-être un rapport à l’amour et aux relations beaucoup plus ouvert, voire, désengagé. On ne sait pas à quel point une rupture peut nous impacter. En tout cas, quand on aborde l’amour, on l’explique bien plus d’après notre enfance. Et bien moins selon la question sociale. 

C’est l’heure du printemps. Page 128 : « Je rêve chaque jour d’être consolée, par la même personne qui m’a brisée ». Et page 15 : « En premier lieu, tu tombes toujours amoureux d’une faille qui s’imbrique parfaitement, secrètement, intimement avec la tienne ». Il semble que la boucle soit bouclée. Comme si le physique d’une personne passait en second plan, derrière les faiblesses. 

Quand j’écrivais cette histoire, elle s’inspirait d’une rencontre assez inexpliquée et inattendue, que ce soit physique ou psychique. C’était quelqu’un qui ne correspondait pas à mes attentes. Avec du recul, notre relation reposait vraiment sur nos failles communes. Évidemment, il y a l’admiration de l’autre. Mais il y a aussi, les blessures. Ce sont des blessures qu’on trouve belles. Je crois que c’est ça, l’amour. C’est vraiment quand tu réussis à trouver l’autre beau, même dans ses faiblesses. Ça, c’est pour la première phrase lue. 
Quant à la deuxième, ma meilleure amie dit souvent : « On ne pas être le poison et l’antidote ». Quand je rêve chaque jour d’être consolée par la personne qui m’a brisée, ça se réfère à l’instant où t’es au fond, dans un chagrin amoureux très profond. Néanmoins, tu rêves d’une chose, voir arriver cette personne, qui te fout en vrac, pour te consoler. C’est schizophrénique. Moi, je me revois, et je pense que je ne suis pas la seule, à me faire des films, à presque souhaiter qu’il m’arrive une tuile pour que cette personne puisse débarquer dans ma vie et qu’il y ait prétexte à ce qu’elle y revienne. On l’a tous plus ou moins vécu. Ça nous a tous, plus ou moins, traversé. C’est le propre du chagrin amoureux. Cette personne nous faisant tant sourire et sourire, au début, devient l’objet de tous nos maux.

Terminons avec l’été. Cette saison me rappelle les plages italiennes et Rome. J’ai découvert ton univers via une vidéo publiée sur Insta, quand tu présentais Un amour pour rien. Aimerais-tu écrire comme l’auteur de ce un roman, à la façon de Jean d’Ormesson ?

Je suis dans la poésie. Pourquoi pas se lancer dans un roman. Bref, je n’ai pas fini d’explorer ma poésie pour le moment. Ça ne fait que commencer. L’amour sera toujours quelque chose qui traversera mes textes. Je suis née pour parler d’amour. Pas seulement l’amour amoureux. L’amour, ça, oui. C’était le tout premier sujet qui me qui me venait dans mon début de carrière. C’est un peu le sujet qui nous bouscule tous. Maintenant, j’ai l’impression d’avoir envie de parler d’autres choses. Et je sens que c’est quelque chose qui m’appelle. Il y aura toujours à un moment, une histoire que je vivrai, à raconter amoureusement. Mais je n’ai spécialement pas le désir de reparler de ça. C’est comme si j’avais fait le tour. J’ai l’impression d’avoir complètement essoré le sujet, autant dans le livre que sur les réseaux.

Interview organisée par brunoaleas (2025)

La Rivière donne le sourire ?

La Rivière est le nom de deux musiciennes composant des mélodies entêtantes. Trompette, guitare, piano, elles jouent pour un univers doux-amer. Comme si Pomme et l’Orient n’étaient pas très loin. Leur communiqué de presse nous en apprend davantage. « Je te laisse le Soleil » est un hymne aux périodes de tristesse, d’abattement, pour s’immerger complètement dans ses fardeaux personnels, avec douceur et lucidité.

Le duo belge donne le sourire ? Oui. Le sourire d’une personne acceptant le destin, mais aussi ses aléas. Le sourire d’une âme en peine, ne cherchant pas à savoir quand la douleur s’arrête, mais à surmonter l’épreuve, sans jamais oublier.

Puis, quelle joie de revoir Bini. Cette artiste livre, une fois de plus, une poésie légère. Ses paroles rappellent souvent la pensée de Baruch Spinoza (1632-1677) : il n’y a ni Bien, ni Mal, seulement du bon et mauvais. Vigilance et nuance sont mots d’ordre. Surtout quand de pseudos-érudits s’adonnent à l’essentialisme. L’humain n’est ni bon, ni mauvais par Nature. On laisse à ces individus les oiseaux, les plages, le Soleil, pour méditer sur la complexité de la vie.

Et la musique là-dedans ? Elle demeure un pont entre nos voix et émotions profondes… La Rivière le prouve en une seule chanson.

brunoaleas – Photos ©Lauren Pearson & ©Gaetan Streel

LA DURE A CUIRE #132

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la plus douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist !

TURNSTILE

You move and I swing, you move and I swing
And now my heart is hanging by a thread
Now my heart is hanging by a thread

FRAGILE

Peigner des tableaux de vies avec les gens. Tel est l’objectif du nouveau clip de FRAGILE. On ressent l’urgence, mais aussi, l’envie de danser, sans jamais s’arrêter.

HOON

HOON est l’enfant caché d’IDLES ? Un test sanguin est nécessaire. Ou une collab’ entre les deux groupes. Pourquoi ? Pour le plus grand bonheur de nos oreilles.

Degeyter

Désinvolture. Energie imprévisible. Rock. Voici Degeyter.

brunoaleas

LA DURE A CUIRE #131

La Dure à Cuire est un concept né en 2018. Commentons l’actualité rock de la plus douce, à la plus brutale. Puis, écoutons sa playlist !

Finn Wolfhard

Djo, Maya Hawke, et bien sûr, Finn Wolfhard ne sont pas de simples acteurs. Stranger Things est un show dévoilant de vraies pépites artistiques. Happy Birthday sera le premier album de Mike Wheeler, emdéher. Il sort bientôt. Bref, hâte d’écouter le rock basique, mais accrocheur, de Finn !

The Fearless Flyers

Vulfpeck n’est pas le seul projet gravitant autour des membres. The Fearless Flyers vole grâce aux compositions toujours aussi folles du bassiste Joe Dart et guitariste Cory Wong. Ils sont accompagnés de Nate Smith et Mark Lettieri, autres musiciens géniaux ! Le cocktail est ouf. Au point d’offrir un ticket pour le Moyen-Orient via « The Warped State of… ».

DC Lou

Alerte à tous les fans de Cosmo Pyke et King Krule ! DC Lou n’est pas seulement journaliste chez Jam. Elle dépasse les fréquences radiophoniques pour jouer un rock léger et mélodieux.

elie zoé

Que se passe-t-il en Suisse ? Du beau monde se réunit pour le meilleur. Elie zoé compose un titre en deux parties. « Change my name » partage une énergie indéniable. La recette, la voilà : le jeu à vif du batteur Luc Hess (Coilguns, Beurre), se conjuguant à la mastérisation de Johann Meyer (Gojira, Grammy Awards 2025). De quoi détruire son jardin pour ensuite planter les plus belles roses.

brunoaleas

Amano et l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle… vaste sujet. Progrès scientifique pour certains, malédiction du siècle pour d’autres. Petite clause de non-responsabilité : je ne suis ni pour, ni contre cette nouvelle technologie.

Constatons tout de même la pertinence de l’IA dans la médecine. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale de France nous éclaire. Tentons d’expliquer le rôle des applications de deep learning. Ces réseaux neuronaux artificiels forment de nombreuses couches pour résoudre des tâches complexes. Elles traitent des images.
Ensuite, elles repèrent de possibles mélanomes sur les photos de peau ou dépistent des rétinopathies diabétiques, sur des images de rétines. Leur mise au point nécessite de grands échantillons d’apprentissage. 50 000 images dans le cas des mélanomes, et 128 000 dans celui des rétinopathies. Elles ont été nécessaires pour entraîner l’algorithme à identifier les signes de pathologies. Pour chacune de ces images, on lui indique si elle présente ou non des signes pathologiques. A la fin de l’apprentissage, l’algorithme reconnaît, avec performance, de nouvelles images présentant une anomalie !

Là où l’IA fait mal, se situe en dehors du secteur médical. C’est honteux de l’utiliser pour un vol de données. Par après, les dérives sont nombreuses. Ainsi, combien de personnes clament haut et fort que les robots remplaceront les artistes ?! Trop. Est-ce audible ? Non. Il y en a marre. La force d’un artiste réside dans sa singularité. Personne ne remplacera les aquarelles de Gipi. Personne ne peindra comme Jean-Michel Basquiat. Leur patte est unique. Puis, la machine ne captera pas les subtiles sensibilités des humains, de l’ironie à la tristesse pure.

Un autre artiste me rappelle à quel point un univers ne sera jamais copié à la perfection. L’imaginaire de Yoshitaka Amano est fou ! Il est honoré au Museo di Roma. Je découvre alors l’exposition nommée Amano Corpus Animae (visible jusqu’en octobre).
Le dessinateur naît en 1952, au Japon. En 1987, les créateurs de Final Fantasy, Squaresoft, font appel à lui pour donner corps à leur grande saga. Le but ? Etre un franc concurrent à Akira Toriyama. Ce mangaka, connu pour être le papa de Dragon Ball, fut aussi character designer de Dragon Quest.

Mais Amano ne s’arrête pas là ! Une expo lui est dédiée à New York, où il ouvre d’ailleurs un studio, en 1997. En 2019, il réalise une couverture pour Vogue. Il surprend encore, en introduisant un nouveau perso dans Fortnite, en 2023. Un an plus tard, le Japonais fait une halte à Lucca Comics, le plus grand festival de BD d’Europe.

Avril 2025. Me voici donc à une exposition dans le centre romain, inspirée par le festival de Lucca. J’y suis par hasard. Coïncidence de malade. Chance inouïe. Est-ce une expérience inoubliable ? Assurément. Je reste bouche bée, à chaque pièce. Les installations m’impressionnent. Les œuvres sont aux murs, en aluminium, et la musique rythme la promenade. L’ambiance est si agréable.
Fabio Viola, curateur de l’expo, résume parfaitement l’une des forces d’Amano. En se penchant sur ses illustrations, on y découvre leur complexité. On y aperçoit un dualisme prononcé. A savoir, le mélange entre des œuvres lisibles à distance et complexes de plus près.

Désormais, posons la vraie question. Pourquoi l’intelligence artificielle ne rivalisera jamais avec un artiste de cet acabit ?

Primo, sa patte est ultra reconnaissable, la marque des génies. Secundo, les meilleurs musiciens, peintres, écrivains ou autres esthètes, suivent souvent une seule volonté : savoir se réinventer. Yoshitaka Amano ne se voile pas la face. Il témoigne pour un livre splendide, The Art of Yoshitaka Amano. A Visionary Master (2025).

J’ai vu de nombreux artistes piégés dans leur propre style et je crains toujours ce piège.

Il ajoute une pensée merveilleuse à ce constat. D’année en année, le maître ne se décourage pas. Il continue à tendre vers des mondes inexplorés. Il travaille obstinément sur de nouveaux défis.

Le voyage de l’art, avec ses infinies possibilités, m’inspirent à explorer encore et à pousser les confins de l’imagination collective.

brunoaleas – Illustrations ©Museo di Roma & Y. Amano