Alien Covenant

Six ans après le souvent injustement critiqué Prometheus et un an et demi après l’excellent The Martian, Ridley Scott revient sur la saga qui lui a permis de se faire connaître du grand public. C’était en 1979, et la science-fiction au cinéma n’a plus jamais été la même. Au même titre que Star Trek et Star Wars, Alien, le huitième passager constitue une pierre angulaire dans la popularisation de la science fiction en tant que genre cinématographiques, et tout comme ces deux sagas, Alien a droit à son retour en grandes pompes dans le Hollywood des années 2010, avec son géniteur à la barre.

CRITIQUE AVEC SPOILERS

Les Duellistes, Alien, Blade Runner, Thelma et Louise, Black Hawk Down,… Au compteur, les succès de Ridley Scott sont nombreux. En tout juste quarante ans de carrière le Britannique a su imposer son esthétique et ses obsessions en trouvant toujours, de ses propres dires, un équilibre entre art et divertissement. Et c’est peut-être cela qui fait son succès: le fait qu’il soit l’archétype de cet auteur souhaitant s’adresser au plus grand nombre, n’oubliant jamais les impératifs économiques que doit remplir un film. C’est, sans surprise, que l’on retrouve cette structure dans Alien Covenant.

Car la première partie de Covenant, agréable à suivre, ne démarre pas moins brutalement. In media res, l’équipage du vaisseau colonisateur Covenant doit faire face à la perte de leur capitaine, mari de ce qui semble être l’héroïne de cet opus, Daniels, interprétée par Katherine Waterston. Après la découverte de ce qui semble être un paradis perdu, sublimée par la mise en scène du génie britannique, Scott nous met face aux véritables héros de ce Covenant, David, l’androïde désormais démiurge de Prometheus, Walter, double bienfaisant de David, et bien entendu, les vicieuses créatures si chères à la saga. Et c’est véritablement ce noyau qui est fascinant mais également terrifiant; David est désormais un héros romantique, à mi-chemin entre Faust et la créature de Frankenstein: véritable démon magnifique. Incarné par un non moins sublime Michael Fassbender, le personnage que Scott aime le plus, qui n’est pas sans rappeler le personnage de Roy Batty de Blade Runner. A travers ce personnage est développée la thématique cardinale de Prometheus et de cette saga en devenir: la Création. Et c’est après une extraordinaire scène montrant une conversation, brillante d’écriture et de mise en scène, entre les deux frères que le film se met à décliner.

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En effet, en plus de détruire tout le potentiel d’une véritable suite à Prometheus en sacrifiant, littéralement, le peuple des Ingénieurs, Covenant laisse en suspens tout le potentiel extraordinaire de la première partie. La misanthropie et le pessimisme de Scott reprennent le dessus, lui qui avait réalisé avec The Martian un extraordinaire feel-good movie spatial, se met du côté des créatures infernales et de David pour massacrer brutalement tous ses personnages, ces pionniers optimistes bercés par l’espoir de trouver un nouveau monde. Véritable démonstration choc d’un procédé cathartique, une purge de tous les bons sentiments que pouvaient procurer The Martian. Pourtant, cela ne suffit pas à rendre cette deuxième partie intéressante. Cependant, Scott ne se repose pas sur ses lauriers et prend le parti pris de montrer sans détour l’Alien, ce qui offre des moments jamais vus dans la saga, mais qui hélas ne servent pas grand chose d’autre qu’une boucherie gratuite sans grand intérêt. D’ailleurs, sans grand intérêt est également la partition de Jed Kurzel, reprenant sans inspiration les thèmes du premier Alien de Jerry Goldsmith.

Miroir complètement misanthrope, pessimiste et violent de son The Martian, Alien Covenant est un film au potentiel gâché, tout en étant intéressant une fois replacé dans la filmographie de son auteur. A la première partie fascinante qui porte le film à bout de bras, succède un série B que l’on croirait tout droit sortie des années 70, accompagnée d’effets spéciaux achevés par-dessus la jambe. Heureusement que l’inégalable talent de la mise en scène du Britannique et Michael Fassbender sauvent les meubles de cette deuxième partie qui sacrifie toute la richesse de la première heure sur l’autel du fan service, couplé à un procédé de teasing des suites que Marvel n’aurait pas renié. Il est regrettable de constater que Ridley Scott veuille établir toute une nouvelle saga, alors qu’il n’est plus tout jeune faut-il le rappeler, au lieu de se concentrer sur ses multiples projets, dont un western et un film de guerre traitant de la Bataille d’Angleterre.

Clément Manguette

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